Caract´ eristiques cliniques des patients bipolaires ec´

L’Enc´
ephale (2007) 33, 762—767
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
CLINIQUE
Caract´
eristiques cliniques des patients bipolaires
type I en fonction de leurs ant´
ec´
edents
familiaux thymiques
Clinical characteristics of bipolar I patients according
to their family history of affective disorders
A. Mrad, A. Mechri, K. Rouissi, G. Khiari, L. Gaha
Laboratoire de recherche «vuln´
erabilit´
e aux psychoses », service de psychiatrie,
CHU de Monastir, rue 1er-Juin-5000, Monastir, Tunisie
Rec¸u le 12 juin 2006 ; accept´
ele14d
´
ecembre 2006
Disponible sur Internet le 5 Septembre 2007
MOTS CL´
ES
Trouble bipolaire I ;
´
Etude familiale ;
Ant´
ec´
edents
familiaux thymiques ;
G´
en´
etique
R´
esum´
eL’objectif de ce travail ´
etait de comparer les caract´
eristiques sociod´
emographiques
et cliniques des patients bipolaires type I en fonction de la pr´
esence ou non d’ant´
ec´
edents
familiaux thymiques afin d’identifier certaines caract´
eristiques `
a haut degr´
e familial. Il s’agit
d’une ´
etude transversale descriptive et comparative, r´
ealis´
ee dans le service de psychiatrie du
CHU de Monastir, au cours du deuxi`
eme semestre de l’ann´
ee 2001. Durant cette p´
eriode, nous
avons inclus 130 patients remplissant les crit`
eres du trouble bipolaire type I selon le DSM-IV,
qui ont ´
et´
er
´
epartis en deux groupes : groupe 1 comportant les patients ayant des ant´
ec´
edents
familiaux thymiques (n= 76) et groupe 2 comportant les patients sans ant´
ec´
edents familiaux
thymiques (n= 54). Le recueil des donn´
ees ´
etait r´
ealis´
egr
ˆ
ace `
a une enquˆ
ete anamnestique,
`
a la revue des dossiers m´
edicaux et `
al
´
etablissement d’arbres g´
en´
ealogiques des familles des
bipolaires sur trois g´
en´
erations. Les patients bipolaires avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques
´
etaient caract´
eris´
es par une absence d’activit´
e professionnelle (30,2 versus 12,9 % ; p= 0,02),
un d´
ebut pr´
ecoce, avant l’ˆ
age de 20 ans, significativement plus fr´
equent (48,7 versus 24,0 % ;
p= 0,004) et un nombre d’´
episodes thymiques significativement plus important (8,1 ±3,6
versus 6,0 ±3,5 ; p= 0,002). Le dernier ´
episode thymique ´
etait significativement plus s´
ev`
ere
(94,8 versus 77,8 % ; p= 0,003) et associ´
e plus fr´
equemment `
a des caract´
eristiques psychotiques
dans 55,3 % des cas versus 35,2 % (p= 0,02). Le nombre ´
elev´
ed
´
episodes thymiques ant´
erieurs
et la s´
ev´
erit´
e du denier ´
episode ´
etaient les variables li´
ees aux ant´
ec´
edents familiaux thymiques
lors de la r´
egression multiple. Ces r´
esultats plaident en faveur d’une plus grande s´
ev´
erit´
edu
trouble bipolaire I familial, avec des cons´
equences plus importantes sur le fonctionnement
socioprofessionnel des patients.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : anwar [email protected] (A. Mechri).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2006.12.002
Caractéristiques cliniques des patients bipolaires 763
KEYWORDS
Bipolar I disorder;
Familial study;
Family history of
affective disorders;
Genetics
Summary
Background. — The familial nature of bipolar disorder has been well described and multiple
genes are probably involved in most or all cases. Each gene contributes equally to a bipolar
phenotype and it may contribute to clinical characteristics. However, the genetic transmission of
bipolar disorder remained undetermined up to now, partly due to clinical and genetically hete-
rogeneity. In Tunisia, genetic study will profit from specific interests and advantages: the high
rates of consanguinity, the existence of large families, and the relative geographical stability
of the population.
