J Radiol 2009;90:354-61 © 2009. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés formation médicale continue le point sur… Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien L Leenhardt Abstract Résumé Management of thyroid nodule J Radiol 2009;90:354-61 L’essor des techniques d’imagerie (échographie Doppler, scanner) est à l’origine d’une véritable « épidémie » de nodules thyroïdiens. Plus souvent observé chez la femme, sa prise en charge constitue un problème clinique courant. La cytoponction dirigée échographiquement sur le nodule à risque de malignité est actuellement le meilleur examen permettant de sélectionner les patients à opérer. La scintigraphie est un mauvais examen pour prédire la malignité, la petite taille du nodule n’est pas un caractère rassurant et la fréquence du cancer est similaire, que le nodule soit isolé ou au sein d’un goitre multinodulaire. Le cancer thyroïdien représente 9 à 13 % des nodules ponctionnés ; il est de bon pronostic dans sa forme différenciée. The widespread use of imaging (ultrasonography, doppler, CT) has led to an “epidemic” of thyroid nodules. More often observed in women, the management of thyroid nodules is a recurring problem in routine clinical practice. Fine needle aspiration cytology (FNAC) of suspicious nodule on ultrasound is the most reliable tool to select patients requiring surgery. Scintigraphy is not accurate enough to predict malignancy, the small size of a nodule is not a reassuring factor for the clinician and the prevalence of cancer is as frequent for isolated nodules or multinodular goiter. Thyroid cancer corresponds to 9 to13% of nodules undergoing FNAC and prognosis is good for differentiated carcinomas. Key words: Thyroid nodule. ultrasonography. ultrasound guided cytology. thyroid carcinoma. Mots-clés : Nodule thyroïdien. échographie. cytoponction échoguidée. cancer thyroïdien. e nodule thyroïdien est défini par une hypertrophie localisée de la glande thyroïde, qu’il soit palpable et/ou bien identifié à l’échographie. Les incidentalomes thyroïdiens, révélés dans la majorité des cas par des examens d’imagerie (échographie, doppler, scanner) correspondent à des nodules non palpables et/ou de découverte fortuite. La majorité des nodules thyroïdiens sont bénins et constituent la première manifestation d’une dystrophie plurinodulaire, dont le développement s’affirme au fil des décennies. Parmi ces nodules (palpables ou non), 5 à 10 % correspondent à des cancers, de bon pronostic dans leurs formes différenciées. Seuls les nodules de plus d’un centimètre doivent être explorés, car ils peuvent correspondre à un cancer cliniquement significatif. Des recommandations publiées récemment sont censées aider le praticien à la prise en charge de ces nodules (1-3), mais le coût des investigations et des surveillances, et l’incidence médico-légale des décisions d’intervention chirurgicale ou d’abstention ne sont pas prises en compte. Dans tous les cas, le nodule thyroïdien n’est pas une urgence diagnostique ni thérapeutique. de nodule thyroïdien. Certains facteurs familiaux de risque génétique de cancer thyroïdien sont bien individualisés : mutation du gène RET dans les néoplasies endocriniennes multiples de type II, mutation du gène PTEN dans le syndrome de Cowden, du gène APC dans la polypose colique familiale, du gène PKA dans le complexe de Carney. Mais ces causes génétiques sont rares et les facteurs de risque environnementaux prédisposant au cancer thyroïdien, comme l’irradiation cervicale durant l’enfance, sont à rechercher. Devant un nodule thyroïdien, l’enjeu est d’éliminer un cancer qui peut être présent dans 5 à 10 % des cas, voire 40 % en cas d’antécédents d’irradiation cervicale. L Histoire naturelle Le nodule thyroïdien présente 3 risques évolutifs : l’augmentation de volume, le passage à la toxicité et le risque de cancer. 