Le NEPAD et les enjeux du développement en Afrique

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LE NEPAD
et les enjeux
du développement en Afrique
Préfaces
Abdoulaye Wade
K.Y. Amoako
LE NEPAD
et les enjeux
du développement en Afrique
Sous la direction de
Hakim Ben Hammouda
et
Moustapha Kassé
Commission Économique pour l'Afrique
Bureau pour l'Afrique Centrale
MAisONNEUVE
&.
LAROSE
© MAISONNEUVE ET LAROSE
15. Rue Victor-Cousin
75005 Paris
servedit [email protected]
SOMMAIRE
Préfaces
• Le financement entre récession économique et crise des projets
politiques, par Abdoulaye Wade
• Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) :
pour faire la différence, par K.Y. Amoako
Avant-propos, Commission Économique des Nations-Unies, Bureau
pour l'Afrique Centrale
9
15
23
Partie I : Le NEPAD : enjeux politiques. économiques et sectoriels
• Le NEPAD, un nouvel espoir pour l'Afrique, par Martin Okouda ......
• L'investissement direct étranger en Afrique et le NEPAD, par Lalla
Ben Barka
• Une nouvelle version du développement intégré et concerté: le NEPAD,
par Moustapha Kassé
• Infrastructure et développement dans le nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique, par Touna Mama
• Système financier et développement en zone franc africaine: quels
enjeux pour le troisième millénaire ?, par Albert Ondo-Ossa
• Les Technologies de l'Information et de la Communication dans le
de développement, DISD.......................................................................
29
31
37
69
81
97
Partie II : Le NEPAD et la théorie du développement
• Le NEPAD et l'évolution de la réflexion sur le développement, CEABureau pour l'Afrique Centrale
127
• Le NEPAD et la réflexion sur le développement, par Bnmo Bekolo-Ebe 135
Partie III : Le NEPAD, institutions. gouvernance et financement
• Le NEPAD et la bonne gouvernance: première radiographie, premiers
enseignements, par Fouda Séraphin Magloire
• Le NEPAD et le projet d'une Banque centrale africaine, par Abdoulaye Diagne
• Le " Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique ", une
réponse africaine à la mondialisation de l'économie, par Chérif Salif
Sy
• Le NEPAD et le développement des capacités : Quelques éléments de
discussion, par Alioune sali
153
169
187
199
Partie IV : Le NEPAD et la communauté internationale
• Le G8, le Canada et le NEPAD, par Michel Perrault
• La Banque Mondiale et le NEPAD, par Madani M. Tall
• Le PNUD et le NEPAD, par Patricia de Mowbray
209
213
217
Annexes
• Le Document du NEPAD
223
7
Préface
Le financement
entre récession économique
et crise des projets politiques
par
Maître Abdoulaye Wade]
Président de la Répuhliq1le du Sél1é/{al et l'ice-Présidellf du NEI'AD
Le NEPAD a été de nouveau salué par le G8, comme une nouvelle
vision originale du devenir de l'Afrique, actuellement en marge de la
croissance de l'économie mondiale Cl,8 % du commerce mondial, 1 0/0
de l'investissement mondial).
Pour la bonne compréhension et pour éviter toute confusion, le
NEPAD a des objectifs très précis que, bien souvent malheureusement,
certains, par confusion, noient dans des considérations qui, bien qu'importantes, lui sont lointaines. S'il est vrai que tout est important en Afrique,
il n'en demeure pas moins vrai qu'il y a des priorités et des super
priorités. Les Chefs d'État réunis au Sommet de Lusaka en 2 000 ont fait
le choix des super priorités dans le NEPAD, document qui, aujourd'hui,
devrait être à la disposition de tous les Africains.
Nous invitons donc tous nos compatriotes africains à demeurer dans
le cadre du NEPAD et éviter des réflexions du genre « mieux vaut lutter
contre le sida que de construire des chemins de fer ".
La réponse est qu'il faut faire les deux mais ces deux objectifs étant
de nature différente ne peuvent être traités ni économiquement ni
financièrement de la même façon. Du reste, en dehors du NEPAD,
d'autres programmes sont menés sur tout le continent sur beaucoup
d'autres sujets.
Le NEPAD a pour objet, au moyen d'investissements mWj'sifs dans des
projets de stmCfures fondamentales et de développement humain, de
résorber à terme les gaps fondamentaux qui séparent l'Afrique du
1. Professeur Agrégé de Sciences Économiques des Universités françaises et
Ancien doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l'Université
de Dakar, auteur du Plall Oil,fEGA, qui a été fusionné avec le MAI' Millenium
Afrimn Plan des PrésidenL~ MBEKI, OBASANJO et BOUfEFLIKA et H. MOUBARACK.
9
monde développé, en vue de sa participation pleine et entière à la
production mondiale et au commerce international, moteur de la
croissance économique. En somme, faire de l'Afrique, un" partenaire et
non plus un assisté ". En effet, la raison refuse de considérer comme
irrémédiablement condamné un continent qui dispose de ressources
humaines et naturelles considérables, potentiellement 700 millions de
consommateurs.
Pendant 40 ans d'indépendance, l'Afrique s'est essoufflée dans la
recherche effrénée du capital financier sous forme d'aide (dons) ou de
prêt. Or, on n'a jamais vu un pays se développer avec l'aide ou le prêt
ou les deux à la fois. Or d'ailleurs, ce binôme a montré ses limites. En
effet l'APD dont l'objectif fixé à 0,7 % de transfert du PNB des pays
développés vers les pays en développement en 1969 a à peine atteint
la moitié, 0,57 %, certains pays n'ayant pas encore atteint 0,1 %.
S'agissant des prêts, ils ont abouti à l'insoluble dette qui fait que des
générations, encore devant nous, auront à payer. Du reste aucune
étude ou prospective ne s'est aventurée jusqu'ici à prévoir la fin de
l'endettement de l'Afrique, comme si la stratégie de l'autruche pouvait
préserver du danger. Tout en conservant les avantages de l'APD pour
laquelle certains pays, la France en tête, après le Sommet mondial de
Monterrey au Mexique, ont lancé un appel en faveur de son
augmentation et en soutenant l'idée du Président Bush des 50/50,
moitié dette, moitié don, j'estime que nous devrions regarder au-dessus
du binôme infernal don/crédit.
Après chacune des deux dernières guerres, l'Europe a mis moins de
deux décennies pour se reconstruire et se redresser. Bien entendu les
conditions sont différentes, mais certains pays asiatiques dépourvus de
ressources naturelles, ont réussi, par l'éducation-formation, la performance du développement en 20 ans (Corée, Taiwan, Singapour). Nous
aurions donc dû valoriser d'abord nos ressources humaines.
Postulant, pour la première fois, que les besoins massifs de l'Afrique
en ressources ne peuvent être attendus, principalement, que du secteur
privé africain ou mondial, le Sommet des Chefs d'État africains sur le
partenariat avec le secteur privé pour le financement du NEPAD tenu à
Dakar, à la mi-avril, a réuni plus de 1.000 personnes et groupes d'affaires
de tous les continents, sélectionnés sur plus de 1 600 demandes de
participation.
Le moment est donc venu de faire le point sur la lancinante question
du financement de notre ambitieux et novateur plan, bien apprécié par
les pays riches du G8 et qui, depuis un an, a fait l'objet de nombreux
entretiens, soit entre sherpas du G8 et experts africains, soit entre Chefs
d'État africains et dirigeants des pays riches dont certains, ont invité les
Chefs d'État africains à des entretiens, Georges Bush, Tony Blair, Jacques
Chirac, Versicolore (UE) ou ont visité l'Afrique (Tony Blair, Jean Chrétien).
Nous allons montrer que c'est à tort que l'on a pu avoir des
appréhensions sur le financement des infrastructures et je dois dire que
l'accueil réservé par les dirigeants du G8 à la question des infrastructures
10
Lefimmœmunf dll Né'PAD
a été plus enthousiaste que celui de bien des responsables de chez
nous qui se demandent encore comment seront financés ces investissements lourds.
Mon propos ici est de monter que la charge du G8 à fonds perdus
pourrait ne pas être aussi importante qu'on le croit, grâce, en
particulier, au recours massif à l'investissement privé et à d'autres
sources extra-G8.
Le NEPAD repose sur trois options fondamentales ou paramètres
que sont (1) la bonne gouvernance, (2) l'espace de la région au lieu de
celui de l'État, étant rappelé que l'Afrique est divisée en cinq régions,
Afrique de l'Ouest, Afrique du Nord, Afrique Centrale, Afrique de
l'Est et Afrique Australe, (3) le recours massif au secteur privé. A
l'intérieur de ces paramètres, le NEPAD s'articule autour de huit
variables fondamentales dites secteurs super prioritaires (infrastructures, éducation, santé, agriculture, NTIC, environnement, énergie,
accès aux marchés). L'interaction des huit variables génère la
croissance.
Le choix du secteur privé se justifie par le fait qu'on ne connaît nulle
part, dans le monde, un pays qui se soit développé autrement.
Pour assurer la bonne gouvernance, une sorte de contrôle mutuel
périodique de bonne gouvernance entre Chefs d'État est instituée au
sein de l'Union Africaine: le Peer Review.
L'Afrique, continent gorgé de richesses naturelles, grand marché
potentiel de 700 millions de consommateurs, devrait plutôt être
convoitée par les investisseurs. Aussi, au-delà d'un transfert controversé
de ressources publiques massives, le partenariat avec le G8 devrait, à
mon avis, consister principalement à aider notre continent à créer les
conditions d'attrait, d'accueil et d'engagement des capitaux privés. Si
certains pays africains refusaient la bonne gouvernance ou l'éradication
de la corruption, cela ne devrait pas pénaliser les autres.
Le principe d'intervention devrait être qu'au-delà d'un programme
objectif à réaliser pour toute l'Afrique ou pour une région sans
considération de régime, chaque pays développé serait libre d'accorder
une aide bilatérale préférentielle à tel ou tel pays, selon son
appréciation et ses affinités.
