MÉMOIRE ORIGINAL Prise en charge de la dépression en soins primaires : revue et perspectives J.-Y. ROTGÉ (1), J. TIGNOL (1), B. AOUIZERATE (1) Improving the management of depression in primary care : review and prospects Summary. Background – Depression is a common disorder, associated with significant social and functional impairment, and whose natural course tends to chronicity. The majority of the patients suffering from this disorder are attended in primary health care settings. General practitioners represent the greatest part of the prescribers of antidepressants. Unfortunately, there are many barriers with detection and with the treatment of depression, thus only a minority of patients profits from a treatment with effective posology and with sufficient duration. Literature findings – Several programs of interventions directed by mental health professionals aim at improving the management of depression in primary care. There are single interventions consisting of an educational program to physicians or a single intervention to the patient. The assessments of an educational strategy find some contradictory results. Single interventions are not sufficient by themselves. On the other hand, programs associating several interventions are effective. These associations consist of an educational intervention to the physicians and an intervention or more to the patient treated by antidepressant. Interventions are generally carried out by nurses and supervised by a psychiatrist. Mental health professionals share their informations with general practitioners. Interventions can be telephone or in « face to face ». Telephone interventions have the advantage of a low cost and appear quite as relevant as interventions in « face to face ». Results – But the effectiveness of these programs grows blurred in time, unless the program itself does continue. Moreover, this effectiveness is variable according to the severity of symptomatology. Indeed, the interest of this type of programs for the patients suffering from minor depression is limited. These various programs can be supplemented by the contribution of tools of detection or assessment of the depressive symptomatology to general practitioners, like by the contribution of oral and/ or written informations to the patient concerning the disorder from which he suffers. The setting-up of such programs represents a considerable cost but depression is itself responsible for an important cost for our society. Several estimates concerning the setting-up of these programs find a good cost-effectiveness ratio ; it should facilitate their installation taking into account their effectiveness. Conclusion – A close cooperation, based on the complementarity between general practitioners and mental health professionals is required to improve the management of depression. Key words : Depression ; Primary care ; Intervention. Résumé. La dépression est un trouble psychiatrique fréquent, aux répercussions fonctionnelles et sociales importantes, et qui tend à évoluer vers la chronicité. La majorité des patients souffrant de ce trouble est prise en charge en soins primaires par les médecins généralistes qui constituent la plus grande part des prescripteurs d’antidépresseurs. Malheureusement, il existe de nombreuses barrières à la détection et au traitement de la dépression, ainsi seule une minorité de patients bénéficie d’un traitement à posologie efficace et à durée suffisante. Il existe des évaluations de plusieurs programmes hétérogènes comprenant des interventions dirigées par des professionnels de santé mentale visant à améliorer la prise en charge de la dépression en soins primaires. Parmi ces programmes, on distingue des interventions uniques qui semblent insuffisantes à elles seules, et des associations d’interventions qui sont efficaces. Il s’agit d’associer (1) Service Universitaire de Psychiatrie du Professeur Tignol, Centre Hospitalier Charles-Perrens, 121, rue de la Béchade, 33076 Bordeaux cedex. Travail reçu le 16 juin 2005 et accepté le 27 avril 2006. Tirés à part : J.-Y. Rotgé (à l’adresse ci-dessus). 552 L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, cahier 1 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 552-60, cahier 1 une formation spécifique des médecins généralistes, et une ou plusieurs interventions auprès d’un patient traité par antidépresseur. La réussite d’une intervention repose sur une collaboration étroite, durable et évolutive, basée sur la complémentarité entre médecins généralistes et professionnels de santé mentale. Mots clés : Dépression ; Soins primaires ; Intervention. INTRODUCTION La prise en charge de la dépression est, de nos jours, un enjeu majeur de santé publique. En effet, ce trouble psychiatrique connaît une forte prévalence vie entière : 5 à 12 % pour les hommes et 10 à 25 % pour les femmes. L’importance des taux de rechute et de récidive en fait un trouble qui tend à la récurrence, voire à la chronicité. Au moins 60 % des sujets ayant souffert d’un épisode dépressif vont en connaître un second. Ce chiffre augmente avec le nombre d’épisodes passés. Ainsi les patients qui ont présenté trois épisodes ont 90 % de risque d’en développer un quatrième (2). Les conséquences psychosociales de la dépression sont à l’origine d’une diminution