35 D i s p o n i b l e... j o u r n a l h o m...

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L’Encéphale (2009) 35, 505—509
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
COMPTE-RENDU
Compte-rendu des 17es Journées de Laguiole,
juin 2009
Report about 17th Journées de Laguiole, June
2009
L’intégralité des sessions des 17es Journées de Laguiole
ont été enregistrées en vidéo et elles sont visibles
sur le site EM-consulte « L’encéphale — 17es Journées
de Laguiole ». Pour vous connecter, utiliser votre code
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« Où commencent les choses en moi ? Nulle part. Car je
suis en plein incréé avec mon corps physique tout entier ».
Antonin Artaud, ce génie à la fois poète, essayiste, dramaturge, acteur et metteur en scène a laissé derrière lui une
œuvre considérable, nous permettant, à nous psychiatres,
psychologues, infirmiers, soignants, d’appréhender un peu
mieux le vécu étrange et angoissant associé à la maladie
mentale. Soigné à l’hôpital de Rodez près de Laguiole, il est
décédé en 1948 à l’aube de la révolution des soins en psychiatrie avec l’avènement de l’ère des psychotropes. Ces
17es Journées de Laguiole se sont données pour objectif une
réflexion autour de l’organisation des soins en psychiatrie
afin d’améliorer, davantage encore, la prise en charge et la
qualité de vie des patients, génies pour certains, hommes
et femmes ordinaires pour la plupart, mais toujours uniques
dans leur vécu et leur souffrance.
Plus d’un demi-siècle après la création de la chlorpromazine, l’un des principaux vecteurs de soins en psychiatrie
est la pharmacothérapie. Lors de ces journées, un intérêt
tout particulier s’est porté sur les connaissances actuelles
concernant les antipsychotiques atypiques (APA), en particulier leur action sur la désorganisation dans la schizophrénie
(D. Gourion), sur les symptômes dépressifs (F. Ferreri) et
leur efficacité sur les symptômes négatifs en comparaison
aux neuroleptiques (NLP) classiques (N. Glück).
Illustrant son propos de nombreuses citations d’Antonin
Artaud, D. Gourion situe le concept de désorganisation au
sein de différents grands champs théoriques (modèle Krae0013-7006/$ — see front matter
doi:10.1016/j.encep.2009.08.001
pelinien, Bleulérien, psychanalyse, phénoménologie) avant
d’expliciter le modèle de « salience » aberrante de Kapur.
Ce modèle tend à lier dans un même système les
anomalies biologiques et en particulier la dysrégulation
dopaminergique, maintenant bien documentée dans la
schizophrénie, l’expérience phénoménologique de la psychose prise au sens large d’hallucinations et/ou délires, et
l’action pharmacologique des antipsychotiques. Le terme
« salience » pourrait être traduit par « mettre en relief »
c’est-à-dire privilégier un élément par rapport à l’ensemble
des éléments du contexte, qui prendra alors une valeur particulière.
Il a été proposé par Berrigde et Robinson que la libération
de dopamine, en particulier dans le système mésolimbique,
jouerait un rôle central de médiateur de la « salience » de
l’environnement et des représentations internes d’un individu. Kapur propose que la dysrégulation dopaminergique
usurpe le processus normal d’attribution de « salience »
contextuellement conduite et amène à une assignation
aberrante de « salience » aux objets externes et représentations internes. Les hallucinations reflèteraient l’expérience
directe d’attribution de « salience » aberrante aux représentations internes tandis que les délires représenteraient
l’effort cognitif généré par le patient pour donner un sens
à ces expériences aberrantes. Les antipsychotiques, en
régulant la libération de dopamine, permettraient une réhabilitation de la « salience » normale et ainsi une régression
des symptômes psychotiques.
Quoique les symptômes négatifs ne soient pas indispensables au diagnostic de schizophrénie, ils sont fréquents et
fortement associés à la baisse des performances sociales.
Ce sont donc des cibles thérapeutiques de premier plan
si l’on veut améliorer le pronostic. Les APA sont réputés
théoriquement plus efficaces que les NLP classiques sur ces
symptômes. Se basant sur la littérature, N. Glück modère
cet a priori. Suivant la distinction proposée par Carpenter entre symptômes négatifs « primitifs » ou intrinsèques
et symptômes négatifs « secondaires », on relève deux types
d’études :
• les études spécifiques évaluant les symptômes négatifs
intrinsèques, en général dans une population de patients
chroniques déficitaires ;
• et les études non spécifiques.