1. Augmentation de volume Épidémiologie Environ 5 % de femmes et 1 % des hommes sont porteurs d’un nodule thyroïdien palpable. Les études autopsiques et échographiques ont montré que 19 à 67 % des adultes présentent des nodules occultes, cliniquement inapparents. Leur fréquence augmente avec l’âge. Les nodules sont 2 à 3 fois plus fréquents dans le sexe féminin. La grossesse, la carence relative en iode, l’irradiation cervicale sont des facteurs favorisant le développement Le caractère dystrophique plurinodulaire du parenchyme thyroïdien s’accroît avec l’âge. Bien que la régression spontanée de nodules soit possible (8 à 52 % des cas), l’augmentation de volume du nodule est souvent inexorable et ne constitue pas un critère de malignité. Les principales séries rapportent une augmentation de volume de 20 à 56 % des cas, sur un suivi moyen de 3 à 5 ans, mais la définition d’une augmentation significative de volume n’est pas toujours rigoureuse, ni homogène, entre les séries. 2. Passage à la toxicité Service de Médecine Nucléaire, Groupe Hospitalier Pitié Salpétrière, 83 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Correspondance : L Leenhardt, E-mail : [email protected] Le risque de passage à la toxicité, s’observant en cas de nodule chaud, est de 4 % par an. Ce risque est corrélé à la taille du nodule et à l’étendue de la multinodularité. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) L Leenhardt 3. Risque de cancer Les chiffres avancés concernant le risque de cancer sont assez variables en fonction des critères diagnostiques. Dans l’étude autopsique de la Mayo Clinic, 4,2 % des nodules répondaient à des cancers. La proportion de sujets atteints de microcancers, découverts par l’examen systématique de la glande thyroïde en coupes sériées, a été estimée entre 2,5 et 37 % des populations étudiées. Cette prévalence dépend de l’épaisseur des coupes histologiques examinées. En pratique, le risque qu’un nodule soit malin est proche de 5 %, indépendamment de sa taille, qui intervient seulement dans le pronostic du cancer. La proportion de cancers apparaît aussi importante dans les nodules solitaires qu’au sein des goitres multinodulaires (4). La prévalence du cancer dans les nodules soumis à une cytoponction est de 9.2 à 13 % (3). Comparativement à la prévalence élevée des nodules, l’incidence de cancers thyroïdiens diagnostiqués est faible : elle est estimée en France par an et pour 100 000 personnes à 7,5 chez la femme, et 2,1 chez l’homme (5). La mortalité par cancer thyroïdien est très réduite : 0,3 pour 100 000 habitants et par an, soit un peu plus de 400 décès par an. La forme histologique la plus fréquente est le cancer papillaire (75-80 % des cas), de bon pronostic, avec une survie de 99 % à 20 ans après chirurgie (6). L’augmentation actuellement observée de l’incidence des cancers thyroïdiens concerne les microcancers de type papillaire. L’intensification des pratiques de dépistage explique en partie cette augmentation d’incidence (7). En définitive, les cancers de la thyroïde sont fréquents à un stade infraclinique, mais rarement diagnostiqués, et exceptionnellement causes de décès. Il n’est donc pas justifié de les dépister de façon systématique, sauf si le contexte familial est évocateur. Exploration et prise en charge du nodule thyroïdien Dans un certain nombre de situations cliniques, le contexte suffit à orienter vers un diagnostic précis, limitant les explorations : • apparition brutale d’un nodule douloureux en faveur d’un hématocèle ; • nodule douloureux et syndrome grippal en faveur d’une thyroïdite subaiguë à forme nodulaire ; • hyperthyroïdie en faveur d’un nodule toxique ; • nodule dur, signes compressifs (paralysie récurrentielle) et adénopathies satellites en faveur d’un nodule cancéreux. Le plus souvent, le nodule est en apparence cliniquement isolé. Il est très souvent découvert à l’occasion d’examens d’imagerie (échographie, Doppler des troncs supraaortiques, scanner ou IRM cervicale, tomographie à émissions de positons), ou lors de la chirurgie pour hyperparathyroïdie. On retiendra que seuls les nodules supracentimétriques méritent évaluation, car ils peuvent correspondre à un cancer de taille significative. Parfois, de petits nodules infracentimétriques peuvent justifier une exploration, mais il existe dans ces cas un contexte particulier : échographie suspecte, irradiation cervicale dans l’enfance, histoire familiale de cancer thyroïdien. Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien 355 La stratégie de prise en charge d’un nodule thyroïdien, présentée sous forme de questions réponses pour le clinicien, est fondée sur les dernières recommandations publiées (2). 1. Quels signes pertinents rechercher à l’interrogatoire et à l’examen clinique ? Devant la découverte d’un nodule thyroïdien, un interrogatoire précisant les antécédents et l’allure clinique évolutive de ce nodule est effectué : antécédents d’irradiation cervicale, histoire familiale de cancer thyroïdien, augmentation rapide de volume ; un changement de voix fait évoquer une paralysie récurrentielle. La palpation cervicale recherche des adénopathies, des signes compressifs, le caractère dur et fixé du nodule. Le sexe masculin et l’âge de moins de 16 ans ou plus de 60 sont des facteurs de risque de cancer. 2. Quels bilans biologique et d’imagerie réaliser ? Un dosage de TSH et une échographie thyroïdienne sont les examens complémentaires à réaliser en première intention (fig. 1). Si la TSH est basse, le premier examen morphologique à demander est une scintigraphie thyroïdienne, de préférence à l’iode 123 plutôt qu’au Technetium, afin d’éliminer un nodule toxique ou prétoxique, responsable d’une hyperthyroïdie patente ou subclinique. Si la TSH est normale ou élevée : • l’échographie est le premier examen morphologique à réaliser. Il confirme le diagnostic de nodule et vérifie si le nodule observé correspond bien à l’anomalie palpatoire. L’échographie précise la topographie du nodule, ses caractéristiques et celle du reste du parenchyme thyroïdien (nodule isolé ou non, thyroïdite). Les nodules solides, hypoéchogènes, hypervasculaires, à contours peu nets, sans halo complet, sont particulièrement suspects. La présence de microcalcifications est suggestive de calcosphérites observées dans les cancers papillaires. Les sensibilités et spécificité de ces signes sont très variables d’une étude à l’autre (tableau I). Le signe ayant la plus grande sensibilité est le caractère solide (69-75 %), mais sa valeur prédictive positive est faible (VPP) (15-27 %). Le signe ayant la meilleure VPP (41,894,2 %) est la présence de microcalcifications, mais elles ne sont présentes que dans 26.1 à 59.1 % des cancers (faible sensibilité). Au Doppler Couleur ou Doppler Energie, la vascularisation de type 4, c’est-à-dire centrale, radiaire et pénétrante, est suspecte. Le cancer est hypervascularisé dans 44 à 100 % des cas. La probabilité d’avoir un cancer quand il y a une hypervascularisation est d’environ 61 % (VPP), mais ce chiffre de VPP est variable selon la composition de l’échantillon dans lequel cette VPP est calculée ; en particulier, la VPP est bonne s’il y a peu de nodules bénins hypervasculaires dans la série c’est-à-dire peu de faux positifs (< 4 %). Par ailleurs, les cancers peu vasculaires ou faux négatifs existent et sont de l’ordre de 30 %. La probabilité que le nodule soit bénin quand la vascularisation est pauvre (valeur prédictive négative) est de 78100 %. Tout compte fait, c’est l’association des signes échographiques de suspicion tels que l’absence de halo, l’existence de microcalcifications et une vascularisation de type mixte ou pénétrante centrale qui améliore la valeur prédictive positive de l’échographie en faveur de la malignité d’un nodule thyroïdien. La taille du nodule n’est pas prédictive de malignité. J Radiol 2009;90 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) 356 Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien L Leenhardt Nodule thyro thyroïdien dien ≥ 1 cm ATCD, examen