Communications affichées Autisme et pathologies associées, illustration dans une institution pour enfants autistes G France Lesot1, psychologue ; Régis Brunod2, pédiatre et pédopsychiatre ; Danièle Caucal2, psychomotricienne et chef de service ; l’Equipe de l’IME « Notre Ecole »2 râce à l’ouverture d’une structure pour adolescents et adultes autistes dans le département, vingt nouveaux enfants ont pu être admis à l’Institut Médico-Educatif « Notre Ecole » de SainteGeneviève-des-Bois dans l’Essonne au cours de l’année scolaire 2005-2006. Mots clés : autisme, Cet établissement est pathologies associées, spécialisé dans l’acinstitution spécialisée, retard mental, cueil des enfants avec diagnostic autisme. Nous avons profité de cet « effet de groupe » pour explorer chez ces enfants les « appellations diagnostiques » proposées à la Commission Départementale de l’Education Spécialisée (CDES) avant leur admission, l’intensité de leur symptomatologie autistique, leur niveau de développement et d’éventuelles pathologies associées identifiées. Méthodologie Nous avons regroupé dans un tableau les éléments suivants : ●Les termes diagnostiques proposés à la CDES lors de la demande d’orientation de l’enfant. Deux remarques à ce sujet : plusieurs professionnels pouvaient être amenés à donner leur avis pour un même enfant, mais pour aucun d’eux il n’était demandé formellement de diagnostic (pas même sur la fiche médicale du dossier). ●L’âge chronologique et l’âge de développement (évalué par le PEP-R à l’entrée de l’enfant à l’IME). ●L’intensité de la symptomatologie autistique évaluée par la CARS au cours de la première année à l’IME. ●Les éventuelles pathologies associées ou remarques du même registre (apparaissant dans les dossiers médicaux des enfants). 62 Résultats Ils sont présentés dans le tableau (voir en annexe). Analyse des résultats Le sex-ratio est de 6 garçons pour 1 fille, légèrement supérieur aux données épidémiologiques générales. Le nombre total d’appellations diagnostiques formulées est de 33 pour les 20 enfants. Parmi celles-ci, 14 chez 12 enfants pour lesquels apparaissent les termes « autisme » ou « autistique », et 5 chez 5 enfants où est mentionné un « Trouble Envahissant du Développement » (dont 1 précise « TED de type autistique »). Au total ce sont 16 enfants sur les 20 pour lequel le diagnostic d’autisme ou de TED a été suggéré à la CDES. Il n’y a que dans 4 cas chez 4 enfants où il est fait mention d’un retard mental ou d’un déficit intellectuel (sinon on parle de « retard psychomoteur » ou de « retard de développement »). Ce n’est que pour 3 enfants que l’association de l’autisme et du retard mental est clairement mentionnée. L’âge civil des enfants au moment de l’évaluation allait de 4 ans 1/2 à 12 ans avec une moyenne à 9 ans, 14 enfants sur les 20 ayant entre 8 et 10 ans (70%). L’âge de développement (évalué avec le PEP-R) montre un retard massif du développement avec un âge moyen à 2 ans 2 mois. Sur les 20 enfants, 9 (45%) présentaient un âge de développement inférieur à 2 ans, le plus faible se situant à 1 an 2 mois, 10 (50%) se situaient entre 2 et 3 ans, et 1 seul (5%) présentait un niveau de développement supérieur à 3 ans, soit à 4 ans et 5 mois (il s’agit d’une fillette de 10 ans présentant un score de 42 à la CARS). L’intensité de la symptomatologie autistique (évaluée à l’aide de la CARS) est en moyenne de 37.5, c’est-à- 1 IME « Notre Ecole », 2 bis rue de l’Eglise, 91700 Sainte-Geneviève-des-Bois, France, e-mail : [email protected] 2 IME « Notre Ecole », 2 bis rue de l’Eglise, 91700 Sainte-Geneviève-des-Bois, France le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) Communications affichées dire à la limite entre « moyennement » et « sévèrement autistique ». 