506
Analysant les résultats des méta-analyses et des études
spécifiques récentes, N. Glück tire les conclusions suivantes : certains APA (amisulpride, olanzapine, rispéridone
et clozapine) sont supérieurs aux NLP classiques sur la symptomatologie négative ; au contraire l’aripiprazole ainsi que
d’autres APA non commercialisés en France n’ont pas montré
leur supériorité.
Dans certaines conditions, certains NLP classiques (flupentixol en particulier) seraient aussi efficaces que les APA
(rispéridone) sur les symptômes négatifs. En particulier
l’usage de NLP classiques à faibles doses pourrait approcher les performances désinhibitrices des APA. L’amisulpride
semble être la molécule la plus efficace sur la symptomatologie négative.
Un autre aspect fondamental en pratique clinique est
la prise en charge des symptômes dépressifs dans la schizophrénie. Beaucoup d’entre nous ne sont-ils pas tentés
d’ajouter un antidépresseur lorsque se surajoute à la symptomatologie psychotique une dimension dépressive ?
À l’aide d’une littérature bien documentée, F. Ferreri
nous dresse un portrait des bonnes pratiques cliniques. Tout
d’abord, il faut rechercher une cause (organique, toxique,
dysphorie induite par les neuroleptiques. . .) dont le traitement amènera à la résolution du tableau dépressif. Il est
important également de rechercher une dépression comorbide, comme par exemple dans le trouble schizo-affectif,
nécessitant bien l’adjonction d’un antidépresseur. Les symptômes dépressifs peuvent aussi appartenir à la clinique de la
schizophrénie, à l’instar des symptômes positifs ou négatifs.
L’exemple le plus frappant est celui des phases prodromiques dans lesquelles les symptômes dépressifs dominent
le tableau. Or ces symptômes ne sont pas soulagés par
les antidépresseurs, mais bien par un antipsychotique. Il
en va de même lors des décompensations aiguës ou dans
les dépressions post-psychotiques. Dans ce dernier cas, la
conduite à tenir fluctue entre adjoindre un antidépresseur
ou changer d’antipsychotique.
Quelle molécule choisir en cas de symptômes dépressifs
chez le patient schizophrène ? Sur le plan pharmacologique,
les APA devraient avoir un pouvoir « antidépresseur » supérieur aux NLP classiques : néanmoins seules trois études
randomisées ayant comparé ces deux types de molécules
sont disponibles. Les résultats sont controversés, sauf pour
la clozapine qui a une efficacité clairement supérieure avec
en particulier une diminution du risque de suicide.
Mais d’une façon générale, face à un patient souffrant de
schizophrénie, quel antipsychotique choisir ? Des éléments
de réponse sont apportés par la pharmacologie (D. Drapier)
et les méta-analyses (R. Schwann) ou par les études naturalistes (N. Jaafari).
Un APA est généralement défini cliniquement par la
moindre survenue d’effets secondaires neurologiques. Mais
peut-on définir l’atypicité d’un antipsychotique sur le plan
pharmacologique ? L’une des principales hypothèses est que
les APA, en plus du blocage des récepteurs D2 — action
commune à l’ensemble des antypsychotiques — bloqueraient
également les récepteurs sérotoninergiques 5HT-2A. Le blocage des récepteurs 5-HT-2A va permettre la libération
de dopamine sur les voies nigrostriée, hypothalamohypophysaire et mésocorticale et expliquer ainsi la moindre
survenue d’effets indésirables tels syndrome extrapyramidal, hyperprolactinémie, symptômes négatifs et cognitifs.
Compte-rendu
Cependant, l’atypicité d’un APA ne passe pas tant par
ce blocage des récepteurs 5-HT2A que par la faible affinité
aux récepteurs D2, c’est-à-dire la capacité à se libérer (ou
se dissocier) rapidement du récepteur après s’y être fixé.
La vitesse de dissociation varie en fonction des molécules
avec des conséquences fonctionnelles importantes. Les activités cognitives sont en effet sous-tendues par une sécrétion
phasique de dopamine endogène. Les molécules ayant une
faible affinité pour les récepteurs D2 (par exemple la clozapine) sont capables de libérer le récepteur pour la dopamine
qui pourra alors agir. Au contraire les molécules qui ont une
forte affinité pour les récepteurs D2 tel l’halopéridol, ne se
déplacent pas du récepteur entravant ainsi le fonctionnement cognitif. Cette caractéristique pharmacologique est
donc à prendre en compte lors de la prescription d’une
molécule à un patient (D.Drapier).