Les moyens de financement du NEPAD sont nombreux:
l.Voici en vrac une série de possibilités qui tiennent en une idée,
exploitation de notre capacité d'autoflnancement, en commençant
par nos efforts personnels: contribution immédiate fixe de chaque État
et un versement annuel dont les termes restent à définir; contribution
spéciale des États africains pétroliers qui bénéficient d'une véritable
rente géologique; contribution volontaire, pour chaque million de barils
extrait du sous-sol africain, des sociétés pétrolières opérant en Afrique
qui seront les premières bénéficiaires des bonnes infrastructures;
11
PréjilCi's
rapatriement des ressources du secteur privé africain telles que les
assurances et celles cie nos institutions financières qui, paradoxalement,
n'arrivent pas toujours à placer tous leurs fonds dans des projets locaux
et déposent leurs excédents à l'étranger; recyclage des surliquidités des
banques commerciales d'Afrique qui, n'investissant pas pour autant
dans les projets locaux, quelle que soit leur faisabilité (paradoxe de
l'espace CFA), poussent les États à s'endetter à l'extérieur pour, ensuite,
leur confier les ressources obtenues (FPE du Sénégal prêté par l'intermédiaire des banques).
2. Le secteur privé, par les investissements directs, les B.O. ou
B.O.T., l'association possible du secteur public international avec
secteur privé, autoroute à péage comme au Sénégal, support des coûts
de décloisonnements cles activités privées (mines).
3. Autre niche de ressources virtuelles, la levée des obstacles non
tarifaires qui, dans les pays développés, s'opposent aux exportations
africaines (plus de $100 millions par an pour les pays en voie de
développement, selon la CNUCED).
4. emprunts solidaires des pays africains d'une région pour des
financements de projets régionaux; idée jamais encore explorée,
emprunts avec garantie des bons des Trésors des pays du GS qui
n'auraient donc pas besoin, pour cette opération, de débourser dans
l'immédiat des liquidités.
5. A cela s'ajoutent les importants investissements des pays hors GS,
notamment les pays arabes et les pays d'Asie.
6. Last but not least, les investissements budgétaires des États du
Nord dans des grands travaux africains. C'est ici que nous convoquons
lM. Keynes pour appliquer sa théorie à l'espace de l'économie
mondiale, espace mixte Em avec ses entreprises qui sont celles du GS
qui serait l'État keynésien.
Illustrons: soit un financement budgétaire (non remboursable
évidemmenO, de $1 Md en Afrique. Les 2/3, disons $700 millions, sont
attribués par voie d'appel d'offres limité aux entreprises du Nord et le
113, soit 300 millions, cie la même façon aux entreprises africaines.
Toutes les entreprises commandent leur équipement dans le Nord. Au
total celui-ci recevra 20 % de profit de ses entreprises, soit $140 puis
près de $600 millions d'achats d'équipement, ce qui va stimuler ses
industries. L'Afrique recevra des salaires et, surtout, bénéficiera des
importants ouvrages. Un modèle économétrique fournirait des
indications quantitatives plus poussées, mais le modèle général reste
valable dans son ensemble.
Enfin, il yale financement par les DTS, droits de tirage spéciaux,
simple création de monnaie-papier conçue pour les besoins du finan12
Le financement du NEPAD
cement du commerce international mise entre les mains du FMI. Cette
idée que j'avais émise à la Conférence monétaire d'Abidjan en 1972 2 ,
puis dans un livre 5 , ensuite dans le Plan OMEGA (page 24), est
maintenant soutenue par des hommes d'État et économistes d'Amérique latine. En Europe, certains proposent de financer, par le même
moyen, des programmes de lutte contre l'effet de serre et autres
dommages majeurs à l'environnement.
Se posera l'épineux problème de leur répartition, autrement que
proportionnellement aux quotas, ce qui avantagerait encore les pays
riches. Singulière façon de définir les besoins que j'avais stigmatisée par
cette parabole des trois amis qui se promènent sur une plage. L'un
d'eux bute sur une boîte à moitié enterrée. Ils l'ouvrent et la trouvent
pleine de dollars. Comment partager cette véritable aubaine ? Ce qui
paraissait simple devint un casse-tête.
Pour M.• Bon sens .. il faut diviser par trois. On le trouva puéril. "J'ai
plus de besoins que vous', réplique le second, "j'ai une femme, cinq
enfants, des loyers à payer ". Le troisième aux allures de géant, évoqua
la notion de risques: " si on est attaqué, je prends les plus gros risques
en vous défendant ". En désaccord total, les trois amis allèrent consulter
un économiste distingué. L'homme de science réfléchit et, d'un air
inspiré, prononça la sentence: "que chacun d'entre vous pose sur la
table ce qu'il a dans ses poches ". Sitôt dit sitôt fait. L'un avait $100,
l'autre $35, le troisième $3. "Voilà ", dit l'économiste, "on va partager
proportionnellement à ce que chacun a dans sa poche. Car les rapports
de vos avoirs traduisent bien les rapports de vos besoins ".
En toute vraisemblance, la communauté internationale va créer de
nouveaux DTS à répartir selon les" besoins ". Espérons seulement que,
trente ans après, on aura trouvé une meilleure définition de la notion
de besoins.
2. A. WADE : L'Afrique et la réforme' du Système monétaire International,
OUA/BAD, Abidjan, ] 972173.
3. A. WADE, Un destin pour l'Afrique, Ed. Karthala, Paris, ] 989.
13
Préface
Le nouveau partenariat
pour le développement
de l'Afrique (NEPAD) :
Pour faire la différence
par
K.Y. Amoako
Secrétaire Exéclltilde la COll/mission
Éco/lomique des Natiolls-Unit>s pour 1'Afi'ique (CEA)
Le NEPAD est une évolution remarquable dans le domaine de la
réflexion sur le développement de l'Afrique, du fait qu'il indique la
direction à suivre, définie par nos dirigeants, qu'il nous est donc propre
et oblige qu'on change les règles régissant les partenariats extérieurs à
l'Afrique. Je voudrais, dans le but de promouvoir une façon nouvelle
de faire les choses, mettre l'accent sur cinq domaines où il est essentiel
d'intensifier les actions pour assurer la mise en œuvre du nouveau
Partenariat:
• Élaboration par les pays eux-mêmes de stratégies de réduction de
la pauvreté;
• Renforcement de la planification et du contrôle des dépenses;
• Amélioration de l'efficacité de l'aide;
• Institutionnalisation des révisions mutuelles et de suivi interne;
• Promotion de l'obligation mutuelle de rendre des comptes.
Pour chaque domaine, j'évoquerai des défis qui se posent et
proposerai des façons différentes de faire. Premièrement, j'aborderai le
défi que constitue l'élaboration par les pays eux-mêmes de stratégies de
réduction de la pauvreté. Les pays africains à faible revenu élaborent,
pour la plupart, des stratégies économiques à moyen terme de
réduction de la pauvreté dans le cadre d'un processus participatif
impulsé par l'Afrique. Celui-ci a essentiellement pris la forme de cadres
stratégiques de réduction de la pauvreté, qui ont permis d'élargir la
participation et de s'approprier davantage le processus au niveau
national et de définir des actions mieux ciblées dans la lutte contre la
pauvreté. Des actions remarquables ont été entreprises à cet égard mais
il a été déploré en général que ces stratégies ne sont pas tou jours
intégrées dans les plans et démarches au niveau national mais sont
15
Pn!jaces
plutôt menées sur la conduite des donateurs. Il n'est pas toujours clair
que ces cadres se fondent sur des stratégies de croissance globales. Des
questions ont aussi été soulevées en ce qui concerne la légitimité et la
conduite du processus de consultation.
Pour relever ces défis singuliers, il est essentiel que les pays africains
partagent systématiquement l'information et apprennent les uns des
autres. Une initiative qui s'avère utile en ce sens est le Groupe
d'apprentissage africain sur les PRSP, convoqué par la CEA et approuvé
par le NEPAD. Ce forum rassemble des responsables et des experts
africains qui discutent franchement de l'expérience des pays africains
en matière de PRSP. 11 recense les meilleures pratiques, détermine les
contraintes dans les domaines institutionnels et des capacités et
recommande les mesures qui s'imposent. Il propose aussi des actions
que les Africains et les donateurs doivent mener pour que le processus
d'élaboration de ces stratégies contribue de façon optimale à résoudre
les défis de développement de l'Afrique.
Deuxièmement, j'aborderai la planification et le suivi des dépenses
publiques. La gestion des dépenses publiques en Afrique présente des
lacunes qui découlent essentiellement de l'élaboration et de l'exécution
des budgets. Dans bien des pays, des dépenses sont effectuées sans
ouverture de crédits. Des engagements sont contractés alors que les
fonds ne sont pas encore disponibles pour effectuer les paiements. Les
livres des comptes et de la situation comptable ne sont pas toujours
tenus. La vérification et la préparation des comptes de l'administration
centrale sont souvent très tardives. Ces lacunes se traduisent par une
mauvaise exécution du budget et entraînent même un dépassement
important des déficits prévus.
Si les gouvernements africains veulent réaliser les objectifs de
réduction de la pauvreté: ils doivent intégrer les stratégies de lutte
contre la pauvreté dans leurs systèmes de gestion budgétaire et
financière et faire preuve de transparence, d'efficacité et de
responsabilité dans l'utilisation des ressources publiques. Pour instaurer
une gestion saine des dépenses publiques, ils ont besoin de mettre en
place des dispositions institutionnelles rigoureuses. Que faudrait-il y
inclure? Plusieurs éléments:
• Des textes clairs, relatifs à la préparation du budget, prévoyant des
règles applicables;
• Un cadre macro-économique et budgétaire à moyen terme
soutenable;
• Un budget détaillé excluant toute opération extrabudgétaire ;
• Un système de comptabilité efficace permettant de produire à
temps des rapports financiers de qualité;
• Des mécanismes de vérification des comptes permettant de
s'assurer que les ministères et les divers organismes respectent le
règlement financier et rendent des comptes;
• Des méthodes participatives de préparation et d'exécution du
16
Le nOUl'eau pm1ellariaf POlll-le dél'eloppemellf de l'Aji-ique (NEPAD)
budget et de présentation des comptes, afin que l'intégrité du
processus puisse faire l'objet d'une évaluation indépendante.
