J Radiol 2009;90:354-61
© 2009. Éditions Françaises de Radiologie.
Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
formation médicale continue
le point sur…
Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
L Leenhardt
e nodule thyroïdien est défini par une hypertrophie localisée de
la glande thyroïde, qu’il soit palpable et/ou bien identifié à
l’échographie. Les incidentalomes thyroïdiens, révélés dans la
majorité des cas par des examens d’imagerie (échographie, doppler,
scanner) correspondent à des nodules non palpables et/ou de décou-
verte fortuite. La majorité des nodules thyroïdiens sont bénins et
constituent la première manifestation d’une dystrophie plurinodu-
laire, dont le développement s’affirme au fil des décennies. Parmi ces
nodules (palpables ou non), 5 à 10 % correspondent à des cancers, de
bon pronostic dans leurs formes différenciées. Seuls les nodules de
plus d’un centimètre doivent être explorés, car ils peuvent corres-
pondre à un cancer cliniquement significatif. Des recommandations
publiées récemment sont censées aider le praticien à la prise en char-
ge de ces nodules (1-3), mais le coût des investigations et des sur-
veillances, et l’incidence médico-légale des décisions d’intervention
chirurgicale ou d’abstention ne sont pas prises en compte. Dans tous
les cas, le nodule thyroïdien n’est pas une urgence diagnostique ni
thérapeutique.
Épidémiologie
Environ 5 % de femmes et 1 % des hommes sont porteurs d’un
nodule thyroïdien palpable. Les études autopsiques et écho-
graphiques ont montré que 19 à 67 % des adultes présentent des
nodules occultes, cliniquement inapparents. Leur fréquence
augmente avec l’âge. Les nodules sont 2 à 3 fois plus fréquents
dans le sexe féminin. La grossesse, la carence relative en iode, l’ir-
radiation cervicale sont des facteurs favorisant le développement
de nodule thyroïdien. Certains facteurs familiaux de risque géné-
tique de cancer thyroïdien sont bien individualisés : mutation du
gène RET dans les néoplasies endocriniennes multiples de type
II, mutation du gène PTEN dans le syndrome de Cowden, du
gène APC dans la polypose colique familiale, du gène PKA dans
le complexe de Carney. Mais ces causes génétiques sont rares et
les facteurs de risque environnementaux prédisposant au cancer
thyroïdien, comme l’irradiation cervicale durant l’enfance, sont à
rechercher. Devant un nodule thyroïdien, l’enjeu est d’éliminer
un cancer qui peut être présent dans 5 à 10 % des cas, voire 40 %
en cas d’antécédents d’irradiation cervicale.
Histoire naturelle
Le nodule thyroïdien présente 3 risques évolutifs : l’augmenta-
tion de volume, le passage à la toxicité et le risque de cancer.
1. Augmentation de volume
Le caractère dystrophique plurinodulaire du parenchyme thy-
roïdien s’accroît avec l’âge. Bien que la régression spontanée de
nodules soit possible (8 à 52 % des cas), l’augmentation de volume
du nodule est souvent inexorable et ne constitue pas un critère de
malignité. Les principales séries rapportent une augmentation de
volume de 20 à 56 % des cas, sur un suivi moyen de 3 à 5 ans, mais
la définition d’une augmentation significative de volume n’est
pas toujours rigoureuse, ni homogène, entre les séries.
2. Passage à la toxicité
Le risque de passage à la toxicité, s’observant en cas de nodule
chaud, est de 4 % par an. Ce risque est corrélé à la taille du nodule
et à l’étendue de la multinodularité.
Abstract Résumé
Management of thyroid nodule
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The widespread use of imaging (ultrasonography, doppler, CT) has led to
an “epidemic” of thyroid nodules. More often observed in women, the
management of thyroid nodules is a recurring problem in routine clinical
practice. Fine needle aspiration cytology (FNAC) of suspicious nodule on
ultrasound is the most reliable tool to select patients requiring surgery.
Scintigraphy is not accurate enough to predict malignancy, the small size of
a nodule is not a reassuring factor for the clinician and the prevalence of
cancer is as frequent for isolated nodules or multinodular goiter. Thyroid
cancer corresponds to 9 to13% of nodules undergoing FNAC and
prognosis is good for differentiated carcinomas.
