Coût du trouble bipolaire : revue de la littérature MÉMOIRE ORIGINAL

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L’Encéphale, 2006 ;
32 :
18-25, cahier 1
MÉMOIRE ORIGINAL
Coût du trouble bipolaire : revue de la littérature
R. DARDENNES, J. THUILE, C. EVEN, S. FRIEDMAN, J.-D. GUELFI
(1)
(1) Université Paris Descartes, Faculté de Médecine Cochin-Port-Royal et CH Sainte-Anne, Paris.
Travail reçu le 3 novembre 2003 et accepté le 1
er
octobre 2004.
Tirés à part :
R. Dardennes (Clinique des maladies mentales et de l’encéphale (CMME), service du Professeur J.-D. Guelfi, 100, rue de la
Santé, 75674 Paris cedex 14).
Résumé.
Le trouble bipolaire est la sixième cause mondiale
de handicap chez l’adulte jeune, selon la Banque Mondiale
et l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce handicap est du
même ordre que celui de la schizophrénie. Cependant, l’éva-
luation des conséquences économiques du trouble bipolaire
n’a fait l’objet que de rares études. De plus, alors qu’un trai-
tement préventif, le lithium, est utilisé depuis bientôt 50 ans,
l’impact économique de l’utilisation des thymorégulateurs sur
le long terme est un domaine négligé. Deux études anglo-
saxonnes estiment le coût annuel du trouble bipolaire à
10 000 et 16 000
dont 80 % sont liés aux coûts indirects,
15 % au coût de l’hospitalisation et 5 % au traitement médi-
camenteux. Les coûts d’hospitalisation les plus élevés sont
retrouvés dans les études sur des populations suivies en
milieu spécialisé ou des populations défavorisées et handi-
capées, tandis qu’ils sont moins élevés dans les systèmes
d’assurances privées (
Health Maintenance Organizations ou
HMO
) et dans les estimations sur l’ensemble de la population.
L’utilisation des thymorégulateurs a un impact très important
sur les coûts directs qu’elle divise par 2 ainsi que sur les coûts
indirects. Cependant, toutes les enquêtes montrent que les
thymorégulateurs sont sous-utilisés et qu’au total, seul
1 patient souffrant de trouble bipolaire sur 4 recevrait un trai-
tement adéquat. L’optimisation des ressources du système
de santé nécessite sans nul doute d’importants efforts pour
améliorer le dépistage, l’identification et le traitement du trou-
ble bipolaire.
Mots clés :
Coût ; Économie de la santé ; Hospitalisation ; Thymo-
régulateurs ; Trouble bipolaire.
The costs of bipolar disorder
Introduction.
According to the estimates of the World Bank and the World Health Organization bipolar disorder is the
sixth leading cause of handicap throughout the world. The burden of this disease is similar to the one of schizophrenia.
But cost-of-illness studies are too seldom. Although preventive treatments of bipolar disorder are available for more than
fifty years, their economic impact has rarely been studied.
Litterature findings.
This review shows that the yearly cost
of bipolar disorder is between 10,000 and 16,000
(12,000 and 18,000 US $). Eighty percent are indirect costs, 15 %
are linked to hospitalization and 5 % to drugs. Hospitalization costs are lower in Health Maintenance Organization or
general population studies than in studies performed on populations receiving care from psychiatric institutions or with
a low socio-economic status.
Discussion.
The use of mood stabilizers has a substantial impact on direct costs which
are halved and consequently on indirect costs. But different surveys all agree on the dramatic under-use of mood stabilizers
which may be adequately prescribed to only a quarter of bipolar patients.
Conclusion.
Therefore, the optimization of
mental health system resources should prompt incentives to better screen, diagnose, and treat patients with a bipolar
disorder.
Key words :
Bipolar disorder ; Cost of illness ; Health economics ; Hospitalization ; Mood stabilizers.
L’Encéphale, 2006 ;
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18-25, cahier 1 Coût du trouble bipolaire : revue de la littérature
19
INTRODUCTION
La parution de l’étude
Global Burden
of Disease
(45) a
sans aucun doute marqué un tournant des politiques de
santé publique. En effet, cette étude a comparé l’ampleur
du handicap créé par 200 maladies et causes de handicap.
