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Parlons
prison
en 30 questions
Sarah Dindo
responsable des publications
au sein de la section française
de l’Observatoire international des prisons (OIP),
auteur de deux études sur la probation
La documentation Française
Responsable de la collection
et direction du titre
Isabelle Flahault
Secrétariat de rédaction
Martine Paradis
Conception graphique
Sandra Lumbroso
Bernard Vaneville
Mise en page
Dominique Sauvage
Édition
Dagmar Rolf
Promotion
Stéphane Wolff
Avertissement au lecteur
Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs.
Ces textes ne peuvent être reproduits sans autorisation.
Celle-ci doit être demandée à :
Direction de l’information légale et administrative
29, quai Voltaire
75344 Paris cedex 07
« En application du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, une reproduction
partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans
autorisation de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif de la photocopie met
en danger l’équilibre économique des circuits du livre. »
© Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2015.
ISBN : 978-2-11-010004-7

Sommaire
Panorama.................................................................................................................... 5
L’auteur présente le sujet, son actualité,
et l’illustre de faits, de lois, de chiffres,
de comparaisons internationales
Questions-réponses....................................................................................... 21
1 question = 1 double-page de réponse
Combien y a-t-il de prisons et de détenus en France ?......................... 22
Le taux de détention est-il élevé en France ?............................................... 24
Qui sont les personnes incarcérées ?................................................................ 26
Les personnes atteintes de troubles psychiatriques
peuvent‑elles être incarcérées ?........................................................................... 28
Quels professionnels travaillent en prison ?................................................. 30
Quels sont les différents établissements pénitentiaires ?..................... 32
Existe-t-il des prisons privées en France ?...................................................... 34
Les femmes, des détenus comme les autres ?............................................ 36
Des prisons spéciales pour les mineurs ?....................................................... 38
La France condamnée pour ses prisons ?...................................................... 40
Peut-on contester ses conditions de détention ?..................................... 42
Un détenu peut-il être placé seul en cellule ?............................................. 44
À quelles mesures de sécurité et de contrôle
les détenus sont‑ils soumis ?.................................................................................. 46
Quelles sanctions pour les détenus qui ne respectent
pas le règlement ?......................................................................................................... 48
Les évasions sont-elles nombreuses en France ?...................................... 50
Les violences sont-elles fréquentes en prison ?......................................... 52
3
Des détenus enfermés en cellule en permanence ?............................... 54
Peut-on travailler en prison ?.................................................................................. 56
Quels formations ou loisirs pour les détenus en prison ?..................... 58
Tout est-il gratuit en prison pour les détenus ?.......................................... 60
Quels sont les droits de visite des détenus ?................................................ 62
Quel accès au courrier, au téléphone et à internet ?............................... 64
Une liberté d’expression conservée ?............................................................... 66
Qu’en est-il des soins médicaux ?........................................................................ 68
Soins psychiatriques et psychothérapies : quelles possibilités ?...... 70
Un détenu peut-il être libéré pour raisons médicales ?......................... 72
Quelles possibilités de réinsertion
et de prévention de la récidive ?.......................................................................... 74
Les détenus sont-ils libérés avant la fin de leur peine ?......................... 76
La prison, « école du crime » ?................................................................................ 78
Quelles sont les peines alternatives à la prison ?....................................... 80
@ vous la parole.................................................................................................. 83
Une interaction avec les internautes : la mise
en ligne, lors de la parution de l’ouvrage,
des réponses à une sélection de questions
Bibliographie.......................................................................................................... 91
Pour aller + loin : les principaux livres
et sites internet
4
Panorama
Panorama
Faut-il recourir plus systématiquement à
l’emprisonnement et pour des durées plus
longues ? Ou au contraire privilégier d’autres
réponses pénales ? Faut-il construire de
nouvelles prisons ? Ou investir dans la
probation, ces mesures pénales exécutées
hors les murs ? La prison doit-elle faire
« souffrir » à la mesure du tort causé par
l’infraction ? Ou doit-elle être un lieu de vie
digne préparant la réinsertion future ? Au
cœur des débats sur la prison, ces questions
divisent, souvent avec passion.
Réforme pénale 2014 : faire de l’emprisonnement
une peine parmi d’autres ?
La réforme Taubira a finalement été adoptée le
17 juillet et publiée le 15 août 2014. Cette loi relative
à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a suscité beaucoup de
critiques et des accusations de laxisme à l’encontre du
Gouvernement. « Suppression de la sanction », « fin
des peines de prison », « 98 % des délinquants seront
7
laissés en liberté »… Si bien que le Gouvernement
n’est pas allé au bout de la réforme annoncée. Les
peines plancher et autres dispositifs obligeant les juges
à prononcer des peines d’emprisonnement ferme
plus sévères en cas de récidive ont bien été supprimés. Une nouvelle peine de probation, la contrainte
pénale, a bien été instaurée. Celle-ci ne devient pas
pour autant une peine de référence au même rang
que l’emprisonnement et l’amende, mais une peine
alternative parmi d’autres. La prison conserve sa place
prédominante dans le Code pénal.
Repères historiques
– 1656 : naissance de la prison en France avec la
création par Louis XIV de l’Hôpital général de Paris.
L’emprisonnement n’est pas une peine, il concerne les
personnes en attente de jugement ou les débiteurs
jusqu’au paiement de leurs dettes.
– 1748 : Louis XV supprime les galères et crée les
bagnes portuaires.
– 1789 : suppression de la plupart des châtiments
corporels.
– 1791 : création de l’emprisonnement comme peine,
qui prend place au cœur du Code pénal, aux côtés de
la peine de mort et des travaux forcés (bagne).
– 1839 : interdiction de parler, de fumer, de boire,
obligation de travailler et de porter un uniforme dans
les maisons centrales, puis les maisons d’arrêt.
– 1875 : la loi Bérenger pose le principe de l’encellulement individuel pour la première fois.
8
Panorama
– 1885 : création de la libération conditionnelle.
– 1945 : abolition des travaux forcés et suppression
des derniers bagnes. Réforme Amor : l’amendement
et le reclassement social du condamné sont placés au
centre de la peine d’emprisonnement.
– 1958 : création de trois piliers de la probation – le
sursis avec mise à l’épreuve, le juge de l’application
des peines, les comités de probation et d’assistance
aux libérés (futurs SPIP).
– 1974 : émeutes dans une quarantaine de prisons.
– 1975 : création des centres de détention (orientés
vers la réinsertion) et des quartiers haute sécurité (QHS).
– 1981 : abrogation de la peine de mort.
– 1982 : fermeture des QHS.
– 1983 : généralisation des parloirs sans dispositif de
séparation, création de la peine de travail d’intérêt
général.
– 1985 : autorisation de la télévision dans les cellules.
– 1997 : création du placement sous surveillance
électronique.
– 1999 : création des services pénitentiaires d’insertion
et de probation (SPIP).
– 2000 : commissions d’enquêtes parlementaires sur
l’état des prisons.
– 2007 : loi du 10 août instaurant les peines plancher,
peines minimales d’emprisonnement en cas de récidive.
– 2008 : loi du 25 février, complétée ensuite par celle
du 10 mars 2010, instaurant la rétention de sûreté.
– 2009 : loi pénitentiaire généralisant l’accès au téléphone et privilégiant l’aménagement des courtes peines.
– 2014 : loi du 15 août instaurant la contrainte pénale
et la libération sous contrainte.
9
La conférence de consensus
et l’argument de l’efficacité
La garde des Sceaux avait fait précéder sa réforme
d’une conférence de consensus sur la prévention de
la récidive afin d’« objectiver les termes du débat ».
Experts, praticiens, usagers ont été réunis pendant
six mois à partir de septembre 2012 pour « établir
un état des connaissances en matière de prévention
de la récidive » et des « méthodes et pratiques professionnelles les plus efficaces ». Les 14 et 15 février
2013, un jury a pris connaissance de ces travaux et
procédé à une série d’auditions publiques, avant
de formuler ses préconisations. Estimant disposer
« d’éléments fiables pour remettre en cause l’efficacité
de la peine de prison en termes de prévention de la
récidive », le jury recommande dans son rapport d’y
recourir « seulement lorsqu’il est établi qu’elle est
indispensable à la sécurité de la société ». Il estime
que « la sanction doit prioritairement se traduire par
une peine qui vise l’insertion ou la réinsertion ».
L’influence des recherches du What Works ?
La conférence de consensus devait permettre de
rompre avec la logique « un fait divers, une loi » en
se fondant sur des données objectivées, en parti­
culier celles issues des recherches internationales du
courant What Works ?. Ainsi, le criminologue canadien
Denis Lafortune, participant au comité d’organisation,
10
Panorama
Quelques recommandations du jury de consensus
– Abandonner les peines automatiques (peines plancher), sans effet sur la récidive et contraires au principe
d’individualisation des peines.
– Instaurer une nouvelle peine de probation sans lien
ni référence avec l’emprisonnement.
– Réduire le nombre d’infractions passibles d’une
peine d’emprisonnement et ne pas poursuivre dans
la voie de la création de nouveaux délits.
– Instaurer une libération conditionnelle d’office
dans le parcours de tout condamné pour éviter les
« sorties sèches » sans accompagnement qui favorisent
la récidive.
– Entreprendre une réforme profonde du système
carcéral : conditions de détention dignes, reconnaissance d’un droit d’expression collective des détenus,
accès aux droits sociaux et entrée des services de droit
commun (tels que Pôle emploi, missions locales, caisses
d’assurance maladie…).
Source : rapport remis au Premier ministre le 20 février
2013.
a exposé les travaux selon lesquels la libération conditionnelle serait la meilleure stratégie pour limiter la
récidive à la sortie de prison. Il se réfère notamment
à une étude importante réalisée en Ontario durant les
années 1990, établissant qu’après deux ans, le taux
de réincarcération des libérés conditionnels s’élève
11
à 23 % contre 57 % pour les détenus libérés en fin
de peine (D. Sepejak, 1998). Il explique aussi que
« des personnes qui étaient déjà peu insérées avant
la prison ont des défis importants à relever à la sortie,
ce qui nécessite un accompagnement ».
Les recherches du What Works ?
Apparu au Canada au début des années 1980, le
courant What Works ? est à l’origine de nombreuses
recherches menées dans les pays occidentaux afin
d’identifier ce qui permet de prévenir le plus efficacement la récidive. Les données recueillies sur une grande
échelle montrent la contre-productivité de l’emprisonnement et des mesures de simple surveillance
« pour décourager les comportements criminels » et
« réduire la récidive » (J. Bonta, 2000). Une méta-analyse
de 2002, réalisée sur la base de 111 études (représentant un échantillon de plus de 442 000 délinquants)
conclut également que « contrairement aux sanctions
communautaires [probation], l’incarcération est liée
à une augmentation de la récidive ». Pour les chercheurs, ces résultats confirment « la nécessité d’axer
les ressources vers des méthodes différentes appuyées
par des preuves. Les programmes de réadaptation
fondés sur les recherches offrent une bonne solution
de rechange en ce qui a trait à la diminution du taux
de récidive » (P. Smith, C. Goggin et P. Gendreau, 2002).
12
Panorama
Une autre idée reçue mise à mal par ces recherches est
celle selon laquelle des réponses pénales plus sévères
ont un effet dissuasif sur la délinquance. « Plusieurs
études […] notamment celles de Paul Gendreau,
montrent que la longueur de la peine n’a aucun effet,
ni de dissuasion ni de prévention de la récidive. Quant
à des conditions de détention dures et austères, elles
sont au contraire associées à un taux de récidive de
58 %, contre 42 % pour des conditions moins dures
(Cheryl L. Jonson et Francis Cullen, 2011) ». Pour ce
courant de recherche, ce n’est pas la longueur de la
peine qui compte pour mieux prévenir la récidive,
mais son contenu.
La prison, seule sanction crédible ?
L’efficacité de l’emprisonnement est contestée pour
prévenir la récidive, mais dans la symbolique collective,
il demeure la seule véritable sanction, à même de punir
et de neutraliser. C’est ainsi que de plus en plus de
personnes sont incarcérées en France : un habitant
sur 1 000 était détenu en 2014. Il faut remonter au
xixe siècle pour trouver des taux de détention aussi
élevés, qui résultent plus des politiques pénales que de
la gravité de la délinquance. Parmi les prisonniers, le
nombre de condamnés pour homicide est stable depuis
2009, celui pour viols et agressions sexuelles diminue
depuis 2001. Et le contentieux le plus représenté est
celui des « vols de toutes sortes » (22 %), suivi des
infractions à la législation sur les stupéfiants (17 %).
13
Les arguments du courant « pro-prison »,
l’exemple de l’IPJ
Crée en 2007, l’Institut pour la justice (IPJ) est un think
tank et une association de citoyens, exerçant un lobbying particulièrement efficace auprès du monde
politique et médiatique. Il s’est fortement opposé au
projet de réforme pénale de Christiane Taubira, dont il
estime qu’il vise à « réduire toutes les sanctions contre
les récidivistes et les criminels dangereux ou à éviter
à tout prix la prison pour les criminels » (pétition de
l’IPJ), alors que le texte ne concerne pas les auteurs
de crime, mais de délit. Tout comme la conférence de
consensus, l’IPJ affirme s’appuyer sur « de nombreuses
études et statistiques », mais il aboutit à des conclusions
inverses : « plus le nombre de détenus est élevé, plus la
criminalité baisse sous un double effet de dissuasion et
de mise à l’écart des délinquants » (in Notre constat en
ligne sur leur site). L’IPJ prône dès lors la construction
de 30 000 places de prison supplémentaires, l’établissement de « sanctions minimales pour chaque délit » (in
Nos priorités) ou la « surveillance à vie des délinquants
sexuels » (in Pacte 2012 pour la justice). Contestant la
plus grande efficacité de la probation à prévenir la
récidive, il estime le recours aux peines alternatives à la
prison et aux aménagements de peine trop fréquent,
favorisant le sentiment « d’impunité ».
Les emprisonnements prononcés concernent surtout
des petits délits, donc des peines de courte durée :
14
Panorama
en 2013, 55 % des sortants de prison y avaient passé
moins de six mois (De Bruyn, Kensey, DAP, septembre
2014). En effet, après avoir essayé d’autres réponses
(un sursis avec mise à l’épreuve, un travail d’intérêt
général…), le tribunal, devant lequel comparaît le
récidiviste, estime nécessaire pour la crédibilité de
la justice de prononcer de l’emprisonnement ferme.
Une certaine unanimité
pour dénoncer les conditions de détention
Si de profonds désaccords persistent sur le recours à
l’emprisonnement, les conditions de détention dans
des prisons insalubres scandalisent de manière plus
unanime les acteurs du débat. Le 25 décembre 2012,
l’ancien magistrat et soutien de l’IPJ, Philippe Bilger,
écrivait sur son blog à propos du centre pénitentiaire des Baumettes, où les conditions de détention
ont valu à l’État d’être condamné par le tribunal
administratif : « Faute d’avoir agi, l’État est mis en
demeure d’agir. Dans la France pénitentiaire dont il
a la charge et assure l’administration, trop de lieux
d’enfermement sont encore sordides sur le plan
matériel et, par conséquent, imposent à l’humanité
qui y vit – surveillants et détenus – des conditions
scandaleuses. » En ce sens, il convient de noter que
les services de contrôle sanitaire n’ont jamais fermé
d’établissement pénitentiaire, alors que les normes
d’hygiène et de sécurité sont loin d’y être toujours
15
respectées. Néanmoins, la question des conditions
matérielles de détention reste la seule qui mobilise,
certes par à-coups, les gouvernements successifs, au
point de consacrer l’essentiel du budget pénitentiaire
aux constructions de nouvelles prisons et travaux de
réhabilitation.
