Les études comparatives berbères à travers la revue

publicité
Les études comparatives berbères à travers la revue
Etudes et Documents Berbères
Ramdane Boukherrouf
Laboratoire D'Aménagement et d'Enseignement de la Langue Amazighe
Département de Langue et Culture Amazighes
Faculté des Lettres et Langues
Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou
[email protected]
0. Introduction
Le domaine de la linguistique diachronique berbère demeure le parent pauvre des études de
linguistique berbère. Les pionniers des travaux de comparaison des différents dialectes du
domaine berbère sont caractérisés par les travaux de René Basset (1887) et d’André Basset
(1929 et 1952). Ce dernier, en se basant sur la comparaison des parlers berbères, a dégagé le
système phonologique du berbère. Les seules études consacrées entièrement à la
reconstruction phonologique du berbère sont celles de K. G. Prasse, (1969), l’origine du « h »
touareg et de M. Kossmann (1999) le système phonologique du protoberbère.
Ce manque d’intérêt accordé à ce domaine s’expliquerait par l’inexistence de formes
anciennes de la langue sur lesquelles les linguistes pourront se baser pour expliquer
l’évolution et les différents changements qu’a connus la langue berbère à travers l’histoire.
Toutefois, en raison des conditions sociohistoriques, les différents dialectes ont connu des
évolutions et des conservatismes distincts.
Comme démarche alternative, Les linguistes
berbérisants s’appuient justement sur la comparaison des formes attestées dans les différents
dialectes et parlers pour expliquer les différents niveaux des changements linguistiques
comme le montre Salem Chaker (1996 : 47).
En matière de diachronie, il convient de rappeler qu’en l’absence presque complète de témoignages directs des
formes anciennes de la langue, toute reconstruction est nécessairement hypothèse. Elle doit s’appuyer sur la
comparaison des formes attestées dans les différents dialectes, selon la méthode de la reconstruction interne. Sa
validité ne peut s’apprécier qu’en fonction de critères de cohérence interne : principalement le pouvoir explicatif
du modèle, qui doit permettre de rendre compte de l’ensemble des faits connus, secondairement sa simplicité.
La revue Etudes et Documents Berbères est une référence incontournable dans les
différentes spécialités du domaine berbère. A traves ses différents numéros, la revue a le
mérite de mettre à la disposition des chercheurs berbérisants, un espace de débat et d’échange
d’une part, d’autre part, elle a pu s’ouvrir sur les études comparatives entre les différents
dialectes berbères.
1
Dans la perspective de standardisation du berbère, les études comparatives des
différents dialectes peuvent nous renseigner sur l’évolution qu’a connue le berbère dans les
différents domaines (phonétique, phonologique, morphologique, sémantique et syntaxique).
Dans notre contribution, nous voulons participer à votre colloque avec une tentative de
faire le point sur le rôle de la revue Etudes et Documents berbères dans la prise en charge des
études diachroniques et comparatives en berbère. Suivant l’ordre chronologique, nous nous
proposons dans notre travail, de présenter les différentes contributions en la matière en
mettant en exergue le (s) ou /et domaine(s) étudié (s), les dialectes étudiés et les différentes
approches adoptées.
1. Le berbère : Aire géographique et considérations sociolinguistiques
La langue berbère est parlée dans un vaste territoire géographique immense qui s’étend tout
au bord de la méditerranée méridionale jusqu’à l’océan Atlantique. Ellecomprend le Maroc,
l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, l’oasis de Siwa et d’autres pays comme la Mauritanie, le Mali,
le Niger, Burkina-Faso, le nord du fleuve du Sénégal et les Iles canaries.

Maroc :
Caractérisé par trois dialectes principaux : Tachelhit au sud, tamazight au centre et tarifit
au nord.

Algérie :
-
Kabylie (Est d’Alger) et lesAurès (fait frontière avec la Tunisie), au sud : le Mzab
(centre), Wargla-Oued Ghir (est), les îlots d’oasis du Touat de Gourara (ouest) et
Ksour du sud oranais (nord).
Le touareg : Englobe : La Lybie, l’Algérie, le Mali et le Niger.

Tunisie : L’ile de Djerba et habitant du sud.

Lybie : Ghadamès, Sokna, Awjila, Adrar n Infusen.