L’essor des techniques d’imagerie (échographie Doppler, scanner) est
à l’origine d’une véritable « épidémie » de nodules thyroïdiens. Plus
souvent observé chez la femme, sa prise en charge constitue un
problème clinique courant. La cytoponction dirigée échographi-
quement sur le nodule à risque de malignité est actuellement le
meilleur examen permettant de sélectionner les patients à opérer. La
scintigraphie est un mauvais examen pour prédire la malignité, la
petite taille du nodule n’est pas un caractère rassurant et la fréquence
du cancer est similaire, que le nodule soit isolé ou au sein d’un goitre
multinodulaire. Le cancer thyroïdien représente 9 à 13 % des nodules
ponctionnés ; il est de bon pronostic dans sa forme différenciée.
Key words:
Thyroid nodule. ultrasonography. ultrasound guided
cytology. thyroid carcinoma.
Mots-clés :
Nodule thyroïdien. échographie. cytoponction
échoguidée. cancer thyroïdien.
L
Service de Médecine Nucléaire, Groupe Hospitalier Pitié Salpétrière, 83 boulevard de
l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Correspondance : L Leenhardt,
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3. Risque de cancer
Les chiffres avancés concernant le risque de cancer sont assez
variables en fonction des critères diagnostiques. Dans l’étude
autopsique de la Mayo Clinic, 4,2 % des nodules répondaient à
des cancers. La proportion de sujets atteints de microcancers,
découverts par l’examen systématique de la glande thyroïde en
coupes sériées, a été estimée entre 2,5 et 37 % des populations
étudiées. Cette prévalence dépend de l’épaisseur des coupes
histologiques examinées. En pratique, le risque qu’un nodule soit
malin est proche de 5 %, indépendamment de sa taille, qui inter-
vient seulement dans le pronostic du cancer. La proportion de
cancers apparaît aussi importante dans les nodules solitaires
qu’au sein des goitres multinodulaires (4). La prévalence du
cancer dans les nodules soumis à une cytoponction est de 9.2 à
13 % (3).
Comparativement à la prévalence élevée des nodules, l’incidence
de cancers thyroïdiens diagnostiqués est faible : elle est estimée
en France par an et pour 100 000 personnes à 7,5 chez la femme,
et 2,1 chez l’homme (5). La mortalité par cancer thyroïdien est
très réduite : 0,3 pour 100 000 habitants et par an, soit un peu plus
de 400 décès par an. La forme histologique la plus fréquente est
le cancer papillaire (75-80 % des cas), de bon pronostic, avec une
survie de 99 % à 20 ans après chirurgie (6). L’augmentation ac-
tuellement observée de l’incidence des cancers thyroïdiens
concerne les microcancers de type papillaire. L’intensification
des pratiques de dépistage explique en partie cette augmentation
d’incidence (7).
En définitive, les cancers de la thyroïde sont fréquents à un
stade infraclinique, mais rarement diagnostiqués, et excep-
tionnellement causes de décès. Il n’est donc pas justifié de les
dépister de façon systématique, sauf si le contexte familial est
évocateur.
Exploration et prise en charge du nodule
thyroïdien
Dans un certain nombre de situations cliniques, le contexte suffit
à orienter vers un diagnostic précis, limitant les explorations :
apparition brutale d’un nodule douloureux en faveur d’un
hématocèle ;
nodule douloureux et syndrome grippal en faveur d’une
thyroïdite subaiguë à forme nodulaire ;
hyperthyroïdie en faveur d’un nodule toxique ;
nodule dur, signes compressifs (paralysie récurrentielle) et
adénopathies satellites en faveur d’un nodule cancéreux.
Le plus souvent, le nodule est en apparence cliniquement isolé.
Il est très souvent découvert à l’occasion d’examens d’imagerie
(échographie, Doppler des troncs supraaortiques, scanner ou
IRM cervicale, tomographie à émissions de positons), ou lors de
la chirurgie pour hyperparathyroïdie. On retiendra que seuls les
nodules supracentimétriques méritent évaluation, car ils peuvent
correspondre à un cancer de taille significative. Parfois, de petits
nodules infracentimétriques peuvent justifier une exploration,
mais il existe dans ces cas un contexte particulier : échographie
suspecte, irradiation cervicale dans l’enfance, histoire familiale
de cancer thyroïdien.
La stratégie de prise en charge d’un nodule thyroïdien, présentée
sous forme de questions réponses pour le clinicien, est fondée sur
les dernières recommandations publiées (2).
