Allergie aux poissons et aux crustacés Anne Chabbert • Sources nutritionnelles de premier ordre, parfois seules ressources de protéines animales • Augmentation nette de leur consommation – richesse en acide gras polyinsaturés => recommandation pour la prévention de maladies cardio-vasculaires, vitamines liposolubles, zinc, calcium – Limitation de la consommation préconisée du fait du risque de contamination par métaux lourds… • Causes de réactions allergiques le plus souvent IgE médiée ou adverse. Epidémiologie Fréquence variable selon les pays et les habitudes alimentaires, plus élevée dans les régions de haute consommation (Wild, 2005) Variable selon l’âge Entre 0,1 à 0,4% de la population mondiale (Roma JACI 2007) Adulte 2,8 % versus enfant 0,6 % (Sicherer JACI 2004) Données Cicbaa 2007 réactions sévères déclarées Crustacés: 6.1% chez l’enfant et 8.1% chez l’adulte Mollusques: 1.5% chez l’enfant et 6.8% chez l’adulte Poissons: 1.5% chez l’enfant et 0% chez l’adulte Classification • Poissons – Sans mâchoire – Avec mâchoire • Cartilagineux raie et squales • Osseux – Clupéniformes : hareng, sardine – Salmoniformes : saumon, truite – Gadiformes : morue, colin – Siluriformes : poisson chat – Perciformes : thon , maquereau Classification • Crustacés : arthropodes = exosquelette ou cuticule en chitine => 2 paires d’antennes et une paire de mandibules et respiration branchiale • Décapodes (crabe/ homard/ langoustine/langouste/ cigale de mer/ crevette) • Krill • Ecrevisse (eau douce) • Mollusques: céphalopodes seiche/calmar/poulpe • Coquillages • Bivalves (huitre/moule) • Gastéropodes (bulot/ bigorneau) Allergènes des poissons PARVALBUMINE = allergène majeur des poissons – Sensibilisation: 73 à 90% des patients – EF protéines qui régule le flux de Ca dans le sarcoplasme des fibres musculaires – Poids moléculaire 12Kda – Protéine résistante à la chaleur et à la dégradation par la digestion – 2 isoformes de la parvalbumine • alpha (mammifère, oiseau, raie ou squale) • béta (poisson, amphibien) la plus allergisante, responsable d’allergie croisée avec la grenouille Parvalbumine • Son taux variable selon l’espèce (Kuehn IAAI 2010) – 0,05mg/gr de muscle pour le thon, – 0,5mg/gr pour le maquereau – > 2,5mgr pour la carpe, le hareng et le sébaste mais aussi selon le stade de développement, tissu musculaire, mode de conservation • Homologie de séquence variable mais importante -> 50% de risque d’être allergique à plus d’un poisson (Torres-Borrego 2003) , • Possibilité de mono-allergie => moins sévère (Kuenh, 2013) Autres allergènes Mineurs ou majeurs thermosolubles • Énolase 63% enolase 50% aldolase • Aldolase (Kuenh CEA 2013) • Gélatine: polymère de l’hydrolyse du collagène, pas de déclaration obligatoire = > 0% à 20% (Kuenh 2013) • Tropomyosine vertébrée pas d’implication clinique • Allergènes mineurs responsables des monosensibilisations à une espèce de poisson ? (sardine Cicbaa 2013) Anisakis • Hôte stade L3 de la larve anisakis nombreux poissons , • Nombreux lieux géographiques de présence Méditerranée mer de Chine, Afrique du Sud • Fréquence variable selon les habitudes alimentaires: Japon 2000/an, Europe du Sud 500/an • Poisson cru fumé, peu cuit, mais allergénicité de la larve morte • Clinique – Infectieux : signes retardés gastriques ou intestinaux (douleur, diarrhée, vomissements) – pathologie allergique (urticaire, angio-œdème, anaphylaxie) 27% en Espagne (Audicana 2002) • 12 allergènes dont Kunitz-type serin protase inhibitor allergène majeur (85,7%) tropomyosine allergène mineur (20%), SXP/RAL protein … Allergènes des crustacés • Tropomyosine – Allergène majeur 85% des patients (Daul, 1994, Ayuso, 2002) – Molécule de 34 à 38KDa – Rôle important dans la contraction musculaire des espèces – Présente chez les crustacés, les mollusques, les autres arthropodes (blattes ou acariens), le parasite anisakis – Réaction sévère – Homologie de séquence importante => allergies croisées fréquentes entre ces différents invertébrés (Lung 1996) Allergènes des crustacés • Arginine kinase présente aussi chez les décapodes et bivalves -> responsable de réaction allergique chez 27% des patients allergiques (Yu 2003) • Protéine sarcoplasmique • Chaine légère de la myosine • Chitine (cuticule externe de la carapace) Clinique • Allergie IgE médiée par contact, ingestion voir inhalation (maladie professionnelle) – – – – – Signes digestifs avec vomissements et diarrhée Prurit oro-pharyngé ou généralisé Urticaire et/ou angio-œdème Sifflements