de la qualité de vie et des capacités productives ; les personnes ayant souffert d’un trouble dépressif dans les douze mois perdent trois à quatre fois plus de jours de travail que les personnes n’ayant souffert d’aucun trouble psychiatrique (28, 50). En 2020, la dépression deviendrait la deuxième des affections à fort retentissement fonctionnel à travers le monde, juste derrière les cardiopathies ischémiques (31). L’impact sociétal de ce trouble est important. Le coût global de la dépression est évalué à 44 milliards $ par an aux États-Unis (13). En l’an 2000, la dépression représente un coût global de plus de 9 milliards £ au RoyaumeUni, comprenant un coût direct de « seulement » 370 millions £ et un coût indirect 23 fois plus élevé, essentiellement lié aux conséquences professionnelles et psychosociales. La perte de près de 110 millions de jours de travail et 2 500 suicides sont imputables aux troubles dépressifs (47). Or la majorité des personnes souffrant de dépression est prise en charge en soins primaires, essentiellement par les médecins généralistes (28). La prévalence des troubles dépressifs dans une population de patients consultant en soins primaires est de 11,7 %. De tous les troubles psychiatriques concernant cette population, les troubles dépressifs sont les plus fréquents, suivis des troubles anxieux (10,2 %). Parmi les patients dépressifs consultant en soins primaires, un peu plus de la moitié est reconnue comme tels. Seule une minorité de ces patients est invitée à consulter un spécialiste. Parmi les patients détectés, seule la moitié d’entre eux bénéficie d’un traitement médicamenteux, plus souvent de type anxiolytique ou hypnotique qu’antidépresseur (24, 54). En France, comme en Europe, on retrouve une situation similaire concernant la prise en charge de la dépression (11, 28, 50, 51). Les médecins généralistes représentent 60 % des prescripteurs d’antidépresseurs. La grande Prise en charge de la dépression en soins primaires : revue et perspectives majorité des antidépresseurs est prescrite et/ou consommée pendant une durée insuffisante et une grande partie, en particulier les tricycliques, à des posologies a priori inefficaces (33). Pourtant, ces dernières années la consommation de psychotropes, en particulier anxiolytiques et antidépresseurs, a fortement augmenté (32). La décision d’arrêter le traitement est prise par le patient dans la moitié des cas et par le médecin dans l’autre moitié. Une fois sur deux, cette décision est justifiée par une amélioration clinique. Cet usage du médicament ne suit pas les recommandations internationales en matière de traitement de la dépression et de prévention des rechutes et des récidives (3). Il peut s’avérer délicat pour les médecins généralistes de reconnaître une dépression chez un de leurs patients. Certes, la capacité de détecter, et donc de prendre en charge un trouble dépressif, dépend de la formation et de l’expérience des médecins généralistes, de la qualité des relations entretenues avec le patient et du temps de consultation (4, 6, 25, 53). Mais au-delà de ces différents paramètres, les fréquentes comorbidités somatiques et/ou psychiatriques peuvent compliquer la démarche diagnostique, mais aussi aggraver le pronostic du patient (10, 26). L’étude ESEMeD (The European Study of the Epidemiology of Mental Disorders) trouve que 53,1 % des épisodes dépressifs majeurs survenus sur une période de 12 mois sont associés à un autre trouble psychiatrique, notamment le trouble dysthymique, le trouble anxieux généralisé et le trouble panique (10). De plus, la mise en avant de symptômes physiques, de douleurs, de fatigue, ou encore de troubles du sommeil par les patients, ne permet pas de détecter une dépression si des questions explicites ne sont pas posées sur l’humeur (23, 55). Et contrairement à une grande partie des troubles somatiques, il n’existe pas pour les troubles psychiatriques de tests biologiques spécifiques à visée diagnostique. D’autres difficultés peuvent être rencontrées pour détecter une dépression, notamment la variabilité de l’expression clinique. L’irritabilité, l’agitation psychomotrice, ou les plaintes somatiques, par exemple, peuvent dominer le tableau clinique chez l’enfant, alors que chez la personne âgée, ce sont les troubles cognitifs qui peuvent être au premier plan et mimer une démence. L’expression clinique de la dépression peut également varier selon l’origine ethnique du patient. De même, plus d’un quart des patients dépressifs consultant en soins primaires souffrent de dépression avec caractéristiques atypiques (réactivité de l’humeur et deux ou plus des symptômes suivants : prise de poids ou augmentation de l’appétit, hypersomnie, membres en « plomb », et sensibilité au rejet) (2, 14). Par ailleurs, la maladie mentale et ses traitements restent encore stigmatisés dans nos sociétés, en partie à cause de messages inappropriés véhiculés par les médias. Cette situation peut expliquer que certains patients cachent des symptômes psychiatriques à leur médecin, et ce d’autant plus que la symptomatologie propre à la dépression tend à renforcer une vision négative du trouble et de la personne qui en souffre. Des idées 553 J.