Les maladies mentales se sont alors révélées parmi les
principales causes de handicap dans la population mon-
diale. En particulier, le trouble bipolaire s’est révélé être
la sixième cause mondiale de handicap pour la population
âgée de 15 à 44 ans. Si le trouble bipolaire est devancé,
dans cette classe d’âge, par la dépression (1
er
rang mon-
dial pour cette classe d’âge et 2
e
rang mondial tous âges
confondus) et l’alcoolisme (4
e
rang), le handicap estimé
est du même ordre que celui de la schizophrénie,
classée 9
e
.
De tels chiffres sont à même de susciter des actions
de santé publique et des études médico-économiques
afin d’évaluer et améliorer l’état de santé des personnes
souffrant d’un trouble bipolaire. Or, si de telles actions
et études existent pour la dépression et pour la schizo-
phrénie, elles sont très rares pour le trouble bipolaire. En
particulier, l’évaluation des conséquences économiques
du trouble bipolaire n’a fait l’objet que de rares études.
De plus, alors qu’un traitement préventif, le lithium, est
utilisé depuis bientôt 50 ans, l’impact économique de
l’utilisation des thymorégulateurs sur le long terme est
un domaine négligé. Cette revue de la littérature fait le
point sur les connaissances actuelles concernant le coût
des troubles bipolaires et l’impact estimé des traitements
préventifs.
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES
ÉPIDÉMIOLOGIQUES
La prévalence du trouble bipolaire en population géné-
rale varie selon les études, de 1,2 à 5,5 % (3, 8, 18, 62,
70) et de 0,16 à 3 % pour le seul trouble bipolaire de type I.
Une méta-analyse de 14 études épidémiologiques
(regroupant ainsi 62 736 sujets) a récemment été réalisée
(77). La prévalence vie entière du trouble bipolaire de
type I chez l’adulte est égale en moyenne à 0,82 %, [IC
95 % : 0,42-1,21].
Si l’on extrapole ces taux de prévalence à la population
française qui comptait en 1998, selon les statistiques les
plus récentes de l’INSEE (27), environ 47,5 millions de
sujets âgés de 15 ans ou plus, on peut estimer que le trou-
ble bipolaire de type I affecte environ 390 000 sujets en
France [IC 95 % : 200 000-575 000].
Le trouble bipolaire débute le plus souvent en fin d’ado-
lescence ou au début de la vie adulte [de 17 à 27 ans en
moyenne selon les études (71)]. Cette affection est chro-
nique car plus de 85 % des sujets bipolaires présenteront
des récidives au cours de leur vie (29). Ces récidives sont
fréquentes : les quelques études sur la durée d’un cycle
(intervalle de temps entre le début de 2 épisodes succes-
sifs) retrouvent une durée moyenne du cycle de 12 mois ;
cette moyenne recouvre 2 phénomènes distincts : d’une
part, les intervalles sont plus longs en moyenne au début
de la maladie et se stabilisent ensuite sur des durées de
12 mois (21, 57, 64, 78) ; d’autre part, environ 20 % des
personnes atteintes subissent des cycles rapides avec au
moins 4 épisodes thymiques sur 12 mois (65).
La durée moyenne d’un épisode varie entre 4 et 13 mois
(21). Celle des épisodes maniaques apparaît plus courte
que celle des épisodes dépressifs (33, 58). Les épisodes
mixtes durent plus longtemps que les autres types d’épi-
sode (32, 50). Il survient en moyenne autant d’épisodes
maniaques que d’épisodes dépressifs au cours de l’évo-
lution d’un trouble bipolaire ; cette moyenne masque une
prépondérance d’épisodes maniaques chez les hommes
qui seraient plus nombreux à présenter des manies uni-
polaires (34, 62) et à l’inverse, une prépondérance d’épi-
sodes dépressifs chez les femmes (2, 58).
