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considération aussi l’immense effort financier consenti à l’Unité allemande. Ce n’est pas ainsi que se présente
la défense des intérêts particuliers !
Par la Stratégie de Lisbonne adoptée en 2000, l’UE s’est fixé pour objectif de devenir la région du monde avec
la plus forte croissance. Or quand on veut réaliser cet objectif, on agit en conséquence. On accepte alors de ne
plus alimenter par des subventions massives des secteurs qui ne sont guère porteurs d’avenir, à l’instar de
l’agriculture. Et on refuse de protéger la production agricole domestique par des barrières douanières ralen-
tissant le développement des économies émergentes ou en transition. Or de telles recommandations d’action
s’adressent bien moins à l’Allemagne qu’à la France, un pays riche qui perçoit, au titre de la politique agricole
commune, autant de contributions qu’elle en verse au budget de l’UE.
CIRAC: On se focalise en France sur la politique salariale allemande. La compétitivité de l’industrie allemande
serait le fait d’une politique de dumping salarial. Certains commentateurs vont même jusqu’à comparer
l’Allemagne à la Chine…
Prof. Zimmermann: … dans l’industrie, les coûts salariaux horaires étaient à peu près du même niveau en
France et en Allemagne en 2008. Au sein de l’UE, ils n’étaient plus élevés qu’en Belgique, au Danemark et en
Suède. Mais l’année dernière, les salaires ont progressé plus nettement dans l’industrie allemande que dans
celle de ces pays.
Cela dit, le niveau absolu des salaires n’est pas déterminant à lui seul. Car ce qui importe, c’est le niveau des
salaires rapporté à la productivité. De 2000 à 2008, c’est-à-dire avant que l’impact de la crise soit manifeste, les
coûts salariaux unitaires dans l’industrie allemande avaient baissé d’un dixième environ. Or depuis, la situation
a changé : en 2009, ils ont connu une hausse spectaculaire ; leur niveau dépasse de 5 % celui de 2000.
L’avantage compétitif salarial n’a donc été que de courte durée. Je ne dispose malheureusement pas des
données pour la France. Mais les statistiques d’Eurostat révèlent qu’au cours de la décennie écoulée la
productivité de l’industrie française n’a que très faiblement progressé. Hors inflation, elle a même stagné, alors
que la masse salariale a connu une évolution comparable à celle de l’Allemagne. En un mot : les salariés
allemands n’ont pas épuisé la marge de redistribution, alors que les salariés français ont conclu des
conventions salariales quelque peu exagérées. Mais c’est là le résultat de négociations conclues en toute
autonomie par les syndicats et les fédérations patronales – du moins en ce qui concerne l’Allemagne. L’Etat n’y
a joué aucun rôle.
CIRAC: Les économistes allemands regrettent eux aussi la faiblesse de la consommation en Allemagne.
Pensent-ils eux aussi, comme le font les commentateurs français, qu’il conviendrait de donner un coup de
pouce au pouvoir d’achat ?
Prof. Zimmermann: Le lien est rien moins qu’évident. Certes, une hausse plus nette des salaires de l’industrie
aurait été possible sans mettre en danger la compétitivité allemande, mais ils sont déjà élevés en comparaison
internationale, et ils ont augmenté proportionnellement plus que dans les autres secteurs. Ensuite, il ne faut
pas oublier que l’Etat soutient déjà largement la consommation. Y a-t-il seulement un Etat membre de l’UE qui
consacre une part aussi élevée de son PIB aux transferts sociaux que l’Allemagne ? Non. Il faut garder à l’esprit
également le coût exorbitant de l’Unité allemande : dans les nouveaux Länder, le revenu disponible provient à
hauteur de 40 % de transferts sociaux. L’Etat doit-il augmenter les revenus des Allemands en redistribuant
encore plus de richesses, ou une dynamisation de la consommation par l’Etat doit-elle être financée en
accroissant encore une dette déjà abyssale ? L’exemple de la Grèce montre où conduirait une telle politique.
CIRAC: On estime, en France, que l’Allemagne devrait changer de politique : réduire la voilure de ses
exportations, baisser les impôts…
Prof. Zimmermann: … cela fait des années que les impôts baissent en Allemagne. Et du fait de la crise,
d’importants programmes conjoncturels ont été adoptés qui ont fait exploser la dette. L’enjeu à venir, c’est
donc plutôt de relever les impôts – si possible sans freiner l’essor de l’économie.
Quant à la suggestion de réduire les exportations, elle est absurde. Comment s’y prendrait-on ? Faudrait-il en
venir à une économie planifiée qui décide de ce qui doit être produit ou non ? C’est une approche absurde que
nous connaissons par trop en Europe dans le domaine agricole.
L’Europe n’a presque pas de ressources naturelles ; et du fait du niveau élevé des salaires, son économie ne
pourra rester compétitive qu’en misant sur la production de biens et services intensifs en savoir. C’est la raison
pour laquelle il est n’est pas tenable d’enjoindre aux pays qui poursuivent justement cette stratégie de réduire
leur voilure. Il est vital pour l’Allemagne d’investir plus de moyens dans la formation et les infrastructures
publiques.