Synthèse Atelier 1 L’urgence dépressive : du risque prise en charge

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La dépression : des pratiques aux théories 9
Synthèse Atelier 1
L’urgence dépressive : du risque
suicidaire à l’optimisation de la
prise en charge
A. Galinowski
SHU de Santé Mentale et de Thérapeutique
Hôpital Sainte-Anne, Paris
DEFINIR L’URGENCE DEPRESSIVE
Définition
La circulaire du 15 juin 1979 insiste
sur le rôle des secteurs dans la
prise en charge des urgences psychiatriques. Cette circulaire est
à l’origine de l’implantation de la
psychiatrie de secteur dans les
hôpitaux généraux et de la création des centres d’accueil et de
crise comme alternative à l’hospitalisation.
La définition de l’urgence fait
l’objet d’un consensus.
La circulaire du 30 juillet 1992
définit l’urgence en psychiatrie
comme suit : « Il s’agit d’une
demande dont la réponse ne peut
être différée. Il y a urgence à partir du moment où quelqu’un se
pose la question, qu’il s’agisse
du patient, de l’entourage ou
du médecin. Elle nécessite une
réponse rapide et adéquate de
l’équipe soignante afin d’atténuer
le caractère aigu de la souffrance
psychique ».
Ces deux textes de loi s’adressent
à l’exercice de la psychiatrie en sec-
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L’urgence dépressive est un problème auquel sont souvent
confrontées les structures de soins, en particulier les services
d’urgences des hôpitaux généraux. Le niveau d’équipement
est variable selon les régions, y compris la capacité à mettre
en œuvre certains soins telle l’ECT.
teur public ; or l’urgence concerne
aussi la pratique libérale.
L’urgence dépressive correspond
à l’existence d’un danger pour
soi-même ou pour autrui. En
effet, le danger peut correspondre à un risque :
– de suicide : 50 % des patients
suicidés étaient déprimés. La
dépression est le contingent
pathologique le plus important
en matière de suicide ;
– de passage à l’acte : rupture
avec le conjoint ou les enfants,
démission professionnelle, accident de voiture, alcoolisation
aiguë ou chronique … ;
– de pathologies somatiques :
dénutrition grave du sujet
mélancolique, maladies cardiovasculaires (AVC, infarctus du
myocarde).
Le patient en danger est souvent
adressé « aux urgences ». Il nécessite un accueil spécifique mais
pas toujours réalisé par celui qui
dépiste l’urgence.
Qui définit l’urgence ?
Les réponses face à l’urgence
dépressive sont diverses et présentent certaines limites.
Le rôle du psychiatre risque fort
d’évoluer vers un rôle de consultant à l’image de ce qui existe en
Angleterre, pays qui ne compte
que 2 500 psychiatres.
Les psychiatres sont en première ligne. Mais de par la pénurie à venir de psychiatres (a priori,
seuls 8000 psychiatres exerceront
en 2010), ils auront de plus en plus
un rôle de « consultants » experts
L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, Cahier 2
(comme au Royaume Uni où
exercent 2500 psychiatres) pour
répondre en temps réel à l’urgence
par l’intermédiaire du téléphone,
de courriels ou de visio-conférences. Mais ce type d’intervention
à distance pose la question de la
responsabilité médicale et de la
qualité du diagnostic posé.
Le recours aux médecins généralistes est fréquent. Mais ils sont
souvent débordés donc pas toujours disponibles pour l’urgence.
De plus, les visites à domicile sont
de moins en moins fréquentes.
Certaines structures spécialisées
dans l’urgence existent mais uniquement dans les grandes villes
(exemple de SOS psychiatrie à
Paris).
La consultation infirmière est une
modalité d’accueil et de réponse
en urgence afin d’orienter le
patient vers une structure adéquate.
Enfin la présence d’un psychiatre
à l’hôpital général permet parfois
de faire face à l’urgence.
Quels patients sont concernés ?
Plusieurs facteurs favorisent la
survenue d’un passage à l’acte
suicidaire : l’âge (les adolescents,
l’adulte de 40-50 ans et les sujets
âgés isolés sont des sous groupes
à risque de suicide) ; l’existence
de comorbidités psychiatriques (la consommation d’alcool,
le trouble de la personnalité borderline retrouvé dans 5 à 10 %
des suicides ; le type de trouble
de l’humeur (mélancolie souriante, dépression atypique de
l’adolescent, dépressions récurrentes brèves, bipolarité plus à
risque de suicide que l’unipola-
A. Galinowski
rité, un trouble bipolaire de type
1 plus à risque de suicide que le
type 2) ; l’existence de comorbidités somatiques : douleur chronique, pathologie neurologique
comme les myoclonies ou le
syndrome des jambes sans
repos…) ; la profession (les psychiatres et les anesthésistes sont
plus à risque de suicide que les
autres professionnels).
PRENDRE EN CHARGE
L’URGENCE DEPRESSIVE
La rendre possible et la commencer
La prise en charge de l’urgence
dépressive doit survenir dans
un délai très court. Le patient
doit au moins être étayé par
une hospitalisation à domicile
ou des visites à domicile infirmières. Mais les capacités dans
ce domaine sont variables selon
les secteurs.
La réponse la plus courante face
à l’urgence dépressive est l’hospitalisation.
Dans un premier temps, l’établissement d’une alliance thérapeutique est primordial. Mais
la situation diffère selon que
le patient est connu ou non et
qu’il accepte ou non la prise
en charge. Le plus souvent, le
patient donne son accord pour
être pris en charge dans une
structure adaptée dans les plus
brefs délais. Mais certaines
situations sont plus complexes.
Le patient peut s’opposer à la
prise en charge spécialisée. La
question de l’hospitalisation à
la demande d’un tiers se pose
alors. Il est donc nécessaire de
contacter l’entourage (personne
de confiance) ou le médecin traitant (« généraliste ressource »).
Lorsqu’un passage à l’acte suicidaire a eu lieu, les secours sont
généralement appelés. Mais cela
peut s’avérer difficile s’il s’agit
d’un passage à l’acte potentiel chez un patient non connu
et isolé refusant de donner des
informations sur son entourage.
Les structures de soins
Le secteur se définit comme
le lieu de prise en charge des
patients les plus lourds et ne peut
donc pas toujours accueillir des
patients déprimés. Certains secteurs possèdent des unités spécialisés dans les soins aux patients
dépressifs.
Les lits en hôpital général peuvent être une solution alternative. D’ailleurs, les services
d’accueil des urgences ont pour
obligation de prendre en charge
pendant 72 heures les patients
déprimés le nécessitant sur des
« lits de crise ».
Il est possible de passer des
accords avec les cliniques privées afin de faciliter l’accueil des
patients déprimés.
Enfin les centres d’accueil de crise
peuvent proposer aux patients en
crise de s’y rendre plusieurs jours
de suite. Dans ce cas, il peut être
reproché de « traiter la crise sans
traiter l’urgence ».
Quelles modalités thérapeutiques ?
Les dépressions sont insuffisamment traitées par les antidépresseurs. Parfois les antidépresseurs
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sont prescrits à des sujets non
déprimés en situation difficile (à
la suite d’un deuil par exemple).
En cas d’urgence dépressive de
type mélancolique, le recours à
l’électroconvulsivothérapie est
indiqué mais l’accès à ce type de
soin n’existe pas dans certains
secteurs.
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CONCLUSION
La pénurie d’intervenants, dont
les psychiatres, impose une
coopération entre les divers
professionnels afin de répondre rapidement à l’urgence.
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