Egypte : Siwa (Nord occidental)
2
II. L’appartement du berbère à la famille chamito-sémitique
Les chercheurs berbérisants (Galand 1983) admettent que le berbère appartient à la
branches de la grande famille linguistique chamito-sémitique (ou "afro-asiatique", qui comprend, outre
le berbère : le sémitique, le couchitique, l'égyptien (ancien) et le tchadique.
Chaker (1990) examine dans une perspective comparative avec le sémitique quelques points
dusystème "berbère commun" : des paradigmes grammaticaux, les données essentielles de la
formation du mot (nom/verbe), le système phonologique fondamental et le lexique (sous la forme de
listes-tests), certains aspects de syntaxe de la phrase : ordre des constituants par exemple, ou relations
prédicat/actants.

La racine :
Le sémitique est caractérisée par une forte majorité de racines lexicales trilitère. Le berbère
est caractérisé aussi par une prédominance de racines trilitères même si le nombre de bilitères
et monolitère n’est pas négligeable.

La formation du mot : Racine/Schème/Thème
La formation des lexèmes (nom /verbe) en sémitique et en berbère est assurée par
l’association d’une racine (consonantique) et d’un schème vocalique verbal ou nominal avec
l’association des morphèmes affixés.

Le système verbal
Le système verbal commun présente de similitudes importantes avec le sémitique.
Aoriste
~
y-azzel : il court

Prétérit
y-uzzel : il a couru
Les indices de personne :
La comparaison du berbère avec le sémitique a dégagé de larges les rapports : 5 sur 7 des
formes fondamentales sont identiques

Les pronoms personnels affixes
Le berbère et le sémitique présentent de forte ressemblance en matière de pronoms personnels
affixés au verbe et au nom.
3
III. Essai Classification des dialectes berbères
La classification des dialectes berbères est dominées par deux approches principales :
Historique et linguistique :
III. 1. La classification historique
Ibn Khaldoun dans son ouvrage « L’histoire des berbères » distingue deux groupes berbères :
Le groupe Zénète qui descend de Madghis (Butr), et le groupe Senhadja qui descend de
Branès. L’auteur montre que selon la plupart des généalogistes, les Beranis forment sept
familles : Les Azdadja les Masmuda, les Auriba, les Adjisa, les Ketama, les Sanhadja, les
Aurigha et les Butr, descendants de Madghis Al Abter forment quatre grandes familles : Les
Addasa, les Nefusa, les Darisa (Zénète) forment la famille de Yahya, fils de Dari qui compose
la tribu de Zenata, et les enfants de Luwa l’ainé.Comme les tribus : Senhadja / Zénète sont les
plus remarquables par leur nombre et leur puissance, elles sont considérées comme une
origine des berbères.
III. 2. La classification linguistique :

René Basset (1887)
L’auteur distingue :
Des dialectes forts (caractérisés par l’articulation des occlusives) : Touareg du Nord, Zouara,
Chelha, Ghadamès, Syouah, Kçours du Sud Oranis, Beni-Iznacen.
Des dialectes faibles (caractérisés par l’articulation des spirantes) : Touareg des
Aouelimmiden, Zénaga, et probablement Guanche.
Des dialectes intermédiaires (caractérisés par l’articulation des occlusives et des spirantes) :
Rifain, Zenatia des Beni-Menacer, du Mzab, de l’oued Righ, Chaouia, TagourjelentKeloui.
Cette classification n’est que provisoire, comme il l’a nommée.

Edmond Destaing (1920)
L’auteur a proposé une classificationclassification des dialectes du Maroc en se basent sur des
critères non seulement phonologiques comme il a fait René Basset, mais il a tenu en compte à
la morphologie, la syntaxe. Il a pris aussi un échantillon du vocabulaire. A partir de ces
critères pris en considération, il distingue deux groupes de parlers berbères qui contiennent
des sous-groupes :
4
Groupe Nord marocain : qui comprend :
- Les parlers du Rif : Ait Ittfet, Ibeqqoyen, Temsamen, Ait Ouariaghel, Gzemaya,Zkara, Béni
Bou-Yahi…
- Les parlers des Béni Iznacen, Mtalsa, Ait warain, ceux de Béni Bouzeggou, Béni Yala,
Béni-Amer, ceux des Ait Seghrouchen, des Imermouchen.
Groupe sud marocain : qui comprend :
- Les tribus parlant le tachelhit (sud-ouest du Maroc).
- Le tamazight des Berabers avec une distinction entre le tamazight des berabers du sud qui
comprend les parlers des Ait Atta, Ait Izdeg, Ait Merghad du Grand Atlas, et celle des
Berabers du nord comprend les parlers des Ait Sadden, Ait Youssi, Ait Mguild, Ait Ndhir,
Igrouan….
A l’intérieur de ce groupe sud, il y a un groupe Demnat qui sépare les tribus chleuhs de celles
parlant le tamazight.