Le trouble bipolaire est responsable d’une surmortalité
et d’une morbidité élevées. Le risque de suicide y est
15 fois plus élevé que celui de la population générale (24).
Outre la mort par suicide, le risque de mortalité prématurée
du trouble bipolaire est doublé par rapport à la mortalité
de la population générale, avec un risque accru de mort
violente, ou en rapport avec une maladie respiratoire ou
cardio-vasculaire (25).
La morbidité du trouble bipolaire est tout aussi impor-
tante. Après le début de leurs troubles, les patients bipo-
laires passent en moyenne 20 % de leur vie dans des épi-
sodes thymiques, selon l’étude de Angst et Preisig menée
sur une période d’observation de 27 ans (4). Leur progres-
sion socio-professionnelle est dégradée, avec au mini-
mum une moindre augmentation de leurs revenus, du
niveau de formation et de leur statut professionnel com-
parativement à des sujets non malades sur une période
de suivi de 5 ans (14). Dans près de la moitié des cas la
capacité à travailler est amoindrie, avec un surcroît de chô-
mage, un sous-emploi et une perte de productivité, entraî-
nant une perte de revenus pour les patients atteints. Ainsi,
40 % seulement des sujets bipolaires, suivis par Goldberg
et al.
(20), ont eu une évolution favorable avec reprise
d’une activité professionnelle au cours des 4 ans et demi
qui ont suivi leur hospitalisation.
Les conséquences socio-affectives sont également
importantes. Dans l’étude de Coryell
et al.
(14), 148 bipo-
laires ayant 36 ans d’âge moyen étaient célibataires pour
32 % d’entre eux (contre 15 % chez les témoins de même
âge) ou divorcés pour 45 % (contre 10 % des témoins).
Une étude indienne montre que l’impact de la maladie
bipolaire sur la famille du patient est sévère dans 37 %
des cas (13). Aux États-Unis, plus de la moitié des proches
s’occupant des problèmes de santé d’un patient bipolaire
rapportent une détresse sévère sur un des aspects de leur
vie (49). Les conjoints de bipolaires enquêtés sont plus
de la moitié, sur un petit échantillon, à dire qu’ils ne se
seraient pas mariés et n’auraient pas eu d’enfants s’ils
avaient su avant ce qu’était la maladie bipolaire (63).
Une femme atteinte d’un trouble bipolaire ayant débuté
à l’âge de 25 ans perd, en moyenne, 9 années d’espé-
rance de vie, 14 années de vie professionnelle active et
12 années de vie en bonne santé par rapport à une per-
R. Dardennes
et al.
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20
sonne de la population générale, risque suicidaire exclu
(68).
COÛTS ASSOCIÉS AU TROUBLE BIPOLAIRE
La morbidité du trouble bipolaire a une traduction éco-
nomique. Cependant, en dépit du handicap significatif de
cette affection et de l’utilisation de traitements préventifs
depuis près de 50 ans, peu de travaux ont tenté d’estimer
les coûts de sa prise en charge et de ses conséquences
sociales. De même, à l’inverse de la dépression, l’avan-
tage économique apporté par l’utilisation des traitements
thymorégulateurs a rarement été évalué.
À notre connaissance, 2 études à ce jour ont mené une
évaluation globale des coûts de la maladie bipolaire (23,
73,
tableau I
) et constituent la principale source d’infor-
mation sur ces coûts (36). Ces 2 études se fondent sur
des données statistiques nationales et en extraient la part
attribuable au trouble bipolaire. Cette attribution peut être
directe car le nombre de cas de troubles bipolaires est clai-
rement défini, ou indirecte en appliquant un pourcentage
pertinent (par exemple, les données étant souvent plus
détaillées pour la schizophrénie, Wyatt et Henter extraient
les coûts attribuables au trouble bipolaire à partir des coûts
des sujets atteints de schizophrénie, connaissant le ratio
bipolaire/schizophrénie pour le groupe concerné). Les
pertes de revenus des personnes incapables en totalité
ou en partie du fait de leur maladie sont extrapolées à partir
d’enquêtes sur le taux de chômage dans des échantillons
de patients bipolaires et des revenus moyens pour une
année donnée.
