Dysfonctionnement des lobes temporaux et tableau psychiatrique atypique : à propos d’un cas 495
l’hypersexualité, la déshinibition, l’agitation, entrecoupées
d’intervalles libres. Mais ces manifestations dysthymiques
sont fluctuantes, labiles, fugaces et disparaissent rapide-
ment. L’excitation psychique, l’insomnie et les antécédents
familiaux sont absents. De même, on pourrait évoquer
un processus psychotique devant la dépersonnalisaton, la
déréalisation, les phénomènes de transformations corpo-
relles et la perplexité anxieuse. On ne retrouve ni syndrome
dissociatif, ni syndrome délirant organisé. Il convient alors
de détailler cette hypothèse car les épisodes psychotiques
brefs ne sont pas rares chez les sujets épileptiques et
surviennent chez5à8%deceux-ci [9]. Les psychoses chro-
niques ne représentent qu’un petit nombre de cas, difficile
à chiffrer. Les psychoses aiguës de durée brève (quelques
jours à quelques semaines) sont des états qui associent en
proportion variable des éléments confusionnels, des idées
délirantes, des troubles dépressifs et de l’agitation. Ces
épisodes psychotiques brefs peuvent être critiques, postcri-
tiques et intercritiques. Les épisodes psychotiques critiques
sont essentiellement caractérisés par un état confusion-
nel dû à un état de mal «petit mal »ou à un état de
mal partiel complexe. Dans cette dernière hypothèse, l’EEG
montre des alternances de périodes avec tracé normal et de
périodes avec crises temporales ou frontales. Les épisodes
psychotiques postcritiques sont également caractérisés par
une confusion. La confusion peut être agitée et agressive
et on retrouve des idées délirantes de persécution ou des
hallucinations auditives [11]. Les troubles débutent dans
les 24 heures suivant la crise et disparaissent spontané-
ment en huit jours. L’EEG montre un tracé désorganisé
avec des ondes lentes thêta et delta bilatérales. Dans le
cas décrit, plusieurs éléments pourraient être en faveur du
diagnostic d’épisode délirant postcritique. Les épisodes psy-
chotiques intercritiques sont à début et fin brusques et sont
sujets à récidive. Ces épisodes peuvent être accompagnés
d’éléments confusionnels et revêtent une forme délirante
ou thymique. La plupart du temps, l’EEG est normal [5].
Les psychoses épileptiques chroniques sont rares et hétéro-
gènes au niveau clinique. Les tableaux cliniques évoquent
un trouble schizophréniforme, un trouble schizoaffectif, un
délire d’allure paranoïaque. Cette hypothèse ne peut être
retenue dans notre cas car les épisodes sont entrecoupés
d’intervalles libres. Enfin, les manifestations hystériformes
pourraient traduire une anxiété majeure exprimée comme
telle du fait de la modestie intellectuelle du patient.
Conclusion
Nous avons présenté le cas d’un patient atteint d’épilepsie
temporale avec des troubles du comportement d’allure
psychiatrique à type d’hypersexualité, d’agnosie visuelle
et d’émoussement affectif. Ces troubles surviennent de
manière brutale et transitoire et sont associés à des
anomalies à l’EEG et à la tomoscintigraphie cérébrale.
Nous soulevons l’hypothèse d’un KBS secondaire à une
épilepsie temporale. La crise épileptique est à l’origine
d’un dysfonctionnement des deux lobes temporaux réalisant
une lobectomie fonctionnelle bilatérale. Le KBS secondaire
à une crise d’épilepsie est un phénomène très rare, peu
décrit dans la littérature. Devant des troubles psychia-
triques atypiques, il semble intéressant d’explorer les pistes
neurologiques.
Références
[1] Anson JA, Kuhlman DT. Post-ictal Klüver-Bucy syndrome
after temporal lobectomy. J Neurol Neurosurg Psychiatry
1993;56:311—3.
[2] Biswas A, Anand KS, Prasad A, et al. Clinico-radiological
profile of Klüver-Bucy syndrome. J Assoc Physicians India
1998;46:318—9.
[3] Blumer D. Hypersexual episodes in temporal lobe epilepsy. Am
J Psychiatry 1970;126:1099—106.
[4] Clarke DJ, Brown NS. Klüver-Bucy syndrome and psychiatric
illness. Br J Psychiatry 1990;157:439—41.
[5] Dongier S. Statistical study of clinical and electroencephalogra-
phic manifestations of 536 psychotic episodes occuring in 516
epileptics between clinical seizures. Epilepsia 1960;1:117—42.
[6] Garcia DM, Ortiz R, Gomez A, et al. Ring 20 chromosome syn-
drome with epilepsy and dysmorphic features: Case report.
Epilepsia 2001;42:1607—10.
[7] Ghika-Schmid F, Assal G, De Tribolet N, et al. Klüver-Bucy
syndrome after left anterior temporal resection. Neuropsycho-
logia 1995;33:101—13.
[8] Goscinski I, Kwiatkowski S, Polak J, et al. The Klüver-Bucy
syndrome. J Neurosurg Sci 1997;41:269—72.
[9] Gudmunsson G. Epilepsy in Iceland. A clinical and epidemiolo-
gical investigation. Acta Neurol Scand 1966;25:1—124.
[10] Klüver H, Bucy PC. Preliminary analysis of functions of
the temporal lobes in monkeys. Arch Neurol Psychiatry
1939;42:979—1000.
[11] Levin S. Epileptic clouded states; a review of 52 cases. J Nerv
Ment Dis 1952;116:215—25.
[12] Lilly R, Cummings JL, Benson F, et al. The human Klüver-Bucy
syndrome. Neurology 1983;33:1141—5.
[13] Marlowe WB, Mancall EL, Thomas JJ. Complete Klüver-Bucy
syndrome in man. Cortex 1975;11:53—9.
[14] Mullan BP, O’Connor MK, Hung JC. Single photon emission com-
puted tomography. Neuroimaging Clin N Am 1995;5:647—73.
[15] Nakada T, Lee H, Kwee IL, et al. Epileptic Klüver-Bucy syn-
drome: a case report. J Clin Psychiatry 1984;45:87—8.
[16] Ozawa H, Sasaki M, Sugai K, et al. Single-photon emission CT
and MR findings in Klüver-Bucy syndrome after Reye syndrome.
AJNR Am J Neuroradiol 1997;18:540—2.
[17] Van Paesschen W. Qualitative and quantitative imaging of the
hippocampus in mesial temporal lobe epilepsy with hippocam-
pal sclerosis. Neuroimaging Clin N Am 2004;14:373—400.
[18] Varon D, Pritchard III PB, Wagner MT, et al. Transient Klüver-
Bucy syndrome following complex partial status epilepticus.
Epilepsy Behav 2003;4:348—51.