La classification d’A. Willms (1980)
Il reprend la classification de Destaingest divisedivise le Maroc en deux grands groupes :
Le groupe rifain au nord et le groupe formé par les Berabers et les Chleuhs du Maroc central
et méridional, il considère les Bérabers comme un trait d’union entre le Chleuh du Sudmarocain, le berbère rifain du Nord-marocain et le berbère zénata d’Algérie. Il a fait une autre
classification dans son ouvrage « Die dialecktaleDifferenzierung des Berberischen ».Il a pris
comme critères de classification : les paradigmes des pronoms personnels et d’une vingtaine
de termes d’arbres fruitiers. A partir de ces critères, il a pu distinguer des langues, des
dialectes, des parlers locaux, ainsi il a abouti à dégager quatre groupes berbères :
Le groupe 1 : Chleuh et Beraber du sud, Zayan et Zemmour, Ait Ndhir.
Le groupe 2 : Béni Iznacen, Sanhadja, Béni Snous, Rif.
Le groupe 3 : Mzab, Wargla, Nefoussa, Siwa et Touareg.
Le groupe 4 : Kabyle.
Le Toureg, le kabyle et le Siwa, les considère comme « des langues »,leSehaja, Béni-Snous et
Nefousa comme «des dialectes » et le reste comme des parlers locaux.
5

La classification d’A. Aikhenvald (1988)
L’auteur a tenté d’établir un autre modèle de classification en se basent sur des critères
grammaticaux :
-La morphologie du nom : traitement de la voyelle initiale, formation du genre et du nombre,
présence ou absence d’état (libre/annexion), existence de catégories indéfinies pour les noms
et les adjectifs, les formes locatives….
- Le système pronominal : la structure des pronoms personnels et leurs principales catégories.
- La morphologie de verbe : genre, nombre, n’indice de personne, temps/aspect, dérivation,
particules verbales….
-Les structures syntaxiques : ordre des mots dans la phrase, marques phonologiques des
constituants de phrases (séquences interrogatives comme exemple), emploi de la particule de
prédication « d ».A partir de ces critères étudiés, elle a abouti à définir quatre groupes
berbères :
-Le berbère ouest (Zénaga).
-Le berbère sud(Touareg).
-Le berbère est (Lybie et Egypte)
-Le berbère nord(les parlers du Maroc, d’Algérie,de Tunisie et le Zouara-Lybie)
6

Nait Zerrad Kamal(2002)
L’auteur a essayé de prendre le plus grand nombre de parlers pour englober tout le domaine
berbère, présentés comme suit :
Le
Les localités étudiées
domaine
Le
LeRif,Iznacen,Senhadja(srair),Seghrouchen,Ndhir,Izdeg,Goulmima,Tinghir,Semlal,I
Maroc :
mghid,Ighrem,Tata,figuig.
Mauritan
Zenaga.
ie :
Algérie :
Beni-snous, Bissa, Metmata, Chenoua, Kabylie, Aures,Timimoun, Mzab, Ouargla,
Ahaggar.
Niger :
Iwellimmeden, Air.
Mali :
Taneslemt.
Tunisie :
Jerba.
Lybie
Ghadamès, Nefousa, Foqaha, Augila.
Egypte
Siwa
Pour la classification, il a élaboré une grille qui englobe tous les critères linguistiques :
Phonologiques, morphosyntaxiques et lexicaux.

La phonologie :
- La réalisation des vélaires : k, kk, g, gg.
- La réalisation de la consonne h*

La morphologie
- Les verbes de schème cc (sans voyelle pleine)
- Les déictiques de proximité
- Les verbes de schème ccu / cca
- La présence ou l’absence de la voyelle initiale des noms
7

La syntaxe
- La présence de l’aoriste intensif négatif.