clinique TSH Basse normale ou élev levée évaluation valuation clinique écho chographie graphie + cytologie - traitement Bénin nin 60-80 % Non Contributif 5-15 % Scintigraphie Douteux 10-30 10 -30 % Malin 5% 131 123 I I - chirurgie - surveillance Chirurgie - Surveillance - traitements alternatifs ((éthanol, thanol, laser, ultrasons focalis focalisés) s) - LT4 Répéter ter cytologie - chirurgie - traitements alternatifs (éthanol, thanol, laser, ultrasons focalisés) focalis s) Fig. 1 : Arbre décisionnel chez des patients porteurs d’un ou plusieurs nodules thyroïdiens (2, 3, 12, 13). Tableau I Caractéristiques de malignité des nodules thyroïdiens (3, 11). Sensibilité Spécificité VPP VPN OR p Solide 69-75 52-56 16-27 88-92 Hypoechogénécité 26-87 43-94 11-68 73-94 Microcalcifications 26-59 85-95 24-71 42-94 4.97 < 0.05 Contours flous ou pas de halo 17-77 39-85 9-60 39-98 16.8 < 10– 3 14.3 < 10-3 Plus haut que large 32 92 67 75 Vascularisation intranodulaire 54-74 79-81 24-42 86-97 VPP : valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative ; OR : odd ratio. L’examen échographique recherche d’éventuelles adénopathies qui, si elles sont arrondies, vascularisées, avec disparition du hile et présence de microcalcifications et kystisation sont évocatrices de métastases. • la scintigraphie en cas de TSH normale n’a guère d’intérêt, car 90 % des nodules sont hypofixants, et seuls 5 à 10 % d’entre eux sont malins. L’utilité d’un dosage systématique de la thyrocalcitonine a été évaluée dans des séries prospectives non randomisées (8). Ces études suggèrent que l’utilisation en routine de ce dosage permet le dépistage d’hyperplasie des cellules C et de cancer médullaire à un stade précoce, mais l’étude du rapport coût – bénéfice ne permet pas de dégager un consensus en faveur d’un dosage systématique devant tout nodule thyroïdien. Un taux élevé de thyrocalcitonine, supérieur à 50 ou 100 pg/ml, constitue un argument en faveur d’un cancer médullaire de la thyroïde. La thyroïdectomie et le curage lymphatique sont alors indispensables à envisager, avec des modalités particulières. Le dosage de la thyroglobuline n’a pas de place dans la reconnaissance du caractère bénin ou malin d’un nodule thyroïdien. Le dosage de la thyroglobuline n’a d’utilité que pour la surveillance des cancers thyroïdiens opérés. J Radiol 2009;90 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) L Leenhardt 3. Quelle est la place de la cytologie ? La ponction du nodule pour étude cytologique à l’aiguille fine est l’examen le plus sensible en faveur de la malignité (fig. 1). Cet examen simple, peu invasif, est bien toléré ; ses complications sont rares et mineures (hématome au point de ponction, douleur, malaise vagal). La cytologie divise par 4 le nombre de nodules opérés et augmente la prévalence du cancer à 30 % dans ces séries de nodules opérés. La série de Ravetto (37 895 cytoponctions) rapporte une sensibilité de 91,8 % et une spécificité de 75,5 % (9). La cytologie est effectuée sous échographie en cas de nodule non palpable, profond ou en grande partie kystique. Ses indications sont bien codifiées (2, 3, 10). Elle doit être dirigée sur les nodules supracentimétriques, cliniquement ou échographiquement suspects. Pour les nodules thyroïdiens non palpables, il est recommandé de ne ponctionner que les supracentimétriques, ou à partir de 8 mm seulement si le contexte clinique est évocateur et/ ou si le nodule est solide et hypoéchogène (10, 11). Les recommandations émises par un panel d’experts (Society of Radiologists in Ultrasound) concernant ces incidentalomes sont plus nuancées (tableau II) (3). Mais ces recommandations ne règlent pas un certain nombre de questions soulevées par la pratique extensive de la cytologie. En effet, y a-t-il bénéfice à diagnostiquer des petits cancers papillaires connus pour être d’évolution lente et de bon pronostic ? Est ce que le diagnostic d’un microcancer chez un patient améliore son espérance de