ASPECTS NEUROBIOLOGIQUES FAUT-IL CONSERVER L’ANXIÉTÉ COMME UN FACTEUR

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Psychiatrie pratique : dépression, suicide, anxiété
L’anxiodépression
G. Roussey
Médecin généraliste, Paris
La prise en charge des patients souffrant d’un trouble anxio-dépressif est
complexe. Les symptômes émotionnels constituent une dominante de
l’état dépressif, avec comme clefs de
voûte la tristesse et l’anhédonie. Au
moins, l’un de ces deux symptômes
doit être présent pendant une période d’au moins quinze jours et cinq
signes fonctionnels et/ou émotionnels, parmi ceux définis par le DSM
IV sont nécessaires pour poser un
diagnostic d’épisode dépressif caractérisé. Le retentissement fonctionnel
des symptômes sur la vie familiale,
sociale et professionnelle permet de
caractériser la sévérité de l’épisode
dépressif.
L’échelle d’évaluation est aussi un outil de lecture pour le patient, en particulier chez l’homme, en l’aidant, à
mettre des mots sur sa propre souffrance. La phase d’ouverture d’un
entretien structuré offre au médecin
un temps d’écoute active indispensable à l’accompagnement de cette
souffrance. Il ressort que le sexe féminin est plus souvent concerné par
les symptômes dépressifs.
Lorsqu’un patient souffre de dépression, la présence de symptômes
anxieux est un facteur de moindre
tolérance et de résistance thérapeutique.
L’auteur n’a pas déclaré de conflits d’intérêt.
© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
ASPECTS NEUROBIOLOGIQUES
Il semble exister des voies neurobiologiques différentes bien que les
zones cérébrales concernées soient
communes. L’amygdale est au cœur
du trouble anxieux et du trouble dépressif. Elle est hyperactivée dans la
composante de peur avec court-circuit du cortex.
Dans la dépression, d’autres aires cérébrales sont mises en jeu comme
l’hippocampe et le cortex frontal et
préfrontal. Anxiété et dépression
concernent les mêmes zones cérébrales mais des groupes cellulaires
différents en termes d’interactions,
d’actions neuromédiatrices et de régulation.
D’autre part, le système dynamique
diffère : l’anxiété, au sens large, ne
déstructure pas le sommeil contrairement à la dépression. Les fonctions
cognitives centrales sont altérées
dans l’anxiété et déstructurées dans
la dépression. Enfin, sur un plan thérapeutique, il a été démontré que
l’action des antidépresseurs est efficace aussi bien dans les troubles
anxieux et dans les états dépressifs
caractérisés.
FAUT-IL CONSERVER L’ANXIÉTÉ
COMME UN FACTEUR
DE PROTECTION CHEZ LE SUJET
ANXIODÉPRESSIF ?
L’anxiété au sens large n’est pas
structurée contrairement aux
troubles anxieux. La prise en charge
initiale de ces derniers nécessite de
respecter certains traits de personnalité comme, par exemple, les traits
obsessionnels ou altruistes. La prise
en charge de la composante dépressive reste une priorité thérapeutique.
Dans l’évaluation de l’anxiété, leur
aide est minime. La plupart des questionnaires d’anxiété sont parasités
par les éléments dépressifs lorsqu’ils
sont présents. L’échelle de Tyrer serait la plus valide face à un patient
anxio-dépressif. L’analyse fonctionnelle permet de respecter et d’individualiser les axes anxiété et dépression en les distinguant. La
comorbidité avec un trouble de la
personnalité est plus complexe à repérer.
L’Encéphale (2009) Hors-série 1, S18-S19
COMMENT FAIRE UNE ANALYSE
FONCTIONNELLE EN
20 MINUTES EN MÉDECINE
GÉNÉRALE ?
lier. Elle résume ce qui a été dit. Elle
valide les options thérapeutiques.
Au début de la prise en charge, le
suivi du patient nécessite un entretien tous les 8 jours le premier mois
puis tous les mois ensuite selon les
recommandations de l’HAS.
L’investigation clinique est complexe
car les symptômes anxieux et dépressifs sont souvent très intriqués.
L’expression d’une empathie d’affect, de pensée et motrice est essentielle à la qualité de la relation d’aide
que le médecin construit avec le patient. Au début de l’entretien, la
souffrance du patient doit être
d’abord écoutée (environ 5 minutes).
Pour faciliter l’échange, le médecin
peut, par exemple, demander au patient de décrire une situation émotionnelle agréable ou désagréable
dans les 3 jours précédant le rendezvous. Puis l’entretien se poursuit par
la réalisation d’une analyse fonctionnelle longitudinale sur la vie entière
et celle d’une journée type (15 minutes). Les thèmes de souffrance
sont abordés dans une relation de
compréhension évolutive et respectueuse. À chaque entretien, le risque
suicidaire est clairement, volontairement et systématiquement évalué.
La conclusion est un temps important de l’entretien. Elle renforce
pour le patient l’idée d’un suivi régu-
ORIENTATIONS
THÉRAPEUTIQUES
Elles sont très variées et doivent être
adaptées à la situation clinique
concernée. S’il s’agit d’un épisode
dépressif unique, le traitement antidépresseur est proposé pour une durée initiale de 6 mois. L’expérience
montre que la poursuite du traitement entre 9 et 15 mois est souvent
justifiée. En cas de rechute ou de récidive dépressive, la durée de traitement (médicamenteux et comportemental) est plus prolongée.
Pour l’anxiété structurée en trouble
anxieux, la technique de
ventilation/relaxation est adaptée aux
attaques de panique isolées et peut
être associée à un traitement antidépresseur dans le trouble panique.
La prise en charge d’un épisode
anxio-dépressif peut associer un traitement antidépresseur en complément d’une thérapie comportementale. Si le résultat est inférieur à 70 %
de l’efficacité escomptée, la durée de
traitement doit être soit prolongée
soit modifiée (neuroleptiques ou thymorégulateurs). La chronologie d’apparition des troubles anxieux et dépressifs est un élément à prendre en
considération. Soixante pour cent
des troubles obsessionnels compulsifs se dépriment car ils s’épuisent.
S’il existe une co-occurrence des
symptômes anxieux et dépressifs, il
ne faut pas se précipiter sur la prise
en charge des signes d’anxiété car ils
participent à équilibrer le sujet face à
la dépression. Les thérapies cognitivo-comportementales associées ou
non à des traitements médicamenteux seront adaptées à chaque forme
clinique anxio-dépressive. Une bonne hygiène de vie est toujours fondamentale, en particulier lorsqu’il existe une composante anxieuse :
rythme de sommeil, activité sportive, alimentation équilibrée.
LA DÉPRESSION PEUT-ELLE
GUÉRIR ?
La dépression peut guérir spontanément, mais en l’absence de traitement, il faut attendre plusieurs mois
et le risque de chronicisation est réel.
La forte prévalence du risque suicidaire chez le patient anxio-dépressif
surtout s’il s’agit d’un homme âgé,
justifie une prise en charge précoce.
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Psychiatrie pratique : dépression, suicide, anxiété
G. Roussey
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