Les pays ne peuvent avoir la maîtrise de leurs stratégies de réduction
de la pauvreté s'ils ne disposent pas des capacités nécessaires. On peut
dire que mettre en place des dispositions institutionnelles sans avoir la
capacité de les mettre en œuvre est tout aussi vide de sens. Ce sont les
capacités et leur mise en place qui détermineront la marche future.
En ce qui concerne l'assistance fournie par les donateurs, on peut
constater que le bilan est contrasté. A certains égards, le système
d'acheminement de l'aide présente des dysfonctionnements, en raison
de la faiblesse des capacités des États et de la complexité de la
communauté des donateurs. C'est pourquoi, une partie importante des
dépenses publiques sont souvent financées par un grand nombre
d'acteurs extérieurs et la plupart des dépenses ne figurent pas au
budget national. La conséquence de cette situation est le grand nombre
de visites non coordonnées des missions de gestion de l'aide, les
mécanismes parallèles de mise en œuvre, les multiples conditionna lités
liées à l'aide et le grand nombre de rapports à fournir et d'activités de
suivi à effectuer. Il s'agit là d'autant d'éléments qui pèsent lourdement
sur l'administration et occupent une partie importante des services de
l'État dans les pays africains et ont un coût élevé.
Dans le cadre du nouveau Partenariat, il faut que cela change. Pour
que l'aide au développement soit plus efficace, les partenaires de
l'Afrique doivent:
• Recentrer les programmes d'assistance au développement sur les
priorités et stratégies nationales;
• Dans la mesure du possible, utiliser les systèmes et mécanismes
nationaux actuels et, dans les cas où ils ne conviennent pas, s'employer
à renforcer les capacités, au lieu de les affaiblir en insistant sur
l'adoption de mécanismes parallèles. Je reviendrai plus tard sur la
question des capacités;
• Si les conditions existent, fournir l'assistance par le biais des
budgets nationaux des pays africains;
• Harmoniser les pratiques en matière d'aide pour réduire sensiblement la charge que constitue la gestion de l'aide.
Les donateurs doivent réorienter leur approche pour s'assurer que
l'assistance réponde aux besoins des pays et tienne compte des
capacités de ces derniers. Les pays africains présentent de grandes
différences en ce qui concerne leurs stratégies de développement
national, la qualité de la gouvernance et les capacités de leurs
institutions. C'est pourquoi, l'aide au développement doit tenir compte
de la situation de chaque pays. Outre l'aide à apporter aux pays qui
obtiennent de bons résultats, qui, à notre avis, devraient bénéficier
d'aide supplémentaire et d'aide budgétaire, l'aide au développement
17
PnH"aces
devrait permettre d'aider des pays aux prises avec de graves problèmes
politiques et des problèmes de capacités et les pays sortant de conflit.
Dans le NEPAD, les dirigeants africains ont affirmé qu'ils ont un rôle
essentiel à jouer, dans la création d'États capables et efficaces. Un État
capable est un État dans lequel la sécurité et la paix de l'ensemble des
citoyens sont assurées. C'est un État dans lequel les services publics, le
corps législatif, le système judiciaire et les organes statutaires sont
habilités à fournir un environnement propice au secteur privé et à la
société civile. Ces institutions de gouvernance et une direction politique
clairvoyante, sont essentielles pour assurer la viabilité économique et
réduire la pauvreté.
Pour que cette vision se matérialise, il nous faut mettre en place des
mécanismes concrets de révision mutuelle qui est une mesure essentielle si nous voulons assurer le suivi nous-même sur le continent. Il
doit en être ainsi si nous voulons renforcer notre partenariat avec la
Communauté internationale et surtout nous le devons à nous-mêmes.
Le Mécanisme africain de révision mutuelle préconisé par le Comité des
Chefs d'État chargé de la mise en œuvre du NEPAD, est un élément
crucial du nouveau partenariat. Il nous encouragera à apprendre les
uns des autres et renforcera notre maîtrise sur ce plan. Il permettra de
suivre les progrès réalisés en ce qui concerne les buts, codes et normes
convenus. Il identifiera, évaluera et diffusera les bonnes pratiques. Il
permettra aussi de déterminer les lacunes en matière de capacités et de
recommander des moyens de les combler.
Nous, à la CEA, avons pris une part active aux efforts visant à fournir
un appui technique au NEPAD et à conceptualiser le processus de
l'examen par des pairs Africains. La Déclaration sur les codes et normes
de gouvernance économique et d'administration des entreprises,
adoptée par le Comité des Chefs d'État chargé de la mise en œuvre du
NEPAD, à sa dernière réunion à Abuja, sur la base des contributions de
la CEA, permettra d'améliorer l'examen mutuel dans les domaines
indiqués. Le projet mené actuellement à la CEA sur la mesure et le suivi
des progrès en matière de bonne gouvernance, que nous exécutons
avec des instituts de recherche nationaux, permettra de se faire un
tableau général du cadre de gouvernance dans un pays donné, de
déterminer l'efficacité des institutions, la représentation politique et la
gestion économique.
C'est à nous Africains qu'il incombe de faire en sorte que notre
continent réalise entièrement ses aspirations. Le financement actuel
dans le cadre des objectifs de développement du Millénaire permet de
se faire une idée des besoins de l'Afrique. L'aide globale à l'Afrique a
baissé, passant de 19 milliards de dollars E. U. au début des années 90
à 12 milliards de dollars E. U. aujourd'hui, soit une diminution par
habitant de 40 %. Tout en gardant à l'esprit ce fait, il nous faut
18
Le nOI/I'eal/ pm1el1ariat pOl/r le développement de l'Aji-iql/e (NEPAD)
considérer qu'il est largement reconnu que les pays africains doivent
réaliser des taux de croissance économique annuels de 7 % ou plus,
pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté énoncés dans
les Objectifs de développement du Millénaire pour pouvoir sortir des
millions de personnes de la pauvreté.
En fin de compte, il nous faut réduire d~ façon draconienne la
dépendance à l'égard de l'aide et nous tourner vers des sources plus
proches de nous, pour financer notre développement. Comme dans le
reste du monde, le développement du secteur privé avec une
participation plus grande au commerce mondial dynamique et des flux
plus importants d'investissement étranger direct, sera le principal
moyen d'engendrer la croissance et de créer des emplois.
Dans l'avenir prévisible l'Afrique aura, cependant, encore besoin
d'aide. En tout, les promesses de contributions faites par les États-Unis
et l'Union européenne à la Conférence des Nations-Unies à Monterrey
sur le financement du développement, atteindront à partir de 2006,
12 milliards de dollars par an, destinés à des programmes d'éducation,
de santé et de lutte contre la pauvreté. Nous espérons de tout cœur que
l'Afrique en bénéficiera grandement. Ceci dit, les engagements pris à
Monterrey ne couvrent, qu'un quart des 50 milliards de dollars supplémentaires estimés nécessaires chaque année pour réaliser les objectifs
du développement du Millénaire dans le monde.
L'aide n'est qu'un élément de l'ensemble. Il nous faut trouver une
approche plus intégrée en ce qui concerne les besoins en financement
associés, y compris la dette et le commerce. S'agissant du commerce, il
nous faut créer un système global qui fournisse aux pays en
développement l'appui dont ils ont besoin pour atteindre, grâce au
développement de leurs échanges, les objectifs de développement du
Millénaire. J'ai, en plusieurs occasions, souligné que si nous voulons
faire de réels progrès sur la question de la dette de l'Afrique, il nous
faut d'abord revoir l'analyse de la viabilité de la dette dans le cadre
actuel de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés ou PITE.
Et C0tru11e le Chancelier de l'Échiquier Gordon Brown l'a dit récemment,
il convient d'examiner comment mettre en pratique les nombreuses
propositions faites récemment en vue de trouver de nouveaux moyens
de combler le déficit de financement - taxe Tobin, taxe sous les armes,
droits de tirage spéciaux.
Pour de nombreux domaines cruciaux, il est clair que nous aurons
besoin de financer des programmes régionaux et sous-régionaux, dans
le domaine de l'infrastructure, pour la lutte contre le VIH/SIDA, pour la
création de centres d'excellence dans le domaine de l'enseignement
supérieur. Il est cependant clair qu'en mobilisant le financement dans
le cadre du NEPAD, une bonne partie dépendra des programmes
nationaux et c'est pourquoi j'ai souligné le rôle des stratégies élaborées
par les pays eux-mêmes, des systèmes de gestion de dépenses
19
Préfaces
publiques et de la nécessité, pour les donateurs, d'adapter leur
assistance à la situation de chaque pays.
Ce qui est nouveau ici, c'est que nous faisons des progrès en ce qui
concerne la création de mécanismes d'obligation mutuelle, pour que les
pays africains et leurs partenaires agissent dans l'honnêteté. Pour que
le NEPAD introduise une réelle différence dans le développement de
l'Afrique, il est nécessaire de transformer les relations entre
gouvernements africains et partenaires extérieurs en un partenariat
reposant sur l'acceptation mutuelle d'engagements dans divers
domaines et établissant un processus permettant de suivre dans quelle
mesure ces engagements sont respectés. Il s'agit d'instaurer l'obligation
mutuelle de rendre des comptes.
