En Italie, comme dans la plupart des
pays occidentaux, l’organisation des
soins en psychiatrie a basculé d’une
prise en charge de type asilaire à la
psychiatrie de secteur. Cette muta-
tion, dénommée « désinstitutionali-
sation », s’est opérée de différentes
manières selon les pays. En Italie,
une législation spécifique (en 1978 :
la loi 180) a fait de la psychiatrie de
secteur le cadre de l’organisation des
soins en psychiatrie. Cette loi a in-
terdit toute nouvelle admission dans
les hôpitaux psychiatriques publics à
partir de décembre 1981 et établi les
nouveaux services de la psychiatrie
de secteur afin d’offrir les soins né-
cessaires à une population définie
selon des délimitations géogra-
phiques. Cette loi est une directive
générale sans que soit défini son
mode d’exécution. Les régions ont
donc assumé la mise en œuvre de
cette transition.
ORGANISATION DE LA SANTÉ
MENTALE EN LOMBARDIE
La Lombardie, au Nord de l’Italie,
est la région la plus riche et la plus
peuplée avec environ neuf millions
d’habitants. La santé mentale régio-
nale est subdivisée en quinze
Autorités Locales de Soins, définies
par une population d’environ
500 000 habitants. Celles-ci reçoi-
vent un budget global pour les soins
à la population qui y réside : elles né-
gocient avec les prestataires de soins
accrédités présents dans leur terri-
toire, publics ou privés, et acquiè-
rent ainsi les activités et les services
de psychiatrie disponibles pour leurs
habitants.
Depuis le premier plan régional de
santé mentale, au début des années
1980, la Lombardie a adopté un mo-
dèle organisationnel de psychiatrie de
secteur centré sur la multidisciplina-
rité des équipes. Celles-ci incluent
psychiatres, psychologues, infir-
mières, travailleurs sociaux et théra-
peutes spécialisés en réhabilitation.
Elles sont dirigées par les psychiatres
consultants. Ce réseau est constitué
d’une part par 29 départements pu-
blics de santé mentale (65 unités de
psychiatrie de secteur chacune étant
assise sur un bassin de population de
120 000 habitants) et d’autre part
par des prestataires privés accrédités
travaillant avec des centres de jour et
des foyers résidentiels.
Un département de Santé Mentale
est l’organisation publique de réfé-
rence pour tous soins psychiatriques
à la population d’un territoire défini :
soins de secteur, soins hospitaliers et
soins en foyers résidentiels. Ce Dé-
partement assure les services de pré-
vention de soins (la réponse à l’ur-
gence, l’hospitalisation) et de
réhabilitation (incluant l’aide à l’in-
sertion sociale). Il assure également
le dialogue avec les associations
d’usagers et de familles, avec les as-
sociations bénévoles caritatives, le
réseau social et les familles des pa-
tients. Il organise des interventions
spécifiques contre les maladies men-
tales sévères visant à réduire les re-
chutes et le développement de la
chronicité. Il collecte des données
épidémiologiques et évalue les activi-
tés et la formation continue des pro-
fessionnels.
En Lombardie par exemple :
– le département de Santé Mentale
est dirigé par un directeur d’unité
psychiatrique travaillant au sein de
ce département,
– chaque unité de psychiatrie de sec-
teur est dirigée par un psychiatre
consultant,
– elle comprend un service de psy-
chiatrie au sein d’un hôpital général,
permettant des hospitalisations libres
ou sous contrainte,
– un ou plusieurs centres médico-
psychologiques, permettant une pri-
se en charge type hôpitaux de jour,
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
Conflit d’intérêt : aucun.
La dépression : des pratiques aux théories 10
U.O. Psichiatria n° 62 – Ospedale di Bollate (Milano)
A.O. « G. Salvini » – Garbagnate Milanese
Santé mentale en Lombardie.
Organisation et activité de la
psychiatrie de secteur
M. Percudani
– et un ou plusieurs foyers résiden-
tiels, dans lesquels les usagers béné-
ficient de programmes de réhabilita-
tion et de soutien.
