L’Encéphale (2008) 34, 2-7 REVUE DE PRESSE Avancées et recherches Chefs de rubrique : D. Gourion Ph. Gorwood D. Gourion (1) Ce que le visage de l’autre active dans le cerveau d’enfants et d’adolescents vulnérables face à la dépression : le modèle d’hyper-réactivité émotionnelle. Amygdala and Nucleus Accumbens Activation to Emotional Facial Expressions in Children and Adolescents at Risk for Major Depression. Monk et al., Am J Psychiatry 2008 ; 165 : 90–98. INTRODUCTION Les enfants de parents déprimés sont plus vulnérables face au risque de dépression. L’hypothèse d’une transmission génétique du support de vulnérabilité est clairement admise mais on ignore de quelle façon elle influence le fonctionnement neurobiologique de ces enfants. L’environnement affectif précoce – au-delà de toute composante génétique, joue également un rôle fondamental –. Les auteurs se sont basés sur les données disponibles chez l’adulte déprimé, qui montrent l’existence d’une hyperréactivité émotionnelle qui se traduit, en imagerie cérébrale, par une hyper-activation, un « flash », au niveau du système limbique (amygdale et noyau accumbens) lors de l’induction d’émotions négatives, par exemple lors de la présentation au sujet de visages tristes ou effrayés. L’hypothèse était que cette hyperréactivité émotionnelle liée aux structures méso-limbiques pourrait s’observer précocément chez des enfants vulnérables, bien avant l’entrée dans la psychopathologie dépressive. MÉTHODE 39 jeunes, dont 17 enfants de parents déprimés et 22 enfants de parents non déprimés ont été inclus. Une imagerie cérébrale fonctionnelle en IRM était réalisée durant une tâche qui consistait, pour ces enfants, à regarder des visages dont l’expression émotionnelle variait en intensité. RÉSULTATS (1) CH Sainte-Anne, Paris. Les enfants de parents déprimés présentaient une hyper-réactivité amygdalienne et du noyau accumbens lorsqu’on leur présentaient des visages effrayés. À l’inverse, ils montraient une moins bonne activation que les autres enfants lorsqu’on leur présentait des visages joyeux. CONCLUSION L’hyper-réactivité émotionnelle liée à une mauvaise régulation des structures mésolimbiques pourrait donc constituer le support de la vulnérabilité face à la dépression, et ce, avant toute manifestation psychopathologique dépressive. COMMENTAIRE Deux limites dans cette étude passionnante : l’absence de visages tristes présentés aux enfants, et l’existence chez certains enfants d’antécédents de troubles anxieux. Cependant, si ces résultats méritent d’être confirmés, ils ouvrent des perspectives physiopathologiques saisissantes : identification des circuits cérébraux liés à la vulnérabilité dépressive, et peut-être demain, nouvelles pistes préventives de la dépression chez les jeunes à risque. Revue de presse La méningite infantile augmente t’elle le risque de schizophrénie à l’âge adulte ? Une étude sur une cohorte de un million de Suédois. Infections in the CNS During Childhood and the Risk of Subsequent Psychotic Illness : A Cohort Study of More Than One Million Swedish Subjects. Dalman et al., Am J Psychiatry 2008 ; 165 : 59–65. 3 RÉSULTATS Il existait une association significative entre infection du SNC durant l’enfance et risque de psychose non-affective à l’âge adulte. Le risque relatif global était de 1,5 (1.0-2.4) pour les affections virales, à la limite de la significativité. Ce risque était encore plus élevé chez les femmes (R.R = 2,3). Les infections les plus fortement prédisposantes étaient liées au cytomégalovirus et au virus des oreillons. Par contre, les méningites et encéphalites bactériennes n’entraînaient pas de sur-risque dans cette population. Ces résultats étaient ajustés sur la psychose parentale, l’urbanicité, la saison de naissance. L’âge de l’infection ne modifiait pas le risque (âge moyen = 6 ans). COMMENTAIRE INTRODUCTION L’hypothèse neurodéveloppementale de la schizophrénie, née dans les années 1970, est en partie basée sur l’existence d’un lien entre affections prénatales et la maladie. Ce facteur de risque a