formation médicale continue

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J Radiol 2009;90:354-61
© 2009. Éditions Françaises de Radiologie.
Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
formation médicale continue
le point sur…
Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
L Leenhardt
Abstract
Résumé
Management of thyroid nodule
J Radiol 2009;90:354-61
L’essor des techniques d’imagerie (échographie Doppler, scanner) est
à l’origine d’une véritable « épidémie » de nodules thyroïdiens. Plus
souvent observé chez la femme, sa prise en charge constitue un
problème clinique courant. La cytoponction dirigée échographiquement sur le nodule à risque de malignité est actuellement le
meilleur examen permettant de sélectionner les patients à opérer. La
scintigraphie est un mauvais examen pour prédire la malignité, la
petite taille du nodule n’est pas un caractère rassurant et la fréquence
du cancer est similaire, que le nodule soit isolé ou au sein d’un goitre
multinodulaire. Le cancer thyroïdien représente 9 à 13 % des nodules
ponctionnés ; il est de bon pronostic dans sa forme différenciée.
The widespread use of imaging (ultrasonography, doppler, CT) has led to
an “epidemic” of thyroid nodules. More often observed in women, the
management of thyroid nodules is a recurring problem in routine clinical
practice. Fine needle aspiration cytology (FNAC) of suspicious nodule on
ultrasound is the most reliable tool to select patients requiring surgery.
Scintigraphy is not accurate enough to predict malignancy, the small size of
a nodule is not a reassuring factor for the clinician and the prevalence of
cancer is as frequent for isolated nodules or multinodular goiter. Thyroid
cancer corresponds to 9 to13% of nodules undergoing FNAC and
prognosis is good for differentiated carcinomas.
Key words: Thyroid nodule. ultrasonography. ultrasound guided
cytology. thyroid carcinoma.
Mots-clés : Nodule thyroïdien. échographie. cytoponction
échoguidée. cancer thyroïdien.
e nodule thyroïdien est défini par une hypertrophie localisée de
la glande thyroïde, qu’il soit palpable et/ou bien identifié à
l’échographie. Les incidentalomes thyroïdiens, révélés dans la
majorité des cas par des examens d’imagerie (échographie, doppler,
scanner) correspondent à des nodules non palpables et/ou de découverte fortuite. La majorité des nodules thyroïdiens sont bénins et
constituent la première manifestation d’une dystrophie plurinodulaire, dont le développement s’affirme au fil des décennies. Parmi ces
nodules (palpables ou non), 5 à 10 % correspondent à des cancers, de
bon pronostic dans leurs formes différenciées. Seuls les nodules de
plus d’un centimètre doivent être explorés, car ils peuvent correspondre à un cancer cliniquement significatif. Des recommandations
publiées récemment sont censées aider le praticien à la prise en charge de ces nodules (1-3), mais le coût des investigations et des surveillances, et l’incidence médico-légale des décisions d’intervention
chirurgicale ou d’abstention ne sont pas prises en compte. Dans tous
les cas, le nodule thyroïdien n’est pas une urgence diagnostique ni
thérapeutique.
de nodule thyroïdien. Certains facteurs familiaux de risque génétique de cancer thyroïdien sont bien individualisés : mutation du
gène RET dans les néoplasies endocriniennes multiples de type
II, mutation du gène PTEN dans le syndrome de Cowden, du
gène APC dans la polypose colique familiale, du gène PKA dans
le complexe de Carney. Mais ces causes génétiques sont rares et
les facteurs de risque environnementaux prédisposant au cancer
thyroïdien, comme l’irradiation cervicale durant l’enfance, sont à
rechercher. Devant un nodule thyroïdien, l’enjeu est d’éliminer
un cancer qui peut être présent dans 5 à 10 % des cas, voire 40 %
en cas d’antécédents d’irradiation cervicale.
L
Histoire naturelle
Le nodule thyroïdien présente 3 risques évolutifs : l’augmentation de volume, le passage à la toxicité et le risque de cancer.
