Le Courrier des addictions (9) – n° 3 – juillet-août-septembre 2007 82
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Comme avec le TN et le bupropion, la prise
de poids a été ralentie et différée.
Les effets contraires sont, comme on pou-
vait s’y attendre, comparables à ceux du
TN : les troubles les plus fréquents, causes
possibles d’arrêt, sont des nausées, des
céphalées, des insomnies, une augmenta-
tion de l’activité onirique, c’est-à-dire les
symptômes observés en cas de surdosage
de nicotine. Dans de rares cas (3 %), l’arrêt
brutal de la varénicline a été suivi d’irri-
tabilité et de troubles du sommeil, ce qui
peut être interprété comme un syndrome
de sevrage. La constipation (8 % des cas),
signalée comme effet contraire de la varé-
nicline, est plus vraisemblablement liée à
l’arrêt du tabac (5). Enfin, la varénicline est
contre-indiquée au cours de la grossesse et
de l’allaitement.
Intérêts et limites
Des données complémentaires ont été appor-
tées lors du récent congrès Nicotine and Ta-
bacco Research, de février 2007. Une méta-
analyse a confirmé l’efficacité vis-à-vis du
placebo (OR : 2,80) et du bupropion (OR :
1,19). Des effets positifs sont obtenus aussi
bien pour les dépendances faibles que pour
les dépendances sévères (évaluées par le
test de Fagerström). Il en est de même que
le nombre de cigarettes soit faible ou im-
portant. L’action sur le syndrome de man-
que peut être insuffisante si la dépendance
physique est importante et les pourcentages
d’abstinence sont plus faibles dans cette si-
tuation (4).
L’ensemble de ces résultats permet de souli-
gner à la fois l’intérêt et les limites actuelles
de cette nouvelle molécule :
A Il est évidemment important pour les mé-
decins de pouvoir disposer d’un nouveau
médicament réellement actif pour l’arrêt du
tabac. La varénicline peut ainsi constituer
un recours lorsque les autres médications
sont contre-indiquées, ont échoué ou ont
donné des effets contraires (par exemple
une allergie au timbre). Également lorsque
l’attrait de la nouveauté contribue à inciter
le fumeur à une tentative d’arrêt.
A Le traitement par la varénicline revient
en fait à donner une médication qui a, de
par sa nature, des effets voisins de ceux
de la nicotine. Dans les recommandations
de l’AMM, l’administration concomitante
d’un substitut nicotinique a entraîné une
diminution significative de la pression arté-
rielle systolique et la survenue de nausées,
de céphalées, de lipothymie. Ce sont, en
fait, des symptômes de surdosage nicoti-
nique. Il serait important de savoir si ces
troubles ont été observés chez les fumeurs
les moins dépendants, ce qui est vraisem-
blable.
A Les doses de la varénicline sont obligatoi-
rement fixes alors que celles de la nicotine
peuvent être modulées et adaptées au degré
de dépendance (6) : avec une telle straté-
gie, les pourcentages d’arrêt sont beaucoup
plus élevés, ayant atteint 100 % à deux mois
dans l’étude de Dale (7), et près de 75 % à
3 mois dans l’expérience de Créteil. Ainsi
le timbre nicotine, avec l’adaptation des
doses et l’association aux substituts oraux,
peut donner actuellement des résultats su-
périeurs à ceux du bupropion ou de la varé-
nicline, tout au moins dans leurs modalités
actuelles d’utilisation. Il serait fallacieux de
vouloir comparer les résultats de la varéni-
cline à ceux du timbre nicotine. Si, comme
cela a été fait dans les essais du bupropion,
on utilise pour la nicotine les doses stan-
dards initiales de l’AMM, les conclusions
obtenues sont évidemment faussées : dans
l’expérience clinique quotidienne et dans
les recommandations récentes de l’Afps-
saps, pour avoir l’efficacité maximale, les
doses doivent être adaptées au degré de dé-
pendance (6).
