
M. ZylbermanS144
Si la perspective de l’industriel se confronte à toutes
les autres, la première à laquelle elle s’oppose est celle de
l’administration.
Le médicament sera ensuite accessible aux utilisateurs,
tant les médecins que les patients, qui pourront dès lors,
faire leur propre évaluation. Tant que la perspective de
l’industriel ne sera pas confrontée à celle de l’autorité de
santé, aucun des utilisateurs ne pourra se faire sa propre
évaluation.
Le moment le plus important dans la vie d’un médicament
est donc celui de l’autorisation de mise sur le marché
(AMM).
Toutefois, cette AMM déterminée par les résultats d’es-
sais de recherche clinique réalisés sur 4 000 à 5 000
patients, donne certain niveau d’information sur le rapport
risque bénéfi ce dans une population de patients pré sélec-
tionnés et dans un contexte particulier qui est assez loin de
ce qui sera, in fi ne, la réalité de la prescription. Ainsi, au-
delà d’une innovation thérapeutique purement scientifi -
que, observée dans des conditions strictes de recherche, il
est également nécessaire de vérifi er que cette innovation
se traduit par une innovation pragmatique dans les condi-
tions réelles de prise en charge des patients, par exemple,
dans les différents lieux de prise en charge possibles (hos-
pitalière ou libérale) ou encore selon les pays dans la
mesure où les systèmes de soins n’y sont pas parfaitement
comparables de l’un à l’autre : c’est probablement là que
se situe le progrès thérapeutique. Ce passage d’une évalua-
tion fondée sur l’observation de l’effet à proprement parlé,
à une évaluation prenant en compte les facteurs infl uen-
çant la survenue de l’effet, revient en fait à passer d’une
perspective strictement individuelle (quel est l’effet
attendu pour un patient donné ?) à une vision plus popula-
tionnelle (quel est l’effet attendu pour une population ?).
Dans ce passage, l’innovation peut se révéler et se traduire
par un progrès thérapeutique ou au contraire s’évanouir.
C’est de cette traduction de l’innovation en progrès théra-
peutique que la molécule tire toute sa valorisation et ce, à
double titre : d’abord en espèces sonnantes et trébu-
chantes, puisque plus grand est le progrès thérapeutique et
plus élevé pourra en être son prix, négocié en France ;
ensuite et surtout, c’est de son existence et de son inten-
sité que dépend évidemment le succès de la molécule
auprès des médecins comme des patients.
Qu’est ce que l’innovation
pour la Commission de la Transparence ?
En France, un médicament reconnu comme potentielle-
ment innovant par la commission de la transparence peut
bénéfi cier d’un accès accéléré au marché.
Pour démontrer le potentiel innovateur de son produit,
l’entreprise doit justifi er que la molécule est un nouveau
mode de traitement, en raison notamment de son méca-
nisme d’action ou de sa classe pharmacologique, de sa
population cible ou de sa voie d’administration.
Le médicament doit également démontrer une supério-
rité par rapport aux thérapeutiques disponibles en matière
d’effi cacité, de tolérance, de facilité d’accès et d’utilisa-
tion.
Dans une indication donnée, la molécule doit couvrir
totalement ou en partie le besoin médical disponible.
Ces règles successives et additionnelles comportent un
certain nombre de notions que l’industriel pourra utiliser
pour développer ses nouvelles molécules afi n d’accéder au
marché le plus rapidement et avec le plus grand succès
possible.
Qu’est ce que l’innovation pour Lilly
« L’innovation recouvre un besoin médical non couvert, en
comparaison aux thérapeutiques disponibles et dont la
valeur est reconnue par les payeurs et les patients »
Lors de sa réponse à la demande de l’administration,
Lilly prend le parti de l’implication du patient en tant
qu’acteur de l’évaluation de l’innovation.
Les quatre composantes du concept de l’innovation
selon Lilly sont donc :
le Besoin non couvert : l’innovation doit améliorer les
traitements disponibles ou la prise en charge dans des
conditions où les alternatives médicales sont peu fré-
quentes ;
la Comparaison : l’innovation est évaluée par rapport aux
thérapeutiques existantes ;
la Valorisation : une innovation doit pouvoir être valori-
sée et perçue par les utilisateurs comme suffi samment
importante pour être prescrite, recommandée, utilisée
et enfi n remboursée ;
la Perspective : l’évaluation de l’innovation dépend du
point de vue et des perspectives des différents acteurs,
notamment de celle des patients.
Réfl exions sur l’innovation
et le progrès thérapeutique
L’innovation à l’origine d’un progrès médical dans la prise
en charge thérapeutique, est souvent incrémentale. Par
exemple, l’appartenance d’une molécule à une nouvelle
classe pharmacologique ne permet pas, à elle seule, de lui
octroyer le statut de molécule innovante : encore faut-il
que ce nouveau mécanisme d’action se traduise par un effet
nouveau par rapport à l’existant et surtout cliniquement
pertinent. Par ailleurs, les autorités de santé ne considèrent
le progrès thérapeutique que lorsqu’il est important : une
molécule qui n’améliore que marginalement l’état de santé
du patient, n’est pas considérée par le payeur, à ce jour,
comme vecteur d’innovation. Or, en réalité, la plupart des
progrès survenus dans les années les plus récentes, se pré-
sentent comme le résultat de la survenue successive de
petits progrès de degrés divers. En effet, chaque étape dans
le développement de la prise en charge, si minime soit elle,
conduit à une amélioration du devenir du patient.
Des progrès qui pourraient paraître limités au premier
regard, sont, en réalité, absolument nécessaires pour
accomplir une avance sensible.
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