1. Augmentation de volume
Épidémiologie
Environ 5 % de femmes et 1 % des hommes sont porteurs d’un
nodule thyroïdien palpable. Les études autopsiques et échographiques ont montré que 19 à 67 % des adultes présentent des
nodules occultes, cliniquement inapparents. Leur fréquence
augmente avec l’âge. Les nodules sont 2 à 3 fois plus fréquents
dans le sexe féminin. La grossesse, la carence relative en iode, l’irradiation cervicale sont des facteurs favorisant le développement
Le caractère dystrophique plurinodulaire du parenchyme thyroïdien s’accroît avec l’âge. Bien que la régression spontanée de
nodules soit possible (8 à 52 % des cas), l’augmentation de volume
du nodule est souvent inexorable et ne constitue pas un critère de
malignité. Les principales séries rapportent une augmentation de
volume de 20 à 56 % des cas, sur un suivi moyen de 3 à 5 ans, mais
la définition d’une augmentation significative de volume n’est
pas toujours rigoureuse, ni homogène, entre les séries.
2. Passage à la toxicité
Service de Médecine Nucléaire, Groupe Hospitalier Pitié Salpétrière, 83 boulevard de
l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Correspondance : L Leenhardt,
E-mail : [email protected]
Le risque de passage à la toxicité, s’observant en cas de nodule
chaud, est de 4 % par an. Ce risque est corrélé à la taille du nodule
et à l’étendue de la multinodularité.
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L Leenhardt
3. Risque de cancer
Les chiffres avancés concernant le risque de cancer sont assez
variables en fonction des critères diagnostiques. Dans l’étude
autopsique de la Mayo Clinic, 4,2 % des nodules répondaient à
des cancers. La proportion de sujets atteints de microcancers,
découverts par l’examen systématique de la glande thyroïde en
coupes sériées, a été estimée entre 2,5 et 37 % des populations
étudiées. Cette prévalence dépend de l’épaisseur des coupes
histologiques examinées. En pratique, le risque qu’un nodule soit
malin est proche de 5 %, indépendamment de sa taille, qui intervient seulement dans le pronostic du cancer. La proportion de
cancers apparaît aussi importante dans les nodules solitaires
qu’au sein des goitres multinodulaires (4). La prévalence du
cancer dans les nodules soumis à une cytoponction est de 9.2 à
13 % (3).
Comparativement à la prévalence élevée des nodules, l’incidence
de cancers thyroïdiens diagnostiqués est faible : elle est estimée
en France par an et pour 100 000 personnes à 7,5 chez la femme,
et 2,1 chez l’homme (5). La mortalité par cancer thyroïdien est
très réduite : 0,3 pour 100 000 habitants et par an, soit un peu plus
de 400 décès par an. La forme histologique la plus fréquente est
le cancer papillaire (75-80 % des cas), de bon pronostic, avec une
survie de 99 % à 20 ans après chirurgie (6). L’augmentation actuellement observée de l’incidence des cancers thyroïdiens
concerne les microcancers de type papillaire. L’intensification
des pratiques de dépistage explique en partie cette augmentation
d’incidence (7).
En définitive, les cancers de la thyroïde sont fréquents à un
stade infraclinique, mais rarement diagnostiqués, et exceptionnellement causes de décès. Il n’est donc pas justifié de les
dépister de façon systématique, sauf si le contexte familial est
évocateur.
Exploration et prise en charge du nodule
thyroïdien
Dans un certain nombre de situations cliniques, le contexte suffit
à orienter vers un diagnostic précis, limitant les explorations :
• apparition brutale d’un nodule douloureux en faveur d’un
hématocèle ;
• nodule douloureux et syndrome grippal en faveur d’une
thyroïdite subaiguë à forme nodulaire ;
• hyperthyroïdie en faveur d’un nodule toxique ;
• nodule dur, signes compressifs (paralysie récurrentielle) et
adénopathies satellites en faveur d’un nodule cancéreux.
Le plus souvent, le nodule est en apparence cliniquement isolé.
Il est très souvent découvert à l’occasion d’examens d’imagerie
(échographie, Doppler des troncs supraaortiques, scanner ou
IRM cervicale, tomographie à émissions de positons), ou lors de
la chirurgie pour hyperparathyroïdie. On retiendra que seuls les
nodules supracentimétriques méritent évaluation, car ils peuvent
correspondre à un cancer de taille significative. Parfois, de petits
nodules infracentimétriques peuvent justifier une exploration,
mais il existe dans ces cas un contexte particulier : échographie
suspecte, irradiation cervicale dans l’enfance, histoire familiale
de cancer thyroïdien.
Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
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La stratégie de prise en charge d’un nodule thyroïdien, présentée
sous forme de questions réponses pour le clinicien, est fondée sur
les dernières recommandations publiées (2).
1. Quels signes pertinents rechercher
à l’interrogatoire et à l’examen clinique ?
Devant la découverte d’un nodule thyroïdien, un interrogatoire
précisant les antécédents et l’allure clinique évolutive de ce
nodule est effectué : antécédents d’irradiation cervicale, histoire
familiale de cancer thyroïdien, augmentation rapide de volume ;
un changement de voix fait évoquer une paralysie récurrentielle.
La palpation cervicale recherche des adénopathies, des signes
compressifs, le caractère dur et fixé du nodule. Le sexe masculin
et l’âge de moins de 16 ans ou plus de 60 sont des facteurs de
risque de cancer.
2. Quels bilans biologique et d’imagerie réaliser ?
Un dosage de TSH et une échographie thyroïdienne sont les
examens complémentaires à réaliser en première intention
(fig. 1).
Si la TSH est basse, le premier examen morphologique à demander est une scintigraphie thyroïdienne, de préférence à l’iode
123 plutôt qu’au Technetium, afin d’éliminer un nodule toxique
ou prétoxique, responsable d’une hyperthyroïdie patente ou subclinique.
Si la TSH est normale ou élevée :
• l’échographie est le premier examen morphologique à réaliser. Il confirme le diagnostic de nodule et vérifie si le nodule
observé correspond bien à l’anomalie palpatoire. L’échographie précise la topographie du nodule, ses caractéristiques et celle du reste du
parenchyme thyroïdien (nodule isolé ou non, thyroïdite). Les nodules solides, hypoéchogènes, hypervasculaires, à contours
peu nets, sans halo complet, sont particulièrement suspects.
La présence de microcalcifications est suggestive de calcosphérites observées dans les cancers papillaires. Les sensibilités et
spécificité de ces signes sont très variables d’une étude à l’autre
(tableau I). Le signe ayant la plus grande sensibilité est le caractère solide (69-75 %), mais sa valeur prédictive positive est
faible (VPP) (15-27 %). Le signe ayant la meilleure VPP (41,894,2 %) est la présence de microcalcifications, mais elles ne
sont présentes que dans 26.1 à 59.1 % des cancers (faible sensibilité). Au Doppler Couleur ou Doppler Energie, la vascularisation de type 4, c’est-à-dire centrale, radiaire et pénétrante,
est suspecte. Le cancer est hypervascularisé dans 44 à 100 %
des cas. La probabilité d’avoir un cancer quand il y a une hypervascularisation est d’environ 61 % (VPP), mais ce chiffre
de VPP est variable selon la composition de l’échantillon dans
lequel cette VPP est calculée ; en particulier, la VPP est bonne
s’il y a peu de nodules bénins hypervasculaires dans la série
c’est-à-dire peu de faux positifs (< 4 %). Par ailleurs, les cancers peu vasculaires ou faux négatifs existent et sont de l’ordre
de 30 %. La probabilité que le nodule soit bénin quand la vascularisation est pauvre (valeur prédictive négative) est de 78100 %. Tout compte fait, c’est l’association des signes échographiques de suspicion tels que l’absence de halo, l’existence de
microcalcifications et une vascularisation de type mixte ou pénétrante centrale qui améliore la valeur prédictive positive de
l’échographie en faveur de la malignité d’un nodule thyroïdien. La taille du nodule n’est pas prédictive de malignité.
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Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
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Nodule thyro
thyroïdien
dien ≥ 1 cm
ATCD, examen clinique
TSH
Basse
normale
ou élev
levée
évaluation
valuation clinique
écho
chographie
graphie + cytologie
- traitement
Bénin
nin
60-80 %
Non
Contributif
5-15 %
Scintigraphie
Douteux
10-30
10
-30 %
Malin
5%
131
123 I
I
- chirurgie
- surveillance
Chirurgie
- Surveillance
- traitements alternatifs ((éthanol,
thanol, laser,
ultrasons focalis
focalisés)
s)
- LT4
Répéter
ter
cytologie
- chirurgie
- traitements alternatifs
(éthanol,
thanol, laser, ultrasons
focalisés)
focalis
s)
Fig. 1 :
Arbre décisionnel chez des patients porteurs d’un ou plusieurs nodules thyroïdiens (2, 3, 12, 13).