Du côté africain, il doit exister un engagement à établir et à
maintenir la paix et la sécurité, à respecter les fondamentaux macroéconomiques, des systèmes de finances publiques responsables et
transparents et à créer un environnement propice au développement
du secteur privé. Nous demandons cependant à nos partenaires
extérieurs d'augmenter leur assistance au développement aussi bien
quantitativement que qualitativement.
Nos partenaires internationaux doivent aussi s'assurer que toutes les
politiques qui affectent les perspectives de développement de l'Afrique
- qu'il s'agisse de l'aide, de l'accès aux marchés et de la dette - sont
conformes aux objectifs de développement du Millénaire. Dans le cadre
d'une véritable obligation mutuelle de rendre des comptes, l'initiative
• Tout sauf les armes· de l'Union Européenne par exemple, ne devrait
pas devenir "Tout sauf les fermes", des subventions importantes
continuant à être accordées au secteur agricole. La mesure récemment
prise par les États-Unis d'augmenter de 80 % les subventions à
l'agriculture, dans certains États, illustre parfaitement ce qu'il ne faut
pas faire.
Les nouveaux partenariats, fondés sur l'obligation mutuelle de
rendre des comptes, ne donneront de résultats que si nous disposons
de mécanismes nous permettant d'améliorer les relations à différents
niveaux entre l'Afrique et ses partenaires pour nous assurer effectivement que les engagements convenus sont respectés. Les mécanismes
existants peuvent être renforcés pour assurer le dialogue et le suivi
nécessaires dans le cadre du nouveau Partenariat. Parallèlement à ces
initiatives, le NEPAD propose un Forum africain sur l'aide publique au
développement pour des échanges à un niveau élevé avec le Comité
d'aide au développement de l'OCDE.
Nous sommes un interlocuteur entre l'Afrique et ses partenaires de
développement et nous avons à la CEA, lancé deux initiatives pour
promouvoir l'apprentissage mutuel et les échanges. Nous avons en
premier lieu, comme je l'ai déjà mentionné, le Groupe d'apprentissage
africain sur les PRSP, qui permet aux pays africains de partager
l'information en ce qui concerne leur expérience en matière de
20
LI!
1101l1'1!{1lI
pU11enariur pOlir le dél'e/oppelllellf de l'Afrique (NEPAD)
stratégies de réduction de la pauvreté, recense les meilleures pratiques
et les défis que pose la mise en œuvre et encourage l'apprentissage
mutuel. Il se réunit parallèlement aux réunions du Groupe technique
du Partenariat stratégique avec l'Afrique (SPA). En deuxième lieu, la
.. Grande Table .. regroupe les ministres africains des finances et de la
planification, les ministres chargés de l'aide au sein du CAO et les chefs
de secrétariat et fonctionnaires supérieurs de la Banque mondiale, du
FMI, de la BAD, de l'UE et du PNUD. Nous avons, en tant qu'interlocuteur du G8 et à la demande de celui-ci, élaboré conjointement avec
l'OCDE un document sur les moyens de suivre dans quelle mesure
l'obligation mutuelle de rendre des comptes est respectée, tant au
niveau des pays qu'à celui du continent.
Les idées que je viens d'exposer sont des mesures pratiques à mettre
en œuvre pour réaliser un objectif essentiel du NEPAD, à savoir
transformer le partenariat entre l'Afrique et ses partenaires internationaux afin de réaliser les objectifs de développement du Millénaire et
améliorer la vie de millions de personnes sur le continent. La
Commission Économique pour l'Afrique approuve totalement le
nouveau modèle de développement et le nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique. Nous utiliserons pleinement nos relations
avec les pays africains, avec tous les organes et institutions du système
des Nations-Unies ainsi qu'avec les donateurs bilatéraux et
multilatéraux pour assurer le renouveau de l'Afrique. Nous plaidons la
cause de l'Afrique dans tous les forums sur le développement. Nous
utilisons nos connaissances et nos services consultatifs pour aider à
mettre en place des capacités durables dans tous les pays africains. Des
efforts que nous déployons pour assurer la mise en œuvre effective du
nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique afin que ce
continent puisse rapidement commencer à réaliser ses aspirations.
21
Avant-propos
Commission Économique
des Nations-Unies pour l'Afrique
Bureau de l'Afrique Centrale
Avec le NEPAD 1, l'Afrique a certainement repris à son compte l'initiative
en matière de proposition pour son développement économique. Une
initiative qui lui a échappé des années durant. Cette nouvelle initiative
permet à l'Afrique de rét1échir et de formuler des propositions pour
relancer sa croissance économique et son insertion dynamique dans
l'économie internationale. Le NEPAD est née de la convergence de deux
initiatives et propositions: le Plan Oméga du Président Wade, le MAP
proposé par les présidents Mbeki, Boutet1ika et Obsanjo. Ce plan a été
adopté lors du Sommet des Chefs d'États africains en juillet 2001 à Lusaka.
La réunion du Comité de suivi en octobre 2001 à Abuja a entériné
l'appellation NEPAD pour mettre en valeur le partenariat équilibré que
l'Afrique cherche à construire avec la communauté internationale.
L'adoption du NEPAD intervient à un moment crucial dans l'histoire
de l'Afrique. En effet, le continent n'a cessé de se marginaliser dans les
relations économiques internationales et la pauvreté a connu une
progression sans précédent. Les espoirs de la modernisation
économique et sociale ont déçu et l'Afrique n'a cessé de s'enliser dans
une crise sans fin. Mais, en même temps, la réflexion sur le
développement connaît une mutation et des changements importants.
Une ère nouvelle est ouverte où la réflexion sur le développement n'est
plus cantonné à sa simple dimension économique mais intègre de plus
en plus la complexité et l'enchevêtrement entre les sphères politique,
économique et sociale. Une complexité que les visions simplistes de ce
qu'on appelé le consensus de Washington avait laissé de côté. Des
préoccupations que la notion de gouvernance politique et économique
cherche à saisir. En même temps, la réflexion sur le développement
s'est libérée du discours idéologique qui l'a caractérisé depu is plusieurs
années pour adopter des démarches plus pragmatiques et dont le seul
souci est de répondre aux défis des situations concrètes. Ainsi en estil, par exemple, de l'opposition État-marché qui a jusqu'à une période
récente était au cœur de toutes les oppositions et les divergences en
matière de développement. Aujourd'hui, tous les experts reconnaissent
1. Acronyme anglais de New Partenership for Africa's DeveJopment.
23
A l 'CI Jlf-propos
la complémentarité entre ces deux formes de régulation des économies
et insistent de plus en plus sur le rôle et la place des institutions dans
le fonctionnement stable des économies. Enfin, le contexte international
est également marqué par une volonté de rééquilibrer les relations
entre les pays africains et les bailleurs de fonds. Un équilibre rompu
pendant plusieurs années avec des conditionna lités de plus en plus
fortes et marquées. La notion de partenariat exprime cette volonté de
part et d'autre de retrouver un plus grand équilibre dans les relations
entre les pays africains et la communauté internationale.
Le NEPAD constitue un cadre stratégique et global pour le
développement de l'Afrique. L'innovation majeure est liée au fait que
ce plan a été conçu et développé par les dirigeants africains pour
relever les défis du développement du continent. Ce plan s'attaque en
effet aux principaux problèmes du développement du continent africain
et cherche à apporter des solutions aux difficultés économiques, politiques
et sociales. Mais, ce plan constitue également un engagement de la part
des leaders africains envers les peuples africains en vue de relancer la
croissance et d'améliorer le niveau de satisfaction des besoins de base.
Le NEPAD offre également un cadre pour un nouveau partenariat avec
la communauté internationale.
Le NEPAD s'est fixé une série d'objectifs prioritaires. Il s'agit d'abord
de promouvoir la croissance et le développement soutenable en
Afrique. Ensuite, ce plan se fixe comme priorité de lutter contre la
pauvreté qui a explosé dans la plupart des pays africains. Le NEPAD se
fixe pour objectif également de relancer les investissements dans le
domaine des infrastructures après des années d'oubli. Par ailleurs, la
priorité de ce plan est de mettre fin à la marginalisation de l'Afrique
dans la globalisation. Ces éléments constituent des facteurs nécessaires
à une relance de la dynamique du développement en Afrique et
constituent les conditions pour construire une nouvelle expérience
historique qui donnera les motifs d'une nouvelle espérance en Afrique.
Cet ouvrage constitue un point de départ de la réflexion et de la
recherche qui doit accompagner le NEPAD. 11 regroupe une série de
contributions qui ont été présentée lors d'un colloque organisé à
Yaoundé en avril 2002 par le Centre de Développement Sous-Régional
de l'Afrique Centrale de la Commission Économique des Nations-Unies
pour l'Afrique. Les auteurs sont honorés de la présence de son
Excellence le Président Abdoulaye Wade qui a joué un rôle important
dans le NEPAD et qui a bien voulu contribuer à cet ouvrage par une
brillante préface. Nous sommes également heureux d'accueillir un autre
invité d'honneur en la personne de M. K. Y. Amoako, Secrétaire
Exécutif de la Commission Économique des Nations-Unies pour
l'Afrique, qui a également contribué de manière forte dans l'émergence
de cette nouvelle initiative.