Objective. — The aim of this study was to compare clinical characteristics of familial and
nonfamilial bipolar I disorder.
Method. — One hundred and thirty subjects met DSM-IV criteria for a bipolar I disorder; they
were recruited and divided into groups according to their family history of affective disorders.
Group 1 with a familial history group, comporting bipolar I patients with a family history of
affective disorders in first and second degree relatives (n= 76; 52 males and 24 females, mean
age = 37.2 ±10.7 years) was compared to group 2 (nonfamilial history group), comporting bipo-
lar I patients without a family history of affective disorders (n= 54; 29 males and 25 females,
mean age = 38.1 ±10.9 years). Available information was obtained from a structured clinical
interview, collateral history, and medical records. The family investigation permitted comple-
tion of genealogies over three generations. The comparison of the two groups was based on the
clinical characteristics (age at onset, numbers of affective episodes, nature and severity of the
last affective episode,...).
Results. — There were no significant differences between the two groups concerning demogra-
phic and social features, with the exception of professional activity. Indeed 30.2% of patients
with a family history of affective disorders were unemployed versus 12.9% of patients without
a family history of affective disorders (p= 0.02). Bipolar I patients with a family history of
affective disorders were characterised by an early age at onset of the first episode (before 20
years) (48.7 versus 24.0%; p= 0.004), a high frequency of affective episodes (8.1 ±3.6 versus
6.0 ±3.5; p= 0.002) and had been more often hospitalised than patients without a family his-
tory of affective disorders (5.7 ±3.0 versus 4.7 ±3.0; p= 0.06). No significant differences were
found concerning the nature of the first affective episode in bipolar I patients with or without a
family history of affective disorders. Eleven women had developed their first affective episode
during the puerperal period; eight of whom had a family history of affective disorders (p= 0.07).
The last affective episode was significantly more severe (94.8 versus 77.8%; p= 0.003) and more
often associated with psychotic features (55.3 versus 35.2%; p= 0.02) in patients with a family
history of affective disorders. After multiple regression, the high frequency of affective episodes
and the severity of last episode were more related with a family history of affective disorders.
Conclusion. — The results of our study provide evidence of familiality for some clinical charac-
teristics which can be useful as phenotypic measures in future molecular genetic studies.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
Les troubles bipolaires constituent de part leur fr´
equence
et leur ´
evolution r´
ecurrente un v´
eritable probl`
eme de sant´
e
publique et sont caract´
eris´
es par une grande h´
et´
erog´
en´
eit´
e
g´
en´
etique et ph´
enotypique. Si l’existence d’une composante
g´
en´
etique `
a l’origine de ces troubles est actuellement large-
ment ´
etablie, les modes de transmission sont encore non
´
elucid´
es. De mˆ
eme, le poids de facteurs g´
en´
etiques dans
le d´
eterminisme de ces troubles est variable d’un sous-
groupe de patients `
a un autre. En effet, plusieurs facteurs
rendent compte des difficult´
es rencontr´
ees dans l’´
etude
g´
en´
etique des troubles bipolaires : expressions cliniques
diverses, intervention des facteurs environnementaux et
psychosociaux, existence de p´
en´
etrance incompl`
ete et
de ph´
enocopies [8,17]. L’identification des sous-groupes
homog`
enes des patients bipolaires constitue ainsi une
d´
emarche n´
ecessaire pour des futures ´
etudes de g´
en´
etique
mol´
eculaire, afin de d´
eterminer des marqueurs fiables
de vuln´
erabilit´
eg
´
en´
etique. En Tunisie, l’int´
erˆ
et des
´
etudes g´
en´
etiques sur les troubles bipolaires est justifi´
e
par le taux important de consanguinit´
e, la taille impor-
tante des fratries et la faible mobilit´
eg
´
eographique des
familles.
Des travaux r´
ecents ont sugg´
er´
e l’int´
erˆ
et de distinguer
un sous-groupe clinique de patients bipolaires utile pour
la recherche g´
en´
etique ; il s’agit des bipolaires avec his-
toire familiale de troubles thymiques [10,19]. L’hypoth`
ese
avanc´
ee serait que ces patients pr´
esentent les formes les
plus familiales de la maladie et donc les plus g´
en´
etiquement
d´
etermin´
ees. Ces formes auraient des caract´
eristiques cli-
niques distinctes qui pourraient les diff´
erentier des cas non
familiaux ou sporadiques.