Tableau I
Caractéristiques de malignité des nodules thyroïdiens (3, 11).
Sensibilité
Spécificité
VPP
VPN
OR
p
Solide
69-75
52-56
16-27
88-92
Hypoechogénécité
26-87
43-94
11-68
73-94
Microcalcifications
26-59
85-95
24-71
42-94
4.97
< 0.05
Contours flous ou pas de halo
17-77
39-85
9-60
39-98
16.8
< 10– 3
14.3
< 10-3
Plus haut que large
32
92
67
75
Vascularisation intranodulaire
54-74
79-81
24-42
86-97
VPP : valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative ; OR : odd ratio.
L’examen échographique recherche d’éventuelles adénopathies qui, si elles sont arrondies, vascularisées, avec disparition
du hile et présence de microcalcifications et kystisation sont évocatrices de métastases.
• la scintigraphie en cas de TSH normale n’a guère d’intérêt, car
90 % des nodules sont hypofixants, et seuls 5 à 10 % d’entre eux
sont malins.
L’utilité d’un dosage systématique de la thyrocalcitonine a été
évaluée dans des séries prospectives non randomisées (8). Ces
études suggèrent que l’utilisation en routine de ce dosage permet
le dépistage d’hyperplasie des cellules C et de cancer médullaire
à un stade précoce, mais l’étude du rapport coût – bénéfice ne
permet pas de dégager un consensus en faveur d’un dosage
systématique devant tout nodule thyroïdien. Un taux élevé de
thyrocalcitonine, supérieur à 50 ou 100 pg/ml, constitue un argument en faveur d’un cancer médullaire de la thyroïde. La thyroïdectomie et le curage lymphatique sont alors indispensables à
envisager, avec des modalités particulières.
Le dosage de la thyroglobuline n’a pas de place dans la reconnaissance du caractère bénin ou malin d’un nodule thyroïdien. Le
dosage de la thyroglobuline n’a d’utilité que pour la surveillance
des cancers thyroïdiens opérés.
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3. Quelle est la place de la cytologie ?
La ponction du nodule pour étude cytologique à l’aiguille fine est
l’examen le plus sensible en faveur de la malignité (fig. 1). Cet
examen simple, peu invasif, est bien toléré ; ses complications
sont rares et mineures (hématome au point de ponction, douleur,
malaise vagal). La cytologie divise par 4 le nombre de nodules
opérés et augmente la prévalence du cancer à 30 % dans ces séries
de nodules opérés. La série de Ravetto (37 895 cytoponctions)
rapporte une sensibilité de 91,8 % et une spécificité de 75,5 % (9).
La cytologie est effectuée sous échographie en cas de nodule non
palpable, profond ou en grande partie kystique. Ses indications
sont bien codifiées (2, 3, 10). Elle doit être dirigée sur les nodules
supracentimétriques, cliniquement ou échographiquement
suspects. Pour les nodules thyroïdiens non palpables, il est recommandé de ne ponctionner que les supracentimétriques, ou à
partir de 8 mm seulement si le contexte clinique est évocateur et/
ou si le nodule est solide et hypoéchogène (10, 11). Les recommandations émises par un panel d’experts (Society of Radiologists in
Ultrasound) concernant ces incidentalomes sont plus nuancées
(tableau II) (3). Mais ces recommandations ne règlent pas un certain nombre de questions soulevées par la pratique extensive de
la cytologie. En effet, y a-t-il bénéfice à diagnostiquer des petits
cancers papillaires connus pour être d’évolution lente et de
bon pronostic ? Est ce que le diagnostic d’un microcancer chez
un patient améliore son espérance de vie ? Est ce que l’augmentation du nombre de cytologies n’entraîne pas une augmentation
du nombre de thyroïdectomies totales dont le rapport coût-bénéfice n’est pas évalué ?