Choc anaphylactique possible • Rôle des cofacteurs … • Allergie non IgE médiée digestive à type d’entérocolite (hypersensibilité à médiation cellulaire) • Réactions non allergiques – Histamino-libération non spécifique – Ciguterra /Mytilisme – Scromboidiose Diagnostic • Histoire clinique pertinente • Tests cutanés extraits ou natifs : que tester ? – Extrait ALK°: gambas et Stallergène°: crevette du nord – Panel de différents poissons – Crevette chair carapace divers crustacés • Ig E spécifiques – Sources (28 poissons, 5 crustacés) ; valeur seuil de Sampson 20kU/l pour le poisson (Sampson, JACI 2001) – Moléculaires: 2 parvalbumines, 1 tropomyosine ou Isac° • TPO à divers poissons ou crustacés en fonction de l’histoire, des pricks et du profil biologique • Rôle important des co-facteurs surtout dans allergie à la crevette Allergies croisées • Entre poissons – Sensibilisation croisée en prick ou IgE 80% (Pascual, 1992) – Allergie croisée > 50% (Torres-Borrego 2003) ⇒ Prick et TPO pour divers poissons afin d’en autoriser l’ingestion si cela est souhaité par le patient (Sicherer JACI 2001) • Entre crustacés 75% (Torres Borrego 2003). • Entre crustacés et mollusques fréquent de 50 à 100% selon les différentes espèces (Warring Jaci 1995) • Entre crustacés et acariens : rôle de la tropomyosine (Ayuso mais implication d’autres allergènes (protéine de 67KD) • Entre crevette et rouge carmin E120 ? IAIA 2011) • Entre poissons et crustacés 0% mais risque de contamination ou d’allergènes cachés dans des sauces, des soupes, le surimi … • ETIQUETAGE OBLIGATOIRE Décret 2008/1153 modifiant l’annexe IV de l’article R112-16-1 du code la consommation, Directive 2000/13/CE modifiée, ne concerne pas les aliments en vrac ou les restaurants (=> 2014) Allergènes cachés • Gélatine de poisson (Kuenh, JACI 2009) • Sauce Worcestershire° (anchois) • Cosmétologie (faux ongles) => Chitine crustacés • Médicament (glucosamine médicament contre l’arthrose, constituant de la chitine) Prise en charge • • • • • Eviction Difficile quand il s’agit de vapeur de poisson Allergène caché Maladie professionnelle Désensibilisation injectable (Freeman, Lancet 1930, Casimir, PAI, 1997) • Désensibilisation ITO ou ITSL => thon ou espadon (Sampaïo Allergy, 2013) => allergène moléculaire Allergie aux crustacés et désensibilisation aux acariens • Nombreux patients allergiques crevettes sont sensibilisés/allergiques acariens mais peu de patients allergiques aux acariens sont sensibilisés/allergiques aux crustacés (10%) même chez des patients n’en ayant jamais mangé (Fernandez, 2003) • Forte homologie entre les tropomyosines des arthropodes • Teneur inconnue en tropomyosine ou autres allergènes mineurs des extraits allergéniques disponibles => Risque potentiel de sensibilisation aux crustacés par la désensibilisation ? => Risque potentiel d’aggraver par une désensibilisation une allergie alimentaire chez un patient allergique aux crustacés ? => Risque potentiel de déclencher une réaction allergique alimentaire chez un patient sensibilisé aux crustacés ? La littérature • Etudes contre la désensibilisation: – Van Ree (Allergy 1996) augmentation significative des IgE anti-escargot chez 17 patients dsbl aux acariens dont 2 avec syndrome oral aux crustacées / patients allergiques et désensibilisés à la pariétaire – Pajno (JACI 2002) aggravation d’une allergie aux escargots chez des patients désensibilisés aux acariens et allergiques aux escargots – Qqs rapports de cas sur allergie sévère aux crustacés désensibilisés aux acariens • Etude pour: – Méglio (Allergy 2002) 183 enfants DSBLS aux acariens avec groupe témoin non dsbls pas de différence sur l’apparition de sensibilisation aux escargots – Asero (IAIA 2005) 31 patients désensibilisés aux acariens pas d’apparition de sensibilisation à la crevette – Rossi (CMA 2010) 134 patients pas d’apparition de sensibilisation Alors on fait quoi? • Bien interroger les patients sur une éventuelle allergie aux crustacés mollusques escargots • Prudence pour les patients allergiques aux escargots • Etude au cas par cas chez les patients allergiques aux crustacés, balance bénéfice/risque • Continuer l’ingestion régulière sous désensibilisation ? • Ne pas rechercher de sensibilisation cutanée pour les crustacés avant une désensibilisation ? Conclusions • Allergies fréquentes, complexes, à risque de réaction sévère • Allergies croisés sont fréquentes • Allergènes en cause et leurs implications cliniques ne sont pas tous bien connus