4 enfants (20%) ont un score inférieur à 30 (« non autistique »). Parmi ces 4 enfants, 3 ne présentent pas les signes cliniques d’un autisme typique ou atypique mais ceux d’un retard mental grave isolé, tandis que le 4ème évoque plus un autisme atypique ; 3 enfants (15 %) ont un score entre 30 et 38 (« légèrement à moyennement autistique ») ; et enfin 13 (65%) ont un score au dessus de 38 (« sévèrement autistique »). Recherche de pathologies associées ●Au niveau de l’enfant lui-même : pour 2 enfants il n’y a eu aucune recherche et pour 4 le bilan de base (audition, neuropédiatrie, génétique) était incomplet (chez 5 enfants la génétique n’a pas été explorée). Une pathologie associée a été découverte chez 5 enfants (antécédent de prématurité, anomalie de la substance blanche non étiquetée, atteinte neurologique non identifiée, gigantisme cérébral, embryofoetopathie cliniquement très probable). Aucune anomalie chromosomique n’a été décelée chez les 15 patients explorés. ●Au niveau de la famille : on trouve un frère souffrant d’un syndrome d’Asperger et 3 frères ou sœurs ayant un trouble du développement non précisé. A relever 4 situations de consanguinité (parents cousins germains dont une fois doublement cousins germains). Contexte culturel : à noter que du fait de notre aire de recrutement de la grande banlieue parisienne, dans 16 situations les parents ont grandi dans un milieu culturel différent du contexte actuel de prise en charge de leur enfant. Discussion Nous n’avons pas d’hypothèse particulière pour expliquer la surreprésentation masculine en dehors de l’éventuelle plus grande fréquence des troubles du comportement chez les garçons. On constate que pour 8 des 20 enfants (40%) orientés par un organisme officiel (la CDES) vers un établissement spécialisé pour la prise en charge des enfants avec autisme, les mots « autisme » ou « autistique » n’apparaissent pas, et à l’entretien d’admission un papa était même surpris de découvrir ce mot pour la première fois à propos de son fils. Le retard mental est encore plus rarement mentionné en tant que tel. Pour 16 enfants (80%) ce n’était pas le cas alors que l’âge de développement moyen de la population est de 2 ans 2 mois pour un âge civil moyen de 9 ans (celui-ci est lié à nos âges d’admission). Il est difficile de pouvoir traduire cette importante différence en termes de Quotient de Développement (QD) pour chaque enfant en l’absence d’outil validé, mais la constatation que 19 enfants (95%) aient un âge de développement inférieur à 3 ans situe bien le niveau possible des interventions éducatives. Ce bas niveau de développement est directement lié au recrutement de notre établissement, mais il est d’importance capitale dans les perspectives d’apprentissages des enfants à court et moyen termes. Chez quatre enfants, les termes d’« autisme » ou de « TED » ne sont pas retrouvés dans la demande d’orientation. Parmi ceux-ci, 3 ont un score inférieur à 30 à la CARS et souffrent d’un retard mental isolé, le quatrième score à 41 et présente les critères diagnostiques de l’autisme. Ces constatations de l’absence d’éléments diagnostiques relatifs à l’autisme pour ces enfants soulèvent alors la question de la prise en charge spécifique de ceux-ci au sein de notre établissement, spécialisé dans l’accueil d’enfants atteints d’autisme. Notons par ailleurs que la moyenne des intensités de la symptomatologie autistique pour les 20 enfants se situe juste à la limite entre moyenne et sévère sur la CARS, mais si on retirait de cette moyenne les scores des 3 enfants ne présentant pas les critères diagnostiques de l’autisme, elle se situerait nettement dans la zone sévère, au score de 40. Ce chiffre montre l’importance de l’utilisation de stratégies éducatives appropriées à cette symptomatologie. Nous