donné lieu à l’hypothèse virale ou d’une agression précoce du SNC du fœtus. Par contre, le lien entre infections du SNC plus tardives, durant l’enfance et schizophrénie à l’âge adulte demeure méconnu. Ainsi, même si le « schizocoque » n’existe pas, certaines infections virales particulièrement agressives sur le SNC de l’enfant pourraient augmenter – quoi que très modérément – le risque de schizophrénie plus tard. La particularité du virus des oreillons est de coloniser les parois ventriculaires du SNC et de proliférer dans les cellules épendymaires. Les formes les plus neurovirulentes pouvant même entraîner une hydrocéphalie. L’hypothèse cholinergique de la schizophrénie : une piste thérapeutique avec la galantamine ? MÉTHODE La Suède dispose de registres nationaux de santé dont elle peut disposer pour la recherche. Cela permet la mise en œuvre d’études sur des cohortes pharaoniques de plusieurs centaines de milliers d’individus. Dans la présente étude, les auteurs ont collecté des données sur 1,2 millions d’enfants suédois nés entre 1973 et 1985. Ils ont croisés les données portant sur l’admission hospitalière pour une infection du SNC (méningites et encéphalites virales et bactériennes) entre 0 et 12 ans (N = 2 435 infections bactériennes et N = 6 550 infections virales) et hospitalisations pour psychoses non affectives (principalement la schizophrénie) à partir de l’âge de 14 ans (N = 2 269). Galantamine for the Treatment of Cognitive Impairments in People With Schizophrenia. Buchanan et al., Am J Psychiatry 2008 ; 165 : 82–89. CONTEXTE De nombreux auteurs pensent aujourd’hui que la schizophrénie est avant tout une maladie de la cognition. Cette hypothèse n’est pas nouvelle, puisque Bleuler le premier faisait l’hypothèse que le « relâchement associatif » est l’anomalie primaire dont découlent tous les autres symptômes schizophréniques. La terminologie des spécialistes de la cognition a changé, mais l’idée reste la même : les patients schizophrènes présentent tous, peu ou prou, des déficits attentionnels, mnésiques et des altérations des fonctions exécutives de haut niveau. Par ailleurs, la majorité des patients schizophrènes fument, sans doute – en partie du moins – pour stimuler les voies cholinergiques préfrontales déficitaires via l’activation des récepteurs nicotiniques. L’avènement des antipsychotiques atypiques a permis un gain considérable par rapport aux neuroleptiques d’ancienne génération : ils n’aggravent pas – en tout cas beaucoup moins – les fonctions cognitives. Il n’existe cependant pas de rationnel scientifique solide pour montrer qu’ils les améliorent réellement. Du reste, les patients même bien stabilisés par ces nouvelles molécules, continuent souvent de souffrir de déficits cognitifs plus ou moins marqués. Par ailleurs, l’imagerie cérébrale a montré l’existence d’une diminution des récepteurs muscariniques dans le cortex, le thalamus et les ganglions de la base de patients schizophrènes. L’idée centrale de la présente étude est de tenter de montrer qu’un inhibiteur de l’acétylcholinestérase, la galantamine, molécule largement utilisée dans les démences neurodégénératives de type Alzheimer, est susceptible d’améliorer le déficit cognitif des patients schizophrènes. Par ailleurs, la galantamine, outre l’inhibition de l’enzyme qui détruit l’acétylcholine, présente un agonisme partiel pour les récepteurs alpha-4 béta-2 et alpha-7 nicotiniques. MÉTHODE 86 sujets schizophrènes ont été randomisés dans un protocole double-aveugle sur douze semaines, comparant l’effet de la galantamine (24 mg/j) à celui du placebo. Des mesures neuropsychologiques de l’attention, de la fluence motrice et des mémoires visuelles, verbales et de travail ont été réalisées. Ces patients étaient stables sur le plan clinique et devaient présenter un score de déficit cognitif minimal objectivé par une note inférieure à 90 sur une batterie standardisée (repeatable battery for the assessment of neurosychological status de Gold et Buchanan) dont le score moyen est 100 (SD = 15). Les sujets