Les nouvelles prisons,
améliorations et régressions
Construites pour améliorer les conditions de détention et lutter contre la surpopulation, les nouvelles
prisons s’avèrent à leur tour rapidement engorgées
et les améliorations sanitaires, doublées de régressions. Leur modèle architectural empêche en effet à
l’extrême les contacts humains, à la fois entre détenus
et avec les surveillants. Le cahier des charges fourni
aux architectes du nouveau programme immobilier
(NPI), lancé en 2011 et toujours en cours, a pour
maître mot le « cloisonnement » : à travers une « sectorisation des zones », une séparation des détenus
« en groupes de taille maîtrisable » et la mise en
place d’une « série d’obstacles physiques (barrières,
sas, etc.) ». Il s’agit d’organiser une « surveillance
constante » afin de « savoir à tout instant où est
chacun et ce qu’il fait ». Le modèle carcéral peine
à se renouveler. Et la réflexion sur le contenu du
temps passé en prison – selon quelles modalités de
16
Panorama
vie sociale, de participation à la collectivité, d’activités
de formation ou d’éducation, de développement de
programmes de prévention de la récidive et de projets
d’insertion pour la sortie, et avec quels droits, quel
apprentissage de la citoyenneté – semble absente de
la conception des nouvelles prisons.
Les prisons modernes, conçues sous le seul prisme de la
sécurité, sont pourtant le théâtre d’incidents croissants.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté
indiquait dans son rapport d’activité de 2010 que ces
nouveaux établissements « génèrent des tensions, et
donc des échecs multiples, incomparablement plus
fréquents ». L’actuel directeur de l’École nationale de
l’Administration pénitentiaire expliquait pour sa part
dans un article sur la violence dans les prisons du
programme 13 000 (P. Pottier, ENAP, 2005) que les
contacts et les possibilités de dialogue étant réduits
dans ces établissements, la rencontre surveillantsdétenus n’intervient plus qu’à l’occasion d’incidents,
de crises ou de dérangements, si bien qu’elle se fait
« souvent dans un climat de tension ». Détenus et
surveillants se posent davantage « en groupes étrangers l’un à l’autre. Méfiant, chacun réduit l’Autre à
un rôle de perturbateur ». Il en résulte « une tension
permanente […] immédiatement perceptible dans les
manières de s’interpeller ou de se répondre ».
17
Le cap du Conseil de l’Europe
En matière de réduction du recours à l’emprisonnement tout comme de conception nouvelle de la
prison, les recommandations du Conseil de l’Europe
ouvrent depuis longtemps des perspectives. Il préconise d’organiser la détention selon un principe de
« normalisation » : les conditions de vie devraient se
rapprocher le plus possible de celles de l’extérieur.
Ce concept influe notamment sur les possibilités de
circuler en prison : les portes des cellules devraient être
ouvertes dans la journée, permettant aux détenus de
se déplacer à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire et d’accéder aux espaces extérieurs tels que les
cours ou les terrains de sport. Il s’agit aussi de faciliter
les liens avec l’extérieur, notamment en autorisant
l’usage encadré d’un téléphone mobile ou d’internet. Le temps d’activité hebdomadaire serait calqué
sur celui du temps de travail légal. L’administration
devrait proposer un programme d’activités adapté à
chaque détenu : travail ou formation, programmes de
traitement des addictions, de réinsertion ou de prévention de la récidive, soutien psychologique, loisirs,
etc. Le Conseil de l’Europe recommande aussi une
approche « dynamique » de la sécurité en détention.
Les dispositifs de contrôle et de coercition sont limités,
au bénéfice d’une approche préventive de gestion
des conflits (médiation, résolution des problèmes,
espaces collectifs d’expression et négociation, élection
de représentants des détenus…).
18
Panorama
Renoncer aux simplifications
De telles évolutions nécessiteraient de véritables
changements culturels, pour lesquels la France a
encore du chemin à parcourir. Ils passeraient par
la reconnaissance de la complexité des parcours et
contextes qui peuvent mener à la délinquance ou au
crime, par le renoncement à l’illusion selon laquelle le
problème est résolu une fois la personne enfermée,
par la recherche de solutions avec les premiers concernés plutôt que par leur stigmatisation… Cité par la
sociologue Antoinette Chauvenet, un medecine man
indien l’explique à un criminologue : « Vous le peuple
américain, vous avez tant de peur, de colère et de
mépris envers ceux que vous appelez les criminels
que votre taux de criminalité ne fait qu’augmenter.
Vous devriez travailler avec ces personnes, non en
vous opposant à elles. L’idée c’est d’avoir du mépris
pour le crime, non pour les gens. C’est une erreur
de considérer un groupe ou une personne comme
un opposant, vous faites en sorte qu’il le devienne »
(in Prisons sous tensions, 2011).
19
Questions-réponses
››››››››
Combien y a-t-il de prisons
et de détenus en France ?
Des prisons surpeuplées
Au 1er janvier 2014, 67 075 personnes étaient détenues
dans les 190 prisons françaises. Ce chiffre n’a jamais
été aussi élevé. En 25 ans, la population carcérale a
augmenté de 47 %. Les prisons sont surpeuplées, avec
près de 10 000 détenus en surnombre par rapport aux
57 516 places prévues. Une cellule inférieure à 11 m2
est comptabilisée comme une place ; de 12 à 14 m2
comme deux places, etc. Dans les faits, certains détenus
partagent à deux ou trois une cellule individuelle de 9 m2.
D’autres dorment sur un matelas ajouté à terre dans une
cellule collective (995 matelas au sol en janvier 2014,
selon la direction de l’Administration pénitentiaire).
Malgré la construction de nouveaux établissements
Entre 1990 et 2014, le parc pénitentiaire a été augmenté
de plus de 20 000 places. En effet, dès 1987, le programme « 13 000 » a été lancé (ouverture de 21 prisons) ;
puis le programme « 4 000 » en 1996 (6 établissements) ;
le programme « 13 200 » en 2002 (23 prisons pour 20072017) ; et enfin le « nouveau programme immobilier »
en 2011 (6 nouvelles prisons). Pour autant, le taux
d’occupation moyen des prisons n’a baissé que de 8 %
entre 1990 et 2014. Et dans les maisons d’arrêt, il est
passé de 114 % à 134 % entre 2000 et 2014 (statistique
mensuelle DAP).
22
››››››››
Questions-réponses
Le Conseil de l’Europe préfère les alternatives
aux nouvelles prisons
Dans sa recommandation de septembre 1999 sur le
surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, le Conseil
de l’Europe rappelle que « l’extension du parc pénitentiaire
devrait être plutôt une mesure exceptionnelle, puisqu’elle
n’est pas, en règle générale, propre à offrir une solution
durable au problème du surpeuplement ». En effet, il a été
observé que les nouvelles places sont vite remplies dans un
contexte de politiques pénales et de pratiques judiciaires plus
répressives. « La privation de liberté devrait être considérée
comme une sanction ou mesure de dernier recours », dit le
Conseil de l’Europe, exhortant les États membres à « décriminaliser certains types de délits », « s’efforcer de réduire
le recours aux peines de longue durée » et « remplacer les
courtes peines d’emprisonnement par des sanctions et
mesures appliquées dans la communauté ».
› › ›
Le saviez-vous ?
› › › Une année d’incarcération coûte en moyenne
32 000 euros par détenu. Contre 1 014 euros pour des
peines alternatives comme le travail d’intérêt général et le
sursis avec mise à l’épreuve (Conférence de consensus sur
la prévention de la récidive, 2013). Entre 2006 et 2013,
2,7 milliards d’euros ont été consacrés à l’accroissement
du parc carcéral, dont 1,8 milliard pour la construction de
13 prisons en partenariat public-privé.
23
››››››››
Le taux de détention
est-il élevé en France ?
Un taux en progression
à comparer à celui d’autres pays
Le taux de détention en France est passé de 80 détenus
pour 100 000 habitants en 2000 à 117 en 2012. Il a ainsi
atteint son plus haut niveau depuis la fin du xixe siècle. Au
sein du Conseil de l’Europe, le taux français reste néanmoins inférieur au taux moyen de détention (149), mais
supérieur à celui des pays de l’Ouest de l’Europe (98).
Par exemple, l’Italie, l’Allemagne et les pays nordiques
incarcèrent moins que la France (données Space I pour
2012). La plupart des pays européens se situent toutefois
loin derrière les États-Unis (710 en 2012), dont le taux
de détention est l’un des plus élevés du monde, avec
ceux de la Corée du Nord, de la Chine et de la Russie.
Lié à des lois et des pratiques judiciaires plus sévères
55 textes de loi pénale ont été adoptés en France de 2002
à 2012. Ils visaient notamment à systématiser l’incarcération pour les récidivistes ou à limiter les possibilités de
libération conditionnelle. Les juges ont donc prononcé
davantage de peines de prison durant cette période
(+ 20 %). La durée moyenne de détention est également
passée de 7,9 à 12,2 mois en 2012. Par rapport à 1975,
deux fois plus de personnes sont détenues et passent
deux fois et demi plus de temps en prison (ministère
de la Justice, 2014).
24
››››››››
Questions-réponses
Le nombre de détenus est-il lié
à l’augmentation de la délinquance ?
Le nombre de personnes incarcérées ne dépend pas
tant de l’évolution de la délinquance que des politiques
pénales et des pratiques judiciaires, elles-mêmes sous
l’influence d’un contexte économique et social. Durant la
période 1980-2000, les États-Unis et l’Europe occidentale ont connu une criminalité globalement stable et une
population pénitentiaire ne cessant d’augmenter, du fait
de politiques pénales plus sévères (Joutsen & Walmsley,
1997). À l’inverse, la Suède a annoncé fin 2013 la fermeture
de quatre prisons en raison de la baisse de sa population
carcérale depuis 2004, alors que le nombre d’infractions
recensées est en augmentation depuis 1975 (Le Monde,
22 novembre 2013).
› › ›
Laxistes, les juges ?
› › › Les peines purgées par les personnes détenues en
France sont de plus en plus lourdes. En 1980, elles étaient
moins de 6 000 à être incarcérées pour une peine d’au
moins 5 ans de prison, elles étaient plus de 13 000 en 2013
(ministère de la Justice, 2014).
Et en Allemagne ?
› › › Le nombre de personnes détenues est en baisse depuis
2006. Le taux de détention s’élevait à 76 détenus pour
100 000 habitants en 2013. Cette diminution est liée à un
moindre recours aux longues peines d’emprisonnement
et à l’obligation d’une motivation spéciale pour prononcer
une peine de moins de six mois. Les peines d’amende ou
de travail d’intérêt général sont largement préférées aux
courtes peines de prison (ministère de la Justice, 2014).
25
››››››››
Qui sont les personnes
incarcérées ?
Des hommes jeunes d’origine modeste,
en rupture scolaire et familiale
Au 1er janvier 2014, un quart des prisonniers avait moins
de 25 ans (direction de l’Administration pénitentiaire,
DAP). En 2000, une enquête de l’Insee brossait un portrait de l’histoire familiale des hommes détenus. Leurs
pères étaient ouvriers (47 %), artisans ou commerçants
(16 %), et leurs mères inactives (54 %), ouvrières ou
employées. La relation avec leurs parents est fragile. Leur
départ du domicile parental a souvent été précoce : un
détenu sur sept est parti avant 15 ans ; la moitié avant
19 ans. Plus du quart ont quitté l’école avant 16 ans,
et les trois quarts avant 18 ans.
Au croisement des précarités
L’incarcération arrive souvent au terme d’un processus
d’enlisement dans les problématiques d’échec scolaire,
d’addictions et de troubles psychiatriques. Au 1er janvier
2013, 27 % des détenus ne maîtrisaient pas la lecture et,
parmi eux, 11 % étaient en situation d’illettrisme. Seuls
19 % avaient un emploi – souvent précaire – avant leur
incarcération (Chiffres clés, DAP, 2013 ; question parlementaire, JO 1/10/2013). Près d’un tiers des entrants en
prison sont toxicomanes et un cinquième serait atteint
de troubles psychiatriques sévères, de type psychotique
(Drees, 2005 ; CEMKA-EVAL, 2006).
26
››››››››
Questions-réponses
Détenus pour quelle peine ?
› › › Les personnes condamnées pour les crimes les plus
graves sont très minoritaires dans les prisons françaises. Au
1er janvier 2014, les peines de 20 à 30 ans concernaient
3 % des condamnés, la perpétuité 0,8 %. Plus du tiers
(36 %) exécutent une peine de moins d’un an, pour des
infractions concernant les stupéfiants, des vols, violences,
recels, manquements à la sécurité routière… (source : DAP).
Des courtes peines criminogènes
› › › En 2013, 57 % des personnes libérées avaient passé
moins de six mois en détention et 77 % moins d’un an
(statistiques DAP-PMJ5). Les courtes peines sont pourtant
connues pour leur effet nocif sur la récidive. Le taux de
re-condamnation dans les cinq ans est ainsi accru de 9 %
pour les peines de moins de six mois comparativement à
celles de plus de deux ans (Kensey, 2011). Les courtes
peines sont en effet purgées dans les prisons les plus
surpeuplées, aux conditions de détention les plus difficiles
(maisons d’arrêt). Les quelques mois passés en prison ne
permettent pas de travailler sur un projet de réinsertion et
de prévention de la récidive. Ils suffisent en revanche à
perdre un logement et un emploi, et à être mis en contact
avec plus délinquant que soi.
Le saviez-vous ?
› › › Les personnes de nationalité étrangère représentent
18,5 % des détenus au 1er janvier 2014, les mineurs 1 %,
les personnes âgées d’au moins 60 ans 3,6 %, les femmes
3,3 %.
27
››››››››
Les personnes atteintes
de troubles psychiatriques
peuvent-elles être
incarcérées ?
Un détenu sur cinq atteint de troubles sévères
De plus en plus de personnes atteintes de troubles
psychiatriques sont incarcérées ou développent ce type
de pathologies pendant leur détention. En 2006, 21 %
des détenus étaient atteints de troubles psychotiques
(schizophrénie, psychose hallucinatoire chronique…)
(CEMKA-EVAL). En incluant les troubles moins graves,
ce sont 80 % des détenus qui présentent au moins un
trouble psychiatrique, dont la dépression (40 %), l’anxiété
généralisée (33 %) ou la névrose traumatique (20 %).
Une pénalisation de la folie ?
Depuis la réforme du Code pénal de 1994, la « démence »
n’est plus une cause d’irresponsabilité devant les tribunaux. La loi distingue l’« altération du discernement » au
moment des faits, qui n’empêche pas la sanction, et
l’« abolition du discernement » qui rend non punissable.
L’appréciation en revient aux experts psychiatres, sans
principes directeurs sur la définition de ces notions. En
outre, de plus en plus de malades mentaux sont jugés
sans qu’une expertise psychiatrique ait pu être effectuée, en raison du développement des procédures de
jugement rapide (comparutions immédiates), pointées
par la Commission nationale consultative des droits de
l’homme comme « à l’origine d’une surreprésentation
des malades mentaux en prison » (2008).