Il est communément admis que les choix thérapeutiques
doivent s’inscrire dans l’exercice d’une médecine basée
sur les preuves. Cette « Evidence-based medicine » s’appuie
sur les résultats de l’agrégation méthodique de différentes
études réalisées avec ou sans technique statistique, métaanalyses d’un côté, overview et revues systématiques de
l’autre. Les méta-analyses d’études contrôlées randomisées
fournissent un niveau de preuves élevé et constituent de
plus en plus souvent le socle des recommandations pour
la pratique clinique. Cependant, R. Schwann en a souligné
les limites : agrégation d’études basées sur des hypothèses
similaires mais non complètement identiques, construction
différente des études sélectionnées, analyses statistiques
biaisées par la publication répétée des mêmes études ainsi
plusieurs fois prises en compte ou à l’inverse défaut de publication des études ayant des résultats négatifs. De plus, il
existe différentes méthodes statistiques pour conduire une
méta-analyse qui peuvent aboutir à des résultats différents !
Les méta-analyses n’offrent donc pas automatiquement une
assurance d’objectivité et de preuve. Il serait risqué de
baser la pratique clinique uniquement sur leurs résultats,
comparer différents types d’études étant nécessaire pour
se faire une opinion la plus objective possible.
Par exemple, les études observationnelles (N. Jaafari),
peuvent être un apport pour le choix d’un APA. Une étude
naturaliste ou observationnelle examine et fournit des estimations d’associations d’événements en milieu naturel sans
avoir recours à une intervention expérimentale. Il s’agit
des études de cohorte, des études épidémiologiques et
des études transversales. Bien qu’ayant de faibles niveaux
de preuve selon les critères de l’Anaes, elles apportent
des informations complémentaires aux études randomisées
en double insu : étude de sous populations de patients à
risque (comorbidité addictive, sujets âgés. . .), comparaison de molécules entre elles, étude surtout de l’efficience,
qui est un critère fondamental dans la pratique clinique.
L’efficience est un concept permettant d’intégrer à la
notion d’efficacité d’autres dimensions, parmi lesquelles
la tolérance, le retentissement fonctionnel, la qualité de
vie et l’acceptabilité du traitement par le patient et par
le soignant. Les études naturalistes se sont penchées sur
les APA et nous donnent des renseignements intéressants
sur l’incidence du syndrome métabolique par exemple ou
le taux d’observance en fonction de la molécule. Choisir un antipsychotique pour un patient donné dépend d’un
ensemble de facteurs dont l’insight du patient. Ce phéno-
Compte-rendu des 17es Journées de Laguiole, juin 2009
mène d’insight est un état mental dynamique qui comprend
plusieurs aspects : conscience d’être malade, attribution
causale de la maladie, conscience des différents symptômes. Il dépend aussi de facteurs liés au clinicien et de
facteurs interactionnels. Prendre en compte l’insight du
patient dans sa globalité est un vecteur fondamental pour
améliorer l’efficience de la prise en charge.
La schizophrénie est une maladie chronique dont
l’évolution peut être émaillée de rechutes ou de récidives.
Chacune est génératrice d’aggravation : exacerbation des
symptômes psychotiques, persistance de symptômes négatifs, troubles cognitifs, baisse de la qualité de vie, difficultés
d’insertion sociale, le risque majeur restant le suicide. Il est
donc capital de mettre en place dès le premier épisode un
projet thérapeutique personnalisé, en collaboration étroite
avec l’entourage (Van Amerongen) comprenant un traitement médicamenteux efficace et bien toléré au long cours
(A. Viala), un programme de psychoéducation (N. Mages) et
une prise en charge sociale (D. Legay).
Les conférences de consensus préconisent la prescription
des APA en première intention. Ceux-ci sont efficaces et
bien tolérés : pourtant les patients les arrêtent et rechutent.
Les neuroleptiques d’action prolongée présentent de nombreux avantages et sont souvent réservés aux patients peu
compliants. De même classiquement l’APAP est indiqué
pour les patients gérant mal leur traitement, ambivalents
ou dans le déni de la maladie, ayant des antécédents de
rechutes, agressifs, non-coopérants, manquant d’insight ou
toxicomanes. Or l’APAP qui possède une efficacité clinique
avérée avec une bonne tolérance neurologique convient
aux critères nouveaux d’observance, de psychoéducation,
d’amélioration cognitive, de qualité de vie. Aussi doit-on le
prescrire de plus en plus souvent chez des patients jeunes,
dès le premier épisode, après stabilisation (A. Viala).
