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Enfi n, dès la fi n du XIXe siècle, divers auteurs décrivent,
sous des termes différents, ce qui sera appelé « bouffée
délirante » dans la nosographie française : psychoses atypi-
ques, Leidesdorf 1865 ; psychoses réactionnelles, Jaspers
1913 ; psychoses psychogéniques, Wimmer 1916 ; psycho-
ses schizo-affectives, Kasanin 1933 ; psychoses schizophré-
niformes, Langfeldt 1939 [in 5]. Ceci s’oppose à l’idée de
Jaspers, soutenant que les psychoses sont nécessairement
un processus durable, sévère, et irréversible.
Troubles psychotiques :
émergence de la signifi cation actuelle
La conception actuelle des troubles psychotiques débute
en 1980, avec les propositions de T. Crow différenciant
schizophrénie positive et schizophrénie négative, et celle
d’Andreasen (1982) distinguant les symptômes positifs et
les symptômes négatifs, ce qui a conduit à la création
d’échelles d’évaluation de ces symptomatologies [in 6].
Différents auteurs vont effectuer des analyses facto-
rielles de ces échelles d’évaluation dont l’intérêt est le
passage d’une solution à deux facteurs à une solution à
trois facteurs : positif, négatif, désorganisation [7].
Par la suite est apparue l’idée que l’on pouvait repro-
duire cette solution à trois facteurs pour d’autres troubles.
Dans un premier temps, la solution à trois facteurs se
retrouve dans les troubles affectifs bipolaires [9] ; puis
cette solution à trois facteurs est décrite dans les troubles
schizophréniformes, les troubles schizo affectifs, les trou-
bles de l’humeur, les troubles délirants, les psychoses réac-
tionnelles et atypiques [10].
Ces facteurs apparaissent donc indépendants de la
maladie, constituant des dimensions transnosographiques,
appelées négative, désorganisée et psychotique (le terme
de positif recouvrant les facteurs psychotique et désorga-
nisé). Sur le plan psychométrique, le terme de psychotique
correspond donc à la somme des symptomatologies déliran-
tes et hallucinatoires.
Troubles bipolaires :
principales étapes évolutives
Les premiers travaux du XIXe siècle décrivent manie et mélan-
colie comme des entités séparées (Esquirol 1838). Puis manie
et mélancolie, en alternance ou en association, sont partie
intégrante d’une même affection : la folie circulaire (Falret
1854), ou la folie à double forme (Baillarger 1854).
Kraepelin (1899) décrit la folie maniaco-dépressive, qui
comprend les manies isolées, les mélancolies isolées, et
l’alternance de manies et de mélancolies, éléments qui
seront repris en 1907 par deux auteurs mineurs, Camus et
Deny, qui créent le terme de psychose maniaco-dépres-
sive.
C’est Kleist, en 1953, qui utilise le premier le terme de
bipolaire, dans la défi nition de la psychose bipolaire qui
intègre manie et mélancolie en alternance. Pour Kleist,
celle-ci s’oppose aux psychoses unipolaires, qui compren-
nent les manies isolées et les mélancolies isolées.
Les travaux de Angst (1966) limitent le trouble bipolaire
à l’association de manies et de mélancolies et aux manies
isolées, alors que les mélancolies isolées constituent la
dépression unipolaire [in 1].
Dès le XIXe siècle, plusieurs auteurs avaient identifi é des
formes mineures des troubles bipolaires (cyclothymie,
Hecker 1877 ; hypomanie, Mendel 1881 ; dysthymie,
Kahlbaum 1882 ; hyperthymie, Kahlbaum 1882).
Au XXe siècle, il faut attendre les travaux de Dunner
(1976) pour isoler le trouble bipolaire de type II, point de
départ à l’isolement de formes de moins en moins sévères
de troubles bipolaires (spectre des troubles bipolaires :
Angst 1978, Klerman 1981, Akiskal et al 1983), allant des
formes psychotiques au sens classique du terme, jusqu’aux
formes tempéramentales et pseudo-névrotiques [in 8].
Relations troubles psychotiques-
troubles bipolaires
Dans les classifi cations actuelles, les relations entre ces
deux troubles sont évoqués dans deux catégories : les trou-
bles schizo-affectifs de type bipolaire, et les épisodes
maniaques ou mixtes avec caractéristiques psychotiques.
Les critères du trouble schizo-affectif de type bipolaire
sont la présence d’un épisode maniaque (ou mixte) et de
symptômes caractéristiques de la schizophrénie, et la sur-
venue isolée de symptômes psychotiques pendant 2 semai-
nes au moins. Ceux des épisodes bipolaires avec
caractéristiques psychotiques sont la survenue d’épisodes
sévères, avec caractéristiques psychotiques congruentes à
l’humeur ou non-congruentes à l’humeur.
L’étude EPIMAN [3] avait cherché à valider sur le plan
psychométrique ces données (Tableau 1). Les analyses de
régression logistique montrent que les éléments les plus
prédicteurs des caractéristiques psychotiques chez les
maniaques sont le score MRS (sévérité de l’épisode), mais
également la présence de phobie sociale, et le célibat [4].
Tableau 1 Psychométrie des manies psychotiques à J0
(EPIMAN II-Mille) [3]
Manies ss CP
(n = 546) M + CPC
(n = 364) M + CPNC
(n = 180) p
TOTAL MRS 37,0 41,1 38,7 < 10–4
- TOTAL MSS 20,1 22,9 20,4 < 10–4
- TOTAL BIS 16,9 18,2 18,3 < 10–4
TOTAL BM 189,5 242,5 228,9 < 10–4
SAPS 30,3 49,3 50,1 0,05
MADRS 15,4 14,7 16,4 0,05
La manie avec caractéristiques psychotiques non
congruentes s’oppose à la manie avec caractéristiques psy-
chotiques congruentes, par la présence de symptômes psy-
chotiques de premier rang de Kurt Schneider (intensité plus
importante des hallucinations auditives, des délires de per-
sécution, des délires de grandeur, du délire somatique, du