Comment expliquer qu’une prise
par la bouche, sous la langue,
soit plus sûre?
Tout a commencé avec des études chez la
souris. Des chercheurs ont constaté, au début
des années 50, qu’il était possible de rendre
des souris sensibles à certains allergènes
injectés sous la peau. Lorsque ces animaux
sont, après quelques jours, à nouveau
exposés aux allergènes auxquels on les a
sensibilisés, ils présentent d’intenses réactions
pouvant entraîner le décès. En revanche, si les
allergènes sont préalablement administrés
par la bouche, il est impossible de sensibiliser
une souris normale, de transformer une souris
normale en souris allergique. La voie buccale
permet donc d’induire une tolérance. Pourquoi,
me direz-vous?
Notre tube digestif est continuellement exposé
à une multitude de molécules susceptibles
d’entraîner une allergie: tout ce que nous
mangeons nous est étranger et, si nous n’y
étions pas tolérants, nous ne pourrions pas
nous nourrir. Cet état de tolérance a été induit
avec le concours des multiples bactéries qui
occupent notre tube digestif, y compris la
cavité buccale: la muqueuse digestive produit
une réponse immunitaire destinée à bloquer
l’invasion des microbes, les empêchant ainsi
de provoquer une infection. Les mécanismes
de cette réaction de défense inhibent ceux de
la reponse allergique. Les allergènes auxquels
notre tube digestif est exposé sont en quelque
sorte victimes des moyens de défense que
notre organisme met en place pour lutter
contre les bactéries: ces allergènes ne peuvent
pas perpétrer leurs méfaits et leur eet s’éteint.
Vous parliez également de progrès
en termes de facilité et de confort…
La voie buccale est évidemment plus aisée
et plus confortable que le traitement par
injections. Le traitement par injections, qui
comporte initialement des piqûres à intervalles
rapprochés, a un caractère astreignant qui
explique en partie les abandons ou les arrêts
transitoires. ‘L’oubli’ répété des injections
peut avoir des conséquences sur le plan de
l’ecacité: la dose totale sera moindre et
comme l’ecacité est liée à la dose…
La voie buccale consiste en la prise de
comprimés ou de gouttes, à mettre sous la
langue, puis à avaler éventuellement. Elle ne
nécessite donc pas une visite chez le médecin.
Les principaux eets indésirables peuvent
être des picotements dans la bouche au
moment de la prise. Ils disparaissent en une
quinzaine de jours. Aucun accident grave
n’a été décrit jusqu’ici.
Comment dépister une allergie?
Comme je l’ai mentionné, certains individus
sont génétiquement prédisposés à développer
un état de sensibilisation. Beaucoup d’entre
eux sont sensibilisés sans le savoir. Le stade
ultérieur est caractérisé par l’apparition
de symptômes répétés et handicapants.
Ces symptômes sont parfois attribués, à
tort, à un rhume qui n’en nit pas. Fort
heureusement, l’altération de la qualité de
vie qu’ils entraînent pousse bon nombre de
personnes à se tourner vers leur médecin. Ce
dernier arrive assez facilement à conrmer
le diagnostic en menant un interrogatoire
détaillé concernant, entre autres, les moments
de l’année ou de la journée auxquels les
symptômes surviennent, les endroits où ils sont
plus intenses… Il réalise des tests cutanés
qui consistent à injecter une petite quantité
d’allergène sous la peau an d’observer
l’éventuelle réaction qu’il provoque (critères
de positivité bien dénis). Si la réalisation des
tests cutanés est impossible (eczéma étendu,
prise d’antihistaminiques,…), le dosage
des IgE spéciques peut se faire dans le sang
également.
Le traitement désensibilisant
n’est probablement pas la seule arme
pour lutter contre l’allergie?
En eet. On peut tout d’abord éviter l’allergène
auquel on est sensible. Plus facile à dire qu’à
faire. La mesure à prendre en cas d’allergie aux
animaux est simple et ecace, même si elle
est parfois douloureuse: le chien, le chat ou le
hamster coupable ne devraient pas avoir droit
de cité!
Dans les autres types d’allergie, la situation
est plus aléatoire. Ainsi, il est souvent
conseillé, pour éviter les pollens d’arbres ou
de graminées, de renoncer aux promenades
dans la nature durant les mois de pollinisation,
de fermer les fenêtres… Ces conseils me
semblent illusoires: assigner les patients à
domicile en leur interdisant de proter des
rayons du soleil ou des balades constitue une
mesure particulièrement drastique, qu’il est
parfois bien dicile de suivre.
Quant aux moyens à mettre en œuvre pour
réduire susamment la concentration
en acariens dans une maison, ils sont
particulièrement fastidieux car la lutte doit
porter sur de multiples fronts: il faut à la fois
s’occuper de la literie, de la température, de
l’humidité, des tapis, des coussins…
Outre les mesures d’éviction, nous disposons
de médicaments, comme les antihistaminiques
ou les corticoïdes topiques. Ces médicaments
sont utiles pour lutter contre les symptômes
de l’allergie, mais ils ne conduisent pas à la
guérison. Par ailleurs, comme les symptômes
allergiques apparaissent souvent dans le
jeune âge, le traitement médicamenteux,
lorsqu’il est la seule arme utilisée, doit être
pris de manière chronique, pendant de
nombreuses années.
Le seul traitement capable de traiter le mal à
sa racine est précisément la désensibilisation.
Comme je l’ai mentionné, on estime que
celle-ci est ecace dans 2/3 des cas, pour
peu qu’elle soit utilisée à bon escient et à
doses appropriées. La désensibilisation
permet également de réduire la charge en
médicaments.
Comment se déroule le traitement
désensibilisant pour les acariens?
Les acariens sévissent toute l’année. La
désensibilisation peut donc commencer à
tout moment, même si des pics d’acariens
sont décrits à l’automne, période où on
commence à chauer les chaumières, et au
printemps, période où le taux d’humidité est
généralement élevé.
La durée du traitement est de 3 à 5 ans. L’eet
bénéque peut se manifester dès la première
année et, s’il apparaît rapidement, trois ans
de traitement susent. Cinq années sont
préconisées lorsque l’amélioration est plus
tardive.
Qu’en est-il dans le cas des pollens
d’arbres?
Lorsqu’on opte pour une désensibilisation
par voie sublinguale/orale, dont j’ai évoqué
les avantages, il y a des nouveaux schémas
de traitement appelés ‘pré-’ et ‘co-saisonniers’
comprenant un début de traitement deux mois
avant la saison pollinique et une prolongation
de ce traitement durant la saison. Cette
approche permet de limiter la durée de la prise
par rapport à une désensibilisation qui dure
toute l’année, ce qui augmente la probabilité
de rester dèle au traitement.
Prenons l’exemple de l’aulne, du bouleau et
du noisetier: la saison pollinique de ces arbres
s’étend de fevrier à mars-avril, de sorte que le
traitement désensibilisant pré- et co-saisonnier
est à débuter en janvier et se termine en avril. Il
est donné sous forme de gouttes sublinguales.
Pour les graminées, le traitement peut aussi
être administré sous forme de comprimés à
faire fondre sous la langue, à raison de
1 comprimé par jour. Les traitements sont
au point, le reste n’est plus qu’une question
de calendrier!
17Le Journal du Patient N°7 Septembre 2012
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