La cytologie reconnaît 50 à 95 % des cancers, en fonction de
l’expérience du ponctionneur et du cytologiste. Quatre classes de résultats sont possibles : malin (5 % des nodules), douteux (10 à 30 %),
bénin (60 à 80 %), non contributif (5 à 15 %). Dans ce dernier
cas, la cytoponction doit être renouvelée et la chirurgie conseillée en
cas d’échec répété de ce geste sur un nodule solide. En cas de cytologie douteuse, correspondant souvent à des lésions folliculaires
Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
357
pauvres en colloïde, la chirurgie est conseillée. Mais seulement 25 %
en moyenne de ces cytologies correspond à un cancer. Aucun marqueur de biologie moléculaire ne s’est imposé, en routine, pour aider
à mieux évaluer ces nodules douteux. Les recommandations américaines proposent de réintroduire, à ce stade de la démarche diagnostique, la scintigraphie thyroïdienne à l’iode 123, afin d’éliminer un
nodule chaud dans le cadre d’une thyroïdite, dont les aspects cytologiques peuvent parfois, du fait de leur cellularité, en imposer pour
une lésion suspecte. Ces cas correspondent à des faux positifs (thyroïdite, surcharge iodée, prise d’antithyroïdiens, nodules hyperfonctionnels, adénomes fœtaux).
Les faux négatifs de la cytoponction sont de l’ordre de 2 %. Ils
correspondent à des ponctions effectuées en zone bénigne, ou à
des cancers papillaires à présentation vésiculaire, ou enfin à des
cancers vésiculaires bien différenciés encapsulés à invasion
minime. La cytoponction contribue aussi à la surveillance des
nodules non opérés.
4. Que faire devant un goitre multinodulaire ?
Le risque de malignité est similaire, que le nodule soit isolé ou
situé au sein d’un goitre multinodulaire (4). Il est de règle de
ponctionner le nodule dominant, mais la taille du nodule n’est
pas un critère de malignité. Un schéma positionnant les nodules
est indispensable, pour bien repérer le nodule à ponctionner. La
détection des microcalcifications et de la vascularisation intranodulaire a une bonne reproductibilité interobservateur. ll est donc
conseillé de ponctionner les nodules échographiquement suspects, même s’ils ne sont pas les plus gros. Le cancer est présent,
dans un tiers des cas, dans ce nodule non dominant (3). Si la dystrophie nodulaire est telle que les nodules sont difficilement individualisables, formant des conglomérats d’allure échographique
banale, il est logique de s’en tenir à la cytologie du plus gros
conglomérat, tout en sachant que la cytologie n’a dans ces cas
qu’une valeur relative.
Stratégies thérapeutiques
Tableau II
Recommandations : indications de la cytoponction échoguidée
en cas de nodule ≥ 1 cm (3).
Aspect échographique
Recommandations
Nodule solitaire :
Microcalcifications
US-FNAB si ≥ 1 cm
Solide (ou à prédominance
solide) ou macrocalcifications
US-FNAB si ≥ 1 cm
Mixte à prédominance solide
ou bourgeon solide au sein
d’un nodule kystique
US-FNAB si ≥ 2 cm
Aucun des signes précédents,
mais augmentation de volume
US-FNAB
Kystique, aucun signe cité
ci-dessus ; pas d’augmentation
de volume
US-FNAB non conseillée
Nodules multiples :
US-FNAB sur 1 ou plusieurs
nodules, fondée sur critères
de sélection utilisés
pour le nodule isolé
US-FNAB : cytoponction échoguidée.
Elles sont imparfaitement codifiables, fonction de l’ensemble des
informations recueillies par l’enquête clinique et les explorations,
des habitudes des thérapeutes, du choix éclairé du patient (fig. 1)
(2, 12, 13).
1. Chirurgie thyroïdienne
La chirurgie s’impose en cas de :
• nodules cliniquement, échographiquement et/ou cytologiquement suspects,
• élévation franche de la calcitonine,
• volumineux nodules ou goitres multinodulaires compressifs,
• évolutivité d’un nodule solide ou mixte malgré deux cytologies bénignes.