vie ? Est ce que l’augmentation du nombre de cytologies n’entraîne pas une augmentation du nombre de thyroïdectomies totales dont le rapport coût-bénéfice n’est pas évalué ? La cytologie reconnaît 50 à 95 % des cancers, en fonction de l’expérience du ponctionneur et du cytologiste. Quatre classes de résultats sont possibles : malin (5 % des nodules), douteux (10 à 30 %), bénin (60 à 80 %), non contributif (5 à 15 %). Dans ce dernier cas, la cytoponction doit être renouvelée et la chirurgie conseillée en cas d’échec répété de ce geste sur un nodule solide. En cas de cytologie douteuse, correspondant souvent à des lésions folliculaires Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien 357 pauvres en colloïde, la chirurgie est conseillée. Mais seulement 25 % en moyenne de ces cytologies correspond à un cancer. Aucun marqueur de biologie moléculaire ne s’est imposé, en routine, pour aider à mieux évaluer ces nodules douteux. Les recommandations américaines proposent de réintroduire, à ce stade de la démarche diagnostique, la scintigraphie thyroïdienne à l’iode 123, afin d’éliminer un nodule chaud dans le cadre d’une thyroïdite, dont les aspects cytologiques peuvent parfois, du fait de leur cellularité, en imposer pour une lésion suspecte. Ces cas correspondent à des faux positifs (thyroïdite, surcharge iodée, prise d’antithyroïdiens, nodules hyperfonctionnels, adénomes fœtaux). Les faux négatifs de la cytoponction sont de l’ordre de 2 %. Ils correspondent à des ponctions effectuées en zone bénigne, ou à des cancers papillaires à présentation vésiculaire, ou enfin à des cancers vésiculaires bien différenciés encapsulés à invasion minime. La cytoponction contribue aussi à la surveillance des nodules non opérés. 4. Que faire devant un goitre multinodulaire ? Le risque de malignité est similaire, que le nodule soit isolé ou situé au sein d’un goitre multinodulaire (4). Il est de règle de ponctionner le nodule dominant, mais la taille du nodule n’est pas un critère de malignité. Un schéma positionnant les nodules est indispensable, pour bien repérer le nodule à ponctionner. La détection des microcalcifications et de la vascularisation intranodulaire a une bonne reproductibilité interobservateur. ll est donc conseillé de ponctionner les nodules échographiquement suspects, même s’ils ne sont pas les plus gros. Le cancer est présent, dans un tiers des cas, dans ce nodule non dominant (3). Si la dystrophie nodulaire est telle que les nodules sont difficilement individualisables, formant des conglomérats d’allure échographique banale, il est logique de s’en tenir à la cytologie du plus gros conglomérat, tout en sachant que la cytologie n’a dans ces cas qu’une valeur relative. Stratégies thérapeutiques Tableau II Recommandations : indications de la cytoponction échoguidée en cas de nodule ≥ 1 cm (3). Aspect échographique Recommandations Nodule solitaire : Microcalcifications US-FNAB si ≥ 1 cm Solide (ou à prédominance solide) ou macrocalcifications US-FNAB si ≥ 1 cm Mixte à prédominance solide ou bourgeon solide au sein d’un nodule kystique US-FNAB si ≥ 2 cm Aucun des signes précédents, mais augmentation de volume US-FNAB Kystique, aucun signe cité ci-dessus ; pas d’augmentation de volume US-FNAB non conseillée Nodules multiples : US-FNAB sur 1 ou plusieurs nodules, fondée sur critères de sélection utilisés pour le nodule isolé US-FNAB : cytoponction échoguidée. Elles sont imparfaitement codifiables, fonction de l’ensemble des informations recueillies par l’enquête clinique et les explorations, des habitudes des thérapeutes, du choix éclairé du patient (fig. 1) (2, 12, 13). 