Ces estimations ne prennent en compte que le surcoût
lié à la maladie, c’est-à-dire en l’occurrence le supplément
de chômage entraîné par la maladie. Ces deux études,
l’une anglaise, l’autre américaine, arrivent à des estima-
tions et à des structures de coûts assez proches. Le coût
total par patient, respectivement 9 910 et 15 552
, et sa
structure, plus de 80 % de coûts indirects (tels que des
pertes de revenus), 14 et 17 % pour l’hospitalisation et au
plus 5 % pour les médicaments, sont très voisins ; le coût
par habitant est 3 fois plus élevé pour les États-Unis, mais
les hypothèses de prévalence retenues par les auteurs
américains sont presque 3 fois plus élevées que celles
retenues par les auteurs anglais (1,3 %
versus
0,5 %).
Une autre manière de procéder à ces calculs consiste
à élaborer un modèle théorique du « parcours » de la vie
d’un patient bipolaire et à assigner des coûts aux différen-
tes périodes ou états de ce parcours. Begley
et al
. (9) ont
ainsi estimé le coût sur la vie pour une cohorte de patients
dont la maladie se serait déclarée en 1998. Un groupe
d’experts avait défini 6 groupes d’évolution clinique plus
ou moins favorable. La plupart des données épidémiolo-
TABLEAU I. —
Études du coût pour la société du trouble bipolaire.
Gupta
et al.,
2002
(23)
Wyatt et Henter, 1995
(73)
Begley
et al.,
2001
(9)
Pays UK USA USA
Période 1998 1991 Vie entière
Population 59,4 M 252,2 M Modélisation
Population d’âge
15 ans 48,9 millions 197,1
Prévalence BP 0,5 % 1,3 % 1,6 %
a
N sujets atteints estimés 0,297 millions 2,5 millions 95 300 nouveaux cas en 1998
(sur 270,2 M d’habitants)
Coûts annuels Vie entière
Coût direct
(millions)
285 M£ (14 %) 7 570 M£ (17 %) 13 339 M$ (56 %)
Dont hospitalisations 71 M£ (3,5 %) 2 350 M£ (5,2%) 1 824 M$ (7,6%)
Coût indirects 1 770 M£ (86 %) 37 630 M$ (83 %) 10 696 M$ (44 %)
Total coût société 2 055 M£ (100 %) 45 210 M$ (100 %) 24 000 M$ (100 %)
En euros 3 366 M
38 881 M
20 400 M
Coût/patient/an 6 919 £ 18 084 $ 5 147 $
b
($ 1998)
En euros 9 910
15 552
4 375
Coût/habitant 34,6 £/hab 179,3 $/hab 82,4 $
c
($ 1998)
En euros 49,56
/hab 154,2
/hab 70,04
/hab
1 £ = 1,43223
(1998).
1 $ = 0,86
(1991), 0,76
(1995), 0,78
(1996), 0,89
(1997), 0,85
(1998).
a Les auteurs ont calculé l’incidence d’après la prévalence établie par la
National Comorbidity Survey
(Kessler
et al.
Arch Gen Psych 1994 ; 51 :
8-19).
b. En divisant le coût moyen par patient (252 212 $) par 49 ans [65 ans – l’âge médian de début retenu par les auteurs (16 ans)].
c. Coût calculé en appliquant le coût par patient au nombre total de bipolaires, sur la base d’une prévalence de 1,6 %, ensuite rapporté à la
population générale en 1998 (270,2 M), soit 5 147
×
270,2
×
0,016/270,2.
L’Encéphale, 2006 ;
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21
giques étaient issues de la
National Comorbidity
Survey
(34) ; en particulier la différence entre les revenus des
sujets bipolaires enquêtés lors de la NCS et les revenus
moyens de la population générale du même âge permet-
tait d’estimer la perte de revenus. Ce modèle aboutit à un
coût moyen par patient sur la vie de 252 212 $ avec des
extrêmes allant de 12 000 $ pour un épisode maniaque
unique à plus de 600 000 $ pour une personne souffrant
de troubles chroniques ne répondant pas aux traitements.