28
››››››››
Questions-réponses
Du nouveau dans la loi
› › › En cas d’altération du discernement, les tribunaux
avaient tendance à prononcer des peines plus sévères, en
vertu d’une assimilation courante entre maladie mentale
et dangerosité. La loi Taubira du 15 août 2014 a complété
l’article 122-1 du Code pénal, en stipulant que la peine
maximale encourue doit alors être réduite d’un tiers, ou
ramenée à 30 ans pour un crime passible de la perpétuité.
La prison au lieu de l’asile ?
› › › À partir des années 1960, la volonté d’éviter les inter-
nements a entraîné une forte diminution du nombre de lits
d’hospitalisation complète, divisé par quatre entre 1970 et
2000. Laquelle n’a pas été palliée par un développement suffisant de solutions d’accueil alternatives pour les personnes
souffrant de graves troubles mentaux. Nombre d’entre elles
restent sans hébergement « contenant », avec de fréquentes
ruptures de soins, et entrent alors dans une « spirale de
petits délits » (Laurencin, 2010). Quand ils les retrouvent
au tribunal, certains experts psychiatres sont « enclins à
orienter leur conclusion dans le sens de la responsabilité
pénale », afin d’éviter de mobiliser un lit d’hospitalisation
complète (rapport Sénat, juin 2006).
Le saviez-vous ?
› › › Le lien entre maladie mentale et crimes les plus graves
est loin d’être établi. Seuls 2 à 5 % des auteurs d’homicides
et 1 à 4 % des auteurs de violences sexuelles sont atteints
d’une maladie mentale (Pr. Jean-Louis Senon, audition
Sénat, 16 janvier 2008).
29
››››››››
Quels professionnels
travaillent en prison ?
Plus de 26 000 personnels de surveillance
L’Administration pénitentiaire (AP) comprend 35 670
agents (Chiffres clés, AP, 2013). Les trois quarts sont des
personnels de surveillance, principalement chargés de
maintenir « l’ordre et la discipline » en détention (Code
de procédure pénale). Professionnels en contact direct
avec les détenus, ils transmettent aussi leurs demandes,
ou peuvent repérer des situations à risque.
Et 4 200 personnels d’insertion
Les personnels des services pénitentiaires d’insertion
et de probation (SPIP) représentent moins de 12 %
des agents. En prison, les conseillers d’insertion et de
probation (CPIP) doivent coordonner des actions contre
la désocialisation, pour le maintien des liens familiaux
et la préparation de la sortie. Mais leur intervention se
concentre de plus en plus sur les demandes d’aménagement de peine (ex. : libération conditionnelle). Ils travaillent aussi en milieu ouvert dans le cadre des mesures
de probation (sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt
général). Ils développent des programmes de prévention
de la récidive, groupes de parole visant à revenir sur
l’infraction commise, analyser son contexte, repérer les
situations à risque pour la personne concernée.
30
››››››››
Questions-réponses
Des intervenants non pénitentiaires
› › › D’autres professionnels interviennent en détention. Ainsi,
2 811 personnels de santé travaillent dans les unités sanitaires au sein des prisons ou dans des unités hospitalières
spécifiques pour personnes détenues. 471 enseignants de
l’Éducation nationale dispensent aussi des cours ou formations de remise à niveau. La religion occupe également une
place particulière en prison avec 1 311 intervenants cultuels,
rémunérés ou bénévoles. Les confessions catholique et
protestante comptent le plus d’intervenants (668 et 339),
suivies par les confessions musulmane (164) et juive (75),
ce qui ne correspond pas aux besoins des détenus. Enfin,
des associations partenaires de l’administration jouent un
rôle en prison. Ainsi, le Genepi et ses plus de 1 100 étudiants
bénévoles donnent des cours ou animent des activités dans
plus de la moitié des établissements pénitentiaires.
La petite muette
› › › Les personnels pénitentiaires sont soumis à un statut
spécial très contraignant, qui ne leur accorde pas le droit de
grève notamment. L’ensemble des intervenants sont par ailleurs soumis à un strict devoir de réserve, leur interdisant de
s’exprimer sur ce qu’ils observent dans les lieux de détention
et, pour les personnels pénitentiaires, de « déconsidérer le
corps [de fonctionnaires] auquel ils appartiennent ». En cas
d’infraction, les agents risquent une sanction disciplinaire
et les bénévoles de se voir retirer leur agrément.
31
››››››››
Quels sont les différents
établissements
pénitentiaires ?
Les maisons d’arrêt
Les 190 prisons françaises se répartissent en deux
grandes catégories : les maisons d’arrêt et les établissements pour peine. Les 98 maisons d’arrêt sont
prévues pour les personnes en détention provisoire et
les condamnés dont la peine ou le reliquat de peine
est inférieur à deux ans. Au 1er janvier 2014, 62 % des
détenus étaient hébergés dans ce type d’établissements,
souvent affectés par la sur-occupation : plus de 90 %
dépassent leur capacité d’accueil.
Et les établissements pour peine
Les 85 établissements pour peine sont de plusieurs types.
6 maisons centrales – prisons les plus sécuritaires – sont
réservées aux longues peines et aux détenus présentant des risques d’évasion ou de violence élevés. Les
25 centres de détention sont destinés aux condamnés à
une peine supérieure à deux ans présentant les meilleures
perspectives de réinsertion. Les 43 centres pénitentiaires
sont des établissements mixtes, comportant au moins
deux quartiers différents (un quartier maison d’arrêt
et un quartier centre de détention, le plus souvent).
On compte enfin 6 établissements pénitentiaires pour
mineurs, 11 centres de semi-liberté et un hôpital pénitentiaire à Fresnes.
32
››››››››
Questions-réponses
Promiscuité quotidienne
› › › « En maison d’arrêt, vous êtes comprimés comme des
sardines. Sauf qu’à la place des sardines, il y a des hommes,
qui vont faire leurs besoins pendant que vous mangez, qui
regardent des émissions qui ne vous intéressent pas ou
écoutent toute la journée des musiques que vous n’aimez
pas. […] On reste toute la journée dans sa cellule, avec deux
ou trois autres personnes, sauf une heure pour la promenade ou pour des visites ou une activité quand il y en a »,
François Korber, ex-détenu, Le Monde, 9 septembre 2009.
Les prisons nouvelles
› › › Les cahiers des charges pour la construction d’un
établissement pénitentiaire comptent plusieurs centaines
de pages. Celui du dernier programme immobilier (NPI),
débuté en 2011, énonce les « principes structurants de
l’organisation spatiale » d’une prison : « les risques » (évasion,
émeute…), « la protection » (détection, prévention des
agressions) et « la riposte » (interventions du personnel ou
des forces de l’ordre). Pour prévenir les risques, la séparation « des détenus en groupes de taille maîtrisable » doit
être assurée. Les quartiers d’hébergement sont divisés en
unités hermétiques de 40 places. L’organisation des locaux
et les moyens technologiques (caméras, écrans…) doivent
permettre de limiter au maximum les déplacements des
détenus et de « savoir à tout instant où est chacun et ce
qu’il fait » (Agence publique pour l’immobilier de la justice).
33
››››››››
Existe-t-il des prisons privées
en France ?
Semi-privatisation
La France n’a pas de prisons « à l’américaine » entièrement confiées à des groupes privés. Elle a néanmoins
développé un système de « gestion déléguée ». Il permet
de confier a minima la construction, la maintenance et la
restauration à des prestataires privés. La blanchisserie, la
cantine (épicerie), le travail et la formation professionnelle
des détenus, tout comme l’accueil des familles, peuvent
aussi être délégués. Seules les fonctions de direction, de
surveillance (sécurité) et de greffe (formalités d’écrou,
suivi de la situation pénale des détenus…) restent obligatoirement à la charge de l’Administration pénitentiaire. L’enseignement demeure aussi du domaine public
(Éducation nationale) tout comme la santé, désormais
assurée par le service public hospitalier.
49 % des détenus concernés
En janvier 2014, plus d’une prison sur quatre était en
gestion déléguée (52 sur 190). Elles représentent une
part plus importante du parc carcéral en nombre de
places (environ la moitié) et hébergent 49 % des détenus.
Leur taux moyen d’occupation est inférieur à celui des
prisons en gestion publique : 113 % contre 120 % (DAP,
tableau de bord). L’administration est en effet soumise
à des pénalités à partir d’un dépassement de 120 % de
leur capacité d’accueil.
34
››››››››
Questions-réponses
« Moins cher et plus rapide »
› › › La gestion déléguée trouve son origine en 1987 dans
le programme de construction de 13 000 places du garde
des Sceaux Albin Chalandon. La loi du 22 juin 1987 sur
le service public pénitentiaire a entériné la possibilité de
concéder certaines fonctions à des opérateurs privés. Le
programme 13 000 s’est traduit par la construction de
25 prisons en moins de quatre ans, pour un coût unitaire
par place créée inférieur de 25 % à celui des opérations
antérieures. Depuis, l’État a toujours fait appel au secteur
privé pour concevoir et construire de nouvelles prisons,
puis en assurer la gestion déléguée. Avec des résultats
inégaux, certains établissements révélant des défauts de
construction dès leur entrée en service.
Derniers contrats décriés
› › › Dans les premières générations de contrats, l’État payait
et devenait propriétaire des nouveaux établissements dès leur
livraison. Depuis 2002, les contrats sont passés en partenariat public-privé (PPP), ce qui permet à l’État d’engager des
constructions à crédit, en versant pendant environ 30 ans
un loyer au constructeur avant de devenir propriétaire des
lieux. La Cour des comptes a néanmoins attiré l’attention
en 2011 sur « la soutenabilité budgétaire » de ces loyers
– passés de 95 millions d’euros en 2010 à 567 millions en
2013, notamment du fait de taux d’intérêt croissants. Au
final, le coût de construction d’une place de prison est plus
élevé dans le cadre des PPP (145 500 euros contre 108 300).
35
››››››››
Les femmes, des détenus
comme les autres ?
Une « minorité carcérale »
Au 1er janvier 2014, on comptait 2 161 femmes sur 67 075
détenus (soit 3,3 %). Cette proportion est stable : elle
n’a jamais dépassé 4,5 % depuis les années 1980 (De
Bruyn, Kensey, 2014). Seules deux prisons leur sont
entièrement réservées : le centre pénitentiaire de Rennes
et la maison d’arrêt de Versailles. Le plus souvent, elles
sont donc placées dans un quartier à part au sein d’une
prison pour hommes, avec lesquels elles ne doivent avoir
aucun contact. Elles ont alors rarement accès aux locaux
collectifs (gymnase, ateliers de travail…) et pâtissent
d’une offre d’activités plus limitée.
Pas de régime spécifique
Les prisonnières sont soumises à la même règlementation que les hommes. Seules les femmes enceintes
et les mères incarcérées avec leur enfant bénéficient
d’un régime de détention spécifique. À la différence des
hommes, elles ne doivent être surveillées que par des
personnes de leur sexe. En pratique, le personnel de
surveillance au contact des détenues est bien féminin,
mais les gradés sont souvent des hommes. Ils évitent
les relations avec les détenues et n’interviennent en
cas d’incident qu’accompagnés d’une surveillante. Ils
ne doivent pas circuler dans les couloirs, regarder dans
les œilletons, ni effectuer les fouilles.
36
››››››››
Questions-réponses
Des détenues délaissées
› › › La rupture avec la famille lors de l’incarcération est plus
fréquente pour les femmes détenues. Cela s’explique par la
proportion de condamnées pour un crime intrafamilial ou
celle de condamnées étrangères pour trafic de stupéfiants,
sans parents en France. Les femmes incarcérées sont aussi
plus souvent délaissées par leur conjoint que l’inverse.
Plus de la moitié des détenues du centre de détention de
Joux-la-Ville n’ont ainsi jamais de visites au parloir. Les
prisonnières reçoivent également moins de courrier et
d’argent. La localisation géographique, majoritairement
dans le Nord, des prisons accueillant des condamnées à
de longues peines accentue aussi la difficulté à maintenir
des liens avec des familles éloignées. Cet isolement des
détenues influent sur leurs conditions de détention et leurs
possibilités de réinsertion à la sortie, faute d’hébergement
et de soutiens extérieurs (Rapport d’information de G. Huet,
Assemblée nationale, 2009).
Bébés en prison
› › › Les enfants peuvent être hébergés avec leur mère
détenue dans des cellules spécifiques jusqu’à l’âge de
18 mois (ils sont environ 50 par an). Pour limiter ces situations, la loi du 15 août 2014 prévoit des dispositions pour
que les femmes enceintes puissent purger une courte
peine en milieu ouvert. Elle cherche aussi à développer les
possibilités de libération conditionnelle ou de suspension
de peine pour les détenues ayant à charge un enfant de
moins de dix ans ou les femmes enceintes.
37
››››››››
Des prisons spéciales
pour les mineurs ?
Deux types de prisons
Les moins de 18 ans peuvent être incarcérés dans un
quartier pour mineurs (QPM) au sein d’une prison pour
adultes ou dans l’un des six établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Au 1er janvier 2014, parmi
les 731 mineurs détenus, deux tiers l’étaient en QPM,
bien que le régime y soit moins adapté et qu’un tiers des
353 places d’EPM soient inoccupées (source : DAP). Le
choix du lieu de détention provisoire privilégie en effet
« la proximité par rapport à la juridiction au détriment
du travail éducatif susceptible d’être engagé » (rapport
de J.-M. Clément, Assemblée nationale, octobre 2013).
Quel régime ?
En QPM, les jeunes doivent être séparés des adultes et
bénéficier d’une cellule individuelle. Néanmoins, le QPM
se limite souvent à quelques cellules isolées du reste de
l’établissement par une grille et nombre d’installations
sont communes avec les majeurs. La prise en charge
éducative est plus intensive en EPM avec 20 heures
d’enseignement hebdomadaire, des activités culturelles
et sportives toute la semaine. En QPM, la moyenne est
de 12,5 heures de scolarisation, les activités et le taux
d’encadrement sont plus réduits. En EPM, les mineurs
sont logés dans des « unités de vie » de dix places et
pris en charge par un binôme éducateur PJJ-surveillant
pénitentiaire.
38
››››››››
Questions-réponses
Excuse de minorité ?
› › › La détention d’un mineur doit être exceptionnelle, prio-
rité étant donnée aux mesures éducatives. La part des
incarcérations, parmi les mesures judiciaires donnant lieu
à une intervention de la Protection judiciaire de la jeunesse
(PJJ), se maintient ainsi autour de 2 % et le nombre de
mineurs détenus est relativement stable depuis 2000. Une
incarcération est impossible avant l’âge de 13 ans. Entre
13 et 16 ans, les peines qui peuvent être prononcées sont
plus courtes (moitié de la peine encourue). Le recours à la
détention provisoire est aussi limité par la loi. Pour autant,
plus de 60 % des mineurs incarcérés sont des prévenus.
Condamnés pour de petits délits
› › › 55 % des mineurs condamnés purgent une peine de
moins de 6 mois et 21 % une peine de 6 mois à moins d’un
an, pour des petits délits : vol simple (25 %), vol qualifié
(14 %), violences (36 %). Seuls 2 mineurs détenus étaient
condamnés pour un crime (0,2 %) en janvier 2014.
