Dépression avec caractéristiques psychotiques : aspects cliniques, thérapeutiques et évolutifs dans une série de patients tunisiens Auteurs : S. Omri, N. Charfi, J. Ben Thabet, M. Maâlej, N. Zouari, L. Zouari, M. Maâlej. Adresse : service de psychiatrie « C » , CHU Hédi Chaker Sfax Tunisie 13 ème congrès de l’encéphale 21, 22 et 23 Janvier 2015 Introduction: La présence de symptômes psychotiques dans une dépression constitue, à la fois, un indice de bipolarité et un facteur de sévérité majorant le risque suicidaire . Objectif: Décrire les aspects sociodémographiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs d’un premier épisode dépressif majeur (EDM) avec caractéristiques (KK) psychotiques chez des patients tunisiens Patients et méthodes: Il s’agissait d’une étude rétrospective et descriptive ayant porté sur les dossiers de 27 patients hospitalisés au service de psychiatrie « C » au CHU Hédi Chaker de Sfax (Tunisie) au cours de la période allant de Janvier 1998 à Août 2014 et pour lesquels le diagnostic d’un EDM avec KK psychotiques (DSM-IV-TR) a été initialement retenu. Les données sociodémographiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives ont été relevées sur une fiche préétablie. Résultats: La série étudiée était exclusivement masculine. L’âge moyen des patients était de 41,3 ans. Ils étaient mariés dans 55,6 % des cas et sans enfants dans 66,7 % des cas. Le niveau d’instruction ne dépassait pas les études primaires dans 51,8% des cas. Une histoire familiale de trouble de l’humeur a été trouvée chez 22,2 % des patients. Des antécédents personnels de tentative de suicide (TS) ont été notés chez 18,5 % des patients. Âge moyen de début des troubles 39 ans et 6 mois Hospitalisation : sous contrainte libre Principaux motifs d’ hospitalisation: troubles du comportement TS Durée moyenne d’hospitalisation KK psychotiques: non congruentes à l’humeur 96,3 % 3,7 % 55,6 % 29,6 % 25 jours 37 % KK mélancoliques 40,7 % Idées suicidaires 13,6 % Patients mis sous antidépresseur (ATD) : 92,6 % ATD tricyclique ATD + antipsychotique (AP) : 85,1 % 40,7% ATD type ISRS 51,9 % AP 1ère génération Thymorégulateur (TR ): 33,3 % 74,1% AP 2ème génération 18,5 % TR + AP: 3,7 % TR+ ATD: 3,7 % TR+ AP+ AP : 25,9 % • La durée moyenne du suivi : 35,4 mois • 59,2 % des patients ont poursuivi leur suivi à la consultation externe • L’évolution de l’EDM s’est faite vers: trouble bipolaire TBP: 25,9% des cas trouble dépressif majeur récurrent : 18,5 % des cas trouble schizoaffectif : 7,4% des cas. virage de l’humeur, ayant nécessité l’hospitalisation ( 2 patients sous ATD tricycliques) Discussion: Lorsqu’il a traité la dépression avec KK psychotiques, le DSM-IV s’est référé à la mélancolie délirante et aux tableaux voisins de la scz de la psychopathologie classique. Il a admis que c’était une dépression sévère et que les KK psychotiques non congruentes à l’humeur étaient de plus mauvais pronostic (37 % de nos patients). Les KK mélancoliques (40,7% de nos patients) sont plus fréquentes lorsqu’existent déjà des KK psychotiques marquant une sévérité supplémentaire et majorant ainsi les risques suicidaire et de récurrence ultérieure [3, 4]. 18,5 % de nos patients ont antérieurement tenté de se suicider et 29,6 % ont été admis suite à une TS. L’incidence du suicide chez les sujets déprimés varie avec la sévérité du trouble ≈15 % en cas de dépression sévère (patients hospitalisés) [1]. cette incidence est réduite à 6 %, lorsque sont pris en compte l’ensemble des troubles dépressifs [1]. Un intérêt particulier doit être accordé aux TS et idées suicidaires vu, qu’au même titre que les KK psychotiques, ils sont plus spécifiquement décrits dans les dépressions bipolaires [2]. L’évolution était marquée par la récurrence dans 18,5 %. La sévérité de l’épisode index est considérée par ++ auteurs comme un indicateur de récurrence dépressive [5,6] et d’après DSM-IV : 60 % des patients ayant présenté un premier EDM vont récidiver [7]. Les données concernant le risque d’évolution d’un trouble dépressif vers un trouble bipolaire sont disparates, avec un taux de conversion diagnostique compris entre 5 et 75 % [8] . Dans notre série ce taux était de 25,9 %. KK psychotiques, mélancoliques, TS indices de bipolarité++ Il faut rester vigilant quant à l’éventuelle apparition de signes de bipolarité chez tout malade suivi pour un trouble dépressif. Leur présence a un impact thérapeutique important puisque les ATDs notamment tricycliques sont incriminés dans l’induction de cycles rapides ainsi que dans le virage de l’humeur (2 de nos patients). CONCLUSION : Devant un 1er EDM‚ il faudrait envisager l'éventualité du début d'un TBP‚ a fortiori si l'épisode est sévère avec KK psychotiques. Ceci est particulièrement important pour la PEC et le suivi à moyen et à long terme de ces patients pour prévenir d’éventuels virage de l’humeur. •Références : [1] Hardy P. Dépressions sévères : morbi-mortalité et suicides. L’Encéphale 2009; 7: S269–S271 [2] Akiskal HS. Searching for behavioral indicators of bipolar II in patients presenting with major depressive episodes : the « red sign », the « rule of three » and other biographic signs of temperamental extravagance, activation and hypomania. Journal of Affective Disorders 2005 ; 84 : 279–290. [3] Monroe SM, Harkness KL. Life stress, the « kindling » hypothesis, and the recurrence of depression : considerations from a life stress perspective. Psychol Rev 2005 ; 112 : 417–45.[4] Pélissolo A. Les dépressions sévères : quels concepts ? quels critères ? L’Encéphale 2009; 7: S243–S249.[5] Melartin TK, Rytsala HJ, Leskela US, et al. Severity and comorbidity predict episode duration and recurrence of DSMIV major depressive disorder. J Clin Psychiatry 2004 ; 65 : 810-9. [6] Olié E., Courtet P. Dépression récurrente : facteurs de risque, facteurs de vulnérabilité. L’Encéphale 2010 Supplément 5, S117–S122. [7] American Psychiatric Association. DSM IV-TR : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. 4th rev. Ed. Washington, DC : American Psychiatric Association, 2000.