24
Ce travail est le résultat des efforts et de la réUexion menée depuis plusieurs
années sur le développement en Afrique par les experts du Centre de
Développement Sous-Régional de la Commission Économique des NationsUnies pour l'Afrique dont le siège est à Yaoundé (Cameroun). L'équipe
d'experts du Centre est composée de :
Hakim Ben Hammouda (Directeur)
Albert Yama
Sylvain Maliko
Anne Marie Bakyono
Gabriel Nahimana
David Kamara
Samuel Tekié
Jean Robert Tsoye-Nkono
ILe Centre a également l'appui régulier et constant de deux consultants:
ISYlVain Mouyedi
IAlain Nkoyock
25
PREMIÈRE PARTIE
LE NEPAD:
ENJEUX POLITIQUES,
ÉCONOMIQUES ET SECTORIELS
Le NEPAD, un nouvel espoir pour l'Afrique
par
Martin Okouda
Ministre des Affaires économiques, de la programmation
et de l'aménagement du Cameroun
Le NEPAD constitue une initiative majeure dans l'histoire récente du
continent. Ce n'est pas la première fois qu'une initiative pour le
développement du continent est mise en place. On pourrait même
parler d'une prolifération d'initiatives pour le continent pendant la fin
du siècle dernier. Ce qui diffère aujourd'hui, il me semble, est
l'affirmation de la volonté des africains de prendre en main le destin de
leur continent. En effet, instruits par les expériences du passé, les
dirigeants africains ont considéré la paix, la sécurité, la démocratie, la
bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme comme des
préalables au développement durable, A cet effet, ils se sont engagés,
à travers le NEPAD, individuellement et collectivement à assurer la
promotion de ces vertus aux niveaux national, sous-régional et
continental. Le NEPAD est un important processus qui met non
seulement la responsabilité première des dirigeants africains en
exergue, pour une destinée économique et politique de l'Afrique toute
entière, mais crée aussi des conditions favorables pour un développement soutenu et une réduction de la pauvreté sur le continent. C'est
aussi l'engagement des chefs d'État Africains de coopérer dans l'établissement et la mise en œuvre des programmes et stratégies de
développement du continent avec les partenaires internationaux de
l'Afrique. Enfin, il s'agit d'un contrat de partenariat que l'Afrique va
passer avec ses partenaires et les populations africaines.
Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique a été
bien accueilli sur le plan international, notamment aux Nations-Unies,
à l'Union Européenne et par le G8 qui a mis en place un Comité pour
traiter avec les pays qui sont parties prenantes du NEPAD. Son Comité
de pilotage a tenu une série de réunions avec le Comité des
représentants personnels du G8 pour aider celui-ci à élaborer son plan
d'action de Gênes pour l'Afrique en appui au NEPAD. Il a également
suscité des réactions encourageantes au niveau des pays nordiques qui
ont indiqué qu'ils s'engageaient à appuyer cette initiative.
29
Le NEPAD : el (jellx politilJues, écol/omiques et sectoriels
Je voudrais souligner que la structure principale chargée de la mise
en œuvre du NEPAD a travaillé sans relâche depuis l'adoption de celleci à Lusaka l'année dernière, générant ainsi de l'espoir au niveau du
continent et une certaine confiance pour l'initiative au niveau de la
Communauté internationale.
A titre d'exemple, tout récemment, plus exactement le 26 mars 2002
à Abuja, au Nigeria cette structure s'est réunie pour examiner les
résultats des groupes de travail sur la paix et la sécurité, le
renforcement des capacités de prévention des conflits, de gestion et de
résolution des conflits en Afrique, la gouvernance politique, la bonne
gouvernance et la démocratie, la gouvernance économique et
corporative et sur les secteurs prioritaires.
Le NEPAD est un processus qui exige débats, réflexion et échanges
de points de vue. Il faudra réfléchir sur les conditions préalables au
succès de cette initiative. Aujourd'hui, il y a un consensus à tous les
niveaux, autour de l'intégration et la coopération régionales comme les
moyens les plus sûrs pour minimiser les effets négatifs de la
fragmentation des marchés africains, atténuer l'impact des chocs
extérieurs et faire des pays africains des acteurs actifs dans l'économie
globale. En mettant un accent particulier sur ces éléments clés, le
NEPAD a considéré les actions dans des domaines spécifiques tels que
la bonne gouvernance et la bonne gestion économique comme
préalables pour le développement de l'Afrique. La sécurité, la paix et la
bonne gouvernance en sont de ce point, des éléments essentiels qui
doivent être approfondis. Les priorités sectorielles définies ont donné
lieu à des exercices de planification dans les différentes régions
africaines. Un travail qui sera finalisé dans différents fora.
Mais il est nécessaire, aujourd'hui de souligner l'importance des
dynamiques sous-régionales et nationales dans la mise en œuvre du
NEPAD. Comment mettre en œuvre cette initiative? Comment exécuter
et assurer le suivi des projets?
Le consensus crée autour du NEPAD doit nous amener à réfléchir sur
les conditions de sa mise en place notamment aux niveaux sousrégional et national. Car la mise en place de cette initiative permettra
de faire renaître l'espérance d'une Afrique dynamique et confiante en
son avenir.
jO
L'Investissen1ent direct étranger
en Afrique et le NEPAD
par
Lalla Ben Barka
Secrétaire Exécllfif adjoint de la Commission
Économique des Nations-Unies pour l'Aji1qlle (CEA)
La corrélation étroite entre accumulation du capital physique et
humain, augmentation des revenus et amélioration générale de la
qualité de vie ne fait l'objet d'aucun doute. Les progrès de l'Humanité
ont toujours été fondés sur l'investissement dans l'avenir, que ce soit en
formant les populations à élargir leurs horizons ou en créant le capital
social et physique nécessaire à la faisabilité et à la durabilité du progrès.
Malheureusement, pour l'ensemble de l'Afrique, le processus d'accumulation du capital, sous l'angle de l'investissement, a été largement
insatisfaisant.
Je voudrais d'abord donner un aperçu de la situation de l'investissement en Afrique et souligner les mesures essentielles à prendre pour
améliorer cette situation. Ensuite, je montrerai en quoi le Nouveau
partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) constitue un
bon cadre à même de promouvoir un plus grand rôle du secteur privé
en Afrique et résoudre la faiblesse actuelle de l'investissement sur le
continent. En conclusion, j'expliquerai en quoi l'intégration régionale
est cruciale pour l'accomplissement de nos objectifs de croissance
économique et de développement accéléré en Afrique.
I. L'investissement étranger en Mrlque : des résultats faibles
Permettez-moi de commencer par une question: Pourquoi les taux
d'investissement sont-ils si faibles en Afrique? L'analyse des conditions
générales de l'investissement, que la CEA a menée pour la période
allant de 1974 à 1996, montre une baisse très nette des taux de l'investissement pour l'ensemble du continent. Et pour la sous-région de
l'Afrique du Nord, les chiffres révèlent une baisse encore plus forte que
la moyenne continentale. En effet, le taux d'investissement de l'Afrique
du Nord, qui était, en moyenne, de 36 % du PIB, entre 1974 et 1980,
n'était plus que de 24 % entre 1991 et 1996.
31
Le NEPAD: en/eux politiqlles. éco/lomiqlles et sectoriels
Il est également important de noter que les niveaux de l'investissement ont chuté en dépit du fait que le taux de rentabilité de chaque
dollar investi était nettement supérieur dans la plupart des pays
africains que partout ailleurs dans le monde. Alors, pourquoi les
investisseurs africains et étrangers hésitent-ils à investir en Afrique,
malgré cette incitation au profit?
La réponse que nous avons apportée à la CEA, à partir de nos
travaux analytiques et empiriques, est que, s'agissant de l'investissement, la stabilité et la prévisibilité du cadre général des incitations
- prix relatifs, demande, taux d'intérêt, taxes - importent sans doute
plus que le niveau des incitations elles-mêmes.
Sur le plan macro-économique, cela signifie, essentiellement, que
pour encourager les investisseurs à répondre aux nouvelles incitations,
il est essentiel d'asseoir la stabilité macro-économique et la confiance
des investisseurs dans la durabilité du cadre de politique économique.
En Afrique, on associe souvent les mauvais choix à l'instabilité politique
et à l'oppression. Mais les gouvernements sont sur la bonne voie
lorsqu'ils corrigent des déséquilibres macro-économiques insoutenables
- forte inflation, déficit public important, taux de change surévalué qui sont une cause première d'instabilité macro-économique et
d'incertitude relative aux politiques à venir. Des réformes institutionnelles sont mieux accueillies par les investisseurs, lorsqu'elles visent à
garantir la prévisibilité des politiques, le respect des droits de propriété
(notamment l'exécution des contrats et l'application des normes
techniques) et la stabilité de « la règle du jeu ".
Tout cela revient à dire qu'un État compétent est une condition sine
qua none du développement durable. A la CEA, nous définissons la
bonne gouvernance dans un sens très large pour y inclure plus que la
gouvernance politique. Pour nous, un État compétent doit également
assurer une bonne gestion macro-économique des entreprises et
renforcer les capacités institutionnelles. Bref, le gouvernement doit
créer un environnement socio-économique stable, diversifié et
favorable, qui incite les investisseurs africains et étrangers à s'engager
en Afrique.
Comme certains d'entre vous le savent, la CEA a récemment lancé
un projet important d'évaluation et de suivi de l'état de la gouvernance
en Afrique. Dans le cadre de ce projet, un certain nombre de questions
cruciales sont posées, entre autres:
Sur le plan institutionnel: De quels moyens et compétences le
pouvoir législatif dispose-t-il pour mener sa mission? A quel point le
pouvoir exécutif et l'administration s'avèrent-ils efficaces et compétents?
Quelle est l'autonomie du pouvoir judiciaire, des organes chargés de
l'application des lois et des organes de réglementation?
Sur le plan de la gestion économique et de la gestion des
entreprises: A quel point le recouvrement et la réparation des recettes
sont -ils socialement équitables? Quels systèmes a-t-on mis en place
32
L'investissement direct étranger en Afrique et le NEPAD
pour l'adoption de normes et de codes reconnus au niveau
international? Existe-t-il un cadre juridique et institutionnel destiné à
faciliter le fonctionnement normal du secteur privé?
Ce sont là des questions que les investisseurs se posent lorsqu'ils
songent à risquer de l'argent ou non dans n'importe quel pays.
Pour répondre à ces questions, la CEA utilise trois instruments
d'enquête: un instrument portant sur l'opinion de groupes cibles, qui
permet de collecter les réponses d'experts capables de donner un avis
autorisé sur les questions regroupées dans chacun des trois modules;
une enquête nationale sur les ménages visant à recueillir les
impressions de l'ensemble de la population adulte; un instrument
statistique, géré par des institutions de recherche avec lesquelles nous
collaborons, pour réunir des informations concrètes et des données
solides.