Des peines pédagogiques ?
› › › Un rapport du Sénat de 2002 sur la délinquance des
mineurs soulignait le défaut de lisibilité des décisions d’incarcération de mineurs. La détention provisoire intervient
souvent pour « donner un coup d’arrêt au processus d’enracinement dans la délinquance ». Le mineur est incarcéré
sans savoir pour combien de temps. Et quand la condamnation arrive, elle est de même durée que « la détention
provisoire effectuée ». De plus, la peine de prison est souvent
prononcée parce que « tout a échoué ».
39
››››››››
La France condamnée
pour ses prisons ?
Au pays des droits de l’homme
La France fait partie – avec le Royaume-Uni et l’Italie –
des quelques pays d’Europe occidentale condamnés à
plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de
l’homme (CEDH) pour non-respect en milieu carcéral de
la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales de 1950. Des pays tels que
la Russie, la Roumanie ou la Turquie restent néanmoins
bien plus souvent condamnés.
Des sujets qui fâchent
Ces condamnations ont principalement pour motif des
conditions matérielles de détention portant atteinte à la
dignité, des mesures de sécurité inhumaines ou excessives, des manquements aux soins médicaux et des cas
de suicides où les mesures préventives qui s’imposaient
n’ont pas été prises. La Cour a ainsi considéré le cumul
de transferts répétés, l’isolement de longue durée et
des fouilles corporelles fréquentes à l’encontre d’un
détenu comme un traitement inhumain et dégradant
(arrêt Khider, 9 juillet 2009). En 2013, elle a qualifié de
traitement dégradant l’effet cumulé de la promiscuité
avec les codétenus en cellule et de graves manquements
aux règles d’hygiène, qui ont provoqué chez le requérant
« des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à
le rabaisser et l’humilier » (arrêt Canali, 25 avril 2013).
40
››››››››
Questions-réponses
La CEDH, l’ultime recours
› › › Tout détenu peut engager une procédure devant la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH) s’il considère
que l’un de ses droits reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme a été violé. Il doit d’abord
avoir épuisé les recours devant les juridictions nationales.
Une décision de la CEDH s’impose à l’État condamné, qui
peut être obligé de verser une indemnisation au requérant.
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe est en outre
chargé de vérifier que des dispositions suffisantes ont été
prises par l’État condamné afin d’éviter de nouvelles violations du même type.
Un article clé
› › › « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines
ou traitements inhumains ou dégradants » (article 3 de la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales).
« La justice ne saurait s’arrêter à la porte des prisons »
› › › « La Cour européenne des droits de l’homme – qui
consacre un tiers de ses décisions à des litiges relatifs aux
détenus – est l’un des vecteurs déterminants de l’amélioration et de l’harmonisation des droits des détenus en Europe.
C’est cette Cour qui, dans l’arrêt du 28 juin 1984 Campbell
et Fell c/Royaume-Uni, proclame que “[…] la justice ne
saurait s’arrêter à la porte des prisons […]”, incitant les
États à repenser les conditions de vie, le statut et les droits
des détenus » (discours de J.-M. Sauvé, vice-président du
Conseil d’État, 24 février 2009).
41
››››››››
Peut-on contester
ses conditions de détention ?
Le juge condamne l’État à indemniser
Des conditions matérielles de détention ne respectant
pas la règlementation peuvent être contestées devant
les tribunaux administratifs (TA). Depuis mars 2008,
l’État a été condamné à indemniser plusieurs requérants détenus dans des conditions incompatibles avec
le respect de la dignité humaine. Parmi les critères pris
en compte par le juge figurent la taille de la cellule et sa
sur-occupation, la présence d’humidité ou de nuisibles
(rats, punaises de lit), l’absence de ventilation suffisante,
l’état des installations sanitaires ou électriques. Le temps
passé dans de telles conditions peut aussi compter, tout
comme l’âge du détenu ou son état de santé.
Le juge ordonne des travaux
Le juge administratif peut également imposer à l’administration d’engager des travaux et mesures de mise en
conformité, comme dans le cas du centre pénitentiaire
des Baumettes (Marseille). Trois décisions successives
(13 et 22 décembre 2012, 10 janvier 2013) ont ordonné
à l’Administration pénitentiaire d’agir pour que chaque
cellule dispose d’un éclairage et d’une fenêtre, de dératiser et désinsectiser la prison, d’effectuer des travaux
d’étanchéité et de mise en conformité électrique, ou
encore d’installer des cloisons autour des WC en cellule.
42
››››››››
Questions-réponses
Certains recours encore théoriques
› › › Au-delà des conditions matérielles de détention, les
personnes détenues peuvent engager des recours contre
un panel de plus en plus large de décisions. Pour autant, les
juridictions administratives restent partiellement protectrices
de leurs droits. Les délais de jugement permettent rarement
d’empêcher ou de faire cesser l’exécution d’une décision
illégale à l’encontre d’un détenu. La réparation intervient
a posteriori et n’empêche pas une nouvelle décision identique d’être prise. Ainsi en va-t-il des décisions de placement
à l’isolement, au quartier disciplinaire, de transfert dans une
autre prison, de retrait d’un poste de travail, etc.
La figure du procédurier
› › › Dans son rapport d’activité 2013, le Contrôleur général
des lieux de privation de liberté alerte sur les menaces ou
représailles subies par des détenus « procéduriers ». Ainsi
sont qualifiés ces condamnés qui entament régulièrement
des procédures pour faire valoir leurs droits. Le Contrôleur
évoque des recours non transmis par l’administration ou
des pressions exercées pour qu’une plainte soit retirée,
telle une menace de transfert dans une prison éloignée
de sa famille ou encore des « oublis » réguliers du détenu
en cellule à l’ouverture des portes pour la promenade, des
fouilles répétées, la divulgation à ses codétenus de son
motif d’incarcération… Jusqu’à pousser le procédurier à
la faute, ce qui permettra de discréditer ses plaintes en
arguant d’un comportement impulsif et violent.
43
››››››››
Un détenu peut-il être placé
seul en cellule ?
Un principe jamais respecté
Le principe de l’encellulement individuel est inscrit depuis
1875 dans le Code de procédure pénale. Néanmoins,
le nombre de détenus a toujours été plus élevé que le
nombre de cellules : au 1er octobre 2014, on comptait
66 494 détenus pour 49 681 cellules (rapport Raimbourg
du 30 novembre 2014). Si bien que le législateur a prévu
des dérogations à ce principe. Tel est le cas en maison
d’arrêt, si « la distribution […] des locaux ou le nombre
de personnes […] détenues ne permet pas son application » (art. 100 de la loi pénitentiaire du 24 novembre
2009). Les personnes prioritaires pour ces cellules sont
les victimes de violences de la part de codétenus, ou
certaines en détention provisoire (à la demande du juge).
16,5 % des détenus en maison d’arrêt étaient seuls en
cellule en octobre 2014.
Sauf en établissement pour peine
Seuls les détenus en centre de détention ou maison
centrale disposent d’un droit effectif à l’encellulement
individuel. Dans ces prisons, l’administration doit en
principe « faire droit dans les meilleurs délais » à toute
demande en ce sens, ou proposer un transfert vers une
autre prison (circulaire du 14 avril 2011). 87 % des personnes détenues dans ce type d’établissement étaient
seules en cellule en octobre 2014 (rapport Raimbourg).
44
››››››››
Questions-réponses
De moratoire en moratoire…
› › › Depuis 2000, le législateur a reporté quatre fois le
délai dans lequel il s’engageait à garantir l’encellulement
individuel. La loi du 15 juin 2000 avait fixé un délai de trois
ans, la loi du 12 juin 2003 l’a repoussé de cinq ans. La loi
pénitentiaire de 2009 l’a encore reporté de cinq ans. Et un
amendement gelant l’application de ce principe jusqu’au
31 décembre 2019 a été inséré dans le projet de loi de
finances rectificative pour 2014. Le Gouvernement devra
remettre au Parlement un bilan intermédiaire au deuxième
trimestre 2016.
« Six animaux dans un poulailler »
› › › « J’ai été contraint de revenir dans une cellule prévue
pour quatre être humains, dans laquelle deux lits ont été
ajoutés, ce qui fait que nous vivons à six animaux dans
ce poulailler. La surface au sol ne dépasse pas un mètre
carré par détenu. Aucune intimité n’est possible. Il faut
tout surveiller, tout contrôler. Impossible de travailler sur
soi-même et sa réinsertion. Impossible de trouver l’état
d’esprit et le calme pour écrire, pour lire. Je n’arrive plus à
dormir réellement. Mes ressources mentales s’épuisent »
(Courrier à l’OIP, Dedans-Dehors, no 81, octobre 2013).
Pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté
› › › L’encellulement individuel répond à des exigences
de préservation de « l’intimité » et de « la personnalité de
chacun ». Il permet de garantir un espace protégé des
phénomènes de racket, violence et domination des plus
faibles en détention (avis de mars 2014).
45
››››››››
À quelles mesures
de sécurité et de contrôle
les détenus sont-ils soumis ?
Sécuriser le périmètre
Plusieurs dispositifs visent à empêcher les évasions et
autres incidents à l’extérieur des bâtiments de détention.
Les miradors sont des sortes de tours où un ou deux
surveillants armés montent la garde. Les murs d’enceinte
sont surélevés de barbelés et entourés de clôtures, des
systèmes de détection électronique sont prévus…
Des contrôles au sein de la prison
Les bâtiments de détention sont dotés de caméras de
vidéosurveillance, d’un enchaînement de sas et portesgrilles avec ouverture électronique à distance. Les cellules
et locaux collectifs font l’objet d’inspections fréquentes.
Les systèmes de fermeture doivent être vérifiés périodiquement et les barreaux quotidiennement. Des fouilles
générales peuvent être décidées, généralement après
une émeute ou une suspicion de trafic. Les détenus
sont alors réunis dans la cour pendant les opérations,
qui peuvent durer toute une journée, l’ensemble de
leurs effets personnels étant inspecté. La présence de
chaque détenu doit être vérifiée au moins quatre fois
par jour au cours de rondes. Les surveillants procèdent
au contrôle à travers l’œilleton intégré dans la porte de
la cellule (avec allumage de la lumière la nuit), ou en
entrant dans la cellule (le jour seulement).
46
››››››››
Questions-réponses
La fouille à nu limitée par la loi
› › › La fouille « intégrale » d’un détenu vise à vérifier qu’il ne
dissimule pas sur lui d’objet ou de substance non autorisés.
Placé dans une cabine, il doit se dévêtir entièrement devant
un ou plusieurs surveillants. Les différentes parties de son
corps font l’objet d’un contrôle visuel : il lui est demandé de
passer la main dans ses cheveux, lever les bras, écarter les
jambes… S’ensuit une vérification de ses vêtements, qui lui
sont rendus un à un. La fouille à nu a été dénoncée comme
attentatoire à la dignité par les instances européennes et
nationale de protection des droits de l’homme, alors que
des moyens de détection électronique permettent ce type
de contrôle sans avoir à se dénuder. La loi de 2009 a dès
lors limité, mais pas prohibé, l’usage de ces fouilles. Elles
ne doivent plus être systématiques, mais justifiées par la
présomption d’une infraction, adaptées aux nécessités
de sécurité et à la personnalité de chaque détenu, et les
autres moyens de détection être jugés insuffisants. Nombre
d’établissements n’ont pas appliqué ce texte pendant plusieurs années, ce qui leur a valu des condamnations des
juridictions administratives entre 2011 et 2013.
Le saviez-vous ?
› › › Seuls les surveillants assurant un service de garde exté-
rieure sont armés. Ceux qui sont en service dans les locaux
de détention ne doivent porter aucune arme, mais peuvent
être équipés d’aérosols lacrymogènes, de matraques et de
tenues « anti-émeute ».
47
››››››››
Quelles sanctions pour
les détenus qui ne respectent
pas le règlement ?
Des sanctions disciplinaires
En cas d’infraction au règlement, le prisonnier passe
devant une commission de discipline interne. Le placement au quartier disciplinaire (« mitard »), pour une durée
maximale de 30 jours, représentait 74 % des sanctions
prononcées en 2013, le confinement en cellule ordinaire
14,5 %, l’avertissement 8 %, la privation de télévision ou
d’une autre activité pendant un mois 2,5 % (DAP, séries
statistiques). La sanction disciplinaire entraîne aussi le
retrait de réductions de peine par le juge compétent.
Elle peut enfin être à l’origine de mesures dites « paradisciplinaires », tels le transfert imposé dans une autre
prison ou le placement dans un régime de détention
plus strict.
Pour des fautes classifiées
Parmi les fautes disciplinaires les plus graves (« de
1er degré ») figurent la tentative d’évasion, la détention
ou le trafic de stupéfiants, les violences physiques. Les
menaces à l’encontre d’un surveillant, le tapage, la
participation à un mouvement collectif (sans violences)
constituent des fautes du 2e degré, et le mauvais entretien
de sa cellule ou le fait de jeter un objet par la fenêtre,
des fautes du 3e degré. Certaines fautes constituant des
infractions (trafic, violences…), le détenu peut aussi être
condamné au pénal pour les mêmes faits.
48
››››››››
Questions-réponses
Un avocat mais un manque de garanties de procédure
› › › Depuis 2000, les détenus ont droit à l’assistance d’un
avocat en commission de discipline. Mais souvent, ils ne
peuvent en bénéficier, l’avocat étant prévenu trop tardivement ou refusant de se déplacer (faible rémunération de
l’aide juridictionnelle, distance importante à parcourir…). Le
manque de garanties entourant la procédure disciplinaire
concerne d’autres aspects : commission présidée par le chef
d’établissement (donc difficilement impartial) cumulant les
fonctions de poursuite et de sanction, enquêtes se contentant
de reprendre le rapport d’incident du surveillant…
Mitard « suicidogène »
› › › La cellule disciplinaire est d’une surface réduite (6-7 m ),
2
comporte un sas grillagé à l’entrée et quasiment aucun
mobilier (lit métallique et tablette fixés au sol). La personne
sanctionnée ne peut être en contact avec aucun détenu,
pas même pendant son heure de promenade dans une
petite cour spéciale, surplombée de grillages et barreaux.
Le détenu est privé de toute activité et de télévision. Depuis
2009, un poste de radio peut lui être accordé ainsi qu’un
appel téléphonique par semaine. En 1996, un rapport de
l’Administration pénitentiaire concluait « que le placement
au quartier disciplinaire est éminemment anxiogène en ce
qu’il induit une perte des repères supplémentaire qui amplifie
la déstabilisation inhérente au placement en détention ». Il
« accroît de façon majeure le risque de suicide ».
49
››››››››
Les évasions sont-elles
nombreuses en France ?
Des évasions rares
Avec 4,5 évasions pour 10 000 détenus (soit 0,04 %) en
2011, la France se situe parmi les 14 pays du Conseil
de l’Europe ayant un faible taux d’évasion (entre 0 et 5).
Dix pays ont un taux supérieur, dont la Belgique (23), la
Finlande (30) et la Suisse (54). En 2013, 18 évasions de
détenus ont eu lieu en France. Le chiffre est plus élevé
pour les personnes placées sous main de justice sans
être en détention : 788 évasions en 2013 (DAP, tableau
de bord). Dans un cas sur deux, il s’agit de détenus qui
ne reviennent pas de permission de sortir (ou avec un
retard important). Ce sont aussi des personnes sous
bracelet électronique, semi-liberté ou placement extérieur qui ne rentrent pas à leur domicile ou en prison à
l’heure obligatoire (un simple retard est comptabilisé).