Plus la durée de psychose non traitée est courte, meilleur
est le fonctionnement social du patient, qui bénéficie en
outre des effets neuroprotecteurs prévenant les troubles
cognitifs. Les rechutes diminuent, ce qui est d’un meilleur
pronostic et d’un coût économique moindre. Le traitement
par APAP favorise le partenariat thérapeutique. Il encourage
la délivrance d’informations sur la maladie et le traitement.
Il incite à s’aider de tous les moyens à notre disposition
pour favoriser l’alliance thérapeutique et la prise régulière
du traitement (CMP, rappel téléphonique, courrier, visites à
domicile, psychoéducation. . .). La prise en charge cognitive
ne doit pas être oubliée avec l’Ecole à l’Hôpital pour les
plus jeunes, l’aide à la reprise des études, la remédiation
cognitive.
L’éducation thérapeutique du patient (N. Mages) fait partie intégrante du projet de soin des pathologies chroniques.
Selon la définition de l’OMS, elle vise à aider le patient via
une meilleure connaissance de sa maladie, à développer les
compétences nécessaires à l’adaptation à la vie avec une
maladie chronique.
Elle doit être élaborée dans un cadre de référence adapté
à la population et à la maladie concernée, favorisée par
des partenariats entre sociétés savantes et associations de
patients, enrichie par les retours d’expérience des patients
et des proches. Elle peut être proposée à tout moment de
l’histoire thérapeutique : au décours de l’annonce diagnostique, lors du suivi ou de la confrontation à des difficultés
diverses. La mise en oeuvre de l’éducation thérapeutique
507
du patient nécessite d’abord un diagnostic éducatif avec
une identification des attentes du patient, confrontées à
la réalité sociale, psychologique et environnementale qui
lui est propre. Puis un programme structuré est défini avec
des priorités d’apprentissage adaptées aux buts personnels.
Ensuite vient la réalisation de séances collectives ou individuelles utilisant des supports variés et diverses techniques
de communication. Les études présentées révèlent qu’en
complément du traitement pharmacologique, l’éducation
thérapeutique du patient diminue chez les schizophrènes
le taux de réhospitalisations et leur durée, permettant de
substantielles économies.
Le projet thérapeutique ne vise plus un simple apaisement des symptômes mais une qualité de vie jugée
satisfaisante par le patient. Ce qui traduit à quel point
les priorités de la prise en charge ont pu évoluer. Le diagnostic de schizophrénie ne détermine plus une désinsertion
sociale, la détérioration progressive n’est pas inéluctable.
Au contraire en agissant sur le handicap, conséquence de
l’incapacité entraînée par la maladie (modèle de Wood), le
désavantage social régresse via les stratégies de réhabilitation : c’est le postulat du Recovering de W. Anthony. Il existe
en chaque individu une motivation à développer maîtrise et
compétence dans des domaines de la vie qui vont lui permettre de se sentir indépendant et confiant en lui-même.
L’individu peut apprendre de nouveaux comportements, y
avoir recours et les adapter pour répondre à ses besoins de
base. Résultat de démarches soutenues par les professionnels du soin, la réhabilitation nécessite un travail en réseau
qui utilise tous les moyens du secteur, des structures non sectorisées et d’aide sociale. De nombreuses formules peuvent
alors être proposées pour résoudre le problème fondamental
du logement, l’accès aux ressources (Allocation adulte handicape, revenu de solidarité active, invalidité. . .), au travail
(emploi en milieu protégé, ordinaire. . .). La mise en place
de mesures de protection, l’accompagnement à la vie quotidienne, l’entraide, la lutte contre l’isolement, l’accès à
diverses occupations se développent : nous assistons à un
mouvement de société qui veut porter un autre regard sur
le handicap et mettre en place un cadre législatif en ce sens
(déstigmatisation, droits des patients).
En outre, la réhabilitation bénéficie grandement de
la participation des aidants. D’ailleurs les familles
revendiquent un rôle dans l’organisation des soins et
l’accompagnement de la personne malade. En effet via
l’UNAFAM elles déplorent d’avoir autrefois été tenue à
l’écart par le corps médical, privée de réponses aux questions et d’une écoute qui aurait permis une meilleure
réactivité face aux effets secondaires indésirables, aux
mauvaises observances. Vigilantes quant aux traitements
prescrits à leurs proches, elles réservent un accueil a
priori favorable aux APAP dans la mesure où ils s’inscrivent
dans une relation de partenariat. Cependant en termes
d’efficacité, elles s’interrogent sur les spécificités de ces
molécules.