Rapportés à une année, les coûts de ce modèle sont sen-
siblement inférieurs à ceux des estimations précédentes,
reposant sur des données observées mais surtout calcu-
lant les pertes de revenus d’après des taux de chômage
élevés [46 % dans l’étude de Gupta
et al
. (23)], ou en con-
sidérant que le proche d’une personne bipolaire consacre
un tiers de son temps à s’occuper d’elle au lieu de travailler
(73).
Les coûts indirects sont à la fois la part la plus impor-
tante des coûts d’une maladie car ils en représentent les
conséquences et le handicap sociaux, et aussi la part la
plus délicate à apprécier tant dans leurs limites que dans
la manière de les calculer, car peu de données sont pré-
cisément connues pour un sujet et une pathologie donnés.
Cependant, une étude menée sur une base de données
portant sur 374 799 employés montre que le trouble bipo-
laire est la pathologie mentale ayant le coût le plus élevé
par employé ; le coût des absences place le trouble bipo-
laire en troisième position toutes pathologies confondues,
derrière l’hypertension et les traumatismes vertébro-
médullaires et devant le diabète sucré et l’insuffisance
coronarienne (19).
Le recueil des coûts directs est plus aisé, et plusieurs
études supplémentaires portent uniquement sur ce type
de coût (6, 15, 39, 59, 60, 77,
tableau II
). Il existe, à l’inté-
rieur d’un même pays, des variations importantes de coûts
allant d’un rapport de 4,5 pour les coûts annuels par
patient à plus de 11,5 pour les coûts annuels d’hospitali-
sation. Les coûts d’hospitalisation les plus élevés sont
retrouvés dans les études sur des populations suivies en
milieu spécialisé (15, 77) ou des populations défavorisées
et handicapées (39), tandis qu’ils sont moins élevés dans
les systèmes d’assurances privées (HMO) et dans les esti-
mations sur l’ensemble de la population. Le taux d’hospi-
talisation a un effet très important sur les coûts. Ainsi, dans
les estimations de Olié et Lévy (47) ou le modèle de Keck
et al
. (30) où tous les patients étaient initialement hospi-
talisés, les coûts élevés sont essentiellement liés à
l’hospitalisation ; ils sont de 22 297
pour 3 mois dans la
première étude et de 35 294
pour un an dans la seconde.
Dans l’étude de Keck
et al
., 2 traitements préventifs sont
comparés au niveau du coût ; le coût cité est la moyenne
des deux. Le taux d’hospitalisation est un élément majeur
TABLEAU II. —
Coûts directs.
Gupta
et al.,
1998
(23)
Wyatt
et Henter
,
1995
(73)
Begley
et al.,
2001
(9)
Bauer
et al.,
1997
(6)
Simon
et Unützer,
1999
(59)
Dardennes
et al.,
1999
(15)
Li
et al.,
2002
(39)
Stender
et al.,
2002
(60)
De Zélicourt
et al.,
2003
(77)
Pays UK USA USA USA USA France USA USA France
Période 1998 1991 Vie entière 1995 ? 1995-96 1996 1994-1998 1998
Population
(millions)
59,4 252,2 Modélisation
(270,2
en 1998)
Série de
patients
HMO 0,29 Modèle Medicaid
Californie
HMO 58,7 (modèle)
Population d’âge
15 ans
48,9 197,1 – 47,5
Prévalence BP 0,5 % 1,3 % 1,6 %
a
0,48 % 0,82 %
N sujets atteints
estimés
0,297 millions 2,5 millions 95 300
nouveaux cas
en 1998
1 411 3 349 3 120 0,39 millions
Coûts directs
annuels
285 M£ 7 570 M$
Dont
– hospitalisations 71 M£ (25 %) 2 350 M$
(31 %)
(8 %) (75 %) (21 %) (75 %) (44 %) (14 %) 1 300 M
– médicaments 8,5 M£ (3 %) 130 M$
(1,7 %)
(14 %) ns (16 %) (10 %) (4 %) (8 %)
Coût/patient 960 £ 3 028 $ 2 882 $
b
($ 1998)
2 557 $
d
($ 1995)
3 646 $
($ 1995)
18 886 FF 10 450 $ 11 358 $
($ 1996)
En euros 1 375
2 604
2 450
1 943
2 771
2 879
8 632
e8 859
Coût/patient
hospitalisation
239 £ 940 $ 391 $ c 1 917 $ 525 $ 14 078 FF 4 648 $ 1 553 $ 3 333 €
En euros 342 808 332 1 457 399 2 146 3 839 1 211 3 333
1 £ = 1,43223 (1998).