Mais plus violentes
Chaque évasion entraîne de nouveaux investissements
dans des dispositifs techniques de sécurité. Ainsi, en
avril 2013, après l’évasion d’un détenu de la prison de
Sequedin – à l’aide d’un pistolet, après avoir pris en
otages des surveillants et utilisé des explosifs pour faire
sauter des portes – 33 millions d’euros ont été ajoutés
à un budget sécurité ainsi doublé. Ces dispositions
limitent les évasions, mais favorisent aussi le recours à
des procédés plus violents.
50
››››››››
Questions-réponses
Quelle peine pour une évasion ?
› › › Depuis la loi du 9 mars 2004, l’auteur d’une évasion
encourt trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros
d’amende en cas d’évasion « simple » (par ruse, sans
atteinte physique ni matérielle). L’évasion avec violence,
effraction ou corruption est passible de cinq ans de prison
et 75 000 euros d’amende, auxquels peuvent s’ajouter des
peines pour les autres infractions commises à l’occasion de
l’évasion. Auparavant, le droit pénal ne réprimait pas l’évasion
simple, qui n’était pas considérée comme une infraction.
Deux évasions, deux styles
› › › L’usage d’explosifs est de plus en plus fréquent lors des
évasions de prison. La plus spectaculaire est celle d’Antonio
Ferrara le 12 mars 2003 de la maison d’arrêt de Fresnes.
Une douzaine d’hommes encagoulés prennent d’assaut l’établissement, en ouvrant des brèches dans les portes à coups
d’explosifs et en mitraillant les miradors. Ferrara s’échappe
en dix minutes et sera repris quatre mois plus tard. Il sera
condamné en appel à 12 ans de réclusion. L’évasion de
trois détenus du centre pénitentiaire de Borgo en juin 2001
se situe dans un tout autre registre. L’administration reçoit
un fax simulant un document officiel de levée d’écrou, ne
décèle pas le faux et libère les détenus sur le champ. Ils
seront relaxés un an plus tard par le tribunal correctionnel,
la loi ne considérant pas à cette époque ce type d’évasion
(par la ruse) comme une infraction.
51
››››››››
Les violences sont-elles
fréquentes en prison ?
Un problème de chiffres
Les données sur la violence en prison ne sont pas totalement fiables, car elles s’appuient sur le recensement
des seuls incidents ayant fait l’objet d’un compte-rendu.
Les agressions entre détenus sont vraisemblablement les
plus sous-évaluées (8 560 en 2013). La majorité d’entre
elles se produisent dans les lieux « où les surveillants
sont absents » (douches, angles morts des caméras de
surveillance, cours de promenade) et où les détenus
sont « livrés à eux-mêmes sans activité » (Chauvenet et
al., 2008). En outre, les détenus sont généralement peu
enclins à dénoncer les violences dont ils sont l’objet.
Une majorité d’agressions verbales
Les « événements collectifs » s’élevaient à 1 111 en 2013.
Toute action collective de détenus, même pacifique, est
comptabilisée, tel le simple fait de signer une pétition
qui est interdit. Les agressions contre un personnel
ayant entraîné une incapacité totale de travail s’élevaient
à 144. 20 072 autres agressions contre le personnel
étaient recensées, constituées en majorité (79 %) de
violences verbales. Elles ne sont pas toutes déclarées
par les surveillants, parce que très courantes ou par
peur des conséquences. Les agressions de détenus par
des personnels sont absentes des statistiques. Mais,
de tels faits se produisent et sont parfois portés devant
les tribunaux.
52
››››››››
Questions-réponses
Attention, promenade !
› › › Les cours de promenade ont été qualifiées par le
Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dès son
premier rapport en 2008, de « lieux de tous les dangers ». Il
rapporte les « menaces, rackets, violences, jets de projectiles,
trafics » qui s’y produisent quotidiennement. Le personnel
de surveillance n’entre pas dans les cours, qu’il surveille
« depuis des postes avoisinants ou par vidéosurveillance ». En
cas d’agression, les surveillants attendent « que les détenus
aient réintégré le bâtiment pour reprendre le contrôle de
la situation. Les conséquences en sont triples : le plus fort
impose sa loi ; des blessures graves sont fréquemment
constatées ; bon nombre de détenus refusent d’aller en
promenade, de peur des agressions » (p. 130 du rapport).
L’équation de la violence
› › › Le milieu carcéral est en lui-même générateur de ten-
sions et violences. Des chercheurs écossais l’ont expliqué par « l’empêchement des relations avec l’extérieur »,
« l’impossibilité d’échapper au regard d’autrui à un moment
quelconque » de la journée, « la programmation de toutes
les activités en fonction des exigences de l’institution »,
le fait qu’un « petit groupe » (le personnel) « dispose d’un
quasi-monopole sur l’information et le processus décisionnel ». L’absence de communication entre le personnel
et les détenus a enfin « une influence puissante ». Dans
la violence carcérale, « l’individu n’est que la moitié de
l’équation » (Cooke, Johnstone, Gadon, 2008).
53
››››››››
Des détenus enfermés
en cellule en permanence ?
Régime « portes fermées »
Les personnes détenues en maison d’arrêt ou en maison
centrale, soit la majorité, sont en principe soumises à un
régime « fermé ». Les portes des cellules sont constamment closes. Chaque déplacement doit être accompagné
par le personnel et justifié par l’accès à la promenade ou
l’inscription à une activité (Note DAP du 3 mai 2013).
Le temps passé en cellule dépend de l’offre d’activités,
plus réduite en maison d’arrêt, où certains détenus
peuvent rester enfermés jusqu’à 23 heures par jour.
Seuls les établissements pour mineurs (EPM) respectent
la recommandation européenne d’au moins 8 heures
par jour hors cellule pour tous les détenus.
Régime « portes ouvertes »
Les centres de détention sont habilités à prévoir un régime
« ouvert » pour certains détenus, afin d’« accompagner par
une plus grande autonomie [leurs] efforts de réinsertion
sociale ». Les portes des cellules peuvent être ouvertes
pendant une partie de la journée. La circulation à l’intérieur de l’unité d’hébergement, l’accès aux douches et
salles communes est libre à ces horaires. Le choix des
détenus placés en régime « ouvert » est effectué par une
commission pluridisciplinaire unique (CPU) qui doit tenir
compte de leur « personnalité, santé et dangerosité ». Le
Contrôleur général a qualifié ce « tri » de « pure et simple
ségrégation » (rapport de 2008).
54
››››››››
Questions-réponses
Quel régime pénitentiaire selon le Conseil de l’Europe ?
› › › Adoptées par les membres du Conseil de l’Europe, dont
la France, en 1973, les règles pénitentiaires européennes
ont été révisées en 1987 et en 2006. Elles prévoient que le
régime pénitentiaire « doit offrir un programme d’activités
équilibré » (art. 25.1) permettant aux détenus « de passer
chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains
et sociaux » (art. 25.2). En commentaire, le Conseil souligne
qu’il est « inacceptable que les détenus passent 23 heures
sur 24 dans leur cellule ».
Une seule « prison ouverte »
› › › Le centre de détention de Casabianda (Corse) est la
seule prison française sans barreaux ni murs d’enceinte.
À l’entrée, une simple barrière pour contrôler l’entrée et la
sortie de véhicules. Située sur un terrain de 1 800 hectares,
les détenus peuvent y circuler et travailler en plein air (agriculture, élevage, exploitation forestière). Les occupants ont
la clé de leurs cellules, qui ne sont fermées de l’extérieur
que pour la nuit (20h-6h). Des caméras de surveillance sont
installées à l’extérieur et l’intérieur des bâtiments. Les incidents sont rares, la menace d’un transfert dans une prison
ordinaire planant sur les 136 admis (pour 194 places, DAP,
2014). Les pays du Nord de l’Europe ont plus largement
développé ce type de prisons, après avoir constaté que les
détenus ne s’en évadaient pas davantage. Au Danemark,
elles représentent 60 % des places en établissement pour
peine.
55
››››››››
Peut-on travailler en prison ?
Des travailleurs à l’ombre
En principe, les « dispositions nécessaires doivent être
prises » pour fournir à tout détenu qui le demande un
« travail productif » (article D432-2 du Code de procédure pénale). En pratique, seuls 26 % des détenus ont
travaillé en 2012. Par manque de postes ou pour des
motifs disciplinaires, les détenus souhaitant travailler
peuvent rester longtemps sur liste d’attente.
Différents emplois
Pour le compte de l’administration, ils peuvent travailler
au « service général » comme auxiliaires à la bibliothèque,
la buanderie, la cuisine… (8 640 détenus en 2012). Ils
peuvent aussi être employés aux ateliers de production
de la régie industrielle des établissements pénitentiaires
(1 200 détenus en 2012). Ils peuvent enfin travailler pour
le compte d’entreprises privées, en cellule ou dans un
atelier installé en « concession » au sein des établissements pénitentiaires (7 540 détenus en 2012 contre
10 240 en 2000).
Une sous-condition
Sauf exceptions, les tâches proposées sont non qualifiantes et sans valeur ajoutée pour trouver un emploi à
la sortie de prison. Quant aux seuils de rémunérations,
déjà faibles en principe (20 % à 45 % du Smic), ils ne
sont pas toujours respectés. Certains détenus continuent
de percevoir un ou deux euros pour une heure travaillée.
56
››››››››
Questions-réponses
Le non-droit du travail
› › › « Les relations de travail des personnes incarcérées ne
font pas l’objet d’un contrat de travail » (art. 717-3 du Code
de procédure pénale). Les détenus peuvent être aussi bien
recrutés sept jours sur sept (sans repos hebdomadaire) que
pour quelques heures par mois (sans compensation des
heures chômées). Ils n’ont ni le droit de grève ni celui de
se syndiquer. Ils peuvent être « déclassés » à tout moment
de leur emploi.
Label constitutionnel
› › › Dans une décision du 14 juin 2013, le Conseil consti-
tutionnel a estimé que les dispositions prévoyant l’absence
de contrat de travail pour les détenus « ne méconnaisse[nt]
pas le principe d’égalité ni aucun autre droit ou liberté
que la Constitution garantit ». Elle rappelle qu’il appartient
au législateur de déterminer « les conditions et modalités
d’exécution des peines privatives de liberté » et qu’il reste
loisible de « renforcer la protection » des droits des personnes
incarcérées. La loi du 24 novembre 2009 n’avait en effet
instauré qu’un acte d’engagement entre l’administration
et le détenu, énonçant ses droits et obligations professionnels. À l’origine de cette décision, la saisine du conseil
des prud’hommes de Metz par deux détenus, Brahim
S. et Yacine T., qui avaient travaillé de septembre 2010 à
février 2012, au tarif de 3,13 euros de l’heure, pour une
société. Ils avaient soumis deux questions prioritaires de
constitutionnalité visant l’absence de contrat de travail.
57
››››››››
Quels formations ou loisirs
pour les détenus en prison ?
1h30 par jour
Une caractéristique des prisons françaises est le manque
d’activités hors cellule et l’oisiveté qui en découle. En
octobre 2014, la direction de l’Administration pénitentiaire
a annoncé son objectif de passer d’ici 2017 à une offre
d’activités de 3 heures par jour, contre 1h30 actuellement.
Sport et éducation
Le sport est l’activité la plus prisée des détenus. La majorité d’entre eux ont accès aux installations sportives entre
une et trois heures par semaine. L’offre reste néanmoins
insuffisante au regard des listes d’attente observées.
Les actions d’enseignement permettent à un quart des
détenus d’être scolarisés (15 479 à un instant t en 20112012), pour 6,6 heures en moyenne par semaine. Pour
la majorité (63 %), il s’agit d’une remise à niveau ou
d’alphabétisation, près de 27 % des détenus ayant des
difficultés de lecture (11 % d’illettrisme).
La TV en cellule
Une importante variété d’activités culturelles (théâtre,
photo, atelier d’écriture…) peut être proposée en prison.
Mais chaque atelier concerne à peine une dizaine de
détenus, si bien qu’au total, une infime minorité y a
accès. Les détenus restent ainsi de longues heures en
cellule à regarder la télévision, à laquelle ils ont tous
accès à condition d’en payer la location.
58
››››››››
Questions-réponses
Les obstacles au développement d’activités en prison
d’après le Contrôleur général
« Des exigences de sécurité, en premier lieu […]. On
ne peut mettre ensemble qu’un nombre limité de personnes : […] dans les salles de classe, six ou huit ; dans
les salles d’activités culturelles, encore moins ». Le nombre
d’activités présentées par un chef d’établissement « ne doit
pas faire illusion. Une minorité de personnes y ont accès,
d’ailleurs pour des temps limités ». Il faut aussi « concilier
[…] des horaires difficiles à harmoniser : promenades et
travail ; activités et repas ; travail et enseignement. Beaucoup
[de détenus] renoncent à l’un pour ne pas être privés de
l’autre (par exemple de sport) ». Enfin, toute participation
implique un déplacement de la cellule au lieu d’activité. Cela
« suppose qu’un surveillant se trouve à la bonne heure au
bon endroit pour ouvrir la porte de la cellule et d’autres pour
conduire les personnes à leur destination ». Les « retards
avec lesquels on vient les chercher », ainsi que « les oublis,
involontaires en principe (pas nécessairement toujours) »
sont extrêmement fréquents (extraits du rapport d’activité
2009, p. 82-84).
› › ›
Une obligation d’activité ?
› › › La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a introduit
une obligation d’activité pour les détenus : toute « personne
condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée » (art. 27). Encore faudrait-il que
l’administration soit en mesure de proposer une activité à
chaque détenu…
59
››››››››
Tout est-il gratuit en prison
pour les détenus ?
Nourris, blanchis ?
Deux repas et une collation sont distribués gratuitement
chaque jour. Mais les quantités servies sont parfois
insuffisantes et la qualité de la nourriture médiocre ou
déficiente en produits frais. Des produits d’hygiène corporelle sont fournis à l’arrivée en prison, mais pas tous
renouvelés. Une remise régulière de produits de nettoyage
est prévue, mais elle est souvent parcimonieuse. Pour
tout complément (aliments, timbres, cigarettes…), les
détenus doivent faire des achats en « cantine », sorte
d’épicerie gérée par l’administration.
Un coût de la vie de 200 euros par mois
La télévision est louée pour 9 euros par mois par cellule
dans les prisons publiques (note du 9 août 2013),
18 euros dans les prisons à gestion déléguée. L’accès
au téléphone est payant (environ 1 euro les 5 minutes).
Dans les prisons dotées d’une buanderie, il est possible
de faire une lessive pour 1 à 2 euros. Au total, le coût de
la vie en détention a été évalué entre 150 et 200 euros
par mois (rapport de Paul Loridant, Sénat, 2002). Les
dépenses des détenus sont prélevées sur leur compte
nominatif, où sont affectées les sommes qu’ils reçoivent
(mandats envoyés par leurs proches, revenus de leur
travail…). L’argent est interdit de circulation.
