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actions thérapeutiques ainsi développées. Cet antipsycho-
tique, doté d’un nouveau profil pharmacologique, affecte
peu certaines des cibles souvent atteintes par divers autres
antipsychotiques (récepteurs cholinergiques muscariniques,
récepteurs ␣1-adrénergiques) ou les modifie sur le mode
d’une stimulation légère et non d’un blocage complet
(récepteurs D2, D3) ; il s’affranchirait, de ce fait, d’un cer-
tain nombre de leurs effets indésirables.
Efficacité et tolérance de l’aripiprazole dans le
traitement de la schizophrénie
Le diagnostic de schizophrénie fait entrer le patient dans un
parcours de soins bien souvent long et difficile. Après une
phase de début pouvant s’exprimer par une symptomato-
logie variée, positive, négative ou cognitive, l’évolution de
la maladie est émaillée de recrudescences symptomatiques
d’expressions sémiologiques également diverses. Il semble
donc indispensable de démontrer l’efficacité d’une molé-
cule antipsychotique par des études à court et à long terme,
mais également d’évaluer ses effets thérapeutiques sur les
différentes dimensions de la schizophrénie.
Par ailleurs, le profil de tolérance des molécules reten-
tit sur leur efficience, l’apparition d’effets secondaires
en cours de traitement ayant un impact négatif sur
l’acceptabilité du traitement et sur l’observance du patient.
Seront donc abordées ci-dessous les données d’efficacité et
de tolérance de l’aripiprazole dans le traitement de la schi-
zophrénie, à court et à long terme, puis son activité sur
les dimensions positive et négative, sur la désorganisation,
sur les fonctions cognitives et sur la composante dépressive.
Une place particulière sera réservée à son intérêt dans les
schizophrénies débutantes.
Enfin, des recommandations pratiques d’utilisation per-
mettront au clinicien d’adapter, au cas par cas, les modalités
d’instauration et de maintien du traitement par aripipra-
zole.
Données d’efficacité et de tolérance à court terme
Efficacité à court terme de l’aripiprazole dans le
traitement de la schizophrénie
L’efficacité de l’aripiprazole dans le traitement de la schi-
zophrénie a été initialement établie par cinq études à
court terme (deux études de phase II et trois études de
phase III) (Tableau 1). Ces études, versus placebo, d’une
durée de quatre à six semaines, ont porté sur un total de
1648 patients, âgés de 18 à 65 ans et présentant une schi-
zophrénie ou un trouble schizoaffectif en rechute aiguë
nécessitant une hospitalisation.
Parmi les études de phase III, une avait comme bras
témoin l’halopéridol [16], et une la rispéridone [30]. Dans
ces deux études, les scores obtenus à l’échelle Positive and
Negative Syndrome Scale (PANSS) [19] et aux échelles Cli-
nical Global Impressions (CGI)-Sévérité et CGI-Amélioration
[13] ont montré que l’aripiprazole était significativement
plus efficace que le placebo et d’efficacité du même ordre
de grandeur que celle obtenue avec l’halopéridol (10 mg/j)
ou avec la rispéridone (6 mg/j). L’amplitude de variation
observée sur le score total de l’échelle PANSS était compa-
rable quelle que soit la posologie utilisée (15 mg/j, 20 mg/j
ou 30 mg/j), ce qui suggère que, dans cet intervalle de dose,
il n’existe pas en moyenne d’effet-dose avec l’aripiprazole.
Cependant l’expérience clinique montre, qu’au niveau indi-
viduel, il peut être bénéfique d’augmenter les doses jusqu’à
la posologie quotidienne de 30 mg.
Plus récemment, l’étude de Cutler et al. [11] a mon-
tré l’efficacité à court terme d’une posologie quotidienne
inférieure à celles initialement préconisées. Cette étude,
randomisée en double insu sur six semaines, réalisée chez
367 patients schizophrènes hospitalisés pour rechute aiguë,
a ainsi montré, sur le critère de diminution du score total à
l’échelle PANSS, une efficacité de la posologie de 10 mg/j,
et ce, dès la deuxième semaine de traitement. En revanche,
dans cette même étude, l’efficacité obtenue avec une poso-
logie de 5 mg/j n’était significativement supérieure à celle
obtenue sous placebo qu’au terme des troisième, quatrième
et cinquième semaines, mais pas à six semaines.
L’efficacité de l’aripiprazole à court terme a également
été étudiée dans différents essais en ouvert, notamment
chez des patients schizophrènes résistants à d’autres trai-
tements antipsychotiques. L’étude de Kane et al. [17] a
ainsi porté sur un échantillon de 300 patients répondant aux
critères de résistance à l’olanzapine ou à la rispéridone,
et traités par perphénazine ou aripiprazole. En retenant
comme critère d’efficacité une diminution d’au moins 30 %
du score total initial à l’échelle PANSS ou un score à l’échelle
CGI-Amélioration égalà1ou2,27%despatients traités
par aripiprazole (avec une posologie de 15 ou 30 mg/j) et
25 % de ceux traités par perphénazine (8—64 mg/j) étaient
considérés comme répondeurs à six semaines de traitement.
Tolérance à court terme de l’aripiprazole
Les effets indésirables le plus souvent rencontrés à court
terme avec l’aripiprazole sont les suivants : céphalées,
nausées, dyspepsie, vomissements, constipation, insomnie,
étourdissements, somnolence, akathisie et troubles de la
vision (Fig. 1). Certains d’entre eux, comme par exemple
les céphalées, les nausées ou les troubles du sommeil,
pourraient correspondre à l’activité sérotoninergique de
l’aripiprazole [23].
Le plus souvent, ces symptômes sont d’intensité modé-
rée et s’estompent spontanément à partir de la deuxième
semaine de traitement. Dans certains cas, ils peuvent tou-
tefois nécessiter la prescription ponctuelle d’un traitement
symptomatique, qu’il soit antalgique en cas de céphalées
importantes, antiémétique, ou encore hypnotique.
Il faut insister sur le caractère faiblement sédatif de
l’aripiprazole. L’analyse poolée des essais cliniques réali-
sés à court terme a ainsi permis de montrer que seuls 11 %
des patients sous aripiprazole avaient présenté une somno-
lence contre 20,5 % dans le groupe halopéridol et 8 % dans
le groupe placebo [25].
En pratique clinique, cet aspect particulier de la tolé-
rance à court terme de l’aripiprazole doit être pris en
considération chez les patients présentant des troubles du
comportement au premier plan et/ou lorsque l’aripiprazole
est substitué à un traitement plus sédatif. Dans ce cas, il
peut être envisagé d’associer transitoirement un traitement
sédatif à type de benzodiazépine ou de neuroleptique séda-
tif (par exemple, cyamémazine ou lévomépromazine). Il faut
préciser que si l’aripiprazole est un traitement peu séda-