1 $ = 0,86 (1991), 0,85 (1994), 0,76 (1995), 0,78 (1996), 0,89 (1997), 0,85 (1998).
a. Les auteurs ont calculé l’incidence d’après la prévalence établie par la National Comorbidity Survey (Kessler et al. Arch Gen Psych 1994 ; 51 : 8-19).
b. En divisant le coût direct moyen par patient (141 232 $) par 49 ans [65 ans – l’âge médian de début retenu par les auteurs (16 ans)].
c. En divisant le coût moyen par patient (19 168 $) par 49 ans [65 ans – l’âge médian de début retenu par les auteurs (16 ans)].
d. Coût moyen calculé d’après les données des auteurs (Bauer et al. 1997).
e. Moyenne de la valeur du dollar pour les années 1994 à 1998 = 0,83 .
R. Dardennes et al. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 18-25, cahier 1
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du coût des soins et ce taux varie selon le type de popu-
lation étudiée. Pour l’ensemble des troubles bipolaires, le
taux d’hospitalisation serait de 4 % par an au Royaume-
Uni (23) et en Finlande si on fait l’hypothèse d’une préva-
lence du trouble de 0,8 % (52). Il est de 7,5 % par an dans
l’étude Epidemiological Catchment Area (46, 53). Ce taux
est légèrement plus élevé – 11,6 % à 13,3 % par an – dans
les systèmes de soins gérés par des assurances privées
(12, 48). Ces taux sont très inférieurs à ceux observés
dans les services de psychiatrie (77), les programmes de
recherche tels que la Collaborative Study of the Psycho-
biology of Depression (72) ou dans les études sur registres
de volontaires tels celui de la Stanley Foundation (38), où
les taux annuels d’hospitalisation atteignent 60 %. Ces dif-
férences dans les taux d’hospitalisation reflètent proba-
blement des différences dans la sévérité des troubles pré-
sentés par les différents groupes étudiés, et cette sévérité
a une incidence importante sur les coûts, comme le sou-
ligne la modélisation de Begley et al. (9). Dans ce modèle
économique, les écarts de coût total sur la vie entière par
patient vont de 12 000 à 600 000 $ selon la sévérité du
trouble.
Les cas traités et hospitalisés sont les cas les plus sévè-
res et, après avoir examiné les données sur les coûts de
la maladie, il est sans doute important d’apprécier l’impact
des traitements préventifs sur le coût de la maladie.
TRADUCTION ÉCONOMIQUE DE L’EFFICACITÉ
DES THYMORÉGULATEURS
La prévention des récidives du trouble bipolaire par les
thymorégulateurs fait l’objet d’un consensus international.
Les données accumulées sur le lithium montrent une effi-
cacité clinique conservée depuis les premières études
publiées au début des années 1970 (5). Le valproate et,
dans une moindre mesure, la carbamazépine et le valpro-
mide, sont également des thymorégulateurs reconnus (1).
La recherche de nouveaux traitements susceptibles
d’avoir des propriétés thymorégulatrices s’amplifie (75,
76). L’impact des thymorégulateurs sur le coût de la mala-
die reste cependant peu connu et peu étudié. Dix ans
après l’autorisation de mise sur le marché du lithium aux
États-Unis, Reifman et Wyatt (54) estimaient, à partir
d’hypothèses « raisonnables » sur l’efficacité du lithium
(le taux de non-réponse au lithium était fixé à 40 %), que
l’introduction du lithium avait réduit les coûts directs de
plus de 50 % et les pertes de revenus liées à la maladie
de 60 %, soit une économie de 4 milliards de dollars
durant les années 1970.