Le lexique
Il a choisi un échantillon du vocabulaire des verbes et des noms.
A partir de ces critères, l’auteur a classé les parlers berbères en quatre groupes et quelquesuns sont subdivisés en sous-groupes :
 Le premier groupe
-
MC (les parlers du Maroc central : Ait Ndhir, Goulmima,Tinghir, Izdeg…) / Senhaja
du srair / CHL(les parlers du sud marocain : Tata, Ighrem, Semlal,Imghid) / Zenaga /
Kabyle.
-
Touareg : Ahaggar, W.Y, Taneslemt (N)
-
Foqaha.
-
Augila.
-
Siwa.
 Le deuxième groupe : Nefousa.
 Le troisième groupe : Ghadamès.
 Le quatrième groupe
-
Ait-Seghrouchen / Figuig / B-Snous / Bissa / Timimoun / Mzab / Ouargla.
-
Iznacen / Jerba.
-
Rif / Metmata / Aurès.
-
Chenoua
IV. Les études comparatives
Les études comparatives publiées dans la revue EDB sont dominées par trois niveaux
d’analyse :

Le système verbal : les études comparatives qui portent sur le système verbal et la
morphologie du verbe en berbères sont dominés par les travaux de Maarten Kossman :
-
L’inaccompli négatif en berbère (1989)
-
La conjugaison des verbes CC à voyelle alternante en berbère (1994)
-
Les verbes à I final en Zénète : étude historique (1995)
de Abdelaziz Allati :
Reconstruction et évolution aspectuel proto-amazigh (2006)
8
Et de VermondoBrugnatelli
Les péripéties du verbe « dire» en berbère orientale (2010-2011).

La syntaxe :
Ce domaine est caractérise par le travail de Abdelaziz Allati :
Les éléments : qualificatifs berbères (2010-2011).
Synthèse en conclusion préliminaires :
A travers notre lecture des différentes contributions de la revue études de la revue Etudes et
Documents Berbères, portant sur les études comparatives, nous pouvons signaler que les
différentes analyses portent sur les niveaux morphologiques (la morphologie du verbe) et
syntaxiques. A l’aide de la comparaison des formes attestées dans les différents dialectes
étudiés, les différentes contributions tentent de reconstruire les formes du protoberbère
commun.
Bibliographie :
AMEUR Meftaha, 1990 : « A propos de la classification des dialectes bérbères », Etudes et
Documents Berbères 7, pp.15-27.
BASSET André, 1929 : Etudes de géographie linguistique en Kabylie (sur quelques termes
concernant le corps humain), Paris, Librairie Ernest Leroux.
BASSET André, 1952 : La Langue berbère, (Handbook of AfricanLanguages, PartI) London :
Oxford University International African Institue.
BENTOLILA Fernand,1986 : Classes d’unités significatives en berbère», Modèles
linguistiques, Tome VIII, Fascicule 1, pp. 37-52.
BRUGNATELLI Vermondo, 1993 « Quelques particularités des pronoms en bérbère du
Nord », A la croisée des études libyco-bérbères, Mélanges offerts à Pellette GALAND-
PERNET et Lionel GALAND, Paris, pp. 229-245.
BRUGNATELLI Vermondo, 1998 : «Encore à propos des pronoms bérbère », Groupe
Linguistique d’Etudes Chamito-Sémitiques (GLECS), Volume 32, pp. 151-158.
CHAKER Salem, 1972 : « La langue berbère au Sahara», Revue de l'Occident musulman et
de la Méditerranée, Volume11, Numéro 1, pp. 163-167.
9
CHAKER Salem, 1983 : Un parler berbère d’Algérie (Kabylie) : syntaxe, Aix-en-Provence :
Publications de l’Université de Provence.
CHAKER Salem 1991 : Manuel de linguistique berbère I, Alger, Bouchène.
CHAKER Salem 1996 : Manuel de linguistique berbère II : syntaxe et diachronie, Alger,
ENAG.
COHEN David, 1988 : «Le chamito-sémitique», Les langues dans le monde ancien et
moderne, Jean Perrot (dir.), 3ème partie, Langues chamito-sémitiques, Paris, CNRS, pp. 9-29.
Revue Etudes et Docuements Berbères (N° 1, 6,7. 8, 12, 13, 24, 29-30)
GALAND Lionel, 2002. : Etudes de linguistique berbère, Paris, Peeters Levain.
IBN Khaldoun, 2013 : Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique
Septentrionale, Alger, Berti éditions.
KOSSMAN Maarten, 1999 : Essai sur la phonologie du proto-berbère, Allemagne,
RUDIGER Koppe VERLAG KOLN.
LAFKIOUI Mena, 2003 : Atlas linguistique des variétés berbères du Rif, BerberStudies
Volume 16, RUDIGER Kopee VERLAG KOLN.
NAIT-Zerrad Kamal, 2004 : Linguistique berbère et applications, Paris, L’Harmattan.
10
Téléchargement