Dans ce travail, nous nous proposons de comparer
les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des
patients bipolaires type I en fonction de la présence ou
non d’antécédents familiaux thymiques afin d’identifier cer-
taines caractéristiques à haut degré familial.
764 A. Mrad et al.
Patients et m´
ethodes
Il s’agit d’une ´
etude transversale descriptive et compara-
tive, r´
ealis´
ee dans le service de psychiatrie du CHU de
Monastir, au cours du deuxi`
eme semestre de l’ann´
ee 2001.
Durant cette p´
eriode, nous avons inclus tous les patients,
suivis `
a titre externe, ayant ´
et´
ed
´
ej`
a hospitalis´
es au moins
une fois, et remplissant les crit`
eres diagnostiques du manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux dans sa
quatri`
eme version (DSM-IV) pour le trouble bipolaire type
I[1]. Ont ´
et´
e exclus, les patients qui ont fait l’objet
d’un doute diagnostique et ceux dont les dossiers ´
etaient
insuffisamment informatifs. Au total, 130 patients ont ´
et´
e
recrut´
es. Ils ont ´
et´
er
´
epartis en deux groupes :
Groupe 1 ou groupe familial (n= 76 ; 52 hommes et
24 femmes, ˆ
age moyen = 37,2 ±10,7 ans) incluant les
patients bipolaires ayant des ant´
ec´
edents familiaux thy-
miques (au moins un ´
episode maniaque et/ou d´
epressif
chez les apparent´
es de premier ou deuxi`
eme degr´
e).
La nature de ces ant´
ec´
edents est pr´
esent´
ee dans le
Tableau 1.
Groupe 2 ou groupe non familial (n= 54 ; 29 hommes
et 25 femmes, ˆ
age moyen = 38,1 ±10,9 ans) incluant les
patients bipolaires sans ant´
ec´
edents familiaux thymiques
chez les apparent´
es de premier ou deuxi`
eme degr´
e.
Tous les patients et un membre de leurs familles ont ´
et´
e
examin´
es par le mˆ
eme investigateur au cours de la consul-
tation programm´
ee, ou suite `
a une convocation adress´
ee
par voie postale. Le recueil des informations a ´
et´
er
´
ealis´
e
grˆ
ace `
a une enquˆ
ete anamnestique structur´
ee selon une
fiche pr´
e´
etablie, `
a la revue des dossiers m´
edicaux et `
a
l’´
etablissement d’arbres g´
en´
ealogiques des familles des
bipolaires sur trois g´
en´
erations. Le diagnostic des troubles
psychiatriques et surtout d’´
episodes thymiques, chez les
apparent´
es, a ´
et´
e pos´
e selon les crit`
eres suivants : la
pr´
esence d’au moins une consultation et/ou une hospita-
lisation en milieu psychiatrique, un diagnostic pos´
e par le
m´
edecin traitant ou `
a partir du dossier m´
edical, la des-
cription de la symptomatologie et la nature du traitement
rec¸u.
Les sujets ont ´
et´
epr
´
ealablement inform´
es sur les prin-
cipes de l’´
evaluation, le respect de l’anonymat et la
confidentialit´
e des donn´
ees. L’analyse des donn´
ees a ´
et´
e
effectu´
ee avec le logiciel SPSS 10.0. La comparaison entre
les deux groupes a ´
et´
er
´
ealis´
ee par le test 2pour les
variables qualitatives et le test ‘‘t’’ de Student pour les
Tableau 1 Nature des ant´
ec´
edents familiaux thymiques
chez les patients bipolaires du groupe 1.