Ces indicateurs ont déjà été expérimentés au Bénin et en Afrique du
Sud et les résultats sont tout à fait probants. La CEA collabore
étroitement avec des institutions nationales de recherche afin de mener
des enquêtes nationales dans 14 pays. Nous comptons débattre de nos
conclusions à des forums auxquels nous convoquerons nos États
membres pour dialoguer avec d'autres parties prenantes, afin de
promouvoir l'appropriation du projet et la recherche du consensus.
Nous envisageons, à partir de ces éléments, de publier, en 2003, la
première version du • Rapport sur la gouvernance en Afrique., une
publication biennale phare de la CEA.
II. Le NEPAD et l'investissement en Mrique
Le NEPAD est un bon cadre pour relever effectivement le défi de
l'investissement en Afrique. Il en est essentiellement ainsi parce que ses
principaux objectifs sont l'instauration de la paix, de la sécurité et la
création d'États compétents. L'Initiative indique également clairement
que la promotion du secteur privé visant à assurer le développement
de l'Afrique, est un autre objectif majeur.
Les activités que la CEA mène actuellement dans le domaine de la
gouvernance sont une contribution technique importante à la mise en
œuvre du NEPAD. En fait, le Comité des chefs d'État chargé de la mise
en œuvre du NEPAD a confié à la CEA la tâche de conduire les travaux
sur l'Initiative relative à la gestion économique et à la gestion des
entreprises du NEPAD et nous nous employons à le faire.
Il ressort très clairement du NEPAD que l'Afrique a besoin d'investissements. Il faut des investissements dans des domaines cruciaux tels
que les infrastructures, les technologies de l'information et de la
communication (TIC), les services sociaux et, naturellement,
l'agriculture sur laquelle compte la majorité de la population pour
assurer sa subsistance et sortir de la pauvreté. En outre, le NEPAD
33
Le NEPAD . eI(je1lx politiq1les, éco/lomiques et sectoriels
préconise une Initiative globale favorisant les flux de capitaux, qui
comprendrait des mesures visant à mobiliser plus de ressources
internes, à alléger la dette, à réformer l'aide publique au développement CAPO) et à promouvoir les flux de capitaux privés.
Pour promouvoir l'accroissement des flux de capitaux privés vers
l'Afrique, élément essentiel d'une approche durable à long terme
destinée à combler le manque de ressources, le NEPAD demande aux
pays africains de prendre les mesures suivantes:
- Créer un groupe d'étude qui sera chargé d'examiner la législation
et la réglementation relatives aux investissements en vue de
réduire les risques et de promouvoir l'harmonisation des textes en
Afrique;
- Évaluer les besoins en instruments financiers et effectuer une
étude de faisabilité pour ce faire afin de limiter les risques que
comportent les affaires en Afrique;
- Lancer une initiative visant à renforcer les capacités nationales
pour mettre en œuvre les Partenariats entre les secteurs public et
privé;
- Créer un groupe de travail qui sera chargé de l'intégration des
marchés financiers pour accélérer l'intégration de ces derniers
grâce à l'adoption d'un cadre législatif et réglementaire
international uniforme et à la création d'un cadre unique pour le
commerce africain.
Conclusion
En conclusion, il faut souligner que l'accélération de l'intégration
régionale pourrait favoriser les investissements directs étrangers en
Afrique.
A ce niveau le lancement de l'Union africaine à Lusaka en juillet
dernier, a été un événement historique qui a montré aux Africains euxmêmes et au monde que nos dirigeants avaient abandonné l'idée
romantique de l'unité africaine pour s'engager fermement dans la voie
plus réaliste de la coopération et de l'intégration économiques.
L'intérêt de la coopération et de l'intégration économiques tient à
plusieurs facteurs. Premièrement, nous savons tous que la plupart de
nos pays sont petits et que les marchés sont exigus, ce qui a des
incidences directes sur l'intérêt que peuvent présenter nos différents
pays pour les investisseurs. En outre, l'exiguïté de nos marchés et la
taille de nos économies ne permettent pas de diversifier la production
nationale et réduisent nos capacités d'exportation. Deuxièmement, la
tendance actuelle dans le monde - en Europe, en Amérique et en Asie indique que l'intégration économique sera un volet important dans les
efforts visant à améliorer la compétitivité au niveau international.
Troisièmement, l'intégration économique sera probablement le meilleur
34
L ï11l'esfissemellf direct ('franger en Afrique ef le NEPAD
moyen pour les investisseurs africains de tirer parti du facteur que
constitue la mobilité des capitaux grâce à l'accroissement du commerce
intra-africain et des investissements. Quatrièmement, du fait de la
coopération et de l'intégration peu poussées, d'importantes économies
d'échelle sont perdues et les investissements, à leur tour, en subissent
les contrecoups, en particulier dans des domaines tels que les
infrastructures.
35
Une nouvelle version du développement
intégré et concerté: le NEPAD
par
Professeur Moustapha Kassé
Doyen de FASEG
Depuis les années 70, l'Afrique est traversée par d'innombrables
difficultés économiques et sociales subséquentes d'une part à la chute
brutale des cours des matières premières provoquée par la crise
financière et économique mondiale, et d'autre part par les conditions
climatiques défavorables à l'agriculture et les problèmes engendrés par
l'instabilité et les conflits qui ont affecté une bonne partie du continent.
Malgré quelques embellies dans des pays limités (Tunisie, Maurice,
Botswana, Burkina Faso, Ouganda, Afrique du Sud) et dans certains
secteurs, le bilan du développement se lit en termes de contreperformances qui ont conduit progressivement à la marginalisation
rampante du continent des affaires du monde.
Cette situation économique africaine apparaît dans la détérioration
généralisée des fondamentaux des économies nationales: stagnation
des économies, inflation galopante, approfondissement du double
déficit chronique de la balance des paiements et des finances publiques,
massification de l'endettement, et faible croissance économique. Le
revenu moyen africain qui représentait 14 % du revenu des pays
développés au milieu des années 60, en 1997 le rapport n'était plus que
de 7 %. Le taux de croissance annuel moyen du PΠentre 1965 et 1993
n'était que d'environ 0,5 % de loin inférieur à la croissance
démographique (entre 2,9 à 4,1 %). Après la haute conjoncture de 1994,
avec un taux de croissance de 5,5 %, celle-ci ne s'est pas consolidée
puisque le taux de la région a réamorcé une tendance baissière pour
se fixer à 3,2 % en 1998 et à un peu moins de 2 % au début du
millénaire.
Les économies africaines ont assez mal réagi aux chocs externes
comme la morosité de l'économie mondiale, la baisse des cours des
matières premières dont le pétrole, la crise asiatique. Ces chocs ont
induit des effets désastreux sur le taux d'inflation, la croissance du PŒ,
le déficit budgétaire, l'endettement et le taux de change. A la fin des
années 90, l'Afrique représente 12 % de la population mondiale mais
37
Le NEPAD : enjeux politiijues, écouomiijues el sectoriels
fournit moins de 1 % du PŒ mondial. Les résultats du développement
industriel et agricole sont aussi modestes. Il avait été mis en place une
stratégie d'industrialisation par substitution aux importations qui avait
de faibles relations en aval comme en amont avec le secteur agricole:
les performances se sont révélées décevantes. Au niveau des relations
avec l'extérieur, la part de l'Afrique dans les exportations est modeste.
L'Afrique est complètement absente du commerce mondial dans les
branches les plus dynamiques des produits manufacturés et des
services. Au plan social, la dégradation du bien-être s'élargit avec la
montée de la pauvreté dont l'accroissement est plus rapide que celui
des revenus.
Dans les années 80, le Plan d'Action de Lagos (PAL) pour le
développement économique de l'Afrique 0980-2000) cherchait à
résoudre au niveau continental, régional, sous-régional et national, les
grands problèmes du développement africain. Cette politique de l'OUA
avait été consignée dans le PAL à la XVIe session ordinaire de la
Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, tenue à Monrovia en
juillet 1979, précédée par des travaux d'experts économistes. Une
déclaration a été adoptée. sur les principes directeurs à respecter et les
mesures à prendre pour réaliser l'autosuffisance nationale et collective
dans le domaine économique et social, en vue de l'instauration d'un
nouvel ordre économique international ".
Également, les Chefs d'État et de Gouvernement de l'OUA
• s'engageaient, au nom de leurs gouvernements et de leurs peuples à
promouvoir le développement économique et social et l'intégration de
leurs économies en vue d'accroître l'auto dépendance et favoriser un
développement endogène et auto-entretenu pour faciliter et renforcer
leurs rapports sociaux et économiques; pour l'édification au niveau
national, sous-régional et régional d'une économie africaine dynamique
et interdépendante, pour l'établissement, chaque année, de programmes
spécifiques pour matérialiser cette coopération économique sousrégionale, régionale et continentale ".
La mise en œuvre de cette déclaration a été consignée en avril 1980,
dans le Plan d'Action de Lagos, dont l'ambition était à la mesure du
retard économique du continent. Le contenu concernait des domaines
aussi variés que:
- l'agriculture et l'alimentation dont le plan de développement a été
approuvé à Arusha et adopté dans la déclaration de Monrovia de
juillet 1979 ;
-l'industrialisation du continent par la poursuite d'objectifs à long,
moyen et court terme, visant à atteindre en l'an 2000 au moins 2 %
de la production industrielle du monde, conformément aux
objectifs de la conférence de Lima;
-l'exercice de la souveraineté totale des pays africains sur leurs
ressources naturelles, en s'appuyant sur la formation de ressources
humaines capables de maîtriser les technologies appropriées;
38
Une HOl/l'elle l'ersion du déwloppement il1tè,;re et COHce11é: le NEPAD
-la recherche et l'utilisation rationnelles des ressources humaines et
des compétences nécessaires à la mise en œuvre de ce plan
d'action;
- la mise de la science et de la technologie au service du
développement du continent aux niveaux national, sous-régional
et régional;
- l'adoption et la mise en œuvre d'une stratégie générale en matière
de transports et de communications;
- la promotion et l'intensification des échanges commerciaux et
financiers sur le plan national inter-africains.