gardaient leur traitement antipsychotique antérieur. RÉSULTATS Les sujets montraient une amélioration numérique de leur score total à la bat- 4 P. Gorwood terie cognitive, mais cette amélioration n’était pas significative après l’application des corrections de Bonferroni. COMMENTAIRE p = 0,02 (ajusté après corrections de Bonferroni) p = 0,66 (ajusté après corrections de Bonferroni) Par contre, certains tests étaient significativement améliorés par la galantamine : le WAIS III digit symbol (qui évalue la rapidité exécutive) ainsi que des mesures de mémoire verbale. Plus bizarrement, les sujets sous galantamine présentaient un moins bon score à l’échelle GDS de distractibilité que les sujets sous placebo. En ce qui concerne les mesures de psychopathologie (BPRS et SANS), les deux groupes étaient comparables (pas de différence significative à la 12e semaine). Par contre, le sous-score d’alogie de la SANS était amélioré dans le groupe galantamine. CONCLUSION Il n’existe pas de bénéfice majeur à l’adjonction de galantamine sur les fonctions cognitives. Cependant, la galantamine semble améliorer spécifiquement certains sous-tests cognitifs (mémoire verbale et rapidité exécutive). Par contre, elle semble aggraver le déficit attentionnel. Seul un sous-groupe de patients schizophrènes pourrait bénéficier de l’adjonction de la galantamine : ceux qui présentent une lenteur exécutive importante, associée à une chute de la mémoire verbale, mais qui en revanche n’ont pas de trouble attentionnel majeur. Cela limite considérablement l’intérêt de cette molécule, et confirme les données relatives au donézépil qui montrent également l’absence de bénéfice réel. Il n’existe donc toujours pas de solution pharmacologique efficace face au déficit cognitif résiduel des patients schizophrènes équilibrés par un antipsychotique. D’autres pistes méritent donc d’être explorées en termes de recherche, comme l’utilisation d’agonistes nicotiniques puissants ou bien l’utilisation du chlorhydrate de mémantine, autre molécule utilisée dans les démences et qui présente un agonisme partiel pour les récepteurs glutamatergiques. En attendant, les patients continuent de fumer et de souffrir de leurs déficits cognitifs… Clinique et thérapeutique Ph. Gorwood (1) Garder ou arrêter les thymorégulateurs en cas de grossesse dans le trouble bipolaire ? Risk of recurrence in women with bipolar disorder during pregnancy : prospective study of mood stabilizer discontinuation. Am J Psychiatry. 2007 Dec ; 164 (12) : 1817-24. Viguera AC, Whitfield T, Baldessarini RJ, Newport DJ, Stowe Z, Reminick A, Zurick A, Cohen LS. CONTEXTE Que ce soit pour des raisons médicolégales du prescripteur, ou d’inquiétudes « pharmacophobes » du patient, (1) Hôpital Louis Mourier, Colombes. l’interruption des thymorégulateurs lors d’une grossesse déclarée chez une patiente qui souffre de trouble bipolaire est souvent observée. Une idée aussi largement répandue est que la grossesse est protectrice, et donc que les rechutes thymiques y sont moins souvent observées. Faire le point sur cette question est complexe, du fait du manque d’études. Celles-ci sont essentiellement rétrospectives, mais les plus récentes seraient plutôt en défaveur d’une telle hypothèse de protection hormonale, avec des fréquences de rechute pendant la grossesse allant jusqu’à 50 %. Viguera (1) propose une des toutes premières études prospectives, qui reste bien sur observationnelle pour des raisons de prudence médico-légale assez compréhensible. Revue de presse 5 Morbidity during pregnancy versus teatment status Variable All subjects (N = 89) Subjects who maintained treatment (N = 27) Subjects who discontinued treatment (N = 62) N % N % N % Risk of at least one recurrencea 63/89 70.8 10/27 37.0 53/62 85.5 First recurrence risk by trimester First Second Third 42/89 15/47 6/32 47.2 31.9 18.8 6/27 3/21 1/18 22.2 14.3 5.6 36/62 12/26 5/14 58.1 46.2 35.7 Recurrence polarity (all recurrences)b Depression Mixed state Hypomania Mania 34/89 26/89 15/89 6/89 38.2 29.2 16.8 6.7 5/27 0/27 7/27 