n’avons pas connaissance d’outil permettant d’établir un lien entre l’intensité de la symptomatologie autistique et le retard de développement, mais il faut bien constater que les deux sont fortement présents dans notre population sans que le retard mental soit fréquemment ou facilement attribuable à une pathologie associée. Pour ce qui est des pathologies associées, il est à noter le fait inhabituel de l’absence d’épilepsies dans cette population. On retrouve 4 enfants (24%) avec des pathologies associées chez les 17 présentant les critères diagnostiques de l’autisme, sans que l’on puisse dire quelque chose à propos des liens avec la symptomatologie autistique. Aucune anomalie génétique spécifique n’est révélée, mais à noter la présence de troubles du développement dans la fratrie pour 4 enfants sur les 17 (24%). Il est difficile d’apprécier l’importance du facteur liens de consanguinité dans les familles en l’absence de connaissance de la fréquence exacte de ce phénomène dans les divers milieux socioculturels d’origine des parents. Conclusion Cette observation clinique d’un échantillon de vingt enfants avec autisme admis dans une institution spécialisée nous montre que derrière l’autisme, nous sommes confrontés à des situations très différentes (profils cliniques différents, présence d’éventuelles pathologies associées). Ce fait souligne l’importance de projets éducatifs et de prises en charge individualisés. Nous constatons par ailleurs qu’à l’IME « Notre Ecole », le retard mental associé à la pathologie autistique est marqué, ce qui caractérise une des réalités de la population accueillie et qui est à prendre en considération quant aux interventions éducatives à mettre en place. Une autre réalité concerne le constat d’incomplétude des bilans. De ce fait, certains enfants qui n’avaient pas eu de bilan diagnostique et dont l’intensité de la symptomatologie autistique s’est révélée non significative à la CARS le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) 63 Communications affichées (après coup), ont été admis à l’IME. Ce point soulève une interrogation quant à l’orientation de ces enfants vers notre établissement. Enfin, cette étude nous offre des données de base qui nous permettront de suivre l’évolution de ces vingt enfants dans les prochaines années. Il nous sera alors possible, de manière longitudinale, d’observer s’il semble exister un lien entre le niveau de développement de l’enfant et l’intensité de la symptomatologie autistique : autrement dit, est ce que des enfants ayant un niveau de développement similaire mais une intensité de la symptomatologie autistique différente à un temps t, évoluent de la même manière ? Bibliographie Caucal, D. et Travers, S. (2000). Autisme et psychomotricité : l’exemple de l’institut « Notre Ecole ». Evolutions psychomotrices, vol 12, n°49, 134-148. Desombre, H. et al. (2006) Autism and developmental delay. European Child and Adolescent Psychiatry, vol 15, n°6, 343351. Saillour, A. (2004) L’âge scolaire en structure d’éducation spécialisée : l’IME « Notre Ecole » de Sainte-Geneviève-des-Bois. Intervention lors du congrès d’Autisme France 2004, C’est possible en France : expériences et réalisations. Schopler, E. (1994) Profil Psycho-Educatif (PEP-R). Traduit de l’anglais par Chantal Tréhin. DeBoeck Université. Schopler, E. (1988) Echelle d’évaluation de l’autisme infantile (Childhood Autism Rating Scale : C.A.R.S.). Traduit de l’anglais par Bernadette Rogé. Ed. EAP. Age de dévloppement (au PEP-R) à l’entrée à l’IME Diagnostics proposés à la CDES (Terminologie) Age chronologique Sexe Annexe : Tableau présentant le sexe, l’âge chronologique, l’âge de développement, le (ou les) diagnostic(s) proposé(s),l’intensité de la symptomatologie autistique