60
››››››››
Questions-réponses
Réguler les prix des produits « cantinables »
› › › Le surcoût des produits vendus aux détenus était de
17 % en moyenne (DAP, 2010), jusqu’à 90 % dans certaines prisons. En 2010, la Cour des comptes a relevé
« des écarts de prix injustifiables ». Depuis le 2 avril 2012,
un accord-cadre passé par l’Administration pénitentiaire
a permis de réduire fortement les prix de 200 produits
d’usage courant. Par exemple, la plaquette de beurre de
500 g doit être vendue 1,10 euros et le pot de Nutella
1,22 euros. Néanmoins, cet accord ne concerne pas les
prisons en gestion déléguée, où se trouvent près de la
moitié des détenus.
Un détenu sur quatre sans ressources
› › › Le seuil de pauvreté est fixé à 50 euros par mois en
détention. L’indigence concerne le « quart de la population
pénale » (circulaire du 17 mai 2013). Cette situation donne
droit à des aides en nature (vêtements, produits d’hygiène,
gratuité de la TV…) et en numéraire (maximum 20 euros
par mois). Les indigents sont prioritaires dans l’accès à
l’emploi ou à la formation rémunérée, mais d’autres critères
peuvent prévaloir (sécurité, situation pénale).
L’aide financière des proches
› › › 80 % des personnes qui se rendent aux parloirs envoient
de l’argent à leur proche incarcéré (enquête UFRAMA,
2012). Dans deux cas sur trois, ces fonds s’élèvent à plus
de 100 euros par mois. Ces dépenses concernent souvent
des familles « dont les revenus étaient déjà peu élevés avant
la détention de leur proche » et qui ont encore « diminué
avec l’incarcération ».
61
››››››››
Quels sont les droits de visite
des détenus ?
Obtenir un permis de visite
Les détenus peuvent recevoir des visites aux heures de
parloir de la prison. Néanmoins, le visiteur doit obtenir
au préalable un permis de visite. Celui-ci peut toujours
être refusé ou retiré après avoir été accordé. Les règles
d’octroi sont plus favorables aux membres de la famille
qu’aux compagnons non mariés ou aux amis.
Des parloirs « classiques »
La plupart des visites ont lieu dans des parloirs sous
surveillance du personnel pénitentiaire, qui doit pouvoir
entendre les conversations. Les rencontres se déroulent
dans de petites cabines ou dans des salles collectives
autour de tables. Les relations sexuelles sont prohibées.
Le non-respect de cette interdiction peut entraîner un
retrait du permis pour le visiteur et une sanction disciplinaire pour le détenu.
Des parloirs intimes
Seules 29 prisons sur 190 étaient dotées en 2014 d’unités de vie familiale (UVF) – appartements meublés de
2-3 pièces pour des visites de 6 à 72 heures – et/ou de
parloirs familiaux (PF) – pièces d’environ 10 m2 pour des
visites d’une demi-journée. Les rencontres s’y déroulent
sans surveillance directe et les relations sexuelles sont
possibles. La loi pénitentiaire de 2009 a pourtant instauré le droit pour tout détenu de bénéficier de ce type
de visite une fois par trimestre.
62
››››››››
Questions-réponses
Fresnes, un exemple de parloir « d’un autre âge »
› › › À la maison d’arrêt de Fresnes, les parloirs ont lieu dans
des box de 2 m2 comportant un muret d’environ 80 cm de
haut, séparant le détenu de son visiteur. Ces dispositifs de
séparation sont en principe interdits depuis 1983. « Pour
vous donner une idée de la largeur du box, si vous mettez
votre épaule droite contre le mur, vous ne pouvez pas
étendre complètement votre bras gauche » (visiteuse).
« C’est sonore. On entend tout et on voit ce qui se passe
dans les autres cabines. » Les surveillants circulent derrière
les portes vitrées des box. « Ils s’arrêtent et regardent de
gauche à droite. On n’a jamais l’impression d’être seuls »
(extrait de F. Bès, Dedans-Dehors, octobre 2014).
Les unités de vie familiale
› › › En UVF, la visite se déroule en dehors de la présence de
tiers. Seuls les détenus et leurs visiteurs peuvent demander
l’intervention d’un surveillant en cas de problème. Alors
que l’univers carcéral est organisé autour de la « nécessité
de pouvoir tout voir, tout contrôler à tout moment, les UVF
consacrent un espace et un temps où le regard de l’institution
ou de tiers ne pénètre pas ». « On a l’impression d’être en
appartement, on n’est plus en prison » ; « on fait abstraction
des barreaux, ça redonne goût à la liberté, à la complicité
entre époux », témoignent des détenus (C. Rambourg, Les
unités de visites familiales : nouvelles pratiques, nouveaux
liens, CIRAP, 2006).
63
››››››››
Quel accès au courrier,
au téléphone et à internet ?
Des courriers contrôlés
Les détenus ont le droit d’écrire et de recevoir des courriers, sans limitation quant aux destinataires, à la longueur
ou la fréquence des lettres. Les courriers peuvent être
contrôlés et lus par l’Administration pénitentiaire. Ils sont
retenus s’ils compromettent gravement la sécurité de la
prison ou la réinsertion du détenu. Seuls les échanges
avec l’avocat et certaines autorités administratives ou
judiciaires bénéficient de la confidentialité.
Téléphone oui, internet non
Depuis la loi pénitentiaire de 2009, tous les détenus, et
non plus seulement les condamnés, peuvent téléphoner
depuis des « points phone » installés dans les coursives
ou la cour de promenade. Ils doivent remettre à l’administration une liste de correspondants (en principe limitée
à 20 en maison d’arrêt, en pratique souvent à 10) avant
d’être autorisés à les appeler. Toutes les conversations
peuvent être écoutées et enregistrées, à l’exception de
celles bénéficiant de la confidentialité. Il n’est pas possible de recevoir des appels de l’extérieur, ni d’en passer
au-delà de 17h30. L’accès à internet et à une messagerie
électronique est interdit. Tout comme la possession de
téléphones portables, qui circulent clandestinement.
64
››››››››
Questions-réponses
Du côté de l’Europe, moins de surveillance
› › › Le Conseil de l’Europe insiste sur l’importance des
contacts avec l’extérieur pour limiter les effets désocialisants
de l’emprisonnement. Il s’oppose à la lecture systématique
des courriers, afin de permettre une communication sans
autocensure. La correspondance peut être contrôlée « afin de
vérifier qu’elle ne contient pas d’articles illégaux mais ne doit
être lue que s’il existe une raison spécifique de soupçonner
que son contenu pourrait être illégal » (commentaire des
règles pénitentiaires européennes 24.1 et 24.2 de 2006).
L’Italie respecte ces principes : les courriers ou appels ne
peuvent être lus ou écoutés que sur décision judiciaire,
lorsqu’il existe des raisons de suspecter la commission
d’une infraction ou la préparation d’une évasion.
Des parloirs numériques en Écosse !
› › › Depuis début 2014, un système de parloirs par visio­
conférence a été mis en place dans plusieurs prisons
d’Écosse. Prévu pour compenser la fermeture des deux
prisons du Nord-Est du pays et la difficulté pour certaines
familles de venir au parloir, le dispositif tend à se développer et à s’ajouter aux autres modes de communication.
Concrètement, les proches se rendent dans les locaux
d’une association partenaire et les détenus dans des salles
de visioconférence en prison. Durant les six premiers mois,
700 personnes ont utilisé ce système, facilitant notamment
les contacts des détenus avec leurs enfants en bas âge
(European Prison Observatory, 2014).
65
››››››››
Une liberté d’expression
conservée ?
Une parole publique surveillée
Le principe de libre communication des détenus avec
les médias est reconnu par la règle pénitentiaire européenne 24.12 de 2006, avec pour seules restrictions
des « raisons impératives » de sécurité et de protection
des personnes. En France, la loi du 24 novembre 2009
n’a prévu que les restrictions au principe, à savoir la
nécessité d’une autorisation de l’administration pour
toute diffusion d’écrit ou de témoignage oral (art. 41). En
pratique, pour certains, « l’administration pénitentiaire
refuse dans la plupart des cas les demandes d’interviews
de personnes détenues » (N. Borvo Cohen-Seat, Sénat,
14 juillet 2011). Un détenu outrepassant l’absence
d’autorisation peut être sanctionné. Dès lors, la plupart
de ceux qui s’expriment sur leurs conditions de détention
le font de manière clandestine et anonyme.
Un système de consultation balbutiant
À l’exception d’initiatives locales prises par certains directeurs de prison, la France n’a pas mis en place d’espaces
d’expression collective des détenus. La loi pénitentiaire
de 2009 prévoit leur consultation uniquement « sur les
activités qui leur sont proposées » (art. 29). Celle-ci
doit avoir lieu au moins deux fois par an, selon des
modalités laissées à l’appréciation du directeur (décret
d’application du 29 avril 2014). La simple distribution
d’un questionnaire est possible.
66
››››››››
Questions-réponses
L’expression collective en recherche
› › › En février 2010, la magistrate Cécile Brunet-Ludet a
remis un rapport sur le droit d’expression collective des
personnes détenues à l’Administration pénitentiaire, qui le
lui avait commandé. Elle y rappelait qu’un « tel droit existe,
sous des formes diverses, dans plusieurs pays membres
du Conseil de l’Europe », avec des effets positifs d’« apaisement du climat de détention », de « responsabilisation
[et de] resocialisation » des détenus. Relevant la fragilité
des initiatives informelles existant en France, elle dégageait
les principes d’un socle commun pour une généralisation
des dispositifs. Sur cette base, une expérimentation a été
menée dans sept établissements volontaires, mais finalement
abandonnée sous la pression des représentants nationaux
de certains syndicats de surveillants. En 2014, la DAP a
commandé au chercheur Christian Mouhanna une nouvelle
étude sur les expérimentations informelles déjà menées et
leurs conditions de réussite.
L’exemple du Canada
› › › Depuis la loi sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition de 1992, le Canada reconnaît aux
détenus la « possibilité de s’associer ou de participer à des
réunions pacifiques » (art. 73). Chaque prison doit aussi leur
permettre « de participer aux décisions concernant tout ou
partie de la population carcérale, sauf sur les questions de
sécurité » (art. 74). Des comités de détenus élus font ainsi
connaître à la direction les problèmes du quotidien et sont
consultés sur les décisions qui les concernent.
67
››››››››
Qu’en est-il
des soins médicaux ?
Une unité médicale dans chaque prison
Depuis la loi du 18 janvier 1994 sur la santé publique
et la protection sociale, la prise en charge sanitaire des
détenus est assurée par le service public hospitalier. Une
unité sanitaire est implantée dans chaque prison, comportant un dispositif de soins somatiques et un dispositif de
soins psychiatriques. Y sont assurés les consultations, la
fourniture de médicaments, des examens de laboratoire
et de radiologie… Pour les soins et interventions qui
ne peuvent y être pratiqués, les détenus sont envoyés
à l’hôpital de proximité ou dans une unité hospitalière
sécurisée (UHSI ou UHSA).
Des patients comme les autres ?
La réforme de 1994 avait pour but d’assurer aux détenus
une « qualité et une continuité de soins équivalentes à
ceux offerts à l’ensemble de la population » (cir­culaire
du 8 décembre 1994). Mais des difficultés persistent.
La plupart des unités sanitaires n’assurent pas de permanence en soirée, ni la nuit et ni le week-end. Le taux
moyen de médecins spécialistes est de 0,53 pour 1 000
détenus (22 % des postes budgétés sont non pourvus
selon la Cour des comptes en 2014). Les délais pour
des soins dentaires et ophtalmologiques sont souvent
de plusieurs mois. Les entorses au secret médical
sont fréquentes (locaux mal sonorisés, présence de
surveillants…).
68
››››››››
Questions-réponses
« Des progrès encore indispensables »
› › › Vingt ans après le transfert de la responsabilité des soins
en prison du ministère de la Justice à celui de la Santé, la
Cour des comptes en dresse le bilan. L’effort de rattrapage
dans la prise en charge a été « considérable », avec le quasi
doublement des équipes médicales entre 1997 et 2012. La
Cour recommande néanmoins de mieux évaluer les besoins
encore mal connus de la population carcérale. Et relève que
les « rigidités et les contraintes du milieu pénitentiaire se
conjuguent […] avec une offre de soins encore incomplète,
des besoins de modernisation de locaux et d’équipements
non satisfaits et des modes de coopération entre acteurs
fragiles et inaboutis » (Rapport public annuel, février 2014).
Menottes et entraves à l’hôpital
› › › Plusieurs niveaux de dispositifs de sécurité existent
pour escorter un détenu à l’hôpital, à adapter en fonction
du risque d’évasion. Cependant, « la presque totalité des
extractions se fait […] avec menottes et entraves » aux
pieds, soit « le niveau de sécurité le plus élevé ». S’en suivent
des « humiliations profondes d’apparaître en public entre
deux personnes en uniforme, dans un grand cliquetis
de chaînes ». Très souvent ces mesures sont maintenues
pendant « tout le séjour à l’hôpital » avec « menottage au
lit ». Le taux d’évasion au cours d’une extraction médicale
est pourtant faible : 2 pour 10 000 extractions (source :
CGLPL, Rapport d’activité 2012).
69
››››››››
Soins psychiatriques
et psychothérapies :
quelles possibilités ?
Pas d’obligation en prison
Un détenu ne peut pas être obligé de consulter un psychiatre ou un psychologue pendant son incarcération. Si
une obligation ou injonction de soins a été prononcée, elle
ne s’appliquera qu’à la sortie de prison. Depuis la loi du
12 décembre 2005 cependant, les détenus condamnés
pour une infraction passible d’un suivi socio-judiciaire
(principalement les infractions sexuelles) ne peuvent
obtenir de réductions de peine supplémentaires ou une
libération conditionnelle s’ils refusent de consulter. Ils
sont de cette manière « incités » aux soins.
Mais une offre limitée
Alors que les besoins sont élevés en prison, les unités
sanitaires ne comptent en moyenne que 3 psychiatres
et 5 psychologues pour 1 000 détenus. Et les 26 services
médico-psychologiques régionaux (SMPR) implantés
au sein de maisons d’arrêt manquent ou n’ont pas de
lits (pour des hospitalisations de courte durée). Depuis
2002, les hospitalisations à temps complet doivent en
principe avoir lieu au sein d’unités hospitalières spécialisées (UHSA). Mais l’établissement psychiatrique
ordinaire continue d’être utilisé comme principal mode
d’hospitalisation des détenus, où ils sont « quasi systématiquement placés en chambre d’isolement » et « sous
contention complète » (Cour des comptes, février 2014).
70
››››››››
Questions-réponses
13 mois d’attente
› › › Le 7 janvier 2013, la cour d’appel de Douai a condamné
l’État à verser à H. M., détenu depuis avril 2011 à la maison
d’arrêt de Valenciennes, une provision de 12 000 euros en
réparation de son préjudice. Alors que plusieurs expertises
avaient constaté une « schizophrénie appelant absolument
des soins psychiatriques » pour que son état ne s’aggrave
pas, il lui a « fallu attendre 13 mois pour obtenir une réelle
prise en charge psychiatrique », après « qu’il eut cessé de
s’alimenter ».
Que sont les unités hospitalières
spécialement aménagées (UHSA) ?