SERVICES ET ACTIVITÉS
La Lombardie comprend un réseau
de 65 unités de psychiatrie de sec-
teur totalisent :
– 101 centres médico-psychologiques
(1 pour 78 000 habitants de plus de
14 ans),
– 820 lits en hôpital général
(1 pour 10 000 habitants),
– 160 places en foyers résidentiels
publics (1 pour 5 000 habitants)
– et 67 centres de jour, environ un
par unité de psychiatrie de secteur,
soit 983 places de jour soit (1 place
pour 8 000 habitants).
Si l’on rapporte ces chiffres à la di-
mension d’un secteur français de
80 000 habitants cela donnerait :
– 1 CMP,
– 8 lits d’hospitalisation libre ou sans
consentement,
– 15 lits de foyers,
– 10 places d’hôpital de jour.
À cela il faut ajouter les offres pri-
vées d’accueil et d’hébergement… :
en matière de foyers il semble que les
structures privées proposent autant
de possibilités que les structures pu-
bliques (soit 15 lits de plus pour un
secteur type français).
Il existe une norme théorique : 1,7
lits pour 5 000 habitants.
Au cours de l’année 2003, 110 486
usagers ont intégré la file active des
unités de psychiatrie de secteur (13,7
tous les 1 000 habitants âgés de plus
de 14 ans) : 88% par le centre médi-
co-psychologique, 13 % hospitalisés
au moins une fois dans les lits en hô-
pital général et 3 % par les centres de
jours ou les foyers résidentiels.
Les admissions en unité de psychia-
trie pour épisodes aigus sont
stables au fil des années (de 1995 à
2001). L’hospitalisation sous
contrainte représente 11 % de la to-
talité. Sur l’ensemble des patients,
26 % sont hospitalisés au moins
une fois dans l’année et 75 %
moins de 15 jours.
Les foyers résidentiels publics et pri-
vés sont destinés aux patients néces-
sitant des séjours à moyen ou long
terme. Ils se distinguent par les soins
qu’ils apportent : les foyers sociaux,
les foyers de soutien et les foyers de
réhabilitation. La supervision par des
soignants varie selon le type de
foyer : absente dans les foyers so-
ciaux, alors que les soignants sont
présents 24 heures sur 24 dans les
foyers de réhabilitation. La présence
de soignants peut être de 12 ou de
24 heures sur 24 dans les foyers de
soutien.
Selon les données de 2003, il existe
243 foyers résidentiels accrédités en
Lombardie, respectivement 66 %
pour le domaine public et 34 % pour
le privé ; soit 2 752 de lits, respecti-
vement en nombre de lits : 59 %
pour le public et 41 % pour le privé.
Le taux de lit par habitants de plus
de 14 ans est de 1,7 pour 5 000.
Quelques textes décrivent les mo-
dèles de soins en Lombardie : organi-
sation, activités et coûts d’une unité
publique de soins psychiatrique dans
la région nord ouest de Milan (Ma-
genta) (1). Un autre analyse l’utilisa-
tion des services et les coûts durant
24 mois pour une population ayant
eu un premier contact avec le centre
médico-psychologique de secteur de
Magenta (2). Un autre estime la pro-
babilité qu’un patient abandonne les
soins et identifie des sous-groupes de
patients à risque de rompre avec les
soins (3).
Pour améliorer le système actuel, il
faudrait :
– intégrer les soins institutionnels et
non institutionnels dans un même
système afin d’améliorer l’utilisation
des ressources en santé mentale,
– ajuster les modèles de soins aux be-
soins des patients,
créer des voies spécifiques selon la
clinique présentée par l’usager et dé-
velopper des programmes individuels
de traitement,
– intégrer le traitement des patients
présentant des maladies mentales sé-
vères et des besoins spécifiques com-
plexes : développer la mise en place par
le secteur des « traitements intégrés »,
– réorganiser les soins psychiatriques
résidentiels,
– améliorer les prescriptions médica-
menteuses.
À ce propos, une étude (4) examine
la prévalence et la distribution de la
prescription d’antidépresseurs en
Lombardie. Les données incluent
toutes les prescriptions remboursées
par le système de soins national au
sein de la population de cette région.