Les résultats de cette étude théorique ont été confirmés
par des études d’observation. Une étude menée sur la
population générale du Sud-Ouest de l’Écosse sur la cen-
taine de patients sous lithium identifiés dans cette région
a montré que l’introduction du lithium avait réduit le nom-
bre et la durée des hospitalisations ; une diminution du
nombre de traitements par électroconvulsivothérapie et
de leur nombre de séances a également été observée
(41). Le gain lié à une réduction de 56 % du nombre moyen
de journées annuelles d’hospitalisation – de 25 à 11 jours
par an – a été valorisé à 23 millions de livres pour les
40 000 patients sous lithium au Royaume-Uni en 1986
[estimation de Mc Creadie (42)]. Cette étude portait sur
une population de patients principalement suivis en ambu-
latoire et un tiers de l’échantillon était seulement suivi et
traité par son médecin généraliste. Ce gain observé sur
un échantillon représentatif de l’ensemble des patients est
encore plus élevé lorsque l’on considère des populations
plus sévères. Ainsi, l’étude menée par Peselow et Fieve
sur un groupe de patients suivis dans une clinique du
lithium a montré une réduction des coûts du traitement de
48 % avec un coût annuel par patient de 2 037 $ avant
mise sous lithium et de 1 059 $ après mise sous lithium.
Le bénéfice est principalement obtenu par une réduction
de 70 % du taux annuel d’hospitalisation de 47 % à 14 %
par an (51).
L’impact d’un traitement thymorégulateur sur les coûts
de santé est donc très important car, sur la base des quel-
ques études disponibles, il peut réduire ces coûts de moi-
tié. L’introduction de nouveaux thymorégulateurs a sus-
cité quelques rares études pharmacoéconomiques (15,
30). Les résultats de ces études montrent un coût de prise
en charge plus élevé de 30 % pour la carbamazépine en
comparaison du lithium, tandis que le valproate est crédité
d’un coût inférieur de 10 % à celui de la prise en charge
sous lithium. Ces différences portent essentiellement sur
les coûts d’hospitalisation. Cependant, étant donné les
réductions importantes de coûts apportées par l’utilisation
du lithium, le choix du thymorégulateur a un impact plus
limité sur les coûts de la maladie [une étude récente a com-
paré le coût du traitement d’un épisode maniaque par le
divalproex à celui occasionné par l’olanzapine ; l’écono-
mie réalisée par l’utilisation du divalproex représente la
moitié du coût de traitement ambulatoire et 3,5 % du coût
total sous olanzapine (55)]. Le facteur économique essen-
tiel est l’utilisation d’un thymorégulateur, comme le con-
firme l’étude récente menée sur une population défavori-
sée bénéficiaire d’une aide médicale en Californie : la
prescription de thymorégulateurs – lithium, valproate ou
carbamazépine – est associée à une diminution de moitié
des coûts directs observés, même en tenant compte du
prix d’acquisition des traitements (39). Cependant, ce
bénéfice constamment démontré apporté par les thymo-
régulateurs se heurte à une sous-utilisation des thymoré-
gulateurs dans la pratique générale.
UNE PATHOLOGIE SOUS-DIAGNOSTIQUÉE
ET MAL PRISE EN CHARGE
En effet, les études en population générale montrent
que le taux de personnes sous thymorégulateur est très
inférieur à la prévalence du trouble bipolaire. L’étude écos-
saise de McCreadie et Morrison (41) faisait état d’un taux
de personnes traitées par lithium de 0,77 pour 1 000
habitants ; seuls 49 % étaient clairement diagnostiqués
comme ayant un trouble bipolaire, soit une prévalence
ponctuelle de sujets bipolaires traités par lithium de
0,38 pour 1 000 habitants. Si l’on retient l’estimation mini-
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