2/27 18.5 0.0 25.9 7.4 29/62 26/62 8/62 4/62 46.8 41.9 12.9 6.5 Percent of pergnancy weeks ill Mean SD Mean SD Mean SD All casesc 32.8 31.5 8.8 21.3 43.3 29.6 Stable subjects (%)d 26/89 29.2 17/27 63.0 9/62 14.5 l’antipsychotique pendant la grossesse ne peut se justifier par une absence d’impact explicite de cet arrêt sur le risque de rechute durant la grossesse. MÉTHODE 89 femmes (1) souffrant de trouble bipolaire, (2) ayant une grossesse déclarée (au maximum de 6 mois) et (3) consultant pour avis un centre spécialisé (menant l’étude) ont été recrutées, et suivies pendant un an. Le centre expert s’est contenté d’évaluer l’état thymique pendant la durée de la grossesse et au décours, et de noter toutes modifications des psychotropes prescrits. COMMENTAIRE RÉSULTATS Pour un tiers de l’échantillon seulement, le prescripteur n’a pas interrompu le thymorégulateur (lithium ou anticonvulsivant). Ces sujets avaient moins d’antidépresseurs mais plus d’antipsychotiques, avaient plus souvent un trouble bipolaire de type I, plus souvent du lithium comme thymorégulateur et avaient eu plus souvent des symptômes psychotiques. Les deux groupes ne sont donc pas comparables, ce qui est attendu dans une étude observationnelle. Les deux stratégies (maintenir ou interrompre le thymorégulateur) n’ont pas du tout le même impact sur la grossesse (tableau ci-contre), avec deux fois plus de rechutes chez les sujets ayant interrompu leur traitement. Ces rechutes sont essentiellement dépressives ou mixtes, seules les hypomanies sont, de manière surprenante, plus fréquentes chez les sujets ayant conservé leur thymorégulateur. Cet excès de rechute est observé de manière identique durant les trois trimes- FIG. 1. — Kaplan-Meier survival functions for pregnant patients with bipolar disorder who maintained or discontinued treatmenta tres de la grossesse, sont plus précoces chez ceux qui interrompent leur traitement, avec un total de sujets en rémission durant la grossesse beaucoup plus faible (14 % versus 63 %). Les risques de rechutes sont d’autant plus importants que l’interruption du thymorégulateur a été brutale (en moins de deux semaines). Dans une analyse multivariée qui cherchait à maîtriser les nombreux facteurs confondants, seule la présence d’antidépresseurs et l’arrêt des thymorégulateurs étaient prédictifs de la rechute. CONCLUSIONS La grossesse n’est pas protectrice du risque de rechutes chez les sujets souffrant de trouble bipolaire (70 % de rechutes ici), et la prudence qui amène une majorité des psychiatres à interrompre Si l’on ne peut concevoir que le choix de maintenir ou de continuer un thymorégulateur durant la grossesse soit indépendant du type de trouble bipolaire dont il s’agit, cette étude n’en reste pas moins très éclairante sur l’importance des rechutes thymiques (essentiellement dépressives) durant la grossesse qui ne doit définitivement plus être considérée comme une période d’accalmie dans le trouble bipolaire. Qui plus est, si le choix de maintenir ou non un thymorégulateur reste de la décision de la patiente (bien informée) d’abord, et du prescripteur ensuite, les données purement cliniques sont en faveur de son maintien. Un traitement spécifique pour les troubles cognitifs dans la schizophrénie A review of the effects of modafinil on cognition in schizophrenia. Schizophr Bull. 2007 Nov ; 33 (6) : 1298-306. Morein-Zamir S, Turner DC, Sahakian BJ. CONTEXTE Le FDA a modifié ses possibilités de mise sur le marché pour la schizophrénie, acceptant dorénavant des indications 6 P. Gorwood dans des domaines spécifiques, sans forcément avoir d’impact sur la maladie elle-même. C’est une mini-révolution, probablement non indépendante du développement de l’efficacité des tri-thérapies dans le SIDA, qui laisse entrevoir des traitements spécifiques développés pour améliorer les fonctions cognitives de la schizophrénie. Pour plusieurs traitements, une certaine efficacité a été démontrée, les résultats les plus détaillés concernant Characteristics, baseline measures, and treatment response of 67 