Cette énumération non exhaustive montre toute l'importance
accordée au PAL, ainsi que les grands espoirs qu'il a suscités lors de son
adoption et de sa promulgation. Malgré, cela les années 90 vont
montrer de très faibles taux de réalisation des objectifs retenus. Ces
résultats bien en de ça des espérances, avaient justifié les évaluations
sévères comme" la décennie gâchée ", " la décennie des espoirs déçus"
ou plus fréquemment" la décennie perdue du développement ". Qu'il
s'agisse de la croissance économique, de la résorption du double déficit
structurel de la balance commerciale et des finances publiques, de la
dette extérieure et intérieure, des niveaux de pauvreté, de la nutrition,
de la santé, de l'éducation en un mot de l'amélioration du bien-être
social, les performances sont dans l'ensemble très médiocres.
L'afropessimisme a amplifié et dramatisé cette réalité comme pour
préparer toutes les opinions publiques à des thérapies pénibles. Le
cycle qui a suivi est connu; consensus de Washington et imposition des
programmes d'ajustement structurel comme solution incontournable.
Les insuccès du PAL ou encore le grand écart entre les intentions et
la réalité pourraient être imputables aux raisons qui suivent:
-la non traduction par les États des orientations et programmes
adoptés au niveau continental en politiques et projets nationaux;
- l'absence de volonté politique et de détermination à poursuivre
des stratégies et politiques économiques et financières pertinentes;
- la différence de conception et de perspective entre les Africains,
les donateurs et institutions multilatérales;
-le manque d'enthousiasme des partenaires de l'Afrique en matière
de développement à aider le continent à atteindre les buts et
objectifs qu'il s'est fixé;
-l'illusion entretenue que chaque pays, agissant à titre individuel,
peut surmonter en isolement les énormes handicaps comme l'étroitesse des marchés, le déficit d'épargne et des fonds d'accumulation
productive, la faible base technologique;
- le développement dans le cadre de l'État-nation à partir des PAS
porte préjudice à l'intégration, à la coopération régionale;
-la détérioration de l'environnement économique international avec
la double crise du Système Monétaire International (SMI) et les
39
Le NEPAD : enjeux politiques, économiques et sectoriels
chocs pétroliers successifs qui a complètement étranglé le continent
et accentué sa marginalisation ;
-la focalisation sur la stabilisation et la gestion des déséquilibres
financiers extérieurs et intérieurs au détriment d'une vision de
développement planifié;
-le rôle croissant des «experts venus d'ailleurs.. qui participent
directement ou indirectement à la prise de décisions économiques,
politiques et sociales et au détriment de l'expertise interne, des
universitaires et de la société civile ;
-les effets de la sécheresse et de la désertification;
-l'extrême vulnérabilité de l'agriculture aux aléas climatiques;
- le poids de la conflictualité africaine avec les guerres civiles, ethnique
et tribales qui perturbent les activités productives, détruisent
l'infrastructure, entraînent le déplacement de millions de personnes
et obligent les gouvernements à détourner les rares ressources des
activités de développement.
Le fait que le PAL et les autres plans qui l'ont suivi n'ont pas connu
de réalisations concrètes, face à la montée des déséquilibres et de
l'endettement, les États ont été contraints à appliquer les politiques de
stabilisation préconisées par la Banque mondiale. Celles-ci gravitent
autour de quatre objectifs:
-l'ouverture des économies sur le système des relations économiques et financières internationales;
-la réduction du rôle de l'État dans les choix de production et
d'allocation des ressources ce qui implique la réduction du secteur
public, le démantèlement des monopoles publics naturels et la
privatisation;
-l'élimination de toutes les distorsions dans le libre jeu de tous les
marchés des biens et des services, du travail, de la monnaie, des
taux de change;
- la promotion du secteur privé dans toutes les activités productives.
plus de deux décennies d'application et de .. règne sans partage .. des
PAS, la médiocrité des résultats économiques et financiers du continent
a amené la Banque mondiale à opérer une évaluation exhaustive des
politiques mises en œuvre. Elle publie en 1994, le Rapport .. Adjustment
in Africa .. qui montre que les rythmes des réformes restent encore
faibles et conséquemment, le niveau de la croissance ne permet pas
encore une réduction de la pauvreté et une résolution des nombreux
problèmes sociaux liés à une démographie galopante et une
urbanisation rapide et chaotique, deux phénomènes conjugués qui font
exploser la demande sociale.
Ce n'est pas notre objet de nous étendre sur cet aspect de la
question relative à la pertinence ou non des PAS. Mais le moins que
l'on puisse en dire est que ces politiques ont échoué dans ce qui était
40
Vile /lOl/wlle l'ersion dit dél'r!foppemenl illtèMre el conce/1é,' le NEPAD
leur objectif majeur: l'instauration d'un processus vertueux de croissance
économique. Si elles se sont avérées aussi peu performantes, c'est
parce qu'elles ont, comme le note]. Stiglitz, confondu les moyens avec
les fins: la libéralisation, la recherche des grands équilibres, les
privatisations sont prises comme des fins plutôt que comme des
moyens d'une croissance durable, équitable et démocratique. Elles se
sont beaucoup trop focalisées sur la stabilité des prix plutôt que la
croissance et la stabilité de la production. Elles n'ont pas su reconnaître
que le renforcement des institutions financières est aussi important
pour la stabilité économique que la maîtrise des déficits budgétaires et
de la masse monétaire. Elles se sont concentrées sur les privatisations,
mais n'ont guère attaché d'importance à l'infrastructure institutionnelle
nécessaire au bon fonctionnement des marchés, et particulièrement à la
concurrence n. Les nombreuses évaluations critiques de l'ajustement
menées par des chercheurs universitaires (Sa mir Amin, Ben Hammouda,
M. Kassé, M. Diouf et al) ont abouti à l'exigence de Repenser Bretton
Woods à partir d'Afrique (thème du Colloque des intellectuels africains
patronné par le Président Blaise COMPAORE à Ouagadougou en Avril
2000 avec la participation d'environ 300 enseignants-chercheurs et
d'éminents experts des institutions financières internationales).
En analysant de plus près cette crise africaine qui est la préoccupation majeure des décideurs politiques en ces débuts du millénaire,
elle présente un caractère multidimensionnel à la fois économique,
politique et social. Et aucun pays n'y échappe entièrement; "nous
traversons tous la même crise et partageons les mêmes conséquences
(Blaise Compaoré, 1998).
n
n
n
n
En premier lieu cette crise africaine est économique. Toutes les
recherches et les différentes analyses montrent que les économies
africaines sont installées dans une crise durable qui se manifeste sous
trois formes à savoir:
-la dégradation générale des principaux indicateurs macroéconomiques et macro financiers, l'approfondissement des déficits des
finances publiques et de la balance des paiements;
- la désintégration des structures de production et des infrastructures
de base;
- la détérioration des facteurs constitutifs de l'indicateur du développement humain: éducation, santé publique, nutrition et logement.
Manifestement, sur chacun de ces points, on peut exhumer des
statistiques pertinentes mais quels que soient les indicateurs utilisés, les
performances des économies depuis les décennies 1970, 1980 et 1990
sont restées plutôt très médiocres à telle enseigne que globalement ces
économies n'ont pas pu améliorer la productivité. Il en est résulté une
faible compétitivité qui conduit doublement à la marginalisation du
41
Le NEPAD.' enjel/x politiques, économiques et sectoriels
continent sur le marché mondial et à son endettement. La croissance
des secteurs productifs a été constamment faible et quelque fois négative
faisant de l'Afrique la seule région du monde où la production par tête
d'habitant a baissé au cours des années 80. Inexorablement, pareille
situation débouche toujours sur une mpture des grands équilibres
financiers et surtout la montée des secteurs non productifs. Tout
naturellement, ces déséquilibres macroéconomiques et financiers ont
contraint les États africains à appliquer des politiques de stabilisation et
d'ajustement structurel, prônées par les Institutions Financières
Internationales, au détriment des options pour le développement
planifié.
En second lieu, la crise africaine est aussi politique. Elle se manifeste sur trois plans interconnectés, celui de la détérioration de l'espace
politique avec une perte de légitimité des principales institutions dont
l'État, celui de la précarité de l'État-nation et celui de la conflictualité
africaine. L'aspect le plus important est certainement la crise
instmmentale de l'État africain. Elle se manifeste, selon P. Hugon, d'une
part dans son extrême précarité provenant d'un débordement d'en haut
par l'appartenance à des réseaux régionaux et transnationaux, et d'en
bas par l'informalisation et d'autre part, dans son incapacité à financer
ses missions les plus fondamentales comme assurer la sécurité, la santé
et l'éducation qui accroissent la qualité des ressources humaines et la
productivité des facteurs de production. Il en résulte une perte de
légitimité des institutions. Cela conduit à la dégénérescence étatique
c'est-à-dire un État débordé et surchargé qui tombe facilement dans
l'organisation d'un pouvoir patrimonial autoritaire et anti-démocratique.
C'est cela qui explique la chute de l'espace démocratique africain et le
renforcement de la corruption qui est un échange occulte pour accéder
à un avantage indu donc une forme particulière de recherche de rente.
L'ampleur de ce phénomène est telle qu'il gangrène la concurrence et
introduit des distorsions sur le fonctionnement des marchés. Les chasseurs
de rente introduisent alors des biais dans le libre jeu des institutions.
