A. Cochet
et al.
L’Encéphale, 2006 ;
32 :
189-95, cahier 1
190
stabilisés sur les plans clinique, thérapeutique et fonctionnel.
La question du maintien à long terme de ces améliorations
devra faire l’objet d’une évaluation ultérieure.
Mots clés :
Autonomie sociale ; Capacité de résolution de problè-
mes interpersonnels ; Schizophrénie ; Stratégie de remédiation des
déficits cognitifs.
INTRODUCTION
Malgré les avancées de ces dix dernières années en
matière de médicaments antipsychotiques, l’impact des
stratégies thérapeutiques exclusivement médicamenteu-
ses reste limité quant à l’amélioration de l’autonomie
sociale et des capacités de résolution de problèmes inter-
personnels des patients schizophrènes, avec des consé-
quences en termes de réinsertion socioprofessionnelle
(2). C’est pourquoi des méthodes comportementales
d’entraînement à la résolution de problèmes interperson-
nels ont été proposées, mais avec des succès inconstants
qui pourraient s’expliquer par un défaut de prise en compte
des perturbations cognitives (8, 9). En effet, indépendam-
ment des symptômes positifs, négatifs et/ou de désorga-
nisation, le déficit fonctionnel des patients schizophrènes
dépend principalement de déficits cognitifs variés, allant
des perturbations de fonctions élémentaires comme
l’attention et la mémoire, jusqu’à des perturbations de
fonctions plus élaborées comme les fonctions exécutives,
le monitoring, la résolution de problèmes et la théorie de
l’esprit (14, 19). Dans ce contexte, parallèlement à la
recherche de nouveaux médicaments pro-cognitifs, des
méthodes de réhabilitation cognitive ont été proposées
(5). Progressivement, deux modèles de réhabilitation
cognitive ont peu à peu émergé (11). Dans l’un d’entre eux,
qualifié de « thérapie d’adaptation cognitive, TAC », les
déficits cognitifs sont indirectement ciblés au travers
d’interventions compensatoires visant à modifier l’envi-
ronnement du patient et lui permettre ainsi de contourner
ses déficits (21). Dans un second modèle, qualifié de
« thérapie de remédiation cognitive, TRC », les déficits
cognitifs sont directement la cible du traitement au travers
d’exercices cognitifs répétés (10). Les résultats disponi-
bles à ce jour indiquent qu’une grande variété de straté-
gies de remédiation cognitive – différentes en termes de
cibles cognitives, d’outils, d’intensité et de durée – sont à
même d’améliorer des fonctions comme la mémoire de
travail, l’attention (12) et les fonctions exécutives (24), et
qu’il existe même une généralisation de cette amélioration
à d’autres fonctions non directement entraînées au cours
des séances de remédiation cognitive(20).
Parmi les stratégies mises en œuvre, les TRC par
entraînement hiérarchisé assisté par ordinateur (EHAO)
offrent plusieurs avantages. En effet, les EHAO permet-
tent de proposer un entraînement cognitif standardisé et
hiérarchisé (c’est-à-dire ajustable au niveau du patient),
qui offre un feedback précis et immédiat. Par ailleurs, les
TRC-EHAO sont économiques en termes de « temps
soignant » et bien adaptées aux patients craignant d’être
confrontés au « jugement » d’un examinateur, le feedback
de l’ordinateur étant ici jugé plus neutre (4). Parmi les tech-
niques de TRC-EHAO actuellement disponibles en langue
française, le logiciel REHACOM
®
paraît prometteur dans
la mesure où il cible plusieurs fonctions cognitives par
l’intermédiaire de modules correspondants (capacités
visuo-constructives, vigilance, capacités mnésiques,
attention-concentration, attention partagée, temps de
réaction…). Comme la plupart des outils de TRC décrits
dans la littérature, REHACOM
®
a initialement été déve-
loppé pour la rééducation neuropsychologique de patients
cérébro-lésés (7). Ses avantages sont sa grande mania-
bilité et sa modularité permettant un ajustement des
tâches au niveau du patient, une hiérarchisation des
niveaux de progression, et un feedback facilitant l’interac-
tion entre l’outil et le patient. L’efficacité de REHACOM
®
dans le traitement des déficits cognitifs des patients schi-
zophrènes à déjà fait l’objet d’une publication préliminaire
par Pfleger chez 14 patients de longue évolution (17). Ce
travail portait sur deux des modules d’entraînement (atten-
tion-concentration, et mémoire topologique). Les patients
ont suivi pendant 4 à 7 semaines un entraînement hiérar-
chisé à raison de 20 minutes par séance. Comparés à un
groupe contrôle de 14 patients schizophrènes similaires
pour tous les facteurs d’appariement mais n’ayant pas
bénéficié de REHACOM
®
, le groupe traité a présenté une
amélioration significative des fonctions ciblées. À notre
connaissance, cette utilisation de REHACOM
®
dans la
schizophrénie reste isolée à ce jour, ce qui justifie une
réplication sur un échantillon plus important de patients.
Par ailleurs, l’étude de Pfleger ciblait uniquement des
fonctions cognitives élémentaires, ce qui ne permet pas
d’extrapoler au sujet de fonctions cognitives plus élabo-
rées, comme les fonctions exécutives.
En conséquence, les objectifs de notre recherche
étaient :
– d’évaluer l’efficacité de REHACOM
®
sur diverses
performances cognitives de patients schizophrènes
(attention, mémoire et fonctions exécutives), notre hypo-
thèse étant que leurs capacités cognitives seraient supé-
rieures après la remédiation ;
– d’évaluer si cette remédiation cognitive était à même
d’améliorer indirectement les stratégies de résolution des
problèmes interpersonnels, l’autonomie sociale et les sco-
res PANSS.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Sujets
Dans cette étude exploratoire, 30 patients (25 hommes,
5 femmes) atteints de schizophrénie selon les critères du
DSM IV ont été recrutés au Centre Hospitalier « Le
Vinatier » (Lyon, France). Les patients étaient âgés de 18
à 50 ans et recevaient tous un traitement antipsychotique
de nouvelle génération (exprimé en mg d’équivalent chlor-
promazine par jour) (23) sans modification depuis au
moins trois mois. Les critères d’exclusion étaient le trouble
schizoaffectif, une durée d’évolution de la maladie supé-
rieure à 10 ans, une pathologie neurologique actuelle ou