Ant´
ec´
edents familiaux (%)
Troubles bipolaires I 55,2
Troubles bipolaires II 3,9
Troubles d´
epressifs 13,1
Troubles bipolaires I et troubles d´
epressifs 13,1
Troubles bipolaires II et troubles d´
epressifs 6,6
Troubles bipolaires I et troubles schizophr´
eniques 8,1
variables quantitatives. L’association entre les ant´
ec´
edents
familiaux thymiques et les diff´
erentes variables cliniques a
´
et´
e estim´
ee avec l’odd ratio (OR), avec un intervalle de
confiance `
a 95 %. Par la suite, une analyse en r´
egression mul-
tiple a ´
et´
e effectu´
ee, en vue de pr´
eciser la relation entre
les ant´
ec´
edents familiaux thymiques (variable d´
ependante)
et l’ensemble des variables cliniques retenues lors de la
comparaison (variables ind´
ependantes). Le seuil de signifi-
cativit´
e´
etait fix´
e`
a5%.
R´
esultats
Caract´
eristiques sociod´
emographiques
Une pr´
edominance masculine a ´
et´
e constat´
ee dans le groupe
familial, mais la diff´
erence n’´
etait pas statistiquement signi-
ficative (Tableau 2). Les deux groupes ´
etaient comparables
pour les autres caract´
eristiques sociod´
emographiques, sauf
en ce qui concerne l’activit´
e professionnelle (Tableau 2).
Parmi les bipolaires avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques,
le taux d’inactivit´
e professionnelle ´
etait significativement
plus ´
elev´
e par rapport aux patients sans ant´
ec´
edents fami-
liaux thymiques : 30,2 versus 12,9 % (2= 5,28 ; p= 0,02).
Caract´
eristiques cliniques
ˆ
Age de d´
ebut
L’ˆ
age moyen au premier ´
episode thymique ´
etait comparable
entre les deux groupes : 23,7 ±9,4 ans versus 23,9 ±8,2
ans (t= 0,13, df= 128, p= 0,89). Toutefois, un d´
ebut pr´
ecoce
(avant l’ˆ
age de 20 ans) a ´
et´
e significativement plus fr´
equent
dans le groupe des patients avec ant´
ec´
edents familiaux thy-
miques : 48,7 versus 24,0 % (2= 8,02 ; p= 0,004), avec un OR
`
a 2,99 (1,30—6,96). La classe modale a ´
et´
e de moins de 20
ans pour les patients avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques
et de 20 `
a 29 ans pour ceux sans ant´
ec´
edents familiaux
thymiques.
D´
ebut en postpartum
Parmi les 49 femmes collig´
ees dans notre s´
erie, 11 avaient
d´
ebut´
e leur maladie bipolaire en postpartum. Huit parmi
elles appartenaient au groupe avec ant´
ec´
edents familiaux
thymiques, alors qu’un d´
ebut en postpartum ´
etait constat´
e
chez seulement trois femmes du groupe sans ant´
ec´
edents
familiaux thymiques, mais cette diff´
erence n’´
etait pas signi-
ficative (2= 3,20 ; p= 0,07).
Nombre d’´
episodes thymiques et d’hospitalisations
ant´
erieurs
Le premier acc`
es thymique ´
etait maniaque chez 65,8 % des
bipolaires avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques et chez
59,3 % des bipolaires sans ant´
ec´
edents familiaux thymiques,
sans diff´
erence significative entre les deux groupes.
Le nombre moyen d’´
episodes thymiques ant´
erieurs `
a
l’´
etude ´
etait de 6,7 ±4,0 avec des extrˆ
emes allant de un
`
a 20. Cette moyenne ´
etait significativement plus ´
elev´
ee
pour les patients avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques :
8,1 ±3,6 versus 6,0 ±3,5 pour ceux sans ant´
ec´
edents
familiaux thymiques (t= 3,24, df= 128, p= 0,002), alors
que la dur´
ee d’´
evolution moyenne des troubles ´
etait
Caractéristiques cliniques des patients bipolaires 765
Tableau 2 Comparaison des caract´
eristiques sociod´
emographiques.