1. Quels signes pertinents rechercher
à l’interrogatoire et à l’examen clinique ?
Devant la découverte d’un nodule thyroïdien, un interrogatoire
précisant les antécédents et l’allure clinique évolutive de ce
nodule est effectué : antécédents d’irradiation cervicale, histoire
familiale de cancer thyroïdien, augmentation rapide de volume ;
un changement de voix fait évoquer une paralysie récurrentielle.
La palpation cervicale recherche des adénopathies, des signes
compressifs, le caractère dur et fixé du nodule. Le sexe masculin
et l’âge de moins de 16 ans ou plus de 60 sont des facteurs de
risque de cancer.
2. Quels bilans biologique et d’imagerie réaliser ?
Un dosage de TSH et une échographie thyroïdienne sont les
examens complémentaires à réaliser en première intention
(fig. 1)
.
Si la TSH est basse, le premier examen morphologique à deman-
der est une scintigraphie thyroïdienne, de préférence à l’iode
123 plutôt qu’au Technetium, afin d’éliminer un nodule toxique
ou prétoxique, responsable d’une hyperthyroïdie patente ou sub-
clinique.
Si la TSH est normale ou élevée :
l’échographie est le premier examen morphologique à réa-
liser. Il confirme le diagnostic de nodule et vérifie si le nodule
observé correspond bien à l’anomalie palpatoire. L’échographie pré-
cise la topographie du nodule, ses caractéristiques et celle du reste du
parenchyme thyroïdien (nodule isolé ou non, thyroïdite). Les no-
dules solides, hypoéchogènes, hypervasculaires, à contours
peu nets, sans halo complet, sont particulièrement suspects.
La présence de microcalcifications est suggestive de calco-
sphérites observées dans les cancers papillaires. Les sensibilités et
spécificité de ces signes sont très variables d’une étude à l’autre
(tableau I).
Le signe ayant la plus grande sensibilité est le ca-
ractère solide (69-75 %), mais sa valeur prédictive positive est
faible (VPP) (15-27 %). Le signe ayant la meilleure VPP (41,8-
94,2 %) est la présence de microcalcifications, mais elles ne
sont présentes que dans 26.1 à 59.1 % des cancers (faible sensi-
bilité). Au Doppler Couleur ou Doppler Energie, la vasculari-
sation de type 4, c’est-à-dire centrale, radiaire et pénétrante,
est suspecte. Le cancer est hypervascularisé dans 44 à 100 %
des cas. La probabilité d’avoir un cancer quand il y a une hy-
pervascularisation est d’environ 61 % (VPP), mais ce chiffre
de VPP est variable selon la composition de l’échantillon dans
lequel cette VPP est calculée ; en particulier, la VPP est bonne
s’il y a peu de nodules bénins hypervasculaires dans la série
c’est-à-dire peu de faux positifs (< 4 %). Par ailleurs, les can-
cers peu vasculaires ou faux négatifs existent et sont de l’ordre
de 30 %. La probabilité que le nodule soit bénin quand la vas-
cularisation est pauvre (valeur prédictive négative) est de 78-
100 %. Tout compte fait, c’est l’association des signes écho-
graphiques de suspicion tels que l’absence de halo, l’existence de
microcalcifications et une vascularisation de type mixte ou pé-
nétrante centrale qui améliore la valeur prédictive positive de
l’échographie en faveur de la malignité d’un nodule thyroï-
dien. La taille du nodule n’est pas prédictive de malignité.
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L’examen échographique recherche d’éventuelles adénopa-
thies qui, si elles sont arrondies, vascularisées, avec disparition
du hile et présence de microcalcifications et kystisation sont évoca-
trices de métastases.
la scintigraphie en cas de TSH normale n’a guère d’intérêt, car
90 % des nodules sont hypofixants, et seuls 5 à 10 % d’entre eux
sont malins.
L’utilité d’un dosage systématique de la thyrocalcitonine a été
évaluée dans des séries prospectives non randomisées (8). Ces
études suggèrent que l’utilisation en routine de ce dosage permet
le dépistage d’hyperplasie des cellules C et de cancer médullaire
à un stade précoce, mais l’étude du rapport coût – bénéfice ne
permet pas de dégager un consensus en faveur d’un dosage
systématique devant tout nodule thyroïdien. Un taux élevé de
thyrocalcitonine, supérieur à 50 ou 100 pg/ml, constitue un ar-
gument en faveur d’un cancer médullaire de la thyroïde. La thy-
roïdectomie et le curage lymphatique sont alors indispensables à
envisager, avec des modalités particulières.