1. Chirurgie thyroïdienne La chirurgie s’impose en cas de : • nodules cliniquement, échographiquement et/ou cytologiquement suspects, • élévation franche de la calcitonine, • volumineux nodules ou goitres multinodulaires compressifs, • évolutivité d’un nodule solide ou mixte malgré deux cytologies bénignes. La lobectomie-isthmectomie, éventuellement élargie en thyroïdectomie totale en fonction des résultats de l’étude anatomopathologique extemporanée du nodule, constitue un procédé thérapeutique traditionnel. Elle est grévée d’un taux de récidive de 30 à 40 % des cas, en cas de nodule bénin. Compte tenu de la très fréquente dystrophie nodulaire controlatérale documentée par l’échographie en préopératoire, les indications de la thyroïdectomie totale s’élargissent. J Radiol 2009;90 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) 358 Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien L Leenhardt 2. Surveillance La surveillance constitue une alternative à la chirurgie pour les nodules non suspects. Elle s’effectue au plan clinique et échographique. Pour éviter une médicalisation excessive, l’ANDEM a recommandé une surveillance clinique et échographique selon un mode progressivement espacé : par exemple après 6 mois, 1 an, 2 ans, 5 ans, 10 ans… pour les formations apparemment bénignes (1). Selon les recommandations américaines, une échographie de surveillance est conseillée 6 à 18 mois après la cytologie initiale. Pour les formations nodulaires initialement considérées comme bénignes, cliniquement et cytologiquement, l’évidence secondaire d’une malignité est possible, mais rare, estimée entre 0,85 et 2 %. Le renouvellement de la cytologie se justifie en cas d’augmentation de volume du nodule ou modifications de ses caractéristiques échographiques. La définition de l’augmentation de volume est sujette à discussion, du fait de la variabilité interopérateur de l’échographie. Une définition a été publiée comme une augmentation de 20 % dans un diamètre, avec une augmentation minimum de 2 mm dans au moins 2 diamètres (2). 3. Traitement hormonal frénateur Le traitement hormonal frénateur par l’hormone thyroïdienne a pour intention de prévenir l’aggravation du nodule et la dystrophie péri nodulaire. Son efficacité est controversée et la connaissance de ses effets secondaires, cardiaques et osseux, implique une évaluation du rapport bénéfice-risque avant prescription. Il est déconseillé de principe chez les sujets de plus de 50 ans (14). Points à retenir • Le nodule thyroïdien n’est pas une urgence diagnostique. • Le cancer thyroïdien différencié est de bon pronostic. • En 2008, la cytoponction reste le meilleur examen pour prédire la malignité. • La scintigraphie thyroïdienne à l’iode 123 est le premier examen à réaliser en cas de TSH basse. • Le cancer thyroïdien est aussi fréquent dans un nodule isolé que dans un goitre. • La taille du nodule n’est pas un facteur prédictif de malignité. • En échographie, le caractère solide, hypoéchogène du nodule, avec microcalcifications et vascularisation centrale, sont des caractéristiques suspectes de malignité et qui doivent faire réaliser une cytoponction. • Il existe une augmentation de l’incidence des microcancers de type papillaire, souvent de découverte fortuite, dans des pièces de thyroïdectomies. • Le traitement du cancer thyroïdien différencié repose sur la thyroïdectomie totale, complétée si besoin par une totalisation isotopique par l’iode 131. Références 1. 2. 3. 4. 5. 4. Traitements alternatifs Alcoolisation, laser, radiofréquence et destruction par ultrasons focalisés de haute intensité de nodules cytologiquement bénins ou d’adénomes toxiques font l’objet d’études en cours (13, 15). Conclusion Le nodule thyroïdien ne constitue pas une urgence diagnostique. L’échographie thyroïdienne et la TSH sont les deux premiers examens à réaliser. La cytoponction du nodule est guidée par les données de l’échographie. Un nodule est échographiquement suspect quand il est solide, hypoéchogène, à contours peu nets, avec microcalcifications et vascularisation pénétrante centrale. Dirigée sur les nodules suspects, la cytoponction reste, en 2008, le meilleur examen pour sélectionner les patients à opérer. Le diagnostic de certitude d’un cancer thyroïdien reste anatomopathologique. La scintigraphie n’est indispensable qu’en cas de frénation de la TSH. La lobectomie-isthmectomie ne constitue pas la meilleure approche diagnostique et thérapeutique des nodules thyroïdiens. L’augmentation des thyroïdectomies totales effectuées, suite au constat échographique préopératoire d’une fréquente dystrophie nodulaire bilatérale, est responsable d’une augmentation de l’incidence des microcancers thyroïdiens de découverte fortuite à l’histologie. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. ANDEM. Recommandations pour la Pratique Clinique : la prise en charge du nodule thyroïdien. Ann Endocrinol 1996;57: 526-35. Cooper DS, Doherty GM, Haugen BR, et al. Management guidelines for patients with thyroid nodules and differentiated thyroid cancer. Thyroid 2006;16:109-42. Frates MC, Benson CB, Charboneau JW, et al. Management of thyroid nodules detected at US: Society of Radiologists in Ultrasound consensus conference statement. Radiology 2005;237:794-800. Frates MC, Benson CB, Doubilet PM, et al. 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La TSH est à 1.45 mUI/l. Ci-joint le compte rendu de l’échographie thyroïdienne que vous avez demandée (questions 2 et 3). Vous proposez la réalisation d’une cytoponction des nodules thyroïdiens (question 4). Le résultat de la cytoponction au niveau du plus gros nodule est non contributif (questions 5 et 6). Questions Échographie thyroïdienne Madame DU. Fernande 4 novembre 2007 Indication : tuméfaction cervicale Résultats La glande est hypertrophiée dans toutes ses dimensions : le lobe droit mesure 65 mm de hauteur le lobe gauche 25 mm de largeur Dans le lobe droit, on retrouve un nodule de 3 cm de diamètre, échogène. L’étude doppler montre une vascularisation modérée. Le reste du parenchyme est dystrophique, avec 3 ou 4 nodules disséminés dans la glande, en partie du côté gauche. Ils sont cependant non kystiques. L’un d’entre eux fait 12 mm, il est solide hypoéchogène ; l’autre fait 19 mm, mais est kystique seulement dans sa partie supérieure. Adénomégalie physiologique jugulocarotidienne moyenne droite. Conclusion Goitre avec nodules multiples prédominant sur le lobe droit, incitant à réaliser une scintigraphie et une cytoponction avec aspiration. 1) Quels sont les éléments cliniques que vous devez recueillir à l’interrogatoire et à la palpation ? 2) Que pensez-vous du compte rendu d’échographie ? Quelles informations sont manquantes ? 3) Faites-vous une scintigraphie thyroïdienne ? 4) Y a t’il des précautions à prendre avant de réaliser la cytoponction ? a. Comment classe-t-on les résultats de la cytoponction ? b. Quels sont les critères qui vous permettent de choisir le ou les nodules à ponctionner ? c. Quelle technique conseillez-vous (directe ou échoguidée) ? Justifiez. 5) Donner la définition d’un prélèvement non contributif. Que faut-il faire dans ce cas ? 6) Quel traitement proposez-vous ? J Radiol 2009;90 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) 360 Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien Réponses 1) L’interrogatoire et l’examen cliniques doivent rechercher les points suivants : • antécédents familiaux, de cancer, une éventuelle polypose colique familiale ; • antécédents de goitre familial, d’irradiation cervicale ; • origine géographique : Massif Central : zone d’endémie goitreuse ; • gêne cervicale, modification de la voix, gêne à la déglutition ; • augmentation récente ou progressive de volume ? Douleur ? • consistance du goitre et du nodule prédominant (dur, fixé ?) • recherche d’adénopathies palpables et d’une déviation trachéale et/ou du caractère plongeant de la glande. 2) Critique du compte rendu (CR) et informations manquantes. Compte rendu médiocre, car il manque beaucoup de données (cf. critères de qualité d’un compte rendu d’échographie publié dans les recommandations de l’ANDEM en 95). En bref, insistons sur la mesure nécessaire des 2 lobes droit et gauche dans leurs 3 dimensions (hauteur, épaisseur, largeur) et sur l’appréciation du retentissement trachéal et l’analyse des aires ganglionnaires. Il faut analyser le parenchyme et chaque nodule (échostructure et échogénécité). Insistons sur la nécessité d’un schéma (ci-dessous le CR de référence). 