380 P.-Y. Le Bec et al.
Tableau 1 Critères de lecture critique des articles
sélectionnées.
Critères d’évaluation Variables recueillies
Schéma d’étude Cohorte de naissance, cohorte,
étude longitudinale
Durée du suivi Inférieure ou supérieureà5ans
Caractéristiques de
l’échantillon
Effectif, diagnostic de
psychose ou «vulnérabilité à
l’inclusion, perdu de vue,
comparabilité des groupes
Temporalité des
évaluations
En même temps
Méthodes
d’évaluation des
variables d’intérêt
Évaluations identiques pour
tous les sujets dans une même
étude
Mesure de la quantité, de la
fréquence du cannabis
consommé, mesure de la durée
d’exposition au cannabis
Facteurs de confusion Usage d’autres substances,
antécédents personnels ou
familiaux de psychose ou
autres affections
psychiatriques, âge compris
dans la tranche d’âge
d’apparition de la
schizophrénie
Pris en compte dans l’analyse
statistique
Analyse statistique Intervalles de confiance
signalés
Puissance statistique
mentionnée
•trois portaient sur le lien entre usage de cannabis et appa-
rition de symptômes psychotiques ;
•un portait sur les deux types de troubles.
Au total, les études incluaient 50 275 sujets. Il s’agissait
de cohortes prospectives. Les populations étaient euro-
péennes (Suède, Hollande, Allemagne), néo-zélandaise et
australienne.
L’usage de cannabis était évalué sur des critères de fré-
quence, ne permettant pas de distinguer l’usage simple,
de l’abus ou la dépendance selon les critères DSM-IV. C’est
pourquoi le terme «usage »concernant la consommation de
cannabis est utilisé dans la présentation de nos résultats.
Études s’intéressant au lien entre usage de
cannabis et apparition d’une psychose : quatre
études
L’étude de Phillips et al. [25] portait sur un échantillon
identifié comme étant à très haut risque de débuter une
psychose, c’est-à-dire avec soit existence de symptômes
atténués, soit de symptômes psychotiques brefs intermit-
tents, soit d’antécédents familiaux de psychoses, soit de
plusieurs de ces éléments à la fois. Cette étude ne retrou-
vait pas d’association significative entre usage de cannabis
et survenue de psychose (RC = 1,43 ; IC95 % [0,6—3,41]), mais
présentait certaines limites, comme le faible niveau d’usage
de cannabis dans l’échantillon et le manque de monitorage
de l’usage de cannabis après l’inclusion (Tableau 2).
L’étude de Zammit et al. [30] prenait en compte un biais
majeur, qui était la possibilité que certains sujets aient
pu être en phase prodromique de psychose au moment de
l’inclusion, c’est-à-dire en début de maladie, en limitant
une partie de l’analyse aux schizophrénies diagnostiquées
après une période de cinq ans. L’ajustement était réalisé
sur les variables suivantes :
•le comportement dans l’enfance ;
•l’abus d’alcool ;
•l’histoire familiale psychiatrique ;
•la situation financière ;
•l’occupation du père ;
•le quotient intellectuel ;
•les relations interpersonnelles ;
•l’âge de paternité ;
•l’usage de cigarettes.
L’étude ne montrait pas d’association significative entre
usage de cannabis et développement d’une schizophrénie
diagnostiquée après une période de cinq ans (RC = 1,2 ; IC95 %
[0,8—1,8]). En revanche, les sujets qui avaient consommé du
cannabis plus de 50 fois à l’inclusion avaient 3,1 fois plus de
risque de développer une schizophrénie que ceux qui décla-
raient n’en avoir jamais consommé à l’inclusion (RC = 3,1 ;
IC95 % [1,7—5,5]). Ce résultat était retrouvé quand l’analyse
était limitée aux schizophrénies diagnostiquées après une
période de cinq ans, mais l’association était alors moins
forte (RC = 2,5 ; IC95 % [1,2—5,1]).
Dans l’étude d’Arseneault et al. [2], les usagers de canna-
bis avant 15 ans avaient 4,5 fois plus de risque de présenter
un trouble de type schizophrénique à 26 ans que ceux qui
n’en consommaient pas au moment de l’évaluation à 15 ans
(RC = 4,5 ; IC95 % [1,1—18,2]). Cette association n’était plus
significative quand les sujets présentant des troubles psy-
chotiques dès l’âge de 11 ans étaient exclus de l’analyse. De
plus, l’association était plus forte quand l’usage avait lieu
avant l’âge de 15 ans que quand il avait lieu avant l’âge de 18
ans. À 18 ans, l’association était non significative (RC = 1,6 ;
IC95 % [0,6—4,2]).
Dans l’étude de van Os et al. [27], l’usage de canna-
bis augmentait le risque d’incidence de psychose chez des
sujets qui ne présentaient aucun symptôme psychotique
à l’inclusion. Les auteurs avaient éliminé les facteurs de
confusion qu’étaient les troubles psychotiques à l’inclusion
et les autres abus de substances. Les usagers de cannabis
(tout usage) avaient 3,3 fois plus de risque que les non-
usagers de développer une psychose (RC non ajusté = 3,3 ;
IC95 % [1,5—7,2]) ; ce risque était de 2,8 (RC ajusté = 2,8 ;
IC95 % [1,2—6,5], après ajustement sur l’âge, le sexe, le
groupe ethnique, le niveau d’éducation, le chômage, le
célibat et le fait de vivre en milieu urbain. De plus, une
relation dose—effet était observée, puisque le risque de
développer des symptômes psychotiques augmentait avec
le niveau d’usage du cannabis. L’augmentation du risque
était de 2,2 % pour le groupe des non vulnérables. Le risque
de psychose était plus important quand les auteurs compa-