Caract´
eristiques sociod´
emographiques Groupe familial (n= 76) Groupe non familial (n= 54) Tests statistiques
Age moyen (ans) 37,2 ±10,7 38,1 ±10,9 t= 0,47, df= 128, p= 0,64
Sexe
Masculin 68,4 % 53,7 % 2= 2,91, df=1, p= 0,08
F´
eminin 31,6 % 46,3 %
Niveau scolaire
Non scolaris´
e(e) 9,2 % 16,6 % 2= 2,53, df=3, p= 0,46
Primaire 35,5 % 31,5 %
Secondaire 52,6 % 46,3 %
Sup´
erieur 2,7 % 5,6 %
Activit´
e professionnelle
Absente 30,2 % 12,9 % 2= 5,28, df=1, p= 0,02
Pr´
esente 69,8 % 87,1 %
Statut matrimonial
C´
elibataire 40,8 % 35,2 % 2= 1,13, df=3, p= 0,76
Mari´
e(e) 50,0 % 53,7 %
Divorc´
e(e)—s´
epar´
e(e) 7,9 % 7,4 %
Veuf/veuve 1,3 % 3,7 %
comparable entre les deux groupes. Le recours `
a
l’hospitalisation lors de ces ´
episodes thymiques ´
etait en
moyenne de 5,7 ±3,0 chez les bipolaires avec ant´
ec´
edents
familiaux thymiques et de 4,7 ±3,2 chez ceux sans
ant´
ec´
edents familiaux thymiques, mais la diff´
erence entre
les deux groupes n’´
etait pas significative (t= 1,87, df= 128,
p= 0,06). Le taux des patients hospitalis´
es `
a plus de cinq
reprises ´
etait toutefois significativement plus ´
elev´
e chez
les bipolaires avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques : 55,3
versus 26,0 % (2= 11,08 ; p= 0,0008), avec un OR `
a 3,53
(1,55—8,11).
Caract´
eristiques du dernier ´
episode thymique
Le dernier ´
episode ´
etait de type maniaque dans la majo-
rit´
e des cas, sans diff´
erence significative entre les deux
groupes (Tableau 3). Il s’agit d’un ´
episode significativement
plus s´
ev`
ere chez les bipolaires avec ant´
ec´
edents familiaux
thymiques : 94,8 versus 77,8 % (2= 8,35 ; p= 0,003), avec
un OR `
a 5,14 (1,41—20,36) (Tableau 3). La pr´
esence des
caract´
eristiques psychotiques qu’elles soient congruentes
ou non congruentes `
a l’humeur ´
etait significativement plus
fr´
equente chez les patients avec ant´
ec´
edents familiaux thy-
miques : 55,3 versus 35,2 % (2= 5,07 ; p= 0,02), avec un OR
`
a 2,28 (1,04—4,99).
Par ailleurs, nous n’avons pas not´
e de diff´
erence signifi-
cative entre les deux groupes en ce qui concerne le cycle
rapide et le caract`
ere saisonnier. De mˆ
eme, les ant´
ec´
edents
de suicide, d’abus ou de d´
ependance `
a l’alcool ´
etaient com-
parables entre les deux groupes.
Les diff´
erentes variables associ´
ees `
alapr
´
esence des
ant´
ec´
edents familiaux thymiques ont fait l’objet d’une ana-
lyse discriminante type r´
egression multiple incluant aussi
l’ˆ
age, le sexe, le niveau scolaire et l’activit´
e profession-
nelle. Le nombre ´
elev´
ed
´
episodes thymiques ant´
erieurs et
la s´
ev´
erit´
e du denier ´
episode ´
etaient les variables li´
ees aux
ant´
ec´
edents familiaux thymiques (Tableau 4).
Tableau 3 Comparaison des caract´
eristiques cliniques du dernier ´
episode thymique.
Caract´
eristiques du dernier
´
episode thymique
Groupe familial (n= 76) Groupe non familial (n= 54) Tests statistiques
Nature
Manie 82,8 % 74,0 % 2= 2,94, df=4, p= 0,70
D´
epression 13,2 % 18,5 %
Hypomanie 3,9 % 5,6 %
Mixte 0 % 1,8 %
Intensit´
e
Moyenne 5,2 % 22,2 % 2= 8,35, df=1, p= 0,003
S´
ev`
ere 94,8 % 77,8 %
Caract´
eristiques psychotiques
Pr´
esentes 55,3 % 35,2 % 2= 5,07, df=1, p= 0,02
Absentes 44,7 % 64,8 %
766 A. Mrad et al.
Tableau 4 Variables cliniques liées aux antécédents fami-
liaux thymiques après analyse en régression multiple.