outpatients with schizophrenia receiving selegiline or placebo augmentation of antipsychotic medication Characteristic Selegiline (N = 33) Placebo (N = 34) Mean SD Mean SD 3.48 2.78 1.03 1.14 3.53 3.00 0.71 1.10 Avolition-apathy Baseline Endpoint 3.64 2.82 0.74 1.04 3.68 3.15 0.68 0.96 Alogia Baseline Endpoint 2.94 2.06 1.29 1.22 2.79 2.29 1.09 1.27 Anhedonia Baseline Endpoint 3.85 3.33 0.57 0.82 3.85 3.56 0.66 0.99 Attention Baseline Endpoint 2.48 1.79 1.39 1.32 2.38 1.85 1.16 1.26 Total Baseline Endpoint 16.40 12.80 3.69 3.71 16.20 13.90 3.15 4.15 7.27 6.94 3.25 2.90 7.26 7.06 3.32 2.90 41.40 37.20 9.70 8.80 40.80 40.40 10.1 10.4 Clinical Global Impression (CGI) Severity scale Baseline 4.48 Endpoint 4.42 Improvement scale at endpointc 3.30 0.91 0.94 1.33 4.34 4.47 3.76 0.94 0.86 1.13 Simpson-angus rating scale total Baseline Endpoint 3.79 2.91 2.83 3.20 3.47 2.91 2.42 2.85 Hamilton depression rating scale total Baseline 15.60 Endpoint 13.10 6.89 6.36 18.30 16.60 7.38 8.13 Analysis zb p 1.15 0.25 2.63 0.009 0.20 0.84 2.15 < 0.04 ratingsa Symptom SANS Affective flattening Baseline Endpoint Brief psychiatric rating scale Thought disturbance Baseline Endpoint Total score Baseline Endpoint probablement le Modafinil, traitement dont l’indication porte normalement sur la narcolepsie, psychostimulant non amphétaminique de mécanisme d’action mal connu (agissant vraisemblablement comme agoniste hypocrétine/orexine avec des effets excitateurs sur les neurones adrénergiques du locus coeruleus). MÉTHODE Morein-Zamir a fait une revue de la littérature exhaustive et de qualité sur l’impact du Modafinil dans les troubles cognitifs de la schizophrénie. Sans éviter l’éternel « d’autres études sont nécessaires », les auteurs nous font part de trois études sponsorisées par le NIMH déposées sur le site maintenant célèbre du www.ClinicalTrial.Gov. Toute étude contrôlée doit en effet y être décrite avant l’inclusion du premier patient, avec les hypothèses et le plan d’analyse. Cette stratégie a trois avantages majeurs. Tout d’abord, les études négatives ne peuvent plus être « oubliées ». Ensuite, les résultats post-hoc ne peuvent plus être confondus avec la vérification des hypothèses initiales. Enfin, le public (donc nous) a un accès systématique et exhaustif à toutes les études en cours, ce qui est extrêmement intéressant à plusieurs égards. RÉSULTATS 0.74 0.46 1.98 < 0.05 0.05 0.96 2.47 < 0.02 3.71 < 0.001 1.00 0.32 1.86 < 0.07 Tout d’abord le Modafinil a une efficacité sur les fonctions cognitives qui n’est pas spécifique de la schizophrénie, puisque ce traitement est déjà utilisé dans l’hyper-activité avec déficit de l’attention, et même dans les dépressions résistantes. Dans la schizophrénie, il semble que l’amélioration obtenue concerne surtout les tâches exécutives et les capacités attentionnelles. Le plus souvent ce traitement était proposé en association (add-on) avec un antipsychotique, et les quelques études contrôlées (voir tableau ci-contre pour exemple) montrent bien un avantage explicite sur les fonctions cognitives. Les inquiétudes compréhensibles sur la tolérance et les risques de rebond hallucinatoire liées à tous psychostimulants sont en partie rassurées du fait de la rareté des effets indésirables (céphalées, insomnie, bouche sèche), et surtout de l’augmentation moindre (mais non nulle) des résurgences délirantes (par rapport aux amphétamines). Il semble que les sujets qui bénéficieraient le plus de ce Revue de presse 7 type de traitement associé, seraient les sujets ayant un bon niveau intellectuel au départ (on ne prête qu’aux riches) avec une baisse franche des fonctions cognitives après l’émergence de la maladie, souffrant d’effets sédatifs de leur traitement antipsychotique, et enfin qui seraient traités par neuroleptiques plutôt que par antipsychotiques de deuxième génération. CONCLUSIONS Les premières publications pointent le bout de leur nez pour les indications add-on dans la schizophrénie, le champ des troubles cognitifs étant vraisemblablement le plus exploré. Le