Évolution du trouble de la personnalité borderline : revue de la littérature 377
Études prospectives récentes sur des
échantillons importants
Deux recherches prospectives du TPB sont en cours depuis
environ 15 ans aux États-Unis : Mc Lean study of adult deve-
lopment (MSAD), comparant le TPB à d’autres personnalités
pathologiques, et Collaborative longitudinal personality
disorder study (CLPS), comparant l’évolution des person-
nalités borderline, évitante, obsessionnelle—compulsive et
schizotypique.
Comparativement aux études précédemment présen-
tées, celles-ci sont réalisées auprès d’échantillons plus
importants, elles explorent plus d’aspects évolutifs du TPB
et utilisent une méthodologie plus rigoureuse, comprenant
des évaluations répétées par des examinateurs non avertis
et des analyses statistiques plus sophistiquées.
Étude Mc Lean study of adult developement
[28,29,30,31]
Cette étude a débuté, ilya16ans, avec un échantillon
de 290 sujets borderline hospitalisés, répondant à la fois
aux critères DSM-III et aux critères DIB-R. Le groupe témoin
comportait 72 sujets présentant d’autres troubles de la
personnalité. Lors de l’inclusion dans l’étude, le fonction-
nement global des sujets borderline était très perturbé,
comme le montre le score moyen de 39,8 à l’EGF. L’âge
des sujets s’étalait de 18 à 35 ans (âge moyen : 27 ans) et
ils bénéficiaient tous de traitements médicamenteux et psy-
chothérapiques intenses tout au long du suivi. La plupart des
résultats publiés à ce jour concernent la période des six pre-
mières années de suivi, mais certains résultats concernant
la période de dix ans sont également disponibles.
Après six ans de suivi, le taux de suicide a été faible,
de 3,8 % (11 sujets). L’évolution du fonctionnement global a
été favorable, 60 % de sujets présentant un fonctionnement
jugé satisfaisant.
Quant à l’évolution symptomatique, cette étude a mon-
tré que les rémissions sont plus fréquentes et obtenues dans
des délais plus brefs que ce qui avait été constaté dans
les études précédentes. Parmi 275 sujets ayant été rééva-
lués, au moins une fois au cours des dix ans, environ 34 %
(95 sujets) ont été considérés en rémission au cours des deux
premières années, 54 % (149 sujets) après quatre ans, 73 %
(202 sujets) après six ans, 85 % (233 sujets) après huit ans
et 88 % (242 sujets) après dix ans. En ce qui concerne le
temps de rémission, parmi 242 sujets ayant atteint la rémis-
sion au cours de ces dix années, 95 sujets (39,3 %) étaient en
rémission pour la première fois lors de l’évaluation à deux
ans, 54 sujets (22,3 %) après quatre ans, 53 sujets (21,9 %)
après six ans, 31 sujets (12,8 %) après huit ans et neuf sujets
(3,7 %) après dix ans. Il est intéressant de noter que la plu-
part des sujets se sont rétablis au cours des deux premières
années du suivi. Par ailleurs, les récurrences se sont mon-
trées rares, environ 6 % après six ans de suivi (le taux de
récurrence sur dix ans n’a pas été précisé). Compte tenu
de ce taux de rémission élevé associé à un taux de récur-
rence faible, la personnalité borderline semble présenter
deux potentialités évolutives opposées : soit une évolution
positive aboutissant à des rémissions stables (la plupart des
patients), soit une évolution chronique sans phase de rémis-
sion.
En ce qui concerne l’évolution des symptômes spéci-
fiques, malgré une diminution globale de la symptomatolo-
gie, tous les symptômes n’ont pas évolué au même rythme.
Les comportements autodestructeurs (automutilations, ten-
tatives de suicides) et les symptômes d’allure psychotique
se sont résolus assez rapidement, tandis que les symptômes
affectifs (sentiment chronique de vide, accès de colère) et
les difficultés liées aux relations interpersonnelles (intolé-
rance à la solitude, peur de l’abandon et méfiance) se sont
améliorés peu et lentement. Il est à noter que la dyspho-
rie et l’hyperréactivité de l’humeur (instabilité affective)
persistent chez la plupart des sujets borderline malgré
les traitements médicamenteux intenses tout au long du
suivi, suggérant qu’il s’agit vraisemblablement de caracté-
ristiques constitutionnelles.
En ce qui concerne l’évolution des troubles comorbides,
leur taux a significativement diminué chez les sujets bor-
derline en rémission, mais il est resté stable tout au long
du suivi chez ceux qui remplissaient toujours les critères
TPB. Ces résultats impliquent que la rémission du TPB favo-
rise la rémission des troubles comorbides de l’Axe I. La seule
exception sont les troubles liés à l’utilisation des substances
psychoactives qui interfèrent avec l’évolution favorable du
TPB en aggravant tous ses symptômes. En effet, l’alcoolisme
et/ou la toxicomanie augmentent l’impulsivité, la rage et
les symptômes dépressifs, exacerbent la méfiance, tout
entraînant des conséquences graves sur le fonctionnement
interpersonnel [29].
Étude Collaborative longitudinal personality
disorder study [21]
Cette étude a commencé, ilya12ans, sur un échantillon
de 668 sujets dont 175 sujets borderline. L’âge des sujets
s’étalait entre 18 et 45 ans. Les troubles de la personna-
lité ont été diagnostiqués à l’aide du diagnostic interview
for DSM-IV personality disorders (DIPD-IV [30]). Même si
les participants de l’étude CLPS ont été suivis depuis plus
de dix ans, la majorité des résultats publiés jusque-là
concernent la période des deux premières années de suivi.
Cent cinquante-huit (88 %) de 175 sujets borderline inclus
ont été réévalués à trois reprises sur deux ans : à six mois,
à 12 mois et 24 mois.
Pour ce qui est de l’évolution symptomatique, cette
étude a montré que le taux de rémission variait en fonc-
tion de la fac¸on dont cette dernière est définie. Ainsi, lors
de l’évaluation à deux ans de suivi, 56 % de sujets ne rem-
plissaient plus les critères TPB, c’est-à-dire répondaient à
moins de cinq des neuf critères. En revanche, lorsque deux
définitions plus restreintes de la rémission ont été appli-
quées, les taux de rémission se sont révélés plus bas : 42 %
de sujets répondaient à moins de trois critères depuis deux
mois consécutifs et seulement 28 % répondaient à moins de
trois critères depuis 12 mois consécutifs. Cependant, même
le taux de rémission de 28 % peut être considéré comme
élevé pour un trouble de la personnalité comme le TPB,
supposé être stable.
Quant à la stabilité des différents critères du TPB, cer-
tains critères se sont montrés plus stables que d’autres.