Bˆ
eta tp
Nombre des ´
episodes
thymiques ant´
erieurs
0,22 2,58 0,01
S´
ev´
erit´
e du denier
´
episode thymique
0,22 2,55 0,01
Discussion
Dans cette ´
etude, nous avons proc´
ed´
e`
a inclure des patients
pour lesquels le diagnostic rigoureux d’un trouble bipolaire
type I et la pr´
esence ou l’absence valide d’une histoire
familiale thymique ont ´
et´
e retenus. Toutefois, la nature
transversale de l’´
etude avec absence d’un suivi longitudinal,
le recrutement exclusivement hospitalier, la non-utilisation
d’instruments standardis´
es d’investigation familiale et la
diversit´
e du degr´
e de parent´
e et des ant´
ec´
edents fami-
liaux thymiques m´
eritent d’ˆ
etre pris en consid´
eration dans
l’interpr´
etation des r´
esultats.
Les donn´
ees actuelles concernant les caract´
eristiques
sociod´
emographiques en fonction des ant´
ec´
edents familiaux
sont peu nombreuses ; la plupart des r´
esultats concernent
l’ensemble des patients souffrant de troubles bipolaires,
qu’ils soient sporadiques ou non.
Chez nos patients, il existe une pr´
edominance masculine
sans diff´
erence significative entre les deux groupes, alors
que d’autres auteurs [3,17,23] ont trouv´
e un sexe ratio ´
egal
`
a un et pour certains auteurs [6,21], c’est le sexe f´
eminin
qui pr´
edomine chez les patients ayant des ant´
ec´
edents fami-
liaux thymiques. La pr´
edominance masculine trouv´
ee dans
notre ´
etude refl`
ete sans doute le mode de recrutement. En
effet, notre service offre pr´
es de deux tiers de sa capacit´
e
aux patients de sexe masculin [11]. Sur le plan professionnel,
le taux d’inactivit´
e´
etait significativement plus important
chez les patients avec ant´
ec´
edents familiaux de troubles
thymiques. Ce r´
esultat semble indiquer un plus mauvais
fonctionnement professionnel dans les cas familiaux.
Par ailleurs, nous n’avons pas trouv´
e d’autres indices
d’une moins bonne insertion sociofamiliale refl´
et´
ee par des
diff´
erences sociod´
emographiques entre les deux groupes, `
a
l’inverse de certains auteurs [3] qui ont rapport´
e un niveau
scolaire inf´
erieur chez des patients bipolaires avec une his-
toire familiale thymique. Pour ces auteurs, le d´
ebut pr´
ecoce
de la maladie et la s´
ev´
erit´
e des premiers ´
episodes thy-
miques chez ce groupe de bipolaires seraient `
a l’origine d’un
´
echec scolaire et par cons´
equent, une mauvaise insertion
socioprofessionnelle. Il faut toutefois signaler la pr´
esence,
dans notre soci´
et´
e, d’une structure de soutien social tr`
es
tol´
erante repr´
esent´
ee par la famille, contribuant `
a minimi-
ser l’impact de la maladie sur l’int´
egration du sujet dans la
communaut´
e.
Un d´
ebut pr´
ecoce de la maladie bipolaire (avant l’ˆ
age
de 20 ans) ´
etait significativement plus fr´
equent chez les
patients avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques. Ce r´
esultat
´
etait rapport´
e par la plupart des ´
etudes [3,4,12,13,19,22].
En effet, ce sous-groupe de bipolaires serait plus vuln´
erable
g´
en´
etiquement. Les patients d´
evelopperont ainsi leur mala-
die beaucoup plus pr´
ecocement, mˆ
eme en l’absence
d’interaction avec des facteurs environnementaux [18].La
pr´
ecocit´
edel
ˆ
age de d´
ebut d’une g´
en´
eration `
a l’autre
pourrait ˆ
etre expliqu´
ee par le ph´
enom`
ene d’anticipation
g´
en´
etique [8,25].