La lobectomie-isthmectomie, éventuellement élargie en thyroïdectomie totale en fonction des résultats de l’étude anatomopathologique extemporanée du nodule, constitue un procédé
thérapeutique traditionnel. Elle est grévée d’un taux de récidive
de 30 à 40 % des cas, en cas de nodule bénin. Compte tenu de la
très fréquente dystrophie nodulaire controlatérale documentée
par l’échographie en préopératoire, les indications de la thyroïdectomie totale s’élargissent.
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2. Surveillance
La surveillance constitue une alternative à la chirurgie pour les
nodules non suspects. Elle s’effectue au plan clinique et échographique. Pour éviter une médicalisation excessive, l’ANDEM
a recommandé une surveillance clinique et échographique selon
un mode progressivement espacé : par exemple après 6 mois,
1 an, 2 ans, 5 ans, 10 ans… pour les formations apparemment
bénignes (1). Selon les recommandations américaines, une
échographie de surveillance est conseillée 6 à 18 mois après la
cytologie initiale. Pour les formations nodulaires initialement
considérées comme bénignes, cliniquement et cytologiquement,
l’évidence secondaire d’une malignité est possible, mais rare,
estimée entre 0,85 et 2 %. Le renouvellement de la cytologie se
justifie en cas d’augmentation de volume du nodule ou modifications de ses caractéristiques échographiques. La définition de
l’augmentation de volume est sujette à discussion, du fait de la
variabilité interopérateur de l’échographie. Une définition a été
publiée comme une augmentation de 20 % dans un diamètre,
avec une augmentation minimum de 2 mm dans au moins 2 diamètres (2).
3. Traitement hormonal frénateur
Le traitement hormonal frénateur par l’hormone thyroïdienne a pour intention de prévenir l’aggravation du nodule et la
dystrophie péri nodulaire. Son efficacité est controversée et la
connaissance de ses effets secondaires, cardiaques et osseux,
implique une évaluation du rapport bénéfice-risque avant
prescription. Il est déconseillé de principe chez les sujets de
plus de 50 ans (14).
Points à retenir
• Le nodule thyroïdien n’est pas une urgence diagnostique.
• Le cancer thyroïdien différencié est de bon pronostic.
• En 2008, la cytoponction reste le meilleur examen pour prédire la
malignité.
• La scintigraphie thyroïdienne à l’iode 123 est le premier examen
à réaliser en cas de TSH basse.
• Le cancer thyroïdien est aussi fréquent dans un nodule isolé que
dans un goitre.
• La taille du nodule n’est pas un facteur prédictif de malignité.
• En échographie, le caractère solide, hypoéchogène du nodule,
avec microcalcifications et vascularisation centrale, sont des
caractéristiques suspectes de malignité et qui doivent faire réaliser
une cytoponction.
• Il existe une augmentation de l’incidence des microcancers de
type papillaire, souvent de découverte fortuite, dans des pièces de
thyroïdectomies.
• Le traitement du cancer thyroïdien différencié repose sur la
thyroïdectomie totale, complétée si besoin par une totalisation
isotopique par l’iode 131.
Références
1.
2.
3.
4.
5.
4. Traitements alternatifs
Alcoolisation, laser, radiofréquence et destruction par ultrasons
focalisés de haute intensité de nodules cytologiquement bénins
ou d’adénomes toxiques font l’objet d’études en cours (13, 15).
Conclusion
Le nodule thyroïdien ne constitue pas une urgence diagnostique.
L’échographie thyroïdienne et la TSH sont les deux premiers
examens à réaliser. La cytoponction du nodule est guidée par les
données de l’échographie. Un nodule est échographiquement
suspect quand il est solide, hypoéchogène, à contours peu nets,
avec microcalcifications et vascularisation pénétrante centrale.
Dirigée sur les nodules suspects, la cytoponction reste, en 2008, le
meilleur examen pour sélectionner les patients à opérer. Le diagnostic de certitude d’un cancer thyroïdien reste anatomopathologique. La scintigraphie n’est indispensable qu’en cas de frénation de la TSH.
La lobectomie-isthmectomie ne constitue pas la meilleure approche diagnostique et thérapeutique des nodules thyroïdiens.
