DES PLAINTES QUI DÉSTABILISENT
LES PRATIQUES DES MÉDECINS
ET GÉNÈRENT LA PEUR
Ma pratique professionnelle quotidienne me conduit
à constater que de nombreux confrères médecins du
travail vivent sous la menace d’une action pour faute
déontologique et ont peur aujourd’hui d’attester du
lien santé/travail. Faire le lien entre travail et santé,
c’est pourtant le rôle même du médecin du travail, son
cœur de métier. Cette menace les empêche de respec‐
ter leur devoir déontologique envers les salariés‐pa‐
tients.
Il en est ainsi :
du courrier au médecin traitant qui établit le lien
entre la dégradation de l’état de santé du salarié et
celle de ses conditions de travail et qui n’est pas ou
plus rédigé mais envoyé directement au médecin
traitant ou remplacé par un appel téléphonique ;
de la rédaction de certificats pour maladie pro‐
fessionnelle qui n’est pas ou plus faite par les mé‐
decins du travail qui adressent les salariés aux
médecins traitants et aux consultations de patholo‐
gie professionnelle afin que le certificat soit rédigé
par un médecin tiers, ce certificat toujours adressé
par la CPAM à l’entreprise mettant en visibilité le
nom de son rédacteur ;
de la rédaction de l’attestation d’exposition pro‐
fessionnelle du salarié pour son suivi post profes‐
sionnel que le médecin du travail ne rédige pas ou
pour laquelle il utilise le conditionnel car il ne s’au‐
torise pas à attester d’une exposition ancienne qu’il
n’a pas connue.
Je peux témoigner ici que certains médecins généra‐
listes ont accepté de modifier le contenu de leur certi‐
ficat sous la menace de poursuites, lors de la phase de
conciliation devant le conseil départemental de l’Ordre
et devant l’avocat de l’employeur en changeant l’ex‐
pression « stress professionnel » par « stress réaction‐
nel ». Certains ont eu honte de se déjuger. Un médecin
généraliste qui a refusé lors de la conciliation de modi‐
fier le contenu de son certificat s’est retrouvé devant la
chambre régionale disciplinaire qui l’a sanctionné.
Je parle ce jour en mon nom et au nom de confrères
qui n’osent pas témoigner de ce qu’ils entendent et
comprennent des situations de travail délétères pour
la santé des salariés par peur, peur du jugement de l’Or‐
dre des médecins, peur du jugement de leurs confrères,
peur d’être un jour interdits d’exercice ce qui les dis‐
suade d’exercer pleinement leur métier et les réduit au
silence.
MA PRATIQUE MÉDICALE
EST DÉONTOLOGIQUEMENT CONFORME
Je demande à ce que vous me jugiez en prenant en
compte que j’ai répondu au Code de déontologie mé‐
dicale par la rédaction de cet écrit qui a pour unique
but de redonner le pouvoir d’agir à une salariée‐pa‐
tiente afin de restaurer et protéger sa santé au travail.
Je suis fière de faire mon métier de médecin du travail
et de médecin praticien attaché à la consultation de pa‐
thologie professionnelle dans le respect des règles
déontologiques et des règles éthiques partagées entre
pairs en continuant à attester du lien santé/travail par
un écrit aussi souvent que nécessaire pour les salariés‐
patients même si cette posture face à l’Ordre des mé‐
decins a un coût dans tous les sens du terme.
LES CAHIERS S.M.T. N°31 -
OCTOBRE 2016
O
RDRE DES MÉDECINS,PLAINTE D,’EMPLOYEUR,SANTÉ DU PATIENT ET SECRET MÉDICAL