La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 6 - juin 2013 | 251
mais également aux facteurs individuels propres
à chaque patient, qui, comme nous le savons,
subissent des modifications physiologiques avec
le vieillissement. Effectivement, avec l’âge, nous
assistons à une diminution de la clairance de la
créatinine, à une diminution de l’ordre de 30 %
de l’efficience du cytochrome P450 et à l’appa-
rition de troubles de l’absorption digestive. C’est
pourquoi les recommandations de la Société inter-
nationale d'oncologie gériatrique (SIOG) pour la
mise en place d’un traitement ciblé dans le cancer
du rein avancé rappellent l’importance de prendre
en compte l’âge physiologique du patient et les
comorbidités qu’il présente, ainsi que le profil de
tolérance de chaque thérapie ciblée et son impact
potentiel sur les comorbidités (5).
Les essais nous livrent pour l’instant des données
qui restent parcellaires dans la population âgée. Les
études de cohorte ou compassionnelles complètent
les données de ces essais en s’intéressant à une
population plus large et plus représentative de la
“vraie vie”.
Le bévacizumab, dans l’analyse groupée des études
pivotales de Hurwitz et de F.F. Kabbinavar (CCR
avancé), montre un risque d’accidents thrombo-
emboliques artériels augmenté chez les patients de
plus de 65 ans, qui passe de 2,8 % sans bévacizumab
à 7,6 % avec (6). La cohorte BRiTE a confirmé ces
données : ce taux s’élève à 3,9 % chez les plus de
75 ans, versus 1,6 % chez les moins de 65 ans (7). En
revanche, l’enquête menée sur le registre SEER entre
2005 et 2007 et qui portait sur 3 282 patients, dont
622 recevaient du bévacizumab, n’a pas retrouvé
de différences de toxicité en ce qui concerne les
accidents artériels, l’âge médian étant pourtant de
77 ans (8).
Alors, que conclure ? Seules des études spécifiques
aux sujets âgés apporteront les réponses légitimes
attendues, et l’essai PRODIGE 20, en cours, va dans
ce sens. Appliquer les recommandations de surveil-
lance pour contrôler les toxicités de ces thérapies
ciblées est indispensable à tout âge. Aucune diffé-
rence de tolérance des anti-EGFR (Epidermal Growth
Factor Receptor) entre les patients jeunes et âgés
n’a été signalée (9).
Dans le cancer du sein, la SIOG rappelle, dans la
reprise récente de ses recommandations (10), que
le bévacizumab augmente la survie sans progression
des patientes âgées ; cependant, la toxicité et le
rapport coût/efficacité doivent être évalués.
La cardiotoxicité du bévacizumab semble majorée
chez la femme âgée, la fraction d’éjection ventri-
culaire gauche passant de 2,8 % chez les moins de
65 ans à 4,8 % chez les plus de 75 ans (11). Les
facteurs de risque identifiés sont les antécédents
cardiaques (33 versus 9 %) et le diabète (33 versus
6 %) [12].
L’analyse exploratoire de la tolérance de l’évéro-
limus dans l’étude BOLERO II (13) n’a pas montré
de différence entre les patientes jeunes et âgées.
Toxicité des anthracyclines
La cardiotoxicité des anthracyclines n’est pas spéci-
fique aux patientes âgées.
Les protocoles thérapeutiques contenant des
anthracyclines en adjuvant réduisent de 4,6 % la
mortalité à 10 ans comparativement aux protocoles
sans anthracyclines ; cependant, l’allongement de
l’espérance de vie nécessitera d’anticiper le risque de
cardiotoxicité dès le début du traitement (14). Les
anthracyclines liposomales peuvent être une alter-
native pour réduire cette cardiotoxicité et n’altèrent
pas les activités de la vie quotidienne, comme l’a
montré l’étude GERICO 6 en adjuvant. Le protocole
SELENE, mené par l’équipe de G. Freyer, est une
étude prospective observationnelle dont le but est
d’évaluer les pratiques de dépistage, d’évaluation
et de suivi de la tolérance cardiovasculaire dans les
différents centres prenant en charge les personnes
âgées de plus de 70 ans atteintes d’un cancer du
sein en situation adjuvante ou métastatique et
pour lesquelles un traitement par anthracycline
est indiqué.
Réhabilitation postopératoire
L’équipe du département d’anesthésie-réanimation
du centre hospitalier Princesse-Grace (Monaco) a
rapporté le bénéfice de la réhabilitation rapide après
chirurgie. Ce processus multidisciplinaire comprend
3 étapes : information et conditionnement du patient
avant l’opération, réduction du stress pendant l’opé-
ration et, enfin, mise en place d’un programme de
soins d’accompagnement nutritionnel, antalgique
et physique après (15, 16). La méta-analyse menée
par J. Wind et al. précise qu’une courte durée d’hos-
pitalisation et une faible morbidité périopératoire
facilitent la réhabilitation, ce qui n’est pas le cas
pour les réhospitalisations (17).
La phase préopératoire doit comprendre un sevrage
tabagique et alcoolique. H. Tonnesen et al. (18)
ont démontré le bénéfice du sevrage alcoolique
avant une chirurgie colorectale : diminution des