L’augmentation des thyroïdectomies totales effectuées, suite au
constat échographique préopératoire d’une fréquente dystrophie
nodulaire bilatérale, est responsable d’une augmentation de l’incidence des microcancers thyroïdiens de découverte fortuite à
l’histologie.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
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13.
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cas clinique
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Cas clinique
Histoire de la maladie
Madame DU. Fernande agée de 53 ans, originaire du Massif
Central, vous consulte parce que sa sœur lui a découvert une tuméfaction cervicale à l’occasion d’un déjeuner de famille. Cette
patiente est fumeuse, présente un surpoids modéré, un diabète de
type 2, avec hypertension artérielle traitée. Son traitement associe
metformine 850 mg 3 cp/j, acétylsalicylate de lysine (Kardegic
160®) 1 sachet/j, bisoprolol (Détensiel® 10 mg) 1 cp/j. Sa mère est
décédée d’un cancer du côlon. Sa sœur a eu une isthmectomie à
l’âge de 29 ans pour un nodule thyroïdien kystique. La palpation
retrouve un goitre multinodulaire, avec prédominance d’un nodule droit (question 1).
La TSH est à 1.45 mUI/l. Ci-joint le compte rendu de l’échographie thyroïdienne que vous avez demandée (questions 2 et 3).
Vous proposez la réalisation d’une cytoponction des nodules
thyroïdiens (question 4).
Le résultat de la cytoponction au niveau du plus gros nodule est
non contributif (questions 5 et 6).
Questions
Échographie thyroïdienne
Madame DU. Fernande
4 novembre 2007
Indication : tuméfaction cervicale
Résultats
La glande est hypertrophiée dans toutes ses dimensions :
le lobe droit mesure 65 mm de hauteur
le lobe gauche 25 mm de largeur
Dans le lobe droit, on retrouve un nodule de 3 cm de diamètre, échogène. L’étude doppler montre une vascularisation
modérée. Le reste du parenchyme est dystrophique, avec 3 ou
4 nodules disséminés dans la glande, en partie du côté gauche.
Ils sont cependant non kystiques. L’un d’entre eux fait
12 mm, il est solide hypoéchogène ; l’autre fait 19 mm, mais
est kystique seulement dans sa partie supérieure.
Adénomégalie physiologique jugulocarotidienne moyenne
droite.
Conclusion
Goitre avec nodules multiples prédominant sur le lobe droit,
incitant à réaliser une scintigraphie et une cytoponction avec
aspiration.
1) Quels sont les éléments cliniques que vous devez recueillir
à l’interrogatoire et à la palpation ?
2) Que pensez-vous du compte rendu d’échographie ? Quelles
informations sont manquantes ?
3) Faites-vous une scintigraphie thyroïdienne ?
4) Y a t’il des précautions à prendre avant de réaliser la cytoponction ?
a. Comment classe-t-on les résultats de la cytoponction ?
b. Quels sont les critères qui vous permettent de choisir le ou les
nodules à ponctionner ?
c. Quelle technique conseillez-vous (directe ou échoguidée) ?
Justifiez.
5) Donner la définition d’un prélèvement non contributif. Que
faut-il faire dans ce cas ?
6) Quel traitement proposez-vous ?
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Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
Réponses
1) L’interrogatoire et l’examen cliniques doivent rechercher les
points suivants :
• antécédents familiaux, de cancer, une éventuelle polypose
colique familiale ;
• antécédents de goitre familial, d’irradiation cervicale ;
• origine géographique : Massif Central : zone d’endémie
goitreuse ;
• gêne cervicale, modification de la voix, gêne à la déglutition ;
• augmentation récente ou progressive de volume ? Douleur ?
• consistance du goitre et du nodule prédominant (dur, fixé ?)
• recherche d’adénopathies palpables et d’une déviation trachéale et/ou du caractère plongeant de la glande.
2) Critique du compte rendu (CR) et informations manquantes.
Compte rendu médiocre, car il manque beaucoup de données
(cf. critères de qualité d’un compte rendu d’échographie publié
dans les recommandations de l’ANDEM en 95).
En bref, insistons sur la mesure nécessaire des 2 lobes droit et
gauche dans leurs 3 dimensions (hauteur, épaisseur, largeur) et
sur l’appréciation du retentissement trachéal et l’analyse des aires
ganglionnaires.