-Y. Rotgé et al. reçues concernant les psychotropes peuvent augmenter la réticence à la prise correcte d’un traitement médicamenteux, surtout si ce dernier est prescrit sur plusieurs mois ou années (1). Les troubles dépressifs sont communs et ont des répercussions individuelles sévères. Malheureusement, trop souvent, des traitements dont on connaît l’efficacité et la bonne tolérance ne sont pas utilisés ou le sont à des posologies trop faibles ou sur une durée insuffisante. Devant ces différents constats, il apparaît nécessaire de développer une collaboration étroite entre les professionnels de santé mentale et les médecins généralistes. Il ne s’agit pas tant de redéfinir le rôle des médecins de famille, mais de réfléchir aux possibilités d’améliorer la détection, la prise en charge et le pronostic fonctionnel des patients souffrant de dépression par des interventions efficaces menées de concert avec des équipes psychiatriques. L’enjeu est d’envergure puisqu’il s’agit de diminuer la symptomatologie dépressive à la phase aiguë et d’amoindrir les conséquences individuelles et sociétales à long terme de la dépression. Dans cette revue, nous prenons en considération les principaux articles publiés dans la littérature internationale proposant différents programmes visant à améliorer la prise en charge de la dépression en soins primaires. Nous nous proposons de détailler dans un premier temps des études évaluant l’efficacité d’interventions uniques. Ces interventions sont menées par des professionnels de santé mentale et se font auprès du médecin généraliste ou du patient. Dans un deuxième temps, nous donnons les résultats d’essais randomisés évaluant des associations d’interventions. Puis, après la discussion de ces résultats, nous évoquons quelques perspectives possibles de leur application. REVUE DE LA LITTÉRATURE Les modalités évolutives de la dépression et les difficultés rencontrées pour sa bonne prise en charge contribuent au développement de programmes d’interventions similaires à ceux évalués pour d’autres maladies chroniques. Ainsi, un grand nombre de programmes, hétérogènes, d’interventions des professionnels de santé mentale visant à améliorer la prise en charge de la dépression en soins primaires fait l’objet d’études dans la littérature internationale. On distingue des interventions uniques auprès du médecin ou du patient lui-même et des interventions multiples, associant le plus souvent une formation des praticiens et d’autres types d’actions destinées aux patients. Ces interventions peuvent être directes (entretien, téléphone, etc.) ou indirectes (matériel éducationnel, vidéo, etc.). Interventions uniques A priori, améliorer la détection et le traitement des troubles dépressifs en soins primaires devrait passer par une formation spécifique des médecins généralistes. 554 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 552-60, cahier 1 L’évaluation d’un programme de formation des médecins de l’île suédoise de Gotland (56 000 habitants, 18 médecins généralistes) est devenue une référence classique (39, 40). Il s’agit d’un programme relativement exhaustif recouvrant différents points de la prise en charge des troubles dépressifs (étiopathogénie, séméiologie, prévention, traitement médicamenteux, psychothérapie, expression clinique chez l’enfant et la personne âgée, etc.) communiqué sur deux années, en 1983 et 1984. À la suite de ces séminaires, en 1985, les auteurs trouvent une diminution significative des jours d’hospitalisation pour dépression et une augmentation significative des prescriptions d’antidépresseurs. De même, le nombre de suicides a significativement diminué par rapport aux années précédentes. Cette diminution est également significative en comparaison avec l’évolution du nombre de suicides en Suède. En 1988, c’est-à-dire trois ans après la fin du programme, le nombre de suicides et de jours d’hospitalisation tendent à retrouver les chiffres précédant la mise en place de l’intervention. Les prescriptions d’antidépresseurs continuent d’augmenter en 1988, ce qui est expliqué par les auteurs par une meilleure détection de la dépression dans les années précédentes et par l’identification de candidats à un traitement prophylactique. Ces résultats sont, en partie, corroborés par une étude randomisée canadienne (57). On étudie deux groupes de médecins de famille : 22 médecins suivent une session de trois heures en petit groupe de deux à quatre et 20 médecins ne reçoivent aucune formation. Lors de la session de formation, les médecins reçoivent une information sur l’épidémiologie de la dépression et des explications concernant les recommandations de la Canadian Medical Association (CMA) en matière de détection et de traitement des troubles dépressifs ; puis les praticiens sont invités à discuter des cas cliniques préparés, mais aussi à discuter de leurs propres expériences lorsqu’ils ont rencontré des difficultés à diagnostiquer ou à traiter un épisode dépressif chez un de leurs patients. Les 20 médecins n’ayant pas suivi la formation reçoivent par courrier une copie des recommandations de la CMA sans instructions associées. Une évaluation des patients est faite au moment du diagnostic et à six mois. Le nombre de diagnostics de dépression portés par les médecins et le nombre de visites sont également examinés. Les résultats montrent une augmentation, non significative, des diagnostics de dépression, une