Durant la période de l’étude,
404 238 usagers ont reçu des antidé-
presseurs. La prévalence de l’utilisa-
tion est de 2,85 pour 100 hommes et
5,92 pour 100 femmes. Et comme en
France là encore, les médecins géné-
ralistes sont les principaux prescrip-
teurs. La prévalence d’utilisation
augmente progressivement avec
l’âge dans les deux sexes, avec les
taux les plus élevés chez les per-
sonnes âgées et très âgées (5) :
9,49 pour 100 habitants. En un an,
50 000 habitants ont été traités par
les services psychiatriques publics
pour anxiété et dépression, et
400 000 ont reçu un antidépresseur.
Il existe une large prescription d’anti-
dépresseurs par les médecins généra-
listes. Il apparaît important de tra-
vailler avec ces derniers.
PLAN RÉGIONAL
DE SANTÉ MENTALE
Le dernier plan régional de Santé
Mentale en Lombardie (décret
17 513 du 17 mai 2004) a pour buts :
M. Percudani L’Encéphale (2008) Hors-série 3, S5-S8
S 6
La dépression : des pratiques aux théories 10
– d’élargir la santé mentale à de nou-
veaux domaines,
– de créer des comités de coordina-
tion de santé mentale pour chaque
secteur,
– de différencier des voies de soins,
– de développer des projets dans les
domaines suivants : intervention pré-
coce dans la psychose, programmes
d’aide au travail, dépression et anxié-
té, double diagnostic,
– de réorganiser le soin résidentiel.
Le Département local de Santé
Mental en Italie
Les Comités Territoriaux de Santé
Mentale sont établis dans chaque
territoire par les Autorités Locales
de Soins en accord avec le départe-
ment public de santé mentale in-
cluant les prestataires privés accrédi-
tés, les municipalités et le secteur
non lucratif.
Ces comités sont constitués du di-
recteur de l’Autorité Locale de
Soins, le directeur du Département
de Santé Mentale, les représentants
des prestataires privés accrédités, de
la conférence de maires, des associa-
tions et du secteur social, engagés
dans la santé mentale.
Les objectifs qui lui sont attribués
consistent à l’organisation d’une
Conférence Locale annuelle de San-
té Mentale, l’élaboration tous les
trois ans de l’Accord Local de Santé
Mentale (réévalué chaque année), et
la mise en place de Tables rondes
concernant la formulation et l’exécu-
tion de projets de voies de thérapie
et de réhabilitation pour les usagers
du territoire.
Depuis le plan régional de 2004,
toutes les Autorités Locales de Soins
ont créé les Comités Territoriaux de
Santé Mentale ; l’Accord Local de
Santé Mentale est élaboré dans plus
de la moitié des territoires et tous les
Comités ont organisé les Tables
rondes.
Principe de la psychiatrie à
l’italienne : le traitement intégré
Le « traitement intégré » des patients
présentant des troubles psychia-
triques sévères est une mission spéci-
fique pour le secteur. Cela doit être
un objectif pour les équipes, il doit
exister une unicité du projet de soins,
celui-ci ne doit pas être défini par
chaque service que l’usager rencon-
trera ; l’usager doit être pris en
compte dans ce projet et doit en être
partie prenante ; des programmes in-
dividuels de traitement doivent être
appliqués. Le traitement intégré du
secteur est considéré comme le
meilleur choix en terme de bonne
pratique clinique, de part la continui-
té thérapeutique, l’intégration du so-
cial et de la santé, et la possibilité
d’offrir des soins en contiguïté avec
le contexte socio-environnemental
de l’usager.
Le secteur à l’italienne
Le secteur de psychiatrie comporte
une équipe permettant d’appliquer
les programmes de « traitement inté-
gré ». Cette équipe multidisciplinaire
est composée de psychiatres, de psy-
chologues, d’infirmières spécialisées,
d’éducateurs et de techniciens de ré-
habilitation et travailleurs sociaux.
Ses activités comportent :
La clinique ambulatoire : par l’en-
tretien psychiatrique, les visites, la
psychothérapie, la pharmacothéra-
pie. Cette clinique doit être centrée
sur l’usager et ses besoins, orientée
vers le développement d’une alliance
thérapeutique.
–Laréhabilitation : par la resociali-
sation, les techniques de réhabilita-
tion, et par les centres de jour.