Situées au sein d’un hôpital psychiatrique, les UHSA
sont des structures hybrides : les soins sont assurés par le
personnel hospitalier et la sécurité extérieure par le personnel
pénitentiaire, qui peut aussi intervenir à l’intérieur en cas
d’incident. À la différence des SMPR, elles peuvent admettre
des patients sans leur consentement, ainsi qu’assurer un
programme de soins et d’activités complet. Instaurées
par la loi du 9 septembre 2002, il en existe 7 en 2014,
2 devraient ouvrir en 2015 et 8 autres à l’avenir. Leur coût
est élevé en termes d’investissement (150 millions d’euros)
et de fonctionnement (30 millions en 2012 d’après la Cour
des comptes). La plupart des UHSA ne répondent pas aux
demandes d’hospitalisation en urgence, qu’elles doivent
en principe garantir « 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 »
(circulaire 18 mars 2011). Les situations de crise continuent
d’être prises en charge par la psychiatrie générale.
› › ›
71
››››››››
Un détenu peut-il être libéré
pour raisons médicales ?
Par une suspension de peine
Depuis la loi du 4 mars 2002, les détenus « atteints d’une
pathologie engageant le pronostic vital » ou dont « l’état
de santé est durablement incompatible avec le maintien
en détention » peuvent bénéficier d’une suspension de
peine, « sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction ». Il s’agit d’une mesure humanitaire destinée à leur permettre de mourir hors de prison
ou de bénéficier des soins appropriés dans un milieu
adapté. Cependant, de nombreux obstacles ont limité
son application : exigence d’un pronostic vital engagé
« nécessairement à court terme » (Cour de Cassation,
28 septembre 2005) et de deux expertises médicales
concordantes, exclusion des troubles mentaux et des
personnes en détention provisoire, manque d’hébergements médicalisés…
Au périmètre élargi depuis 2014
En 2012, 253 suspensions de peine médicales ont été
accordées, alors que 71 personnes décédaient de mort
naturelle en prison la même année. Pour élargir son
application, la loi du 15 août 2014 en a ouvert l’accès
aux personnes en détention provisoire ou souffrant de
troubles mentaux, à l’exception de celles hospitalisées
sans leur consentement. Une seule expertise est désormais obligatoire et un certificat médical peut suffire en
cas d’urgence.
72
››››››››
Questions-réponses
L’épée de Damoclès
› › › La suspension de peine peut être retirée à tout moment
par le juge de l’application des peines si une nouvelle
expertise estime que les conditions « ne sont plus remplies ».
Ainsi, en 2008, un détenu en attente de transplantation
cardiaque a été réincarcéré pour effectuer un reliquat de
peine de trois mois. L’expertise concluait que son état était
« compatible avec une incarcération, sous réserve qu’il
bénéficie d’un accès facile vers un contact médical à toute
heure du jour et de la nuit ». Ce qui est impossible en prison.
Paraplégique, Jacques a, pour sa part, été libéré en avril
2009 et subit chaque année une nouvelle expertise : « Il
faudrait qu’après un certain délai, la suspension de peine
se transforme en libération conditionnelle, pour un jour en
voir la fin » (C. Reimeringer et S. Gautier, Dedans-Dehors,
avril 2012).
Fins de vie en unité sécurisée ?
› › › Les huit unités hospitalières sécurisées interrégionales
(UHSI), sortes d’enclaves pénitentiaires (fermées) au sein
d’hôpitaux, viennent peu à peu remplacer la suspension
de peine médicale. Depuis leur inauguration à partir de
2004, les experts peuvent être questionnés sur la compatibilité de l’état de santé de l’intéressé non seulement
avec la détention ordinaire, mais aussi avec une détention
en UHSI. D’après le chef de l’UHSI de Marseille, « experts
et juges se satisfont de la prise en charge à l’UHSI, sans
tenir compte de l’importance du soutien familial et amical
en fin de vie » (Ibid.).
73
››››››››
Quelles possibilités
de réinsertion et de
prévention de la récidive ?
Faibles moyens pour l’insertion
La préparation de la sortie de prison reste minimale,
voire inexistante pour certains détenus. 8 à 10 % des
sortants de prison ne savent même pas où loger, et bien
plus n’ont qu’une « solution précaire » (ministère de la
Justice, 2010). En 2012, on comptait 62,5 postes de
conseillers Pôle emploi pour 191 prisons. Ils ont certes
réalisé un entretien avec près de 19 000 détenus (Chiffres
clés AP, 2013). Mais parmi eux, seuls 19 % (soit 3 568)
ont obtenu un emploi ou une formation. Rapporté aux
88 000 sorties de l’année, ce taux descend à 4 %.
Et pour la prévention de la récidive
Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation
(CPIP) sont aussi censés assurer un accompagnement
individuel pour préparer la sortie. En nombre limité, ils
ne sont pas en mesure d’assurer cette mission à l’égard
de l’ensemble des détenus. Ils doivent aussi proposer
un travail de réflexion, individuel ou en groupe, sur la
commission de l’infraction (dans quel contexte elle a
eu lieu, comment l’éviter à l’avenir…). Cependant, le
nombre de programmes de prévention de la récidive
reste faible : 190 en 2012. Consistant en un groupe de
parole de 12 personnes maximum, on peut évaluer que
seuls 0,9 % des 251 998 détenus et probationnaires ont
ainsi pu en bénéficier.
74
››››››››
Questions-réponses
Handicap carcéral
› › › Les obstacles à l’insertion des sortants de prison sont
multiples : isolement et absence de soutien de la famille,
accumulation de dettes (impayés, amendes fiscales, remboursements à la partie civile…), absence de diplôme ou de
formation, « blanc » dans le CV le temps de l’incarcération,
casier judiciaire empêchant l’accès à de nombreux postes
(fonction publique, professions telles que chauffeur de
taxi, moniteur d’auto-école, avocat…). Sans compter les
difficultés de réadaptation : réapprendre à s’orienter dans
l’espace et à se déplacer, à utiliser de l’argent…
Manque de préparation
› › › Les détenus auditionnés par la conférence de consen-
sus sur la prévention de la récidive le 14 février 2013 ont
tous déploré le manque de préparation à la sortie. Pour
Sylvain, il faudrait « tabler sur la formation professionnelle
qualifiante » pendant l’incarcération, car le niveau d’études
est « très faible » et les détenus craignent d’être « incapables
d’évoluer dans un milieu professionnel ». Le groupe de
Bois-d’Arcy déplore la « non-présence de Pôle emploi » en
maison d’arrêt. Et celui d’Angers propose la création d’un
« quartier sortants », où serait préparée intensivement la
sortie, notamment les démarches administratives. Tous
craignent de ne plus « savoir vivre dehors », d’être « lâchés
dans la nature sans encadrement », d’être définitivement
« catalogués » et de retrouver leur « milieu naturel, à partir
duquel [ils] auront de grandes chances de retourner en
prison ».
75
››››››››
Les détenus sont-ils libérés
avant la fin de leur peine ?
Peu de sorties anticipées
80 % des sorties de prison ont lieu sans mesure de libération anticipée (aménagement de peine). Ce taux monte
à 98 % pour les condamnés à une peine de moins de
six mois (statistiques 2013, DAP). Il est pourtant établi
que les libérés conditionnels récidivent moins : taux de
recondamnation de 39 % dans les 5 ans, contre 63 %
pour les sortants en fin de peine (Benaouda, Kensey,
DAP, 2011). La libération conditionnelle permet en effet
d’accompagner le sortant pendant la période la plus
propice à la récidive (des trois premiers mois aux deux
ans après la sortie).
Mais des réductions de peine
Cela ne veut pas dire que les détenus effectuent la totalité de la peine prononcée au tribunal. Tous bénéficient
d’un « crédit de réductions de peine » et peuvent se voir
octroyer des « réductions de peine supplémentaires ». En
cas de « mauvaise conduite » ou d’absence « d’efforts de
réinsertion », les réductions de peines leur sont retirées
ou refusées.
Et des mesures de sûreté après la peine
Les condamnés peuvent faire l’objet de mesures de
contraintes après leur sortie, parfois bien au-delà de la
durée de la peine prononcée (par le biais par exemple
d’un bracelet électronique mobile). Tout incident peut
être sanctionné par un retour en prison.
76
››››››››
Questions-réponses
Un arsenal de mesures de sûreté
› › › Suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire, surveillance
de sûreté, rétention de sûreté, surveillance électronique
mobile, assignation à domicile…, les mesures de sûreté
n’ont cessé de se multiplier depuis la fin des années 1990,
fournissant un véritable arsenal pour contrôler un sortant de
prison le temps des réductions de peine accordées, voire
au-delà de la fin de la peine prononcée. Il est possible de
maintenir enfermés certains condamnés après leur fin de
peine, en rétention de sûreté. « Une peine après la peine »
fort critiquée, car elle ne sanctionne pas une infraction
commise mais une présomption de dangerosité.
Libération conditionnelle plébiscitée
› › › Reconnue comme l’une des mesures les « plus efficaces
et les plus constructives pour prévenir la récidive et favoriser la réinsertion sociale » (Conseil de l’Europe, 2003), la
libération conditionnelle (LC) reste peu utilisée. Seuls 10 %
des détenus libérés sortent en conditionnelle. En 2012, 6 %
des condamnés qui auraient pu en bénéficier ont obtenu
une LC (DAP, FND-GIDE). Pour le jury de la conférence
de consensus sur la prévention de la récidive de février
2013, la LC devrait « devenir le mode normal de libération
des détenus ». En Suède, cette mesure est automatique à
partir des deux tiers de la peine, sauf pour les condamnés
à perpétuité et les courtes peines.
77
››››››››
La prison, « école du crime » ?
La prison accroît la récidive
La recherche internationale montre que la peine de prison
n’est efficace ni pour dissuader la commission d’infractions, ni pour prévenir la récidive. L’emprisonnement est
évalué comme engendrant une augmentation moyenne
de la récidive de 3 à 5 % (Smith, Goggin, Gendreau,
2002). Cet effet est accru pour les courtes peines (autour
de 9 à 10 %). Quelques mois de détention suffisent en
effet à perdre son logement, son éventuel emploi, ses
liens familiaux… et à rencontrer plus délinquant que
soit. Il a aussi été montré que l’allongement des peines
n’a aucun effet positif sur la dissuasion ou la récidive
(Gendreau, 1999). C’est le contenu de la peine qui
compte et le traitement des difficultés de la personne
ayant un lien avec la commission d’infractions.
Au contraire des autres peines
Les peines de probation supervisées par un professionnel
bien formé peuvent pour leur part réduire le taux de
récidive de 20 à 25 % (Bonta, 2008 ; Robinson, 2011).
Ceci est toutefois conditionné à la mise en place de programmes adaptés aux risques de récidive, aux besoins
spécifiques et aux modes d’apprentissage de chaque
condamné. S’il s’agit d’un entretien tous les deux mois
limité au contrôle des obligations du condamné, l’effet
sur la récidive est généralement nul (Lafortune, 2014).
78
››››››››
Questions-réponses
Quel a été l’effet de la prison dans votre trajectoire ?
› › › « Un effet criminogène ! J’y suis allé quatre fois, pour des
peines de plus en plus longues. Le milieu carcéral, c’est un
peu le Pôle emploi de la délinquance, il y a tous les corps
de métiers sur place : dealers, braqueurs, receleurs… Il
suffit d’aller voir le bon pour perfectionner ses techniques.
En plus, on rencontre les “grands” braqueurs, ça revient
presque à rencontrer Zidane pour un jeune footballeur. Ils
deviennent des modèles. Et puis il y a les conditions de
détention, la surpopulation, la façon dont la justice nous
traite : on ressort avec plus de haine » (Y. Kherfi, DedansDehors, juin 2013).
« Éviter la prison » selon le Conseil de l’Europe
› › › « La recherche a largement démontré qu’à moins que
des efforts considérables soient fournis pour proposer des
prises en charge constructives, la prison est l’école du crime.
Les détenus parlent entre eux de leurs délits, […] et sont
confortés par le traitement qui leur est réservé dans une
“identité de délinquants”. De sorte qu’une première étape
pour prévenir la récidive est d’éviter l’emprisonnement le
plus possible. Une seule réponse pénale offre des possibilités
avérées de réduire la récidive : les programmes basés sur
les théories cognitives et comportementales, […] qui ont
prouvé leur efficacité pour prendre en charge des facteurs
criminogènes spécifiques » (N. Bishop, expert scientifique
au Conseil de l’Europe, Dedans-Dehors, déc. 2011).
79
››››››››
Quelles sont les peines
alternatives à la prison ?
Un large panel de sanctions
En matière de délits (pas de crimes), près de 80 % des
condamnations sont des sanctions exécutées en milieu
ouvert, hors prison (ministère de la Justice). L’amende
est la plus prononcée (33 % des peines correctionnelles
en 2012) suivie de l’emprisonnement ferme (21 %)
et du sursis simple (19,5 %). Dans ce dernier cas, il
s’agit de dispenser le condamné d’effectuer une peine
de prison, qui pourra être mise à exécution en cas de
récidive dans les 5 ans.
Avec ou sans suivi
La première peine comportant un suivi est le sursis
avec mise à l’épreuve (SME, 9 % des condamnations).
Il s’agit de respecter des obligations (de soins, de travail,
d’indemniser la victime…) et d’être accompagné par le
service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP)
pendant un à trois ans (jusqu’à sept ans pour les récidivistes). Existent aussi les jours-amendes, à savoir le
versement au Trésor public d’une somme de 1 000
euros maximum pendant au plus 360 jours (4 %). Les
mesures éducatives (4 %) peuvent consister en une
réparation du dommage, un stage de citoyenneté ou
de sécurité routière. Viennent enfin la suspension du
permis de conduire (3 %) et le travail d’intérêt général
(TIG, 2,5 %), à savoir effectuer 20 à 280 heures non
rémunérées au sein d’une association, d’une collectivité
ou d’un établissement public.
80
››››››››
Questions-réponses
La contrainte pénale, une nouvelle peine de probation
› › › La loi du 15 août 2014 a ajouté une nouvelle peine
alternative : la contrainte pénale. Elle peut être prononcée en cas de délit passible d’un maximum de 5 ans de
prison : vol simple, dégradation, délit routier, violence, etc.
Le condamné est soumis à des obligations décidées sur
la base d’une évaluation de sa situation. Il doit faire l’objet
d’un suivi renforcé du SPIP pendant une durée maximale de
5 ans, visant à « interrompre sa trajectoire de délinquance »,
au moyen de programmes « individuels ou collectifs de
prévention de la récidive » (ministère de la Justice, 2014).
Très proche du SME, elle ne le remplace pas pour autant.
Questions de crédibilité
› › › La plupart des sanctions exécutées en milieu ouvert
souffrent d’un manque de crédibilité : mise à exécution
tardive, entretiens au SPIP très espacés (au mieux une fois
par mois) se résumant souvent à un contrôle formel, manque
de travail de fond sur les problématiques des condamnés
(rapport à la loi, exclusion sociale, pressions des réseaux…)
(Dindo, 2007 et 2011). Le manque de moyens des SPIP
est en cause, mais aussi la formation des professionnels :
deux volets sur lesquels des mesures sont engagées en
2014. Si ces peines sont largement prononcées par les
tribunaux, la question se pose aussi de leur véritable utilisation en remplacement de courtes peines de prison, ou
dans des situations qui n’auraient de toute façon pas valu
une incarcération (Larminat, 2014).