augmentation significative de la consommation d’antidépresseurs à 6 mois, et l’absence de différence significative concernant le nombre de visites. Il n’y a pas de différence significative des scores de dépression au moment du diagnostic et à six mois, mais on trouve une différence significative concernant le gain du score de dépression sur les six mois en faveur des patients pris en charge par les médecins ayant suivi la formation. Un des intérêts de cette étude est de montrer qu’un programme de formation des médecins généralistes a un impact sur la prise de traitements antidépresseurs. Contrairement à ces études qui sont en faveur de l’efficacité d’une formation spécifique des médecins généralistes, des essais randomisés donnent des résultats négatifs (30, 47). Par exemple, l’étude de Thompson et al. (48) L’Encéphale, 2007 ; 33 : 552-60, cahier 1 met en place un programme de formation qui est dispensé à 64 praticiens. Cette formation consiste en quatre heures de séminaires associés à une vidéocassette. Il y a 88 praticiens dans le groupe contrôle. Les auteurs ne trouvent pas de différence significative entre les deux groupes concernant la capacité à reconnaître une dépression chez les patients. À six semaines, il existe une différence significative des scores de dépression en faveur des patients reconnus dépressifs et soignés par les médecins ayant bénéficié de la formation. Cette amélioration n’est pas retrouvée à six mois. Mais la formation est soumise à l’évaluation de quatre experts indépendants, deux d’entre eux se montrent critiques sur la pertinence du contenu de la vidéocassette en matière de détection de la dépression, et l’un d’eux estime que les méthodes et le contenu des séminaires pour la reconnaissance et le diagnostic de la dépression sont pauvres. Or une autre étude randomisée qui compare les pratiques de médecins généralistes ayant suivi deux programmes de formation différents souligne l’importance du contenu et des modalités de ces formations. Dans cette étude, non seulement l’impact sur les pratiques médicales est avéré, mais il est plus conséquent pour les médecins ayant suivi la formation la plus complète (27). Cette formation peut être complétée par des outils d’aide au diagnostic tels que des questionnaires ou des instruments informatiques. À la différence des études citées ci-dessus, l’étude randomisée de Wilkinson et al. (56) n’évalue pas l’impact d’un programme de formation, mais une intervention directe auprès des patients sans autre intervention associée. On compare deux groupes de patients (n = 61) souffrant de dépression, qui sont soignés et traités par leurs médecins généralistes. Dans un des deux groupes, des infirmiers ayant reçu une formation spécifique sur l’évaluation clinique et le traitement de la dépression interviennent auprès des patients ; il n’y a pas d’intervention dans l’autre groupe. Le but de l’intervention est d’améliorer l’observance du traitement par des conseils et des explications sur les effets secondaires éventuels. Tous les médecins de l’étude prescrivent le même antidépresseur et aucun d’entre eux n’a bénéficié de formation spécifique. La durée du traitement est de 8 semaines. La symptomatologie dépressive des patients est évaluée par des questionnaires semi-structurés (Nurse Assessment Interview) à 7, 14, 28 et 56 jours. Aucune différence significative n’est mise en évidence concernant l’observance du traitement, les posologies moyennes de l’antidépresseur, le nombre de visites des médecins, ni même les scores de dépression. Certes, cette étude souffre de la petite taille de la cohorte de patients ; néanmoins les résultats sont en faveur de l’inefficacité d’une intervention unique auprès des patients sans formation des médecins associée. Une intervention unique visant à parfaire la formation des médecins généralistes pour la prise en charge de la dépression, bien que faisant l’objet de résultats contradictoires, peut être efficace. Mais cette efficacité n’apparaît pas suffisante. Nous allons voir que la formation des médecins constitue une première étape des programmes associant une ou plusieurs interventions auprès du patient. Prise en charge de la dépression en soins primaires : revue et perspectives Interventions multiples Plusieurs programmes associant différents types d’interventions sont évalués lors d’essais randomisés (16, 17, 18, 19, 35, 55). Ils combinent une formation spécifique des praticiens et une intervention directe d’un professionnel de santé mentale (infirmier et/ou psychologue, plus rarement un psychiatre) auprès du patient. Une supervision par un psychiatre lorsque l’intervention est dirigée par un infirmier ou un psychologue et/ou l’offre d’un matériel éducatif au patient peuvent s’ajouter au contenu du programme. Le plus souvent, les évaluations cliniques ainsi que les conclusions des interventions auprès des patients font l’objet d’un retour d’informations aux médecins traitants. Bien que ce paramètre n’ait pas été évalué de façon spécifique, il semble nécessaire à la bonne cohérence d’un programme. Les résultats des évaluations de ces programmes montrent des différences significatives relatives à la symptomatologie dépressive, l’observance du traitement et la satisfaction du patient concernant la prise en charge de son trouble