Nos r´
esultats concordent avec ceux d’autres auteurs
trouvant un d´
ebut en postpartum plus fr´
equent chez les
femmes avec une histoire familiale de troubles affectifs
[8,14]. Le risque morbide des troubles affectifs est signi-
ficativement plus ´
elev´
e chez les parents de premier degr´
e
des femmes bipolaires ayant d´
ebut´
e leurs troubles apr`
es
l’accouchement, par rapport aux parents de premier degr´
e
des femmes dont les troubles n’avaient pas de relation avec
l’accouchement [15]. Des ´
etudes de linkage ont ´
egalement
montr´
e que les troubles en postpartum ´
etaient associ´
es aux
troubles bipolaires et ont ´
evoqu´
e un lien ´
etroit entre ces
troubles et la consanguinit´
e[7].
L’´
episode maniaque inaugural constitue un indice de
s´
ev´
erit´
e important dans la maladie bipolaire [19,21,23].
L’inauguration des troubles bipolaires par un acc`
es
maniaque a concern´
e 63 % de notre population d’´
etude. Un
r´
esultat comparable ´
etait rapport´
e par certains auteurs [2]
avec un taux de 65 %, alors que des taux plus bas (pr`
es
de 40 %) ´
etaient trouv´
es par d’autres auteurs [4]. La dis-
parit´
e de ces r´
esultats pourrait ˆ
etre rattach´
ee `
a certains
biais m´
ethodologiques li´
es `
alad
´
efinition mˆ
eme du d´
ebut
de la maladie (premier ´
episode r´
eunissant un nombre suf-
fisant de crit`
eres diagnostiques, premier ´
episode justifiant
un traitement ou une hospitalisation...). Toutefois, nous
n’avons pas trouv´
e de diff´
erence significative entre nos deux
groupes d’´
etude. Ce r´
esultat va `
a l’encontre d’autres tra-
vaux [16,19] ayant sugg´
er´
e qu’un trouble bipolaire inaugur´
e
par un ´
episode maniaque s´
ev`
ere avec caract´
eristiques psy-
chotiques serait plus fr´
equent chez les sujets ayant une
pr´
edisposition g´
en´
etique plus importante.
Le nombre d’´
episodes thymiques est un indice pr´
ecieux
caract´
erisant le cycle et la gravit´
e de la maladie. Dans
notre ´
etude, le nombre moyen d’´
episodes thymiques ´
etait
significativement plus ´
elev´
e chez les patients bipolaires
avec ant´
ec´
edents familiaux thymiques. Ces patients avaient
pourtant, une dur´
ee moyenne des troubles comparables
`
a ceux sans ant´
ec´
edents familiaux thymiques. Pour Fisfa-
len et al. [10],lafr
´
equence d’´
episodes thymiques ´
etait
plus ´
elev´
ee dans les cas familiaux et constitue un trait
familial du trouble bipolaire. D’autres ´
etudes ont rapport´
e
une fr´
equence plus ´
elev´
ee des ´
episodes chez les malades
ayant une pr´
edisposition g´
en´
etique et ont ´
evoqu´
e que cette
fr´
equence pouvait ˆ
etre associ´
ee `
a l’all`
ele de basse acti-
vit´
e des polymorphismes g´
en´
etiques du g`
ene candidat de
la cath´
echol-O-m´
ethyl transf´
erase [9,18,19,23].
Dans notre ´
etude, le dernier ´
episode ´
etait maniaque dans
la majorit´
e des cas avec une s´
ev´
erit´
e plus significative chez
les bipolaires ayant des ant´
ec´
edents familiaux thymiques.
Il s’agit d’un ´
episode avec caract´
eristiques psychotiques
dans 55,3 % des cas. En effet, il a ´
et´
e montr´
e que le dernier
´
episode, quelle que soit sa nature, est qualifi´
e d’une
s´
ev´
erit´
e plus marqu´
ee chez les cas familiaux [19]. Pour
certains auteurs [6,23],las
´
ev´
erit´
e est ´
etroitement li´
ee
`
alapr
´
esence d’´
el´
ements psychotiques. Dans une ´
etude
portant sur 69 familles bipolaires, Potash et al. [20] avaient
trouv´
e une agr´
egation familiale significative des symptˆ
omes
psychotiques. Ces r´
esultats sugg`
erent soit l’appartenance
de certaines psychoses au spectre g´
en´
etique des troubles
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