81
@ vous la parole
› › › Les nouvelles prisons offrent-elles de meilleures
conditions de détention aux prisonniers ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹ Oui, sur le plan de l’hygiène et des conditions matérielles
de détention, il y a une nette amélioration dans les prisons
ouvertes à partir de 2007 (programme « 13 200 ») : les locaux
sont propres, chaque cellule comporte un réfrigérateur, une
télévision, et surtout, une douche. Dans les prisons plus
anciennes, les douches sont collectives, en accès limité à trois
fois par semaine, et sont souvent d’une saleté repoussante.
Pour autant, on parle de « déshumanisation » à propos des
nouvelles prisons. Tout y a été prévu pour limiter les contacts
humains : unités d’hébergement hermétiques entre elles,
multiplication des sas, portes et grilles que les surveillants
positionnés derrière des vitres sans tain ouvrent au passage des
détenus, caméras de vidéosurveillance partout. Les plafonds
sont bas, des grillages serrés (caillebotis) munissent toutes les
fenêtres, réduisant la luminosité de 50 %. Le béton domine, y
compris dans les cours de promenade. Surveillants et détenus
décrivent une terrible impression d’isolement et d’oppression.
L’occasion n’a pas été saisie de repenser la prison comme un
lieu de vie, le plus proche possible des conditions de l’extérieur,
comme le préconise le Conseil de l’Europe. Le directeur-adjoint
du centre pénitentiaire de Rennes, ouvert en 2010, l’a bien
résumé : « C’est plus propre. […] Mais en cent ans, il y a eu
peu d’évolution. […] La prison devrait être un lieu de vie dans
lequel on pratique l’enfermement. Et pas l’inverse » (cité dans
letelegramme.com, 21 novembre 2010).
› › › Est-il vrai qu’il y a beaucoup de suicides
en prison ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹ Oui, une personne détenue se donne la mort tous les trois
jours en moyenne. La France présente le taux de suicide carcéral
le plus élevé de l’Europe des Quinze (Duthé et al., décembre
2009). Il est huit fois plus important que dans la population
générale (Insee, 2010). Ce qui n’a pas toujours été le cas. À
la fin des années 1940, le niveau de suicide en prison était du
même ordre que celui des hommes libres âgés de 15 à 59 ans
(Duthé et al., décembre 2011). Il observe une légère baisse
depuis 2009, le nombre de suicides étant stable (autour de
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120 ; 111 en 2013) malgré une forte augmentation du nombre
de détenus. Les suicides concernent davantage de mineurs,
de personnes en détention provisoire ou incarcérées pour
crime. Les moments à haut risque sont l’arrivée en détention,
la période du jugement et le retour du parloir. La majorité des
passages à l’acte se produisent en cellule (65 % des cas en
2013) ou au quartier disciplinaire (17,5 %), et par pendaison (92 % ; source : OPALE, sur la base de données fournies
par la DAP). Le phénomène des violences contre soi s’étend
au-delà : la moitié des détenus rencontrés par des chercheurs
dans une maison centrale ont déclaré avoir fait au moins une
tentative de suicide ou une automutilation (un sur dix en
maison d’arrêt ; voir Chauvenet et al., 2005). L’Administration
pénitentiaire reste responsable de la prévention du suicide,
qui n’a pas été confiée au ministère de la Santé. Des mesures
ont été prises, telles que la distribution de pyjamas en papier
et d’une couverture indéchirable aux détenus suicidaires, ou
encore la formation des surveillants à la détection du risque
et le dispositif de « codétenus de soutien ». Mais l’approche
reste centrée sur l’empêchement du passage à l’acte plus que
sur un accompagnement de fond, et se double d’une pénurie
de psychologues dans de nombreuses prisons.
› › › Les détenus ont-ils le droit de voter ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹ Les détenus conservent le droit de vote, sauf si le tribunal
a prononcé une peine d’incapacité électorale à leur encontre,
ce qui est peu fréquent. Ils peuvent l’exercer par deux moyens :
le vote par procuration ou la permission de sortir. Mais tous
les détenus ne répondent pas aux conditions requises pour
en obtenir une. À défaut d’inscription sur les listes électorales
de leur commune, les détenus doivent engager les démarches
d’inscription dans celle où se situe la prison. Pour un vote par
procuration, le détenu doit aussi trouver un mandataire inscrit
sur la même liste électorale que lui. Les démarches pour récupérer des documents personnels (carte d’électeur ou d’identité)
peuvent être très longues. En pratique, le taux de participation
des détenus est très faible (4 à 8 % selon les élections). La
plupart ignorent qu’ils en ont le droit. Pour ceux qui le savent,
les démarches peuvent être trop complexes et dissuasives. Pour
y remédier, la Commission nationale consultative des droits
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@ vous la parole
de l’homme et le Contrôleur général des lieux de privation de
liberté (CGLPL) ont préconisé d’installer des bureaux de vote
en prison, comme au Danemark ou en Pologne. La garde des
Sceaux a annoncé un travail interministériel en vue d’examiner cette possibilité (réponse question parlementaire, JO du
25 novembre 2014).
› › › Les surveillants de prison usent-ils
de la violence contre les détenus ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹ Les surveillants sont autorisés à recourir à la force dans des
cas énumérés par la loi : légitime défense, tentative d’évasion,
résistance violente ou par inertie physique aux ordres donnés.
Dans ce dernier cas, ils doivent néanmoins essayer de résoudre
le problème par la discussion avant d’en venir à la force. Et
dans tous les cas, ils doivent se limiter à un usage de la force
« proportionné et strictement nécessaire à la prévention des
évasions ou au rétablissement de l’ordre » (art. R57-7-83 du
Code de procédure pénale). Au-delà, ils peuvent être poursuivis
au pénal pour faits de violence. Néanmoins, les poursuites sont
rares, la hiérarchie pénitentiaire et les magistrats chargés des
enquêtes justifiant souvent un usage de la force excessif par
l’attitude du détenu ou la difficulté du travail des agents. De
son côté, l’administration a tendance à dénier le phénomène :
elle ne publie aucun chiffre en la matière et engage peu de
poursuites disciplinaires contre les agents responsables. La
réponse privilégiée est d’affecter le surveillant à un poste sans
contact avec la population pénale. En juillet 2013 et septembre
2014, une dizaine de plaintes déposées par des détenus de la
maison d’arrêt de Valenciennes pour des violences commises
par des agents entre 2008 et 2009 ont abouti à la condamnation de deux d’entre eux à six mois de prison avec sursis. Les
pratiques dénoncées avaient été confirmées par une inspection
pénitentiaire, sans suites disciplinaires.
› › › Des criminels encore dangereux à la fin
de leur peine peuvent-ils être maintenus en prison ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹ Seuls les condamnés à la perpétuité « réelle », à savoir avec
une période de sûreté illimitée, peuvent rester indéfiniment
en prison. En revanche, il n’est pas possible dans un État de
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droit de maintenir quelqu’un en prison au-delà de la fin de
sa peine. Contournant ce principe, la rétention de sûreté a
été instaurée par la loi du 25 février 2008. Il s’agit de placer
dans un « centre socio-médico-judiciaire », pour une durée
d’un an renouvelable sans limite, des condamnés pour des
crimes graves à une peine d’au moins 15 ans de réclusion, qui
présentent à la fin de leur peine une « particulière dangerosité ». Le Conseil constitutionnel s’est opposé à l’application
rétroactive de cette disposition, si bien qu’il faudra attendre
que les personnes concernées arrivent à la fin de leur peine,
soit au moins 15 ans après la loi de 2008, pour qu’elle entre en
application. Mais une autre catégorie de personnes peut déjà
être placée en rétention de sûreté : celles condamnées avant
2008 à une peine d’au moins 15 ans, qui ont été soumises à
une surveillance judiciaire à leur sortie, prolongée par une surveillance de sûreté, et qui n’ont pas respecté leurs obligations.
C’est dans ce cadre que cinq personnes ont été retenues au
centre de sûreté de Fresnes entre 2011 et 2014. Le CGLPL a
critiqué les quatre premières décisions : l’un des retenus y a
été placé à tort, ayant été condamné à une peine de dix ans
de réclusion. Les autres ont été retenus pour des durées de
41 à 88 jours, « pendant lesquelles il était vain d’espérer une
modification de leur état » (avis du 6 février 2014). Ce qui
laisse perplexe sur leur dangerosité réelle et la manière dont
elle a pu être évaluée.
› › › J’ai entendu parler de rencontres
détenus‑victimes en prison, de quoi s’agit-il ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹ Elles n’existent qu’à titre expérimental dans quelques
prisons, notamment la maison centrale de Poissy depuis 2010.
Il s’agit de réunir deux petits groupes, le premier constitué de
victimes ou parents d’une victime d’un acte grave (homicide
ou agression sexuelle), le second de détenus condamnés pour
le même type d’infraction. L’auteur d’un crime et sa victime ne
peuvent pas être réunis, contrairement à ce qui se pratique en
Belgique. Tous doivent être volontaires. Les deux groupes se
retrouvent pour six séances de deux-trois heures, étalées sur une
période de cinq-six semaines. Les victimes bénéficient d’un cadre
pour exprimer leurs blessures et interrogations. Elles peuvent
découvrir l’histoire personnelle de criminels, entendre ce qui
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@ vous la parole
les a conduits au passage à l’acte, ce qu’ils ont compris depuis,
leurs souffrances aussi. Ce qui permet « d’humaniser l’auteur
et par là même de se libérer de ses propres peurs » (INAVEM).
Les condamnés peuvent mieux mesurer les conséquences de
l’infraction en écoutant des victimes, tout en réfléchissant à
ce qui les a menés jusqu’au crime. Ils ne tirent de leur participation aucun avantage en termes de réduction de peine
ou de libération conditionnelle. Chaque session est animée
par deux professionnels de la médiation et de la gestion de
groupe. Cette méthode vient du Canada et intègre un courant
plus large de justice « restaurative » ou « réparatrice », visant à
interrompre les cycles de violence-vengeance. Sont recherchées
des réponses qui permettent l’apaisement, la réparation et la
prévention d’une réitération (sources : INAVEM et articles de
Robert Cario).
89
Bibliographie
◗◗ Georges Benguigui, Fabrice Guilbaud,
Guillaume Malochet,
Prisons sous tensions, Champ social Éditions, 2011.
◗◗ Antoinette Chauvenet, Cécile Rambourg,
De quelques observations sur la mise en œuvre des règles
pénitentiaires européennes, Enap, 2010.
◗◗ Antoinette Chauvenet, Corinne Rostaing,
Françoise Orlic,
La violence carcérale en question, PUF, 2008.
◗◗ Commission nationale consultative
des droits de l’homme (CNCDH),
Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, vol. I
et II, La Documentation française, 2007.
◗◗ Conseil de l’Europe,
Recommandations sur les règles pénitentiaires (2006) et
sur les règles relatives à la probation (2010).
◗◗ Direction de l’Administration pénitentiaire,
L’exécution des décisions en matière pénale en Europe : du
visible à l’invisible, Actes de colloque international, 2008.
◗◗ Arthur Frayer,
Dans la peau d’un maton, Fayard, 2011.
◗◗ Jean-Jacques Hyest (président),
Guy-Pierre Cabanel (rapporteur),
Prisons : une humiliation pour la République, rapport
de la commission d’enquête du Sénat sur les conditions
de détention dans les établissements pénitentiaires en
France, no 449, Sénat, 2000.
◗◗ Anne Lécu,
La prison, un lieu de soins ?, Les Belles Lettres, 2013.
91
◗◗ Guy Lemire, Marion Vacheret,
Anatomie de la prison contemporaine, Presses de l’université de Montréal, 2007.
◗◗ Anne-Marie Marchetti,
Perpétuités, le temps infini des longues peines, Plon, 2001.
◗◗ Louis Mermaz (président), Jacques Floch (rapporteur),
La France face à ses prisons, rapport fait au nom de la
commission d’enquête sur la situation dans les prisons
françaises, no 2521, Les documents d’information de
l’Assemblée nationale, 2000.
◗◗ Marwan Mohammed (dir.),
Les sorties de délinquance, La Découverte, 2012.
◗◗ Observatoire international des prisons,
Les conditions de détention en France, La Découverte,
2011.
Passés par la case prison, La Découverte, 2014.
◗◗ Serge Portelli, Marine Chanel,
La vie après la peine, Grasset, 2014.
◗◗ Gonzague Rambaud,
Le travail en prison, Autrement, 2010.
◗◗ Caroline Touraut,
La famille à l’épreuve de la prison, PUF, 2012.
92
Collection Doc’ en poche
SÉRIE « ENTREZ DANS L’ACTU »
1. Parlons nucléaire en 30 questions
de Paul Reuss
2. Parlons impôts en 30 questions (2e édition mars 2013)
de Jean-Marie Monnier
3. Parlons immigration en 30 questions
de François Héran
4. France 2012, les données clés du débat présidentiel
des rédacteurs de la Documentation française
5. Le président de la République en 30 questions
d’Isabelle Flahault et Philippe Tronquoy
6. Parlons sécurité en 30 questions
d’Éric Heilmann
7. Parlons mondialisation en 30 questions
d’Eddy Fougier
8. Parlons école en 30 questions
de Georges Felouzis
9. L’Assemblée nationale en 30 questions
de Bernard Accoyer
10. Parlons Europe en 30 questions (2e édition octobre 2014)
de David Siritzky
13. Parlons dette en 30 questions
de Jean-Marie Monnier
14. Parlons jeunesse en 30 questions
d’Olivier Galland
21. Parlons justice en 30 questions
d’Agnès Martinel et Romain Victor
22. France 2014, les données clés
des rédacteurs de la Documentation française
25. Parlons gaz de schiste en 30 questions
de Pierre-René Bauquis
26. Parlons banque en 30 questions
de Jézabel Couppey-Soubeyran et Christophe Nijdam
30. France 2015, les données clés
des rédacteurs de la Documentation française
35. Parlons prison en 30 questions
de Sarah Dindo
191
SÉRIE « PLACE AU DÉBAT »
11. Retraites : quelle nouvelle réforme ?
d’Antoine Rémond
12. La France, bonne élève du développement durable ?
de Robin Degron
15. L’industrie française décroche-t-elle ?
de Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil
16. Tous en classes moyennes ?
de Serge Bosc
23. Crise ou changement de modèle ?
d’Élie Cohen
24. Réinventer la famille ?
de Stéphanie Gargoullaud et Bénédicte Vassallo
27. Parents-enfants : vers une nouvelle filiation ?
de Claire Neirinck, Martine Gross
28. Vers la fin des librairies ?
de Vincent Chabault
31. Des pays toujours émergents ?
de Pierre Salama
32. La santé pour tous ?
de Dominique Polton
SÉRIE « REGARD D’EXPERT »
18. Les politiques de l’éducation en France
d’Antoine Prost et Lydie Heurdier
19. La face cachée de Harvard
de Stéphanie Grousset-Charrière
20. La criminalité en France
de Christophe Soullez
29. La guerre au xxe siècle
de Stéphane Audoin-Rouzeau, Raphaëlle Branche,
Anne Duménil, Pierre Grosser, Sylvie Thénault
33. Quelle politique pour la culture ? Florilège des débats
sous la direction de Philippe Poirrier
34. Une jeunesse différente ?
sous la direction d’Olivier Galland et Bernard Roudet
37. Les monothéismes d’hier à aujourd’hui
de Régine Azria, Dominique Borne, Pascal Buresi, Sonia Fellous,
Anna Van den Kerchove
192
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