Mesurer des paramètres cognitifs et d’imagerie cérébrale
morphologique (volumes des structures cérébrales, etc..)
et fonctionnelle (activité des régions cérébrales) pourrait
fournir les premiers éléments de réponse. La schizophrénie est en effet associée à une réduction du volume de la
substance grise et de la substance blanche dans les lobes
temporaux (et en particulier dans le gyrus temporal supé-
508
rieur) et le cortex préfrontal. On retrouve des anomalies
dans d’autres régions (cortex cingulaire subgenual, hippocampe, amygdale, ganglions de la base). Les NLP classiques
provoquent une augmentation de volume des ganglions de
la base et une atrophie corticale frontotemporale, aggravant ainsi les anomalies préexistantes à la schizophrénie.
Au contraire, les APA n’entraînent pas d’augmentation voire
même une diminution du volume des ganglions de la base et
une augmentation du volume du thalamus et des régions corticales frontales et temporales, préservant ainsi le « capital
cérébral et cognitif ». Les effets neuroprotecteurs des APAP
devraient être encore supérieurs à ceux des APA per os,
du fait d’une meilleure cinétique et d’une meilleure observance diminuant les rechutes et donc la toxicité cérébrale.
En outre, l’amélioration du pronostic, en diminuant la durée
des hospitalisations favorise une meilleure insertion sociale
elle-même vectrice de stimulation et donc de préservation
cognitive. Cette hypothèse ne peut être confirmée à ce jour
car une seule étude a porté sur APAP et neuroimagerie :
elle montre une normalisation de l’activation des régions
cérébrales mises en jeu dans la mémoire de travail chez
les patients traités par rispéridone à action prolongée, ce
qui est en faveur d’une amélioration des processus cognitifs
chez ces patients (A. Del Cul).
Selon l’UNAFAM, certains patients se sont déclarés satisfaits des APAP et affirment expérimenter un mieux-être :
« après des années de changements de traitement, je ne
peux pas oublier de prendre mon traitement et cela me
permet d’oublier un peu mon handicap ».
Ces 17es journées de Laguiole ont été l’occasion de
dresser un état des lieux de l’organisation des soins psychiatriques français et d’en dessiner l’évolution dans les
prochaines années, tant en psychiatrie de secteur (G. Massé)
que libérale (G. Parmentier). De même des changements
sont en cours concernant la formation des futurs psychiatres
(O. Gay).
Le secteur garantit à chaque habitant le recours à une
équipe psychiatrique de référence et l’accès à une première
palette de prises en charge adaptées allant du suivi ambulatoire au sein de structures de proximité à l’hospitalisation
complète.
L’intersecteur est né de la volonté partagée par plusieurs secteurs d’élaborer ensemble un projet de soins afin
de pallier aux manques du secteur notamment en milieu
carcéral, avec les toxicomanes et prenant en compte les
nouvelles demandes en soins de santé de la population. Or
la création des intersecteurs risque de conduire à une hiérarchisation des soins, à une relégation des secteurs à un
niveau de soin de seconde zone, sans pour autant répondre
aux objectifs fixés. Le rapport Couty combattu dès la sortie car perçu comme détruisant le secteur et déconnectant
l’intra et l’extrahospitalier suggère une organisation des
soins psychiatriques sur trois niveaux qui mériterait des
expérimentations.
Au niveau 1, groupement local de coordination pour la
santé mentale (GLC) s’appuyant sur un conseil local favorisant la coordination public-privé, sanitaire et médicosocial ;
au niveau 2 les urgences psychiatriques, les hospitalisations
complètes avec une complémentarité à développer entre
établissements publics et privés ; au niveau 3 seraient gérées
la recherche et la formation départementale et régionale.
Enfin la notion de pôle naît de cette volonté de déléga-
Compte-rendu
tion et de travail pour des démarches communes (personnes
âgées. . .).
