Discussion S77
La suite logique de ces travaux a été d’en développer
les retombées pratiques et en particulier une stratégie de
remédiation, en parallèle avec les outils d’évaluation d’im-
pact (marqueurs de processus) que nous avions validés.
Notre choix a porté sur l’exercice de la capacité d’attribu-
tion d’intention à autrui, à la fois dans la capacité à géné-
rer des hypothèses et dans la capacité à sélectionner
l’hypothèse la plus pertinente en fonction des éléments
contextuels (modèle de Sperber et Wilson).
Notre équipe a travaillé à la construction d’un matériel
écologique (extraits de fi lms) et qui suscite hautement la
lecture intentionnelle. L’atelier de remédiation consiste en
10 séances durant lesquelles sont travaillés un ou deux
extraits de fi lm de diffi culté croissante. La procédure consiste
à visionner l’extrait de fi lm sur lequel le groupe va travailler.
Cet extrait pourra être revu autant de fois que nécessaire au
cours de la séance de travail. Puis l’animateur propose une
question et 5 réponses possibles, classées en très peu proba-
ble, peu probable, probable ou très probable.
Le travail de l’atelier consiste à élaborer avec le patient
les stratégies pertinentes qui permettent d’aboutir au clas-
sement proposé, en favorisant la logique « commune » plu-
tôt que la logique « personnelle » ; il est possible de
procéder à un revisionnage de l’extrait à chaque fois que
nécessaire pour retrouver les indices comportementaux et
contextuels qui importent pour appuyer la stratégie.
Nos résultats préliminaires montrent une amélioration
des capacités de lecture intentionnelle de certains patients,
mais également une amélioration de leurs capacités rela-
tionnelles au sens large.
Un point est à souligner, inspiré par la littérature : dans
cette méthode d’apprentissage, l’animateur donne d’em-
blée la bonne réponse. Le travail porte sur les stratégies
pour y parvenir, sans laisser le sujet procéder par essais et
erreurs. Il existe en effet des données convaincantes
concernant l’intérêt de la méthode d’apprentissage sans
erreur, développée en particulier par l’équipe de Kern et
Liberman. Le bénéfi ce de cette méthode par rapport à la
méthode classique par essai et erreur peut procéder d’un
effet motivationnel classique de renforcement positif. Il
est probable que des raisons cognitives contribuent égale-
ment de manière spécifi que au bénéfi ce particulier obtenu
avec cette méthode par les schizophrènes : elle évite en
effet de fi xer en mémoire de « faux chemins », et elle
réduit la diffi culté de la tâche puisque, la « réponse-but »
étant donnée, le travail peut se centrer sur les stratégies.
Indications de la rémédiation cognitive
De nombreux critères généraux d’indication ou de prédic-
tion d’une bonne réponse ont été proposés, comme un
niveau suffi sant concernant des capacités cognitives de
base (attention, fonctions exécutives, langage, mémoire…),
des capacités d’apprentissage satisfaisantes, un niveau de
motivation et de coopération suffi sant.
D’autres points importants entrent en jeu. D’une part,
l’insight du patient par rapport à ses diffi cultés est, en matière
globale de réhabilitation, probablement essentiel : on connaît
l’atteinte spécifi que de l’insight dans la schizo phrénie ; de
plus, les capacités d’insight des patients sont évolutives et
leur développement constitue une bonne partie du travail que
nous avons à conduire dans le suivi des patients.
D’autre part, deux facteurs représentent sans doute
des entraves importantes au fait de pouvoir bénéfi cier
d’une approche de remédiation : la dépression, dont on
connaît la fréquence dans les troubles schizophréniques, et
qu’il est important de rechercher ; et un traitement mal
adapté (sur ou sous dosé). Toutefois, les données concer-
nant un gain spécifi que lié à tel ou tel antipsychotique ne
sont pas, aujourd’hui, solides.
Au-delà de la question de l’effi cacité des méthodes de
remédiation (question qui n’a, à ce jour, que des réponses très
partielles, bien qu’encourageante pour certaines approches),
la question se posera, à terme, des critères de choix d’une
approche parmi les différentes qui sont proposées. Certaines
approches se distingueront, sans doute parce que plus centrées
sur les défi cits fonctionnels spécifi ques des patients. Mais il fau-
dra également préciser à quel moment une méthode a le plus
de chances d’apporter des résultats positifs chez un patient
donné. Ceci souligne l’intérêt d’approches séquentielles.
L’évaluation des techniques
de réhabilitation cognitive
Il est probable que l’imagerie cérébrale tiendra à l’avenir
une place essentielle dans l’évaluation de l’effet des stra-
tégies de remédiation cognitive.
La remédiation cognitive soutient en effet l’hypothèse
d’une plasticité cérébrale chez les sujets schizophrènes. Cette
hypothèse semble avoir été oubliée par les psychiatres depuis
de nombreuses années, alors qu’elle est aujourd’hui forte-
ment soutenue, en particulier dans les atteintes cérébrales
lésionnelles, par les neurologues et les neuropsychologues.
Des études d’évaluation de l’impact de la remédiation
cognitive pourraient montrer la modifi cation du fonction-
nement cérébral après remédiation, soit par réapparition
ou renforcement des patterns d’activation observés chez le
sujet normal, soit par l’apparition de patterns d’activation
différents, qui témoigneraient de la mise en place d’une
adaptation et de stratégies cognitives palliatives.
Références
[1] Hardy-Baylé M-C, Sarfati Y, Passerieux C. The cognitive basis
of disorganization symptomatology in schizophrenia and its
clinical correlates : toward a pathogenetic approach to disor-
ganization. Schizophr Bull 2003 ; 29 (3) : 459-71.
[2] Kayser N, Sarfati Y, Besche C et al. Elaboration of a rehabili-
tation based on a pathogenetic hypothesis of « theory of
mind » impairment in schizophrenia. Neuropsychol Rehabil
2006 ; 16 : 83-95.
Figure 1 Modèle des troubles de la communication
schizophrénique [1].
Troubles de la communication
Erreurs dans l’attribution
d’intentions à autrui Trouble du traitement
des indices contextuels
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