2
que dès lors que de la politique budgétaire et fiscale relève de l’échelon national, c’est à l’échelon national qu’il
revient aussi d’en assumer pleinement la responsabilité.
Faute d’être assise sur le principe selon lequel le libre exercice de la responsabilité exige en contrepartie que
celle-ci soit pleinement assumée, nulle communauté – et pas seulement une Union monétaire – ne peut fonc-
tionner durablement.
Or c’est là la raison pour laquelle l’Allemagne s’oppose à l’introduction d’obligations européennes. Depuis l’ori-
gine de l’Union monétaire, c’est en effet cette délicate articulation entre une politique monétaire désormais
commune et des politiques budgétaires et fiscales toujours nationales qui constitue le défi majeur de l’UEM.
Un point sur lequel plusieurs responsables comme Hans Tietmeyer et Otmar Issing, mais aussi Jean-Claude Tri-
chet par exemple, avaient expressément attiré l’attention – dès avant l’adoption du Traité de Maastricht.
Il s’est révélé que non seulement ce défi n’a pas pu être relevé, mais que nous nous sommes engagés sur une
mauvaise voie, la politique budgétaire nationale de nombreux pays n’ayant pas satisfait aux exigences de la
politique de stabilité. Il s’agit aujourd’hui de rétablir l’équilibre de cette articulation. Créer des « Euro-Bonds »
signifierait que, après avoir adopté une politique monétaire commune, unitaire, nous procéderions en outre à
la mutualisation de la responsabilité pour les conséquences de la politique budgétaire – c’est-à-dire à une mu-
tualisation de la dette. Cela ne créerait nullement un nouvel équilibre ; bien au contraire, cela créerait de nou-
velles tensions. Ce n’est donc pas le système de responsabilité qu’il faut redéfinir, mais bien plutôt les poli-
tiques budgétaires qu’il convient de revoir.
CIRAC : On dit que l’Allemagne a fait de la „stabilité“ une doctrine…
Patrick Steinpass : Il est vrai qu’en Allemagne, nous avons développé une sensibilité particulière pour la stabi-
lité des prix. Mais nous ne l’avons pas pour autant érigée en doctrine ou dogme. Car chez nous, chacun sait que
sans stabilité des prix, toute croissance est fragile, toute richesse est trompeuse. En soi, la stabilité des prix ne
nous remplit pas l’estomac ; mais elle est une condition sine qua non pour nous permettre de travailler et ainsi
de gagner notre pain.
Ce point ne se résume donc pas à l’économie, mais soulève aussi d’importantes questions dans le domaine so-
cial. Car sans stabilité des prix, il serait plus difficile aux acteurs économiques de développer leur activité sur le
long terme, ce qui mettrait en danger la prospérité. L’inflation frappe toujours le plus durement les actifs dans
les catégories de salaires inférieures, dont elle détruit le pouvoir d’achat.
CIRAC : La notion de „stabilité“ apparaît dans divers contextes. A l’échelon de l’UE, nous avons le Pacte de
Stabilité et de Croissance, l’Allemagne avait adopté en 1967 une Loi pour la promotion de la stabilité et de la
croissance… Dans quelle mesure la notion de « pilotage global » qui la sous-tend marque-t-elle la conception
allemande d’un « gouvernement économique » de l’UE ?
Patrick Steinpass : La loi allemande pour la stabilité et la croissance est née dans les années 1960 et, de ce fait,
profondément marquée par l’idée d’un pilotage global de l’économie – c’est-à-dire l’approche keynésienne
d’une politique axée sur la demande. On ne peut donc pas dire qu’elle a servi de « modèle » au Pacte de
Stabilité et de Croissance.
Cela dit, quand on lit attentivement cette loi, on découvre qu’elle se fonde elle aussi sur le principe d’une
politique budgétaire orientée sur le long terme, c’est-à-dire sur la soutenabilité des finances publiques, tel qu’il
est ancré de même dans le Pacte de stabilité et de croissance. Car la loi allemande ne connaît pas seulement le
« deficit spending » en période de récession, mais bien plus encore l’impératif d’excédents budgétaires en
période de forte croissance. Mais même nous, en Allemagne, ne nous y sommes guère conformés, et pendant
longtemps. Sinon, le niveau de notre dette ne dépasserait pas aujourd’hui les 75 %.
Qu’il s’agisse de « gouvernement économique » ou de « coordination des politiques économiques » – ramener
ces concepts à la notion de pilotage global serait réducteur. Car nous avons en Europe – dans de nombreux
pays – un problème de dette auquel s’ajoute un problème de compétitivité, voire un problème structurel de
l’économie de certains pays.
La crise des subprimes aux Etats-Unis nous a montré où mène une politique qui cherche à combattre la dette
par plus de dettes encore. Une telle approche est vouée à l’échec, qu’il s’agisse du budget d’un ménage ou de
celui d’un Etat.
Et ce n’est pas non plus en augmentant les dépenses publiques qu’on peut réduire les faiblesses structurelles
d’une économie ou développer sa compétitivité. Cette erreur, nous l’avons commise hélas trop souvent et trop
longtemps en Allemagne – dans les années 1970, 1980 et 1990.
Il n’en reste pas moins évident que le pilotage global fait partie des outils d’un « gouvernement économique »
– seulement, ici aussi doit s’appliquer la devise : « chaque chose en son temps ». En 2008, lorsque la demande