Le dosage de la thyroglobuline n’a pas de place dans la reconnais-
sance du caractère bénin ou malin d’un nodule thyroïdien. Le
dosage de la thyroglobuline n’a d’utilité que pour la surveillance
des cancers thyroïdiens opérés.
Fig. 1 : Arbre décisionnel chez des patients porteurs d’un ou plusieurs nodules thyroïdiens (2, 3, 12, 13).
normale
normale
ou
ou é
lev
levée
Basse
Basse
Nodule thyro
Nodule thyroï
dien
dien
1
1
cm
cm
ATCD, examen clinique
ATCD, examen clinique
TSH
TSH
é
valuation clinique
valuation clinique
é
cho
cho
graphie
graphie
+ cytologie
+ cytologie
Scintigraphie
Scintigraphie
123
123 I
- traitement
- traitement
131
131 I
- chirurgie
- chirurgie
- traitements alternatifs (
- traitements alternatifs (é
thanol, laser,
thanol, laser,
ultrasons focalis
ultrasons focalisé
s)
s)
Malin
Malin
5 %
5 %
nin
nin
60-80 %
60-80 %
Non
Non
Contributif
Contributif
5-15 %
5-15 %
Chirurgie
Chirurgie
Répé
ter
ter
cytologie
cytologie
-
-
Surveillance
Surveillance
- LT4
- LT4
- chirurgie
- chirurgie
- traitements alternatifs
- traitements alternatifs
thanol, laser, ultrasons
thanol, laser, ultrasons
focalis
focalisé
s)
s)
Douteux
Douteux
10
10
-30
-30
%
%
- surveillance
- surveillance
Tableau I
Caractéristiques de malignité des nodules thyroïdiens (3, 11).
Sensibilité Spécificité VPP VPN OR p
Solide 69-75 52-56 16-27 88-92
Hypoechogénécité 26-87 43-94 11-68 73-94
Microcalcifications 26-59 85-95 24-71 42-94 4.97 < 0.05
Contours flous ou pas de halo 17-77 39-85 9-60 39-98 16.8 < 10– 3
Plus haut que large 32 92 67 75
Vascularisation intranodulaire 54-74 79-81 24-42 86-97 14.3 < 10-3
VPP : valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative ; OR : odd ratio.
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3. Quelle est la place de la cytologie ?
La ponction du nodule pour étude cytologique à l’aiguille fine est
l’examen le plus sensible en faveur de la malignité
(fig. 1)
. Cet
examen simple, peu invasif, est bien toléré ; ses complications
sont rares et mineures (hématome au point de ponction, douleur,
malaise vagal). La cytologie divise par 4 le nombre de nodules
opérés et augmente la prévalence du cancer à 30 % dans ces séries
de nodules opérés. La série de Ravetto (37 895 cytoponctions)
rapporte une sensibilité de 91,8 % et une spécificité de 75,5 % (9).
La cytologie est effectuée sous échographie en cas de nodule non
palpable, profond ou en grande partie kystique. Ses indications
sont bien codifiées (2, 3, 10). Elle doit être dirigée sur les nodules
supracentimétriques, cliniquement ou échographiquement
suspects. Pour les nodules thyroïdiens non palpables, il est re-
commandé de ne ponctionner que les supracentimétriques, ou à
partir de 8 mm seulement si le contexte clinique est évocateur et/
ou si le nodule est solide et hypoéchogène (10, 11). Les recomman-
dations émises par un panel d’experts (Society of Radiologists in
Ultrasound) concernant ces incidentalomes sont plus nuancées
(tableau II)
(3). Mais ces recommandations ne règlent pas un cer-
tain nombre de questions soulevées par la pratique extensive de
la cytologie. En effet, y a-t-il bénéfice à diagnostiquer des petits
cancers papillaires connus pour être d’évolution lente et de
bon pronostic ? Est ce que le diagnostic d’un microcancer chez
un patient améliore son espérance de vie ? Est ce que l’augmen-
tation du nombre de cytologies n’entraîne pas une augmentation
du nombre de thyroïdectomies totales dont le rapport coût-béné-
fice n’est pas évalué ?
