PHYSIQUE DU GLOBE ET MÉTÉOROLOGIE AU MAROC. — 1933
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III
VENTS
PORTANT
DES
DÉNOMINATIONS
SPÉCIFIQUES
Nous
distinguerons dans ce paragraphe les vents humides, les vents secs et chauds, les
vents caractérisés par leurs effets dynamiques.
a) Vents humides. — On signalera tout d'abord un terme, usité dans un grand nombre
de parlers arabes sous les formes ghliqi (Doukkala), ghligi (Oued Dra), ghdiqa (Chaouïa),
ghdiga (Fès), ghodiga (Ouezzan), oudiga (?) (Arbaoua) (1), etc., au sens de « vent tiède,
du secteur S.W. àW., soufflant généralement au printemps ou en automne, et dont la carac-
téristique essentielle est qu'il amène avec lui la pluie ».
Les
Berbères du Maroc central désignent, par ailleurs, d'un terme
agafay
(variantes :
ayafay,
agafa, ayafa),
«
un vent de direction variable (W., N. E., E. ou S.), d'origine océa-
nique ou continentale, chaud l'été, froid l'hiver, qui serait fondamentalement, semble-t-il,
un vent humide
»
; mais nos correspondants ne sont pas d'accord sur ce dernier détail, pour
lequel
un complément d'enquête apparaît nécessaire. L'étymologie du mot, incertaine,
ne permet pas de trancher la question
d'une
façon sûre : un rapport avec le verbe
effi,
«
verser, déverser, couler », est assez probable. Ce terme est également connu en Mauri-
tanie sous la forme
agayaf,
avec le sens de
«
vent frais qui suit la pluie ». Autant qu'on en
peut juger à travers des indications incomplètes, il doit s'agir d'un vent assez violent,
humidifié et suivant la pluie, ou bien qui amène avec lui, en hiver, une série de grains
intermittents (?).
Enfin,
le mot tagout est couramment employé dans les parlers berbères du Soûs au sens
de « vent frais océanique, chargé de vapeur d'eau ; brume dégénérant le cas échéant en
pluie ». Le même mot a un sens analogue en berbère mauritanien («brume ») ; en touareg,
tagyait,
de même racine, est un « brouillard sec, formé de poussière très fine ».
b) Vents secs et chauds. — C'est la série des « sirocos » proprement dits. Leur appella-
tion spécifique, connue de tout le Maroc arabe et berbère, est chom, étymologiquement
«
chaleur »
(2).
Toutefois ce terme ne désigne que très rarement « un état atmosphérique
caractérisé par un temps calme sec et chaud
»
(il a été noté exceptionnellement avec ce sens
—
d'ailleurs conforme à son étymologie — dans les Chaouïa) ; presque toujours il s'appli-
que au « vent violent, d'origine saharienne (secteur Sud), soufflant principalement l'été, et
caractérisé à la
fois
par sa chaleur et son extrême sécheresse, auquel nous réservons habi-
tuellement le nom de siroco ».
(1)
Telle
est la forme signalée par
notre
correspondant ; peut-être convient-il de lire 'oudiga, avec atté-
nuation locale en ' du gh initial ? L'étymologie du mot ghligi est inconnue ; M. G. S.
Colin
veut bien nous
suggérer
l'hypothèse
d'une
origine romane hispanique ; ce serait « le vent galicien » (î), en espagnol : gallego.
(2) Ce mot chom est, semble-t-il, une déformation nord-africaine de l'arabe classique chaob, « chaleur »,
qui a donné notamment, en Egypte, chob, « vent chaud ». Quelques parlers bédouins du Maroc ont conservé
la
diphtongue classique, ainsi Ferkla : chaom.