L’accès à l’innovation apportée par les DM en France : mythe ou réalité ?

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Réglementation
L’accès à l’innovation apportée par
les DM en France : mythe ou réalité ?
L’évaluation de l’innovation des technologies de santé est une problématique d’actualité
dans de nombreux pays. En France, faute de transfert industriel, les innovations se
heurtent à des difficultés de financement. Comment la situation se présente-t-elle
aujourd’hui ?
Antoine Disset avec l’aimable collaboration de Faraj Abdelnour
g Antoine Disset, directeur d‘AD-DM Consulting..
S
ur le marché français des technologies médicales, force est de
constater que les innovations sont
de plus en plus souvent développées en dehors du territoire (valves
cardiaques, cœur artificiel, etc.).
Or, qu’elle soit incrémentale ou de
rupture, technologique ou clinique,
l’innovation repose sur un partena-
riat entre industriels et inventeurs.
Aujourd’hui, il est difficile pour les
industriels de supporter des délais
importants de retour sur investissement et d’absorber l’alourdissement
financier du développement clinique
exigé par les récentes contraintes réglementaires européennes ou nationales (Cf. étude de la DGCIS – 2008).
La Haute Autorité de Santé
(HAS) a développé ces 5 dernières
années une réflexion autour de la
prise en charge de l’innovation, car
une introduction trop hâtive et non
rationnelle pouvait présenter un
risque tant pour le patient que pour
l’assurance maladie. Ainsi, des dispositions réglementaires ont récemment été instaurées pour permettre
une introduction financée et encadrée de dispositifs médicaux innovants, garantissant la performance
et la qualité des soins.
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Une première tentative de
mesure à travers le PLFSS
2008 et l’article 51
Inspirée de l’expérience du service
évaluation des médicaments (SEM),
la HAS a mis en place en 2006-2007
un groupe de travail pour permettre l’accès non retardé des technologies innovantes. La CNEDiMTS
(à l’époque CEPP, présidée par le
Pr. Bernard Guiraud-Chaumeil),
a proposé en 2007 l’article 51 au
PLFSS 2008 qui devait permettre
une prise en charge temporaire et
conditionnelle sous la condition
de premières données de qualité.
Ce type de prise en charge devait
comporter l’obligation de la mise en
place sans délai d’une étude clinique
dont les critères auraient été définis
par la CNEDiMTS. Dans ce processus d’évaluation, l’innovation était
gradée en fonction de l’ASA (Amélio- b
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Réglementation
ration du Service Attendu) obtenue
lors de cette primo-évaluation, permettant ainsi, lors de la négociation
tarifaire avec le CEPS, de prendre en
compte le retour sur investissement
de l’étude demandée par la HAS.
Trois dispositifs innovants avaient
été sélectionnés pour bénéficier de
cette évolution réglementaire : le
véhicule pour personnes handicapés
(VPH) muni d’une fonction monteescalier, les dispositifs d’automesure
de l’INR « International Normalized
Ratio » chez l’enfant et les valves
aortiques péricardiques porcines à
implantation trans-fémorale.
L’aboutissement
réglementaire - mise en
place de l’article L.165-1-1
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de
2009, et qui semble être une traduction des propositions de la
CNEDiMTS de 2007 (explicité
ci-dessus, à travers le projet de
l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale), il a
été inséré après l’article L. 165-1
du code de la sécurité sociale, un
article L. 165-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 165-1-1. – Tout pro­­­duit,
prestation ou acte innovant peut
faire l’objet, à titre dérogatoire et
pour une durée limitée, d’une prise
en charge partielle ou totale au sein
de la dotation prévue à l’article
L. 162-22-13. La prise en charge
est décidée par arrêté des ministres
chargés de la santé et de la sécurité sociale après avis de la Haute
Autorité de Santé. L’arrêté fixe le
forfait de prise en charge par patient,
le nombre de patients concernés, la
durée de prise en charge, les conditions particulières d’utilisation, la
liste des établissements de santé pour
lesquels l’assurance maladie prend
en charge ce forfait, et détermine les
études auxquelles la mise en œuvre
du traitement innovant doit donner lieu. Le forfait inclut le pro­
duit, la presta­tion, l’acte et les frais
d’hospitalisation associés. »
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Cet article L. 165-1-1 du code
de la Sécurité sociale propose donc
la prise en charge partielle ou totale
d’une technologie innovante sous la
forme d’un forfait incluant l’acte,
les frais d’hospitalisation associés et,
le cas échéant, la prise en charge
du produit ou de la prestation par
l’assurance maladie dans le cadre
de l’enveloppe de l’ONDAM MCO.