dépressif, en faveur des groupes « intervention » versus les groupes « soins habituels » (usual care). Deux études de Katon et al. (16, 17) dans lesquelles l’intensité de la symptomatologie dépressive est prise en compte trouvent une amélioration significative de la symptomatologie dépressive dans le groupe « intervention » versus le groupe « soins habituels » pour les patients souffrant de dépression majeure. La différence n’est pas significative pour les patients souffrant de dépression mineure. L’ensemble de ces programmes est efficace à la phase aiguë, bien que les résultats des études de Katon et al. suggèrent que ces programmes ne sont pas indiqués chez tous les patients selon la sévérité de la symptomatologie dépressive. L’efficacité de l’association de différentes interventions à long terme est peu probante, des réévaluations de la symptomatologie dépressive et de la consommation d’antidépresseurs un an après la fin d’un programme trouvent des différences non significatives entre les patients ayant bénéficié de tels programmes et les patients suivis et soignés comme à l’habitude par leur médecin traitant (29, 42, 52). D’autres programmes ne contiennent pas d’intervention directe en « face à face », mais des interventions par téléphone. Dietrich et al. confirment les résultats précédents (15, 22, 44, 49) et soulignent l’intérêt de l’apport d’un suivi téléphonique pour des patients déprimés (trouble dépressif majeur et trouble dysthymique) suivis et traités par leurs médecins généralistes (8). Il s’agit d’une étude randomisée incluant les 405 patients de 60 praticiens séparés en deux groupes : 28 médecins et leurs patients (n = 181), dits usual care, et 32 médecins et leurs patients (n = 224), dits « intervention ». L’ensemble des médecins suit une formation, sous forme de séminaires, sur le diagnostic et l’évaluation du risque suicidaire. La formation des médecins « intervention » est complétée par l’abord des thèmes suivants : savoir modifier la prise en charge pour obtenir la rémission, et tenir compte des scores de dépression. La pratique des médecins et la symptomato555 J.-Y. Rotgé et al. logie dépressive sont évaluées à trois et à six mois par des investigateurs non informés de la randomisation, l’évaluation de l’intensité de la symptomatologie dépressive se fait à l’aide de la Hopkins Symptom Check-List. Les patients « intervention » sont appelés par un « manager » ayant reçu une formation préalable (une infirmière ayant une expérience de psychiatrie ou de soins primaires) dans la semaine qui suit la première consultation, puis une fois par mois jusqu’à rémission de la symptomatologie dépressive. Lors de ces entretiens téléphoniques, le « manager » évalue le score de dépression à l’aide d’un questionnaire (The Patient Health Questionnaire-9) et donne des conseils pour améliorer l’estime de soi et l’observance du traitement. Un psychiatre référent appelle, une fois par semaine, le « manager ». Lors de cet appel, le « manager » présente au psychiatre les nouveaux patients, le résultat des entretiens téléphoniques et du score de dépression ; ensuite le psychiatre donne ses conseils, notamment thérapeutiques. Après quoi, le « manager » appelle le médecin généraliste pour l’informer de son évaluation clinique avec le score de dépression retrouvé et lui transmettre les conseils du psychiatre. Les résultats de l’étude montrent une augmentation significative des taux de réponse au traitement (diminution de 50 % du score initial de dépression) ainsi que des taux de rémission (score inférieur à 0,5 à la Hopkins symptom check-list) à 3 et 6 mois pour les patients « intervention », mais il n’y a pas de différence significative concernant l’observance du traitement. Par ailleurs, on note en faveur du groupe « intervention » une augmentation significative du nombre de patients interrogés par leurs médecins sur la présence d’idées suicidaires. Les patients « intervention » bénéficient d’un suivi plus soutenu par leur médecin généraliste : le nombre de contacts, que ce soit par visite ou par appels téléphoniques, est significativement plus élevé dans le groupe « intervention ». En plus de l’amélioration clinique attendue, les intérêts de cette étude sont l’observation d’une modification notable de la pratique des médecins, et un faible coût et une facilité de mise en place de ce programme qui pourraient permettre sa généralisation (7, 9). Dans d’autres études évaluant également l’intérêt d’un support téléphonique (15, 49), les appels sont hebdomadaires, alors que dans l’essai randomisé de Dietrich ils sont mensuels. La fréquence des appels téléphoniques n’est pas étudiée de façon spécifique, mais les taux de réponse au traitement à six mois sont similaires dans les essais cités. L’étude randomisée de Simon et al. (45) compare trois groupes de patients souffrant de dépression et pris en charge en soins primaires. Le premier groupe ne fait l’objet d’aucune intervention. Dans le deuxième, il existe un support téléphonique tout à fait comparable à celui de l’étude ci-dessus, si ce n’est que les contacts sont limités à trois et que le « manager » intervient uniquement pour évaluer la symptomatologie clinique et améliorer l’observance du traitement. Dans le troisième groupe, en plus du support téléphonique, les patients