L’Encéphale, 2006 ;
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1011-8, cahier 1 Thérapie cognitivo-comportementale et phobie sociale
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toutefois incontestable pour l’exposition (3). Des travaux
récents insistent notamment sur la place centrale de
l’exposition, et en particulier de l’exposition aux émotions
dans le traitement des troubles anxieux et, plus généra-
lement, des troubles émotionnels (5).
De plus, outre les bénéfices de temps et de coût, les
avantages de l’application en groupe de ces techniques
thérapeutiques dans le cas de la phobie sociale sont clai-
rement établis (3). Le groupe, par sa nature, représente
en effet lui-même une exposition pour les patients et
pourrait accélérer et multiplier les effets des exercices
d’exposition.
DESCRIPTION DU PROTOCOLE THÉRAPEUTIQUE
L’étude s’est déroulée à l’Unité de Thérapie comporte-
mentale et cognitive du Service Hospitalo-Universitaire de
Santé mentale et de Thérapeutique du Centre Hospitalier
Sainte-Anne à Paris. Le programme thérapeutique est
basé principalement sur les travaux d’Heimberg
et al.
(14)
et inclut la combinaison des 3 techniques actives : expo-
sition, restructuration cognitive et affirmation de soi, avec
toutefois une place prépondérante accordée à l’exposi-
tion, et en particulier à l’exposition aux émotions. Il se
déroule sur 12 séances hebdomadaires de deux heures
auxquelles participent un petit groupe de 6 à 9 patients,
2 thérapeutes et 1 ou 2 stagiaires (médecins ou psycho-
logues). Les thérapeutes – un psychiatre et une psycho-
logue – sont alternativement animateur principal ou co-
animateur, à chaque séance.
Notre échantillon de 60 sujets correspond à l’ensemble
des patients suivis sur une période de 4 ans en thérapie
de groupe – à raison de 2 groupes par an – dans notre
unité. Tous les patients suivent le même programme thé-
rapeutique animé par les mêmes thérapeutes. Les sujets,
consultant dans une unité de soins spécialisés pour des
difficultés
en lien avec
l’anxiété sociale, sont d’abord reçus
individuellement par le médecin-psychiatre, psychothéra-
peute. Celui-ci établit le diagnostic principal et la comor-
bidité éventuelle et évalue, en fonction de la demande et
de la symptomatologie, la pertinence de l’inclusion dans
un groupe thérapeutique. Si tel est le cas, le protocole thé-
rapeutique et d’évaluation est présenté au sujet qui devra
confirmer par écrit sa participation.
Il s’écoule ensuite plusieurs mois avant l’inclusion dans
le groupe, au cours desquels le patient est revu en con-
sultation individuelle à trois reprises. Les deux premières
consistent en des entretiens psychiatriques visant à véri-
fier les critères d’inclusion et d’exclusion, et à identifier,
évaluer et hiérarchiser les principales situations anxiogè-
nes (situations cibles) qui seront travaillées lors de la thé-
rapie. La troisième est une consultation psychologique où
l’on procède aux évaluations (pré-tests). Les évaluations
en pré et post-test sont réalisées dans les quinze jours
précédant et suivant le groupe.
La première séance de thérapie de groupe a pour objec-
tifs la prise de contact des patients entre eux et la présen-
tation des objectifs et des principes des techniques théra-
peutiques. Des informations sur les mécanismes de
l’anxiété et de l’évitement, sur la notion de tâches à domicile
(exercices à pratiquer entre les séances) et sur les principes
de fonctionnement du groupe sont fournies. Les situations
anxiogènes préalablement ciblées et évaluées pour cha-
que patient sont, si besoin, revues et modifiées. La fin de
cette première séance est consacrée aux questions des
patients, auxquels on demande de définir, pour la semaine
suivante, les principaux exercices à réaliser entre les séan-
ces. À la fin de la séance, les thérapeutes et les stagiaires
échangent leurs impressions sur le groupe et se réunissent
ensuite avant chaque séance pour préparer les exercices.
Lors de la seconde séance, chaque patient réalise un
premier exercice d’exposition adapté à ses difficultés et
l’on se réfère pour cela aux situations cibles préalablement
évaluées et hiérarchisées, les exercices d’exposition étant
toujours progressifs et de difficulté croissante. Ce sont
souvent des exercices sur le regard (être observé en
silence par le groupe, par exemple) qui sont d’abord réa-
lisés mais cela varie selon les patients. Comme pour cha-
que exposition future, on évalue le niveau d’anxiété avant
et après l’exercice et on encourage le groupe à donner un
feed-back
sincère au patient, lui-même encouragé à expri-
mer son ressenti. Le thérapeute intervient également pour
le guider dans ses difficultés, mettre à jour les cognitions
et émotions vécues lors de l’exercice et pour le renforcer
positivement dans ses efforts. Une partie de cette séance
est consacrée aux exercices à domicile dont le rôle fon-
damental dans l’amélioration est expliqué. Les thérapeu-
tes aident les patients à envisager précisément leur mise
en place et les encouragent à commencer dès à présent.
Ces exercices seront ensuite revus et discutés avec le thé-
rapeute au début de chaque séance (revue des tâches).
Des exercices d’exposition progressive, prolongée,
complète et répétée sont ensuite systématiquement réa-
lisés lors des séances suivantes, après la revue des
tâches. Compte tenu de la durée d’une séance, et afin de
garantir une durée d’exposition suffisamment longue pour
être effective, ces exercices sont proposés à la moitié des
sujets du groupe par séance. Par ailleurs, afin que tous
bénéficient d’une exposition
a minima
à chaque séance,
les autres patients pratiquent aussi des exercices d’expo-
sition, mais plus courts (brève prise de parole en public,
observation en silence par le groupe, par exemple). Les
patients n’ayant pas réalisé d’exposition prolongée à une
séance en bénéficient systématiquement à la suivante.
Des exercices d’affirmation de soi (jeux de rôle) sont éga-
lement introduits de façon ponctuelle et au cas par cas,
c’est-à-dire lorsque des situations habituellement tra-
vaillées en affirmation de soi (par exemple refuser, expri-
mer un désaccord) ont été préalablement définies comme
des situations « cibles » pour certains patients. Mais il
s’agit alors surtout de mettre l’accent sur la désensibilisa-
tion aux émotions ressenties dans ces situations. Toute-
fois, lorsqu’un travail approfondi sur ce type d’apprentis-
sage semble nécessaire, nous orientons les patients sur
une prise en charge spécifique en affirmation de soi. Les
exercices d’exposition sont toujours accompagnés des
techniques de restructuration cognitive.