La cytologie reconnaît 50 à 95 % des cancers, en fonction de
l’expérience du ponctionneur et du cytologiste. Quatre classes de ré-
sultats sont possibles : malin (5 % des nodules), douteux (10 à 30 %),
bénin (60 à 80 %), non contributif (5 à 15 %). Dans ce dernier
cas, la cytoponction doit être renouvelée et la chirurgie conseillée en
cas d’échec répété de ce geste sur un nodule solide. En cas de cyto-
logie douteuse, correspondant souvent à des lésions folliculaires
pauvres en colloïde, la chirurgie est conseillée. Mais seulement 25 %
en moyenne de ces cytologies correspond à un cancer. Aucun mar-
queur de biologie moléculaire ne s’est imposé, en routine, pour aider
à mieux évaluer ces nodules douteux. Les recommandations améri-
caines proposent de réintroduire, à ce stade de la démarche diagno-
stique, la scintigraphie thyroïdienne à l’iode 123, afin d’éliminer un
nodule chaud dans le cadre d’une thyroïdite, dont les aspects cyto-
logiques peuvent parfois, du fait de leur cellularité, en imposer pour
une lésion suspecte. Ces cas correspondent à des faux positifs (thyroï-
dite, surcharge iodée, prise d’antithyroïdiens, nodules hyper-
fonctionnels, adénomes fœtaux).
Les faux négatifs de la cytoponction sont de l’ordre de 2 %. Ils
correspondent à des ponctions effectuées en zone bénigne, ou à
des cancers papillaires à présentation vésiculaire, ou enfin à des
cancers vésiculaires bien différenciés encapsulés à invasion
minime. La cytoponction contribue aussi à la surveillance des
nodules non opérés.
4. Que faire devant un goitre multinodulaire ?
Le risque de malignité est similaire, que le nodule soit isolé ou
situé au sein d’un goitre multinodulaire (4). Il est de règle de
ponctionner le nodule dominant, mais la taille du nodule n’est
pas un critère de malignité. Un schéma positionnant les nodules
est indispensable, pour bien repérer le nodule à ponctionner. La
détection des microcalcifications et de la vascularisation intrano-
dulaire a une bonne reproductibilité interobservateur. ll est donc
conseillé de ponctionner les nodules échographiquement sus-
pects, même s’ils ne sont pas les plus gros. Le cancer est présent,
dans un tiers des cas, dans ce nodule non dominant (3). Si la dys-
trophie nodulaire est telle que les nodules sont difficilement indi-
vidualisables, formant des conglomérats d’allure échographique
banale, il est logique de s’en tenir à la cytologie du plus gros
conglomérat, tout en sachant que la cytologie n’a dans ces cas
qu’une valeur relative.
Stratégies thérapeutiques
Elles sont imparfaitement codifiables, fonction de l’ensemble des
informations recueillies par l’enquête clinique et les explorations,
des habitudes des thérapeutes, du choix éclairé du patient
(fig. 1)
(2, 12, 13).
1. Chirurgie thyroïdienne
La chirurgie s’impose en cas de :
nodules cliniquement, échographiquement et/ou cytologique-
ment suspects,
élévation franche de la calcitonine,
volumineux nodules ou goitres multinodulaires compressifs,
• évolutivité d’un nodule solide ou mixte malgré deux cyto-
logies bénignes.
La lobectomie-isthmectomie, éventuellement élargie en thyroï-
dectomie totale en fonction des résultats de l’étude anatomo-
pathologique extemporanée du nodule, constitue un procédé
thérapeutique traditionnel. Elle est grévée d’un taux de récidive
de 30 à 40 % des cas, en cas de nodule bénin. Compte tenu de la
très fréquente dystrophie nodulaire controlatérale documentée
par l’échographie en préopératoire, les indications de la thyroï-
dectomie totale s’élargissent.
Tableau II
Recommandations : indications de la cytoponction échoguidée
en cas de nodule 1 cm (3).