participent à huit séances structurées de thérapie cognitivo-comportementale. Les médecins généralistes reçoivent les résultats des évaluations 556 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 552-60, cahier 1 faites par le « manager » et des conseils d’adaptation thérapeutique, mais ils ne bénéficient pas de formation spécifique. Après l’évaluation par des investigateurs non informés de la randomisation, on trouve de meilleurs taux de réponses au traitement (amélioration de 50 % du score de dépression) à six mois dans les deux groupes où les interventions sont mises en place versus le groupe sans intervention. Mais la différence n’est pas significative entre le groupe de patients bénéficiant du support téléphonique et le groupe sans intervention. Cela peut s’expliquer par la fréquence et le contenu des appels téléphoniques, ou par l’absence de formation spécifique des médecins généralistes, et confirmerait alors les conclusions de l’étude de Wilkinson et al. citée ci-dessus (56). Un autre résultat remarquable de cette étude concerne le nombre de patients consommant un antidépresseur à posologie adéquate sur les 90 derniers jours, évalué à six mois. Il existe une différence significative en faveur du groupe bénéficiant du support téléphonique versus le groupe sans intervention, mais il n’y a pas de différence significative entre le groupe associant le support téléphonique et une psychothérapie structurée, et le groupe sans intervention. Même si dans cette étude les résultats plaident pour une meilleure efficacité en termes de taux de réponse au traitement pour un programme associant un support téléphonique et une psychothérapie structurée comparée au support téléphonique seul, il faut noter l’absence de formation spécifique des médecins généralistes et les limitations du contenu des interventions téléphoniques dans cette étude. De plus, au-delà du coût représenté par l’association du support téléphonique et d’une psychothérapie, les guidelines concernant la prise en charge de la dépression ne recommandent l’association d’une psychothérapie et d’un traitement médicamenteux à la phase aiguë que dans certains cas particuliers (3). Une autre étude à trois bras ne trouve pas d’efficacité significativement supérieure concernant l’amélioration clinique à six mois entre les patients bénéficiant d’un support téléphonique et ceux bénéficiant de l’association de ce support et d’un soutien social (15). La plupart des programmes ont une durée de quelques mois et leurs bénéfices s’estompent dans l’année qui suit leur arrêt. L’étude randomisée de Rost et al. (36) évalue l’efficacité d’un programme d’interventions mis en place sur une période de 24 mois. Les interventions consistent en une formation des médecins et une intervention menée par un infirmier auprès des patients. La formation des médecins est centrée sur les recommandations en matière de traitement de la dépression publiées par l’Agency for Health Care Policy and Research (US Department of Health and Human Services). L’intervention auprès des patients est divisée en une intervention initiale de six mois, suivie d’une intervention de continuation du septième au vingt-quatrième mois. Lors de la première phase, les infirmiers évaluent la symptomatologie dépressive, donnent des informations concernant les traitements et organisent des contacts de suivi. Lors de la deuxième phase, les contacts entre infirmiers et patients sont téléphoniques. Il s’agit de permettre aux patients en rémission de poursuivre leur traitement conformément aux recommandations, et aux L’Encéphale, 2007 ; 33 : 552-60, cahier 1 patients chez lesquels persistent des symptômes dépressifs d’en faire part à leur médecin lors de leur prochaine visite. Les patients qui ont trois ou plus des neufs critères de dépression du DSM III-R sont appelés à nouveau le mois suivant. Ceux qui ont moins de trois critères sont rappelés trois mois plus tard. Les médecins examinent tous les mois les comptes rendus concernant les patients symptomatiques et leur traitement, de façon à pouvoir ajuster ce traitement en fonction des recommandations citées plus haut. Après randomisation, on distingue deux groupes : 115 patients et leurs médecins sont inclus dans ce programme d’interventions, et 96 patients et leurs médecins ne bénéficient d’aucune intervention. Des évaluations de la symptomatologie dépressive par l’échelle CES-D (Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale), de l’observance du traitement et de la qualité de vie par la SF-36 (the 36-item Short Form) sont réalisées par des investigateurs non informés de la randomisation à 6, 12, 18 et 24 mois. Les résultats retrouvent, à 24 mois, des différences significatives en faveur du groupe ayant bénéficié des interventions concernant les taux de rémission (74 % versus 41 %) et la qualité de vie, ainsi qu’une meilleure observance du traitement à 6, 12, 18 et 24 mois. Dans cette étude, les patients souffrant de dépression résistante aux traitements sont exclus. Dans le groupe de patients ne bénéficiant d’aucune intervention, les taux de comorbidités physiques sont plus élevés de façon significative que dans l’autre groupe. Néanmoins, cette étude souligne l’intérêt de poursuivre un programme efficace à moyen terme, non seulement pour maintenir la rémission