Il faut analyser le parenchyme et chaque nodule (échostructure et
échogénécité). Insistons sur la nécessité d’un schéma (ci-dessous
le CR de référence).
3) La scintigraphie thyroïdienne n’est plus systématique si la
TSH est normale ou haute.
4) Précautions à prendre et informations à donner au patient
avant de réaliser la cytoponction : l’arrêt de l’aspirine 8 jours
avant est conseillé, si celui-ci est possible. Il faut informer le
L Leenhardt
patient des limites de l’examen (10 % d’échec de ponction ou
prélèvements dits non contributifs, 2 % de faux négatifs, 5 % de
cancers).
a. Les résultats de cytologie se classent en bénin, suspect, malin,
ininterprétable.
b. Les critères de choix du nodule à ponctionner sont cliniques, si un des nodules est dur, mais aussi échographiques :
taille du nodule, échostructure et échogénécité. Seront préférentiellement ponctionnés les nodules supracentimétriques
solides, hypoéchogènes, à contours peu nets, avec microcalcifications et vascularisation mixte. Rappelons cependant que le
risque de cancer n’est pas lié à la taille du nodule et est le même
pour un nodule isolé que pour un nodule au sein d’un goitre
multinodulaire.
c. Technique de ponction :
• cytoponction directe : nodule palpable solide ou mixte à prédominance solide ;
• cytoponction échoguidée : nodule non palpable ou bien palpable, mais à prédominance kystique.
5) Prélèvement non contributif : moins de 6 amas cellulaires par
lame.
Conduite à tenir : renouveler la ponction dans un délai de 6 mois
si le nodule n’est pas kystique, voire plus tôt si le nodule est cliniquement et/ou échographiquement suspect.
Traitement : en cas de 2 ponctions non contributives, proposer la
chirurgie.
6) Proposer la surveillance ou la chirurgie en fonction des
résultats de cytologie, de la gêne clinique éventuelle et de l’évolution.
Compte rendu d’échographie de référence
Échographie thyroïdienne
Madame DU… Fernande
4 novembre 2007
Indication : tuméfaction cervicale
Technique : marque de l’échographe
Mise en service le 30 janvier 2006.
Résultats
La glande est modérément hypertrophiée, asymétrique, prédominant sur le lobe droit.
LOBE DROIT
Il mesure 65 mm de hauteur sur 21 mm d’épaisseur sur 23 mm
de largeur. Il est le siège :
– d’un gros nodule basilobaire droit (N° 1) de 30 x 19 x 15 mm,
mixte, à prédominance solide, isoéchogène, à contours nets. Pas
de microcalcifications. La vascularisation est mixte péri et intranodulaire,
– d’un micronodule associé (N° 2), apical droit, kystique de
4 mm.
ISTHME : il fait 5 mm d’épaisseur et est homogène.
LOBE GAUCHE
Il mesure 57 mm de hauteur sur 16 mm d’épaisseur sur 18 mm
de largeur.
Il est le siège :
– d’un nodule (N° 3) basilobaire gauche, postérieur, de 12 x 11 x
10 mm solide hypoéchogène, à contours nets, avec une microcalcification centrale et une vascularisation pénétrante centrale,
– d’un nodule (N°4) apical gauche de 19 x 15 x 12 mm, mixte à
prédominance kystique, à contours nets, avasculaire.
PAR AILLEURS :
– vascularisation normale du parenchyme. Pas de signe de thyroïdite auto-immune ; absence de déviation trachéale.
– ganglion jugulo-carotidien droit moyen d’aspect aplati, banal.
Conclusion
Goitre multinodulaire de volume modéré avec 1 nodule prédominant basilobaire droit. Pas de signe compressif ni de retentissement trachéal ni de caractère plongeant du goitre. Cytoponction échoguidée du nodule N° 1 (3 passages à l’aiguille fine) et
N° 3 (2 passages). Pas de complications (schéma 1).
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Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien
Fig. :
Schéma 1 : Compte rendu et schéma échographie thyroïdienne de référence.
Schéma 1 : Compte rendu et schéma échographie thyroïdienne de référence.
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