A Dans les fortes dépendances, des trou-
bles psychiatriques et/ou l’usage d’autres
substances sont présents dans près de la
moitié des cas. Ils doivent obligatoirement
être analysés et leur présence modifie les
indications thérapeutiques. On ne connaît
pas les résultats éventuels de la varénicline
dans cette situation, non plus que ses inte-
ractions avec les médications alors utilisées,
antidépresseurs, anxiolytiques, thymorégu-
lateurs…
A La varénicline constitue, certes, un pro-
grès, à la fois pour le traitement et pour la
compréhension du mécanisme de la dépen-
dance tabagique, en confirmant le rôle es-
sentiel de la nicotine, mais sa place réelle
parmi les médications du sevrage tabagi-
que reste encore à préciser. Les données
pharmacologiques pourraient conduire à
proposer, à titre d’hypothèse, l’attitude sui-
vante pour l’emploi de cette nouvelle mé-
dication : utilisation dans un premier temps
de la varénicline seule, avec pour objectif
de réduire le renforcement positif. Très ra-
pidement, en cas de dépendance physique
importante (score > 7 au FTND*) ou en
cas d’apparition de symptômes de sevrage,
l’association de substituts nicotiniques avec
des modalités est à étudier.
Des biais de sélection
Depuis maintenant près de vingt ans, de
très nombreuses études ont été publiées
concernant les résultats obtenus par les mé-
dications ayant pour objectif l’aide à l’arrêt
du tabac. Seules se sont révélées actives, les
différentes formes de substituts nicotiniques
(timbres, gommes, pastilles, inhaleur…), le
bupropion et la varénicline. Mais cette effi-
cacité n’est que relative.
Une première réserve d’ordre général doit
être faite : ces essais thérapeutiques sont
toujours réalisés sur des populations sélec-
tionnées avec de nombreux critères d’exclu-
sion : ce sont des fumeurs en bon état géné-
ral, indemnes de complications somatiques
et, en particulier, de celles liées au tabac,
en l’absence de tout trouble psychiatrique
connu et, en particulier, d’états dépressifs.
Or toutes ces situations sont rencontrées
chez plus d’un fumeur sur deux, dans les
consultations de tabacologie, comme le
montre le registre national des centres de
tabacologie (CDT) (8). Les sujets ainsi sé-
lectionnés sont donc différents des fumeurs
vus dans les consultations. Il est indispen-
sable d’adapter les données de ces essais à
la réalité quotidienne, à “la vraie vie”. Les
résultats risquent d’être moins favorables.
Ces essais thérapeutiques concernent es-
sentiellement des sujets plus ou moins
volontaires pour une tentative d’arrêt et
les résultats ne peuvent évidemment pas
être extrapolés à l’ensemble des fumeurs.
Certes, les conditions extérieures, tels les
interdits ou l’espoir d’une nouvelle chance
d’arrêt, conduisent certains à faire une ten-
tative, mais une forte motivation person-
nelle reste un des éléments essentiels du
succès, et 20 % seulement des fumeurs sont
réellement prêts à l’arrêt. Nous connais-
sons encore très mal les facteurs capables
d’influencer la motivation profonde et la
confiance en soi pour l’arrêt, deux éléments
essentiels lors d’une tentative de sevrage.
Les traitements médicamenteux actuels de
la dépendance tabagique interviennent es-
sentiellement à la phase initiale. Ils agissent
sur les symptômes de sevrage, présents
lorsqu’il existe une dépendance physique.
Les populations incluses dans ces étu-
des sont constituées de fumeurs dont les
consommations moyennes dépassent 15 ci-
garettes par jour dans la majorité des cas
et qui ont donc une dépendance physique.
Les résultats relatifs par rapport au groupe
* FTND : Fagerström Test for Nicotine Dependance (version
de 1991 à dix questions).