des patients asymptomatiques, mais aussi pour favoriser la rémission chez les patients pour lesquels il persiste des symptômes dépressifs. Certes, le maintien de telles interventions représente un coût non négligeable. Mais ce programme a un impact sur la qualité de vie et la productivité au travail. En effet, Rost et al. (37) trouvent pour les patients ayant bénéficié de ce programme une diminution de l’absentéisme et une meilleure productivité au travail. Il en résulte une baisse du coût indirect de la dépression, ce qui donne à ce programme un bon rapport coût/efficacité (38). DISCUSSION L’impact d’une formation spécifique des médecins généralistes pour la prise en charge de la dépression, sans autre intervention associée, fait l’objet d’études contradictoires. Elle semble efficace et permet souvent un meilleur usage d’un traitement antidépresseur ainsi qu’une amélioration symptomatique (27, 39, 57) mais, à elle seule, elle n’apparaît pas suffisante pour améliorer à coup sûr la prise en charge des patients souffrant de dépression (30, 47, 48). Cette formation doit être répétée car ses bénéfices s’amenuisent dans les années qui suivent (40). À l’inverse, une intervention unique auprès du patient, sans formation des médecins généralistes associée, semble inefficace (45, 56). De façon générale, les interventions uniques paraissent insuffisantes, contrairement aux interventions multiples. Prise en charge de la dépression en soins primaires : revue et perspectives En effet, des programmes comprenant l’association de plusieurs interventions, auprès du médecin généraliste par une formation, et auprès du patient par l’intervention d’un professionnel de santé mentale, ont un impact avéré sur la symptomatologie dépressive et l’observance du traitement (12). Cette efficacité est retrouvée chez les patients souffrant de dépression majeure, mais pas chez les patients souffrant de dépression mineure, pour lesquels ce type d’intervention n’est pas plus pertinent que les soins habituels (16, 17). Pour ces patients, la mise à disposition d’un traitement psychothérapique peut être efficace, mais ceci doit faire l’objet d’une discussion spécifique (3). Les interventions téléphoniques semblent particulièrement intéressantes du fait de la facilité de leur mise en place et de leur efficacité (7, 38). Une psychothérapie spécifique ou un support environnemental associé à l’intervention téléphonique ne montre pas d’intérêt supérieur à l’intervention téléphonique seule (15, 45). De plus, des appels hebdomadaires ne semblent pas plus efficaces que des appels mensuels. Les interventions téléphoniques pourraient perdre en efficacité si la fréquence des appels était plus réduite, mais ce paramètre doit être étudié de façon spécifique (8, 16, 45, 49). Les bénéfices de tels programmes tendent à s’éteindre dans l’année qui suit leur arrêt (29, 43, 52). En revanche, ils restent efficaces s’ils sont maintenus dans le temps, tant pour favoriser la rémission, si elle n’est que partielle ou absente, que pour la maintenir chez les patients asymptomatiques (36). Un des problèmes de la mise en place de ces programmes est leur coût. Mais comme nous l’avons vu la dépression est à l’origine d’un coût global très important pour nos sociétés (13, 46). Un traitement adéquat améliore nettement la capacité au travail, et par là, devrait diminuer le coût indirect imputable aux troubles dépressifs (37). Certains programmes apparaissent peu coûteux à mettre en place, notamment ceux qui comprennent des interventions téléphoniques, et semblent tout aussi efficaces que d’autres plus onéreux (41). De fait, l’argument économique limitant la mise en place de programmes d’intervention est à étudier précisément et à considérer au vu des enjeux de santé publique et humains. Les différentes études citées ont rencontré certaines difficultés. Les critères d’exclusion concernant les comorbidités psychiatriques, notamment les troubles anxieux ou les problèmes liés à la consommation d’alcool, ainsi que la présence d’idées suicidaires, peuvent sélectionner une population de personnes souffrant de dépression qui n’est pas représentative de celle soignée quotidiennement par les médecins généralistes. De plus, l’évolution d’un épisode dépressif n’est pas la même selon sa sévérité ou l’existence d’une comorbidité. À l’inverse, les patients inclus dans ces études sont reconnus comme dépressifs par leur médecin généraliste et acceptent de prendre un traitement antidépresseur, alors que les patients non détectés ou qui refusent le traitement ne sont pas pris en compte. Seules deux études considèrent la sévérité de la symptomatologie dépressive (16, 17). Les autres essais ne distinguent pas les sujets selon l’importance de la symptomatologie, alors que l’efficacité des interventions 557 J.