3) La scintigraphie thyroïdienne n’est plus systématique si la TSH est normale ou haute. 4) Précautions à prendre et informations à donner au patient avant de réaliser la cytoponction : l’arrêt de l’aspirine 8 jours avant est conseillé, si celui-ci est possible. Il faut informer le L Leenhardt patient des limites de l’examen (10 % d’échec de ponction ou prélèvements dits non contributifs, 2 % de faux négatifs, 5 % de cancers). a. Les résultats de cytologie se classent en bénin, suspect, malin, ininterprétable. b. Les critères de choix du nodule à ponctionner sont cliniques, si un des nodules est dur, mais aussi échographiques : taille du nodule, échostructure et échogénécité. Seront préférentiellement ponctionnés les nodules supracentimétriques solides, hypoéchogènes, à contours peu nets, avec microcalcifications et vascularisation mixte. Rappelons cependant que le risque de cancer n’est pas lié à la taille du nodule et est le même pour un nodule isolé que pour un nodule au sein d’un goitre multinodulaire. c. Technique de ponction : • cytoponction directe : nodule palpable solide ou mixte à prédominance solide ; • cytoponction échoguidée : nodule non palpable ou bien palpable, mais à prédominance kystique. 5) Prélèvement non contributif : moins de 6 amas cellulaires par lame. Conduite à tenir : renouveler la ponction dans un délai de 6 mois si le nodule n’est pas kystique, voire plus tôt si le nodule est cliniquement et/ou échographiquement suspect. Traitement : en cas de 2 ponctions non contributives, proposer la chirurgie. 6) Proposer la surveillance ou la chirurgie en fonction des résultats de cytologie, de la gêne clinique éventuelle et de l’évolution. Compte rendu d’échographie de référence Échographie thyroïdienne Madame DU… Fernande 4 novembre 2007 Indication : tuméfaction cervicale Technique : marque de l’échographe Mise en service le 30 janvier 2006. Résultats La glande est modérément hypertrophiée, asymétrique, prédominant sur le lobe droit. LOBE DROIT Il mesure 65 mm de hauteur sur 21 mm d’épaisseur sur 23 mm de largeur. Il est le siège : – d’un gros nodule basilobaire droit (N° 1) de 30 x 19 x 15 mm, mixte, à prédominance solide, isoéchogène, à contours nets. Pas de microcalcifications. La vascularisation est mixte péri et intranodulaire, – d’un micronodule associé (N° 2), apical droit, kystique de 4 mm. ISTHME : il fait 5 mm d’épaisseur et est homogène. LOBE GAUCHE Il mesure 57 mm de hauteur sur 16 mm d’épaisseur sur 18 mm de largeur. Il est le siège : – d’un nodule (N° 3) basilobaire gauche, postérieur, de 12 x 11 x 10 mm solide hypoéchogène, à contours nets, avec une microcalcification centrale et une vascularisation pénétrante centrale, – d’un nodule (N°4) apical gauche de 19 x 15 x 12 mm, mixte à prédominance kystique, à contours nets, avasculaire. PAR AILLEURS : – vascularisation normale du parenchyme. Pas de signe de thyroïdite auto-immune ; absence de déviation trachéale. – ganglion jugulo-carotidien droit moyen d’aspect aplati, banal. Conclusion Goitre multinodulaire de volume modéré avec 1 nodule prédominant basilobaire droit. Pas de signe compressif ni de retentissement trachéal ni de caractère plongeant du goitre. Cytoponction échoguidée du nodule N° 1 (3 passages à l’aiguille fine) et N° 3 (2 passages). Pas de complications (schéma 1). J Radiol 2009;90 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) L Leenhardt Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien Fig. : Schéma 1 : Compte rendu et schéma échographie thyroïdienne de référence. Schéma 1 : Compte rendu et schéma échographie thyroïdienne de référence. J Radiol 2009;90 © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 04/03/2010 par SCD ANGERS UNIVERSITE (99124) 361