260 M. Hadj Ammar et al.
l’hypoth`
ese qu’une approche «qualit´
edevie»permet de
sortir du cadre nosographique habituel, dans la mesure o`
u
c’est dans les diff´
erents domaines de la vie que les ´
echelles
de la QdV s’attachent `
a´
etudier le v´
ecu des sujets ; on peut
dire qu’´
evaluer la d´
epression vise plutˆ
ot `
a´
evaluer la quan-
tit´
ed’
´
energie disponible, alors qu’´
evaluer la QdV li´
ee `
ala
sant´
e consiste aussi `
apr
´
eciser o`
u et de quelle mani`
ere se
d´
echarge cette ´
energie. Par ailleurs, alors que les ´
echelles
de la d´
epression sont essentiellement centr´
ees sur le mal-
ˆ
etre, les ´
echelles de la QdV ´
evaluent ´
egalement le degr´
e
du bien-ˆ
etre [6,11]. Cela, ne pose pas forc´
ement les deux
types d’´
echelles en termes de comp´
etitivit´
e, mais plutˆ
ot en
termes de compl´
ementarit´
e. En fait, les ´
evaluations respec-
tives des symptˆ
omes et des dimensions relatives `
alaQdV
se situent dans des registres diff´
erents et il n’existe pas
toujours de relation d’´
equivalence entre la gravit´
e clinique
et les cons´
equences d’impact de QdV. En d’autres termes,
l’appr´
eciation de la gravit´
e clinique ne suffit pas, il faut
dans le mˆ
eme temps ´
evaluer le retentissement des troubles
dans la vie du malade [7]. Lors de ce travail, nous ´
etions
confront´
es essentiellement `
a deux probl`
emes. Le premier
a concern´
e le cadre nosographique de la d´
epression et par
cons´
equent l’inhomog´
en´
eit´
e de la population `
a´
etudier ; `
ace
propos le DSM-IV [1] nous a offert un cadre utile, pr´
ecis et
pragmatique. Le second a concern´
e le choix de l’instrument
de mesure de QdV `
a utiliser. Nous avons opt´
e pour une
´
echelle g´
en´
erique, en l’occurrence la SF-36, en consid´
erant
ses avantages et sa pertinence. Ce choix n’´
etait pas justifi´
e
seulement pour ses qualit´
es psychom´
etriques et la facilit´
e
de sa passation, mais aussi pour la possibilit´
e de standardisa-
tion de nos r´
esultats permettant ainsi leur comparaison avec
ceux d’autres ´
etudes utilisant la mˆ
eme ´
echelle [4,9,15,20].
Toutefois, dans notre pratique, certains biais et limites
devraient ˆ
etre pris en consid´
eration quant `
a l’utilisation
de cet instrument : son adaptation `
a notre contexte socio-
culturel, l’´
etat ´
emotionnel du patient durant la passation,
la distorsion due `
a l’enquˆ
eteur des r´
eponses des patients
illettr´
es et l’absence de conditions d’´
evaluation standar-
dis´
ees. Quand on proc`
ede `
a l’interpr´
etation des r´
esultats,
surgit la difficult´
edelar
´
ef´
erence `
a la norme, autrement
dit la note seuil utilis´
ee `
a partir de laquelle on peut estimer
qu’une personne pr´
esente ou non une alt´
eration de sa QdV.
Certains auteurs consid`
erent que l’une des raisons pour refu-
ser la norme est sa pr´
etention uniformisante et n´
egatrice
des diversit´
es alors que le concept de la QdV implique une
approche singularis´
ee, sans r´
ef´
erence ext´
erieure et mul-
tidimensionnelle [11]. Toutefois, en pratique, un SMG est
souvent demand´
e, de la part du clinicien qui veut avoir une
id´
ee g´
en´
erale sur la QdV de son patient, mais aussi de la
part de ce dernier qui pourrait s’interroger sur le niveau de
sa QdV.
R´
esultats
Qualit´
edevie
Nous avons choisi cinq ´
etudes ´
evaluant la QdV des patients
ayant des troubles d´
epressifs `
a l’aide de la SF-36. La
premi`
ere, est une ´
etude longitudinale r´
ealis´
ee par Kroenke
et al. [9] aupr`
es de 601 patients, ´
etudiant l’efficacit´
e dans
l’am´
elioration de la QdV de trois inhibiteurs de la recap-
ture de la s´
erotonine. La deuxi`
eme, est celle de Pukrop
et al. [14] qui compare la QdV des patients schizophr`
enes
par rapport `
a celle des d´
epressifs. La troisi`
eme, est une
´
etude longitudinale r´
ealis´
ee par Bedi et al. [2] aupr`
es de
323 patients d´
epressifs comparant l’influence de la parti-
cipation du malade concernant le choix du traitement sur
l’am´
elioration clinique de la d´
epression et sur la QdV par
rapport `
a un traitement choisi et prescrit par le clinicien. La
quatri`
eme, est une ´
etude longitudinale r´
ealis´
ee par Nichols
et Brown [13] aupr`
es de 1161 patients d´
epressifs comparant
l’efficacit´
e de l’intervention du m´
edecin psychiatre `
a celle
de la famille dans d’am´
elioration de la QdV. La derni`
ere, est
celle de Sullivan et al. [16] r´
ealis´
ee aupr`
es de 330 patients
d´
epressifs ´
etudiant les facteurs pr´
edictifs concernant la
r´
eponse au traitement en fonction de la connaissance et de
la croyance des patients quant `
alad
´
epression. L’analyse
des r´
esultats de ces ´
etudes a montr´
e que la dimension la
plus pr´
eserv´
ee est l’activit´
e physique (D1), que la dimension
la plus touch´
ee est la vitalit´
e(D7)`
a l’exception de notre
´
etude o`
u il s’agissait de la douleur physique (D3)etque
dans notre ´
etude et celle de Pukrop et al.[14], les scores
moyens de la sant´
e psychique (D8) s’av`
erent plus manifes-
tement bas par rapport `
a ceux retrouv´
es dans les autres
´
etudes (Tableau 2). La standardisation des scores moyens
initiaux a r´
ev´
el´
e que l’alt´
eration de la composante mentale
´
etait plus importante que celle physique. Le mˆ
eme r´
esultat
a´
et´
e retrouv´
e par Brown et al. [4] dans son ´
etude transver-
sale `
a l’aide de la mˆ
eme ´
echelle portant sur 401 patients
d´
epressifs avec des scores respectifs de 37,4 et de 39,5.
Tableau 2 Résultats d’études comparant l’évaluation de la qualité de vie à l’aide de la SF-36 des patients suivis pour troubles
dépressifs.
Dimension Kroenke
et al.
(2001) [9]
Pukrop et
al. (2003)
[14]
Bedi et
al. (2000)
[2]
Nichols et
Brown
(2000) [13]
Sullivan et
al. (2003)
[16]
Notre
´
etude
D1: activit´
e physique 75 51,2 77,7 64 64 52
D2: limitations dues `
al’
´
etat physique 63 44,3 57,4 43,5 47,8 44,9
D3: douleur physique 55 51 67,9 50,5 55 38
D4: sant´
e perc¸ue 42,6 48,7 49,6 54,3 52,6 50,3
D5: limitations dues `
al’
´
etat psychique 55,3 33,4 42,2 44,8 36 38,8
D6: vie et relations avec les autres 57,7 48,5 65,4 58,2 61 49,2
D7: vitalit´
e 29 32,5 37,4 35,7 33,7 43,9
D8: sant´
e psychique 57,4 41,4 54,1 51 58,5 40,5