et d’éventuelles pathologies associées pour chacun des 20 enfants Intensité de la symptomatologie autistique (CARS) au cours de la 1ère année à l’IME 7;6 1;11 41 Antécédent de prématurité : Terme=29semaines ; Poids de Naissance=930g 12;3 2;1 44 Aucune après bilan 10;2 4;5 42 Anomalies de la substance blanche non étiquetées à l’IRM 8;6 2;5 45 Enfant D Lettre médecin du CAMSP décrivant retard du développement sans G diagnostic, Trouble de la personnalité (psychologue scolaire), Trouble de la communication (médecin scolaire) G TED de type autistique (hôpital de jour) Syndrome autistique (médecin scolaire) F Retard de développement associé à des signes autistiques (bilan hospitalier) G Autisme (CMPP) Enfant E G Dysharmonie psychotique avec retard du développement (CMP) 7;7 2;10 21 Enfant F G Retard mental avec des traits autistiques (bilan hospitalier) 4;6 1;5 40,5 2;5 24 1;5 41,5 2;5 24 Enfant A Enfant B Enfant C Troubles autistiques (médecin scolaire), 8;5 Retard psychomoteur (neuropédiatrie) Retard psychomoteur et troubles du Enfant H G comportement (pédiatrie), Troubles 11;11 autistiques (SESSAD) Retard intellectuel (pédiatrie), Enfant I G Angoisse de séparation et phobie 8;4 des étrangers (CMP) Enfant G G 64 Pathologies associées éventuellement découvertes Aucune recherche effectuée Aucune après bilan Consanguinité (parents cousins germains), Troubles du développement chez un frère Aucune après bilan Consanguinité (parents cousins germains) Aucune après bilan Mais génétique non explorée Aucune après bilan Mais forte consanguinité des parents (2 fois cousins germains) Aucun bilan réalisé Gigantisme cérébral découvert à l’admission le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) Enfant J Retard psychomoteur G (médecin scolaire) Psychotique (CAMSP) Age de dévloppement (au PEP-R) à l’entrée à l’IME Diagnostics proposés à la CDES (Terminologie) Age chronologique Sexe Communications affichées Intensité de la symptomatologie autistique (CARS) au cours de la 1ère année à l’IME Pathologies associées éventuellement découvertes Aucune après bilan Mais génétique non explorée Consanguinité (parents cousins germains) Anomalies du développement chez une sœur ? 11;2 2;5 29,5 10;0 2;1 32 Aucune après bilan 9;2 2;6 37 Aucune après bilan 8;6 2;7 44 Aucune après bilan 1 frère Asperger 9;10 2;10 39,5 Enfant O G Autisme atypique (bilan hospitalier) 8;10 1;9 44 Enfant P G Troubles autistiques (CMP) 9;7 1;8 40 Troubles autistiques (médecin scolaire), Enfant Q G Autisme dans une forme plutôt légère (bilan hospitalier) 9;2 1;5 41 Enfant K G Psychotique, Troubles envahissants du développement (hôpital de jour) Gros trouble de la personnalité avec retard de paroles et de langage Enfant L G (médecin scolaire), Grave échec psychologique (CAMSP), Trouble de développement et de langage (pédiatrie) Retard de développement Enfant M G très hétérogène s’inscrivant dans le cadre d’un TED (bilan hospitalier) Enfant N F TED (CMPP) Enfant R G Trouble autistique et retard mental sévère (hôpital de jour) 8;3 1;2 41,5 Enfant S F TED de type autistique avec retard mental hétérogène (bilan hospitalier) 9;0 1;6 47 Enfant T Retard du développement et troubles G graves de la communication (CMP), Autisme (bilan hospitalier) 5;10 1;6 33 Aucune après bilan Mais génétique non explorée Aucune après bilan Mais génétique non explorée Nombreuses fausses couches spontanées précoces chez la mère Aucune après bilan Retard staturo-pondéral et dysmorphie évoquant fortement une pathologie génétique non identifiée (grands parents paternels cousins germains) Atteinte neurologique non identifiée Aucune après bilan Un frère jumeau (HZ) : trouble du développement sans autre précision Aucune après bilan le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) 65