-Y. Rotgé et al. n’est pas la même pour les dépressions mineures. Une autre difficulté concerne un possible « effet groupe ». Un patient qui accepte de participer à une étude ayant pour but de favoriser la prise en charge de la dépression et qui voit se mobiliser autour de lui un ou plusieurs professionnels de santé mentale sait qu’il est dans le « bon groupe ». De même, un médecin généraliste qui sait que sa capacité à détecter une dépression où ses prescriptions sont évaluées a peut-être tendance à s’investir davantage dans ce travail, mais il existe des groupes contrôles de médecins. Cette hypothèse pourrait expliquer certaines absences de différences significatives concernant la détection de dépression et la bonne observance du traitement. Par ailleurs, quand un programme comprend plus de deux interventions, il est difficile de juger de la pertinence de telle ou telle intervention, d’autant plus que les études à trois bras ne montrent pas l’intérêt de multiplier les interventions (15, 45). La revue de ces différentes études nous permet de fixer les principaux objectifs d’un programme d’intervention visant à améliorer la prise en charge de la dépression en soins primaires. Ces objectifs consistent en l’amélioration de la détection de la dépression, la diminution de la sévérité de la symptomatologie, le bon usage du traitement médicamenteux et la prévention des rechutes et récidives. Améliorer la détection de la dépression implique une formation spécifique des médecins généralistes. Celle-ci doit être la plus complète possible pour gagner en efficacité et elle doit être répétée. En effet, ses bénéfices s’amenuisent avec les années (40). Elle peut être directe (sous forme de séminaires, par exemple) et/ou indirecte (brochures, cassette vidéo, etc.). Elle peut être complétée par la mise à disposition d’outils tels que des questionnaires ou des instruments informatiques visant à détecter ou à évaluer la sévérité de la symptomatologie dépressive. Améliorer le traitement de la dépression nécessite une meilleure observance de la prise d’antidépresseurs prescrits à posologie adéquate pendant une durée suffisante (3). Des interventions mensuelles d’infirmiers, supervisées par un psychiatre qui peut conseiller des modifications thérapeutiques, sont efficaces, y compris par téléphone (8). En revanche, des interventions auprès des patients, sans formation associée des médecins, semblent inefficaces (45, 56). Pour une bonne cohérence des programmes et une meilleure collaboration entre le médecin généraliste et l’équipe psychiatrique, il semble judicieux que le médecin traitant ait un retour d’informations sur les évaluations cliniques et sur les conseils du psychiatre, bien que cette notion de feedback n’ait pas été évaluée de façon spécifique. Par ailleurs, une information écrite et/ou orale apportée au patient sur le trouble dont il souffre peut améliorer l’observance du traitement. Pour les mêmes raisons, il apparaît important de lutter contre la stigmatisation des troubles psychiatriques et leurs traitements. Améliorer la prévention des rechutes et des récidives suppose une efficacité du programme à long terme. Cet objectif est difficile à atteindre, puisque les effets d’un programme diminuent avec le temps après sa terminaison, d’où l’intérêt d’interventions faciles à mettre en place et 558 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 552-60, cahier 1 peu coûteuses telles que des interventions téléphoniques qui peuvent s’étendre dans le temps. Une intervention de longue durée permet de maintenir la rémission chez les patients asymptomatiques et de l’obtenir chez ceux où il persiste des éléments dépressifs (36). Il s’agit d’obtenir la rémission totale de toute symptomatologie dépressive ; en effet, la persistance d’une symptomatologie même partielle constitue un facteur de risque de rechute. Les deux principaux professionnels de santé mentale permettant la réussite de tels programmes sont les infirmiers spécialisés évaluant la symptomatologie dépressive, conseillant le patient dans son quotidien, et rendant compte de ses évaluations cliniques au psychiatre et au médecin généraliste, puis les psychiatres participant à la formation continue des médecins généralistes, supervisant les interventions des infirmiers et donnant des conseils appropriés concernant la poursuite des soins. CONCLUSION La dépression est à considérer, en soins primaires, comme une maladie chronique. Bien qu’à l’origine de répercussions individuelles sévères, elle reste mal prise en charge dans notre système de soins actuel. Comme nous l’avons vu, il existe des possibilités efficaces et relativement peu onéreuses d’améliorer la prise en charge de la dépression en soins primaires. Le Plan de Santé mentale français 2005-2008 comprend un volet : rompre l’isolement des médecins généralistes, notamment par la coordination avec les professionnels spécialisés, le travail en réseau et la formation, et un volet : amélioration de la prise en charge de la dépression. Ces deux volets devraient permettre d’appuyer des actions comme celles que nous avons vues évaluées et que nous avons discutées dans ce travail. Références 1. AIKEN JE, NEASE DE, NAU DP et al. Adherence to maintenancephase antidepressant medication as a function of patient beliefs about medication. Ann Fam Med 2005 ; 3 : 23-30. 2. AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION. DSM IV-TR. Diagnostic and statistical manual of mental disorders, 4 th ed (text revised). Washington DC, 2000. 3. AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION. Practice Guideline for the Treatment of Patients with Major Depressive Disorder (Revision). Am J Psychiatry 2000 ; 157 (Suppl 4) : 1-45. 4. BAIK SY, BOWERS BJ, OAKLEY LD et al. 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