INTRODUCTION GENERALE
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L’apport de la géographie économique
Sans conteste, démêler la complexité des mécanismes fonciers et immobiliers nécessite la
multidisciplinarité et le croisement de perspectives associées à différentes sciences
(J.-J. Granelle, 1998, p. 507). Bien que peu de géographes semblent directement
s’intéresser à ces problèmes pourtant éminemment spatiaux, nous sommes d’avis que notre
discipline doit apporter sa pierre à l’édifice (G. Jalabert, 1988). L’objet de la géographie
économique étant d’étudier des mécanismes de nature économique par la prise en compte
de l’influence des contextes spatiaux (T.J. Barnes, 1989), ce domaine de la géographie est
concerné au premier chef par le rôle des marchés fonciers et immobiliers sur la production et
l’organisation des territoires. Persuadé de l’importance territoriale de ces marchés et du trop
faible développement de la recherche en la matière, c’est dans cette perspective générale
que nous avons choisi d’orienter nos travaux.
LE CONTEXTE SPATIAL DES NOUVEAUX ESPACES RESIDENTIELS
EN BELGIQUE
Des marchés fonciers périphériques insuffisamment régulés
Lorsque nous avons précisé le sujet de notre thèse, c’est sur les mécanismes fonciers en
œuvre au sein du contexte spatial des nouveaux espaces résidentiels produits en Belgique
que nous avons choisi de focaliser notre attention. Plutôt que les mécanismes de recyclage
à l’œuvre au sein des tissus urbains préexistants, c’est la colonisation des terrains vierges
par de nouveaux projets périphériques que nous avons étudié pour préparer notre
dissertation.
En Belgique, la géographie des périphéries urbaines a connu de très profondes mutations
lors des dernières décennies. De nombreuses activités économiques s’y sont implantées et
des formes d’habitat desserré et dispersé y ont colonisé de vastes territoires. En d’autres
termes, la périurbanisation, ce processus de déploiement spatial des villes, s’y est très
largement imposée. Rendu possible par la banalisation de la conduite automobile et alimenté
par de multiples dynamiques centrifuges, le phénomène périurbain belge, désormais,
inquiète (J.-M. Halleux et M.-L. De Keersmaecker, 2002). En dépit de mises en garde
relativement anciennes (J.A. Sporck et H. Van der Haegen, 1985, pp. 263-265), les réponses
à l’extension inorganisée des périphéries n’ont été que partielles et il est à présent manifeste
que l’émergence de formes urbaines très largement façonnées par la conduite automobile et
par des marchés fonciers insuffisamment régulés porte en son sein les germes de sérieuses
atteintes à la durabilité.
S’il est incontestable que la périurbanisation présente des avantages pour certains
(notamment certains ménages des classes moyennes et supérieures), il est aussi
incontestable qu’une périurbanisation trop peu canalisée s’oppose aux principes
fondamentaux du bon aménagement du territoire, principes aujourd’hui reformulés dans la
perspective des objectifs stratégiques du développement durable. Les surcoûts de la
périurbanisation non canalisée, dont une large part est en fait collectivisée, tiennent
notamment à la dépendance de la société vis-à-vis de l’automobile. Intrinsèquement,
l’éparpillement périurbain tel qu’il se met progressivement en place en Belgique est une
organisation spatiale qui ne peut fonctionner sans la vitesse autorisée par la conduite et, dès
lors, sans l’option de l’énergie à faible coût. En plus des nombreux impacts
environnementaux de la conduite automobile, ce sont donc, à terme, des tensions sur les
marchés de l’énergie qui sont à craindre. Au-delà des enjeux de la mobilité durable, les
conséquences de l’éclatement urbain sur les rapports sociaux et sur les budgets des
collectivités publiques ne sont sans doute pas plus supportables. De fait, des études de plus