Cette procédure réglementaire est
mise en œuvre par arrêté après avis
de la HAS. L’arrêté fixe le forfait, le
nombre de patients, la durée de prise
en charge, les conditions particu­
lières d’utilisation et la liste des éta­
blissements autorisés dans le cadre
de la réalisation d’une étude clinique.
Les dispositifs bénéficiant de
cet article L.165-1-1 présentent un
service attendu insuffisant dans les
avis rendus par la HAS. Toutefois,
la CNEDiMTS suggère que l’intérêt
potentiel du dispositif médical justifie sa prise en charge temporaire et
dérogatoire au titre de cet article pour
permettre la production de données
cliniques et économiques complémentaires. Notez que cette proposi­
tion, propre à la CNEDiMTS, ne
peut en aucun cas être demandée lors
du dépôt d’un dossier d’inscription !
Constat et questions
encore sans réponse
Au vu des travaux de la HAS, on
s’aperçoit que la CNEDiMTS, tout
comme le collège de la HAS peuvent proposer ou non au ministre de
mettre en place l’article L.165-1-1
(voir tableau en haut à droite).
Dans ce processus d’évaluation,
la HAS délivrant un service attendu
insuffisant, c’est donc maintenant vers
les directions du ministère – DGOS,
DGS et notamment celle de la Sécurité Sociale (DSS) – que se tournent
les industriels. Cependant, dans l’état
actuel des connaissances, nous pouvons considérer que la confirma­tion
du caractère innovant qui permet de
bénéficier du dispositif de l’article
L.165-1-1 dépend essentiellement de
la compétence de la HAS. Toutefois,
3 actes (proposition du Collège de la HAS)
Destruction par ultrasons focalisés de haute
intensité (HIFU) par voie rectale d’un adénocarcinome localisé de la prostate (déc. 2010)
Œsophagectomie avec œsophagogastroplastie, par thoracoscopie (juil. 2010)
Hépatectomie droite par cœlioscopie (juil. 2010)
1 acte associant 1 médicament ou 1 DM
(proposition du Collège de la HAS)
Acte d’autogreffe de chondrocytes au
niveau des condyles fémoraux + Chondrocelect (médicament, Tigenix NV) + ChondroGide (DM, Geistlich Pharma) (déc. 2010)
2 dispositifs médicaux
(proposition de la CNEDIMTS)
Système PARADIGM VEO (Medtronic),
Pompe à insuline et moniteur en continu du
glucose interstitiel destinée aux patients
diabétiques de type 1, traités depuis plus de
6 mois par pompe à insuline, en échec de
contrôle métabolique. (déc. 2010)
SIR-Spheres (Sirtex), microsphères
d’yttrium90 destinées au traitement des
métastases hépatiques prédominantes
et non résécables du cancer colorectal en
échappement thérapeutique. (déc.2010)
la HAS reste à ce jour encore vague
puisqu’aucune publication ne permet
de classer les dispositifs médicaux en
fonction de leur niveau d’innovation.
La question majeure demeure sans
réponse : Suivant quels critères cette
sélectivité de la HAS opère-t-elle ?
Quels critères les directions du ministère retiennent-elles afin de mettre en
place les dispositions de l’article ? De
plus, dans la poursuite de cette évaluation, d’autres questions restent en suspens sur la manière dont l’enveloppe
de l’ONDAM va être distribuée et
si la Sécurité sociale aura les moyens
suffisants de financer de ma­­nière équitable l’ensemble de ces innovations.
Sur quels éléments reposent le choix
du ministre et de ses services d’un
financement partiel ou total ainsi que
de la durée de prise en charge ?
Notons qu’avec cette nouvelle
réglementation, un DM innovant ne
pourra pas être inté­gré dans un GHS
tant qu’il ne sera pas suffisamment
évalué et qu’aucun arrêté faisant
bénéficier un DM des dispositions
de cet article n’a été publié à ce jour.
AD-DM Consulting
F-34000 Montpellier
www.ad-dmconsulting.com
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