Aspect échographique Recommandations
Nodule solitaire :
Microcalcifications US-FNAB si 1 cm
Solide (ou à prédominance
solide) ou macrocalcifications
US-FNAB si 1 cm
Mixte à prédominance solide
ou bourgeon solide au sein
d’un nodule kystique
US-FNAB si 2 cm
Aucun des signes précédents,
mais augmentation de volume
US-FNAB
Kystique, aucun signe cité
ci-dessus ; pas d’augmentation
de volume
US-FNAB non conseillée
Nodules multiples : US-FNAB sur 1 ou plusieurs
nodules, fondée sur critères
de sélection utilisés
pour le nodule isolé
US-FNAB : cytoponction échoguidée.
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2. Surveillance
La surveillance constitue une alternative à la chirurgie pour les
nodules non suspects. Elle s’effectue au plan clinique et écho-
graphique. Pour éviter une médicalisation excessive, l’ANDEM
a recommandé une surveillance clinique et échographique selon
un mode progressivement espacé : par exemple après 6 mois,
1 an, 2 ans, 5 ans, 10 ans… pour les formations apparemment
bénignes (1). Selon les recommandations américaines, une
échographie de surveillance est conseillée 6 à 18 mois après la
cytologie initiale. Pour les formations nodulaires initialement
considérées comme bénignes, cliniquement et cytologiquement,
l’évidence secondaire d’une malignité est possible, mais rare,
estimée entre 0,85 et 2 %. Le renouvellement de la cytologie se
justifie en cas d’augmentation de volume du nodule ou modifica-
tions de ses caractéristiques échographiques. La définition de
l’augmentation de volume est sujette à discussion, du fait de la
variabilité interopérateur de l’échographie. Une définition a été
publiée comme une augmentation de 20 % dans un diamètre,
avec une augmentation minimum de 2 mm dans au moins 2 dia-
mètres (2).
3. Traitement hormonal frénateur
Le traitement hormonal frénateur par l’hormone thyroïdien-
ne a pour intention de prévenir l’aggravation du nodule et la
dystrophie péri nodulaire. Son efficacité est controversée et la
connaissance de ses effets secondaires, cardiaques et osseux,
implique une évaluation du rapport bénéfice-risque avant
prescription. Il est déconseillé de principe chez les sujets de
plus de 50 ans (14).
4. Traitements alternatifs
Alcoolisation, laser, radiofréquence et destruction par ultrasons
focalisés de haute intensité de nodules cytologiquement bénins
ou d’adénomes toxiques font l’objet d’études en cours (13, 15).
Conclusion
Le nodule thyroïdien ne constitue pas une urgence diagnostique.
L’échographie thyroïdienne et la TSH sont les deux premiers
examens à réaliser. La cytoponction du nodule est guidée par les
données de l’échographie. Un nodule est échographiquement
suspect quand il est solide, hypoéchogène, à contours peu nets,
avec microcalcifications et vascularisation pénétrante centrale.
Dirigée sur les nodules suspects, la cytoponction reste, en 2008, le
meilleur examen pour sélectionner les patients à opérer. Le dia-
gnostic de certitude d’un cancer thyroïdien reste anatomopatho-
logique. La scintigraphie n’est indispensable qu’en cas de fréna-
tion de la TSH.
La lobectomie-isthmectomie ne constitue pas la meilleure appro-
che diagnostique et thérapeutique des nodules thyroïdiens.
L’augmentation des thyroïdectomies totales effectuées, suite au
constat échographique préopératoire d’une fréquente dystrophie
nodulaire bilatérale, est responsable d’une augmentation de l’in-
cidence des microcancers thyroïdiens de découverte fortuite à
l’histologie.
Références
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Points à retenir
Le nodule thyroïdien n’est pas une urgence diagnostique.
Le cancer thyroïdien différencié est de bon pronostic.
En 2008, la cytoponction reste le meilleur examen pour prédire la
malignité.
La scintigraphie thyroïdienne à l’iode 123 est le premier examen
à réaliser en cas de TSH basse.
Le cancer thyroïdien est aussi fréquent dans un nodule isolé que
dans un goitre.
La taille du nodule n’est pas un facteur prédictif de malignité.
En échographie, le caractère solide, hypoéchogène du nodule,
avec microcalcifications et vascularisation centrale, sont des
caractéristiques suspectes de malignité et qui doivent faire réaliser
une cytoponction.
Il existe une augmentation de l’incidence des microcancers de
type papillaire, souvent de découverte fortuite, dans des pièces de
thyroïdectomies.
Le traitement du cancer thyroïdien différencié repose sur la
thyroïdectomie totale, complétée si besoin par une totalisation
isotopique par l’iode 131.
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