Modafinil, psychostimulant non amphétaminique, pourrait avoir des avantages thérapeutiques importants, mais probablement pour des indications de champ relativement réduit. COMMENTAIRE Affaire à suivre, les études contrôlées d’envergure ayant déjà débuté. Il est assez probable que le Modafinil soit le premier traitement disponible avec ces nouveaux types d’indication. Les données sont certes clairsemées et insuffisantes à ce jour, mais pas pour longtemps, et vont vers des résultats vraisemblablement positifs. Il faudra alors se préparer à effectuer des batteries de tests cognitifs pour tous nos patients, ce qui n’est pas (encore ?) dans les habitudes de tous les psychiatres en France. d’attentat ou autres sujets exposés à des situations de stress majeur ne consultent pas souvent, suivent peu leur traitement (si traitement il y a) et ont du mal à suivre des prises en charge souvent longues et intenses. C’est dans cette idée que Litz et ses collègues ont cherché à mettre au point un joli compromis entre l’entretien face-à-face avec un psychothérapeute indispensable au départ, et le fait de ne plus être obligé de revoir son psychothérapeute… du tout. MÉTHODE Il s’agit d’un petit échantillon, avec 45 patients, exposés au 911 (attentat du 9 Septembre) ou à la guerre en Iraq, mais qui ont été tirés au sort pour recevoir cette TCC sur internet, versus une aide sous forme de conseils pour la gestion du stress (tout aussi intense en fréquentation du site internet) mais qui ne relevait jamais de l’événement à la base du PTSD. Les auteurs se sont donc élégamment mis dans l’hypothèse forte selon laquelle c’est bien le type de TCC sur internet qui fait la différence, et non le suivi et le « soutien » très régulier sur internet. La thérapie cognitivocomportementale assistée sur internet pour les PTSD. A randomized, controlled proof-of-concept trial of an Internet-based, therapist-assisted self-management treatment for posttraumatic stress disorder. Am J Psychiatry. 2007 Nov ; 164 (11) : 1676-83. Litz BT, Engel CC, Bryant RA, Papa A. La prise en charge est amusante à lire, et reste relativement personnalisée. Emails et coups de téléphone au thérapeute ne sont pas rares, ce qui est bien compréhensible. Les sujets sont initialement évalués par un entretien classique et « humain », puis progressivement exposés (tâches à suivre sur internet) avec des auto-évaluations très fréquentes. Les abandons redoutés sont relativement comparables avec la TCC classique (30 %), et comparables dans les deux bras. L’efficacité est bonne, avec un tiers des sujets en rémission complète parmi ceux qui ont été au bout du traitement. CONCLUSIONS Cette assistance par internet ne signifie pas la disparition du thérapeute, loin de là. Le programme est décidé par le signant, après une longue évaluation en face-à-face. De plus, le suivi reste personnalisé, même si les contacts se font plus par le téléphone et les courriels que par des rencontres réelles. On perçoit facilement les avantages de cette technique pour une population qui consulte difficilement, qui est souvent perdue de vue, et qui n’est pas toujours, pour certains comme les militaires, dans des conditions propices à des consultations fréquentes et parfois très éloignées de leur lieu de vie. COMMENTAIRE CONTEXTE Le stress post-traumatique pose de nombreux problèmes, dont celui de l’accès aux soins. Si différentes approches thérapeutiques ont été validées, le fait est que les soldats, les victimes FIG. 2. — Score on PTSD symptom scale interview version of subjects who underwent internet-based supportive counseling or selfmanagement cognitive behavior therapy before and up to 6 months after treatment RÉSULTATS Les deux approches ont des résultats comparables pendant trois mois, mais l’efficacité à 6 mois favorise clairement la TCC sur internet. Les auteurs évitent l’écueil du « tout virtuel » qui poserait bien d’autres questions, ce travail portant sur l’aide que peut apporter au thérapeute l’outil internet, et certainement pas une évaluation de son rôle substitutif.