La psychiatrie libérale est, elle aussi, confrontée à de
multiples mutations et défis. Se basant sur son expérience
personnelle le Dr G. Parmentier dresse l’état des lieux de la
psychiatrie privée en France et en esquisse les orientations à
venir. Sur les 11 509 psychiatres inscrits à l’Ordre des Médecins la moitié exercent une activité libérale, les deux tiers
de façon exclusive et un tiers ont une activité mixte hospitalière. Vingt-quatre pour cent des psychiatres sont en secteur
2, principalement en région PACA et en Ile de France, où
la densité médicale est largement supérieure à la moyenne
nationale. Cette répartition géographique peu homogène
risque de s’accentuer dans les prochaines années. Une diminution de 8,4 % des psychiatres est attendue d’ici à 2030 liée
à leur âge moyen élevé (52 ans) et à la féminisation croissante de la profession. Les psychiatres libéraux réalisent
plus de 15 millions d’actes par an, soit 2250 par psychiatre,
ce qui correspond à environ deux millions de personnes
suivies en cabinet, avec des files actives de 350 patients
en secteur 1 et 250 en secteur 2 en moyenne. Cependant, il faut pointer la grande hétérogénéité des pratiques.
Pour exemple dans le Tarn sur dix psychiatres libéraux trois
seulement acceptent des primoconsultants, les autres ayant
une activité exclusive de psychothérapie ou une file active
saturée. La psychiatrie privée se présente comme une alternative au public avec l’assurance d’une prise en charge
individualisée, discrète, libre, sans interlocuteurs multiples
et successifs. Il s’agit pour le psychiatre d’un exercice individuel, solitaire et autonome. Certains facteurs d’évolution
sont de nature à décourager les vocations parmi lesquels le
paiement à l’acte et le blocage des honoraires depuis 1995
avec une dévalorisation relative de la consultation psychiatrique.
La demande croissante de consultations privées liée au
droit revendiqué au bonheur aggrave l’encombrement des
consultations. La solution proposée par certains serait de
rembourser des actes de psychothérapie effectués par les
psychologues. Les thérapies seraient ainsi moins chères et
sous-traitées à la demande du psychiatre dont le rôle évoluerait vers celui d’expert, occupant une position de manager
d’équipe, adressant le patient au généraliste pour les traitements psychotropes, au psychologue pour la psychothérapie
et réévaluant régulièrement le patient. Cependant, le psychiatre traitant, en tant que généraliste en psychiatrie, qui
associe chimiothérapie et psychothérapie et qui privilégie le
colloque singulier avec le malade a encore de beaux jours
devant lui.
Les attentes en matière de formation des futurs psychiatres reflètent cette conviction qu’être psychiatre
signifie avant tout agir comme un médecin, à la fois diagnostiqueur, prescripteur et thérapeute de la souffrance
humaine. En France l’internat de spécialité dure actuellement quatre ans, mais la formation théorique et pratique
dispensée diffère selon les régions. De même le cursus
varie fortement d’un pays européen à l’autre (O. Gay).
L’Association française fédérative des étudiants de psychiatrie (AFFEP) et l’European federation of psychiatric trainees
(EFPT) recueillent les demandes de formation formulées par
les internes au niveau national pour l’une et européen pour
l’autre. Elles comparent les maquettes des différents pays,
mènent une réflexion novatrice et peuvent exprimer de
Compte-rendu des 17es Journées de Laguiole, juin 2009
façon représentative des recommandations : la Charte européenne pour la Formation Initiale propose une durée de cinq
ans avec un an de formation accessoire, un enseignement
théorique de quatre heures par semaine, une formation pratique avec supervision didactique et la possibilité de stages à
l’étranger. Cette charte précise aussi que la formation aux
psychothérapies est à systématiser. En France notamment
les internes en éprouvent le besoin : la moitié d’entre eux
passent un diplôme universitaire de psychothérapie. L’EFPT
quant à elle suggère une évaluation des connaissances, une
supervision et une inspection des structures de formation
afin de garantir la qualité de l’enseignement. Parmi les
compétences que les internes français souhaiteraient mieux
appréhender, la psychiatrie clinique et la psychothérapie
sont plébiscitées. Un socle de connaissances générales pour
tous, des connaissances approfondies au choix, dans le cadre
509
d’un cursus formalisé et évalué semble donc le moyen de
devenir un psychiatre accompli.
M. Bon-Saint-Côme ∗
A. Lagodka
Centre hospitalier Sainte-Anne-Paris, 7, rue Cabanis,
75014 Paris, France
∗
Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected]
(M. Bon-Saint-Côme), [email protected]
(A. Lagodka)
Disponible sur Internet le 12 octobre 2009
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