Les soins de support : par la rela-
tion au patient, par le support des as-
pects déficients, en étant focalisé sur
les aspects de fonctionnement psy-
chosocial, et par les visites à domicile.
–Lintermédiation : visant à contre-
balancer la marginalisation secondai-
re à la pathologie et à la stigmatisa-
tion. Les équipes utiliseront les
possibilités fournies par les agences
territoriales (services sociaux, struc-
tures de travail protégé, associations
caritatives), identifieront le réseau
potentiel informel en intégrant les ai-
dants naturels, et informeront et
soutiendront les familles.
La coordination : par la réflexion au-
tour d’un cas unique visant à intégrer
les différentes dimensions et les diffé-
rentes activités de prise en charge, les
différents individus participant au pro-
jet de soins et à assurer la continuité
de « programme intégré » de l’individu.
Depuis les dix dernières années, il
existe au sein du soin psychiatrique
résidentiel une extension progressive
de la durée de séjour et une réduc-
tion du turnover des patients. Le soin
psychiatrique résidentiel se transfor-
me souvent en une solution d’héber-
gement et s’éloigne ainsi d’un projet
thérapeutique individuel. Prenant en
considération ses anomalies, le plan
régional identifie le besoin de requali-
fier les structures résidentielles en
mettant l’accent sur le programme
de soins et non plus sur la structure,
et en identifiant les trois principaux
domaines pour les programmes de
soins dans ses structures : soins de
réhabilitation, soins de soutien, do-
maine social. Chaque programme de
soin est caractérisé par une durée. Le
programme résidentiel de soin de ré-
habilitation ne doit pas dépasser
18 mois et nécessite exclusivement
une compétence en santé. Les pro-
grammes résidentiels de soins de
soutien ont une durée de 36 mois.
Enfin les programmes résidentiels so-
ciaux ne sont pas fournis par des
structures de santé, ont des durées
variables (elles peuvent être courtes
mais parfois à vie) et nécessitent le
plus souvent qu’une solution adé-
quate d’hébergement soit trouvée.
L’Encéphale (2008) Hors-série 3, S5-S8 Santé mentale en Lombardie. Organisation et activité de la psychiatrie de secteur
S 7
La dépression : des pratiques aux théories 10
PROGRAMMES INNOVANTS
POUR LA SANTÉ MENTALE :
2005-2008
Afin de promouvoir le modèle orga-
nisationnel décrit dans le plan régio-
nal, a été établi un programme inno-
vant pour la santé mentale
(2005-2008). Ce programme finance
les actions innovantes ayant pour but
d’améliorer :
les soins de secteur,
les soins résidentiels,
la qualité de soins ou la formation.
Sur les 101 programmes soumis, 73 ont
été financés par une somme globale de
30 millions d’euros pour trois ans.
En conclusion, le plan régional de
Santé Mentale de la Lombardie est
orienté vers une réinstitutionalisation
à l’instar de ce qui se passe dans
différents pays développés (6) – défi
de la psychiatrie de secteur pour les
prochaines années.
Références
1. Fattore G
et al.
Mental Health Care in Italy : organi-
sational structure, routine clinical activity and costs
of a community psychiatric service in Lombardy re-
gion. International Journal of Social Psychiatry
(2000), Vol. 46, N° 4, 250-265.
2. Percudani M.
et al.
Service utilisation and costs of
first-contact patients in a community psychiatric ser-
vice in Italy. European Psychiatry (2002), 17,
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3. Percudani M.
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Monitoring community psychia-
tric services in Italy : differences between patients
who leave care and those who stay in treatment.
British Journal of Psychiatry (2002), 180, 254-
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4. Percudani M.
et al.
Antidepressant drug use in Lom-
bardy, Italy : a population-based study. Journal of
Affective Disorders (2004), 83, 169-175.
5. Percudani M. Antidepressant drug prescribing
among elderly subjects : a population-based study.
International Journal of Geriatric Psychiatry
(2005), 20, 113-118.
6. Priebe S.
et al.
Reinstitutionalisation in mental
health care : comparison of data on service provi-
sion from six European countries. British Medical
Journal (2005), 330, 123-126.
M. Percudani L’Encéphale (2008) Hors-série 3, S5-S8
S 8
La dépression : des pratiques aux théories 10
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