Pour les auteurs du Public Choice (Buchanan, Tollison, Tullock) le
pouvoir d'intervention de la puissance publique dans l'économie qu'il
soit direct grâce aux commandes publiques ou indirect par les
réglementations, tarifs et quotas, en fait l'interlocuteur privilégié des
chasseurs de rente.
Le second volet de la crise politique s'exprime aussi dans la
perpétuation et l'élargissement de la conflictualité africaine. La crise de
l'État-nation et les questions ethniques et tribales sont incomplètement
prises en compte dans l'analyse économique. Pourtant, ces phénomènes se présentent comme des chocs perturbateurs qui placent
plusieurs pays dans le chaos économique, politique et social. Il importe
42
Une 1/oll1'elle l'ersion dit dél'efoppement intè;<re et conce/1é: le NEPAD
de cerner ces problèmes lancinants qui font partie des préoccupations
majeures de tous les dirigeants africains et de leurs diverses organisations
continentales, régionales et sous-régionales. En effet, depuis quelques
années, on observe la multiplication, l'extension et la complexification
des conflits sur l'ensemble du continent africain au moment même où
la situation économique et sociale se détériore et que l'exigence
démocratique s'impose à tous les États.
La majorité des chercheurs (Achille Mbembé, Ben Hammouda,
M. Kassé.,.) qui se sont intéressés à la conflictualité africaine mettent
en avant la volonté des élites de faire main basse sur les ressources
pour disposer de moyens plus substantiels leur permettant d'aller à la
conquête des pouvoirs politiques en pleine déconfiture. Ainsi on
délimite les lignes de conflits autour des richesses pétrolières: Angola,
Congo-Brazzaville, Nigeria; ou des richesses diamantifères: République
Démocratique du Congo (ROC), Sierra Léone, République Centre
Afrique (RCA), ou des espaces géostratégiques fortement disputées ou
plus simplement des vestiges de la colonisation ou de l'ancienne guerre
froide: Soudan, Ouganda, Somalie. Ces conflits, qu'ils mobilisent des
armées régulières ou des civils en armes, ont des coûts financiers et
humains exorbitants. C'est surtout les civils dont le contrôle est l'un des
objectifs qui payent les plus lourds tributs à la guerre et aux
affrontements. A titre d'illustration, au niveau des 11 pays africains
concernés, les divers conflits en question ont fait entre 4 et 7 millions
de morts ce qui représente entre 3 et 5 % de leur population totale. Par
ailleurs, pour l'ensemble de ces pays en état de guerre, les victimes
civiles (réfugiés, déportés, déplacés, destructions de la production et
des instruments de travail, insécurité, grande et petite délinquance etc.)
ont concerné jusqu'à 90 % de la population alors que pour la seconde
guerre mondiale leur nombre était de 50 %. A quoi s'ajoutent les autres
préjudices matériels et moraux de tous ordres.
Sur un autre plan, les dépenses entraînées par les conflits sont
considérables à la fois pour les belligérants et pour la communauté
internationale qui est entrain de s'investir à grande échelle par la mise
sur pied de forces militaires d'interposition ou de maintien de la paix.
Plus globalement, au niveau du financier, on peut observer que des
ressources importantes sont mobilisées bien que les armes proviennent
pour l'essentiel du marché noir ou de stocks existants dans les pays en
développement ou dans les pays développés.
Au niveau du financement des conflits, on observe une évolution de
leurs formes et une plus grande diversification de leurs sources. Devant
la perte des appuis internationaux, qui du temps de la guerre froide
constituaient l'essentiel des financements, les mouvements armés développent de nouvelles filières et de nouveaux réseaux de mobilisation
de ressources. D'ailleurs, ces financements tentent de s'incruster d'une
43
Le NEPAD :
el~iellx politiques,
économiques et sectoriels
manière durable dans le tissu économique local afin de leur donner un
caractère plus durable, plus contrôlable et plus autonome. Dans ce
cadre la poursuite de la guerre ne va point se heurter à une quelconque
contrainte financière. C'est ainsi que les ressources minières (pétrole,
diamant ou autres) sont commercialisées à partir de circuits parallèles
et non officiels. Ce sont ces nouvelles formes de financements assez
proches de pratiques délictueuses qui se développent et s'élargissent.
Aujourd'hui, tous les mouvements armés exploitent la commercialisation illégale de biens ou de services licites ou illicites pour fInancer
leurs activités (drogues, diamant, or, pétrole etc.). Or, il est bien établi
que le développement durable qui est l'aspiration fondamentale des
peuples n'est possible que dans la paix, la sécurité et la stabilité.
En troisième lieu, la crise africaine est une crise sociale. Au
plan social, on observe une dégradation des indicateurs du bien-être
comme l'éducation, la santé, le logement et l'environnement et un
accroissement du chômage et de la pauvreté. L'Afrique sub-saharienne
compte selon les plus récentes statistiques environ 250 millions de
pauvres soit 45 % de sa population. Il semble que le rythme de
croissance de la pauvreté est plus rapide que celui des revenus. Ce
processus est aggravé par une forte et incohérente croissance urbaine
et une démographie galopante deux phénomènes conjugués qui font
exploser la demande sociale et vont accentuer les désordres de toutes
sortes. Comme quoi, la main invisible du marché est prédatrice de la
condition sociale.
Cette condition sociale des populations défavorisées sera aggravée
dans les pays en développement dès le début des années 80 amenant
les ONG ainsi que les organisations internationales à alarmer l'opinion
publique mondiale. L'UNICEF (Ajustement à visage humain 1984), le
BIT, la FAü ainsi que des chercheurs P. Hugon, H. Singer, Loxley
accusent directement les mesures de stabilisation et d'ajustement
structurel, la détérioration du cadre macroéconomique et financier, à la
récession économique internationale, la dégradation des termes de
l'échange et l'endettement massif.
Dans les pays soumis aux programmes d'ajustements structurels, les
conséquences des mesures économiques et financières accentuent les
difficultés de la population par le freinage de la demande et la
compression des dépenses publiques, le recul des dépenses sociales, la
baisse des effectifs de la fonction publique, la réduction de la
fréquentation des écoles et des centres de santé. Les réformes visant la
réduction des déficits et la relance de la croissance débouchent sur une
dégradation du développement humain avec une recrudescence de la
pauvreté.
C'est sur le terrain de la réconciliation entre la croissance économique et le développement social que le PNUD se sépare du cadre de
44
Une /lolll'elle l'ersio/l ail aéz'eloppeme1lf i11fègre et co/lce/1é.' le NEPAD
référence dominant pour s'élever en créant différents concepts caractéristiques de la condition humaine: l'indicateur du développement durable
(IDH), l'indice de la pauvreté humaine (IPH), l'indicateur sexospécifique (ISDH) et l'indicateur de la participation des femmes (IPF).
Au regard de l'évolution actuelle, il apparaît que le défi majeur est
la réduction de la pauvreté et des inégalités ainsi que l'investissement
dans les ressources humaines.
Le challenge des démocraties africaines est de montrer leur capacité
à trouver les voies et moyens pour y parvenir. Cela devrait certainement
passer par l'élaboration et l'exécution de programmes concernant, entre
autres, la croissance économique, le droit au développement et la
participation des femmes. Dans son rapport intitulé East Asian Miracle,
la Banque mondiale (World Bank, 1993) souligne que de nombreuses
économies d'Asie de l'Est ont pris le chemin d'une croissance rapide et
équitable. "Pourquoi l'Asie s'est-il développée plus rapidement que
l'Afrique? ". Une réponse évidente est que l'Asie a fait un effort d'investissement plus important que l'Afrique. Entre 1965 et 1990, le ratio
moyen entre l'investissement et le PIB était de 17,3 % en Afrique contre
30,6 % pour l'Asie de l'Est et du Sud-Est.
En définitive, la montée de la pauvreté de masse suite aux
médiocres résultats de l'ajustement structurel a poussé à la fois les
décideurs politiques et la communauté des économistes à chercher des
solutions de court terme au détriment du développement à long terme
qui a été systématiquement occulté. Les débats et les réflexions
portaient principalement sur les problèmes de stabilisation et d'ajustement structurel (amélioration des fondamentaux de la macroéconomie), d'endettement soutenable, d'aide au développement.
La pensée néo-libérale dominante incarnée dans la praxis des
institutions financières internationales (IFI) dénonçait très fortement les
distorsions introduites par l'État dans le processus de fonctionnement
des marchés (marché des biens et services, marché du travail, marché
des capitaux et marché des changes), L'analyse de ces divers dysfonctionnements dont la source principale est attribuée au "trop d'État"
avait conduit les IFI à exiger la réforme systématique de tous les
espaces de concentration des pouvoirs: pouvoir politique à travers le
redéfinition des missions de l'État et l'élargissement du processus
démocratique, pouvoir économique avec le désengagement de l'État, la
privatisation et la restructuration du secteur public, pouvoir éducatif et
de formation des ressources humaines.
Cependant, l'approfondissement de la crise africaine sous tous ses
aspects, la baisse continue des niveaux de vie des populations ont
réintroduit dans l'analyse économique les problèmes du développement à long terme que les progrès de la recherche économique
permettaient de prendre en charge et d'aller bien au-delà de la simple
gestion de la crise. 11 s'agit notamment du renouvellement des théories
de la croissance, de la théorie des organisations et des institutions
45
Le NEPAD: el(/ellx politiques, économiques et sectoriels
considérées comme des vecteurs de réduction des coûts de transactions, de l'information imparfaite et asymétrique enfin de l'emploi de
modèle d'équilibre général permettant une meilleure maîtrise des
interactions entre les marchés, les institutions et divers acteurs.
Manifestement, d'énormes problèmes de développement se posent
au continent: déséquilibres macroéconomiques graves, revenu par
habitant plus faible aujourd'hui qu'il ne l'était à la fin des années 60,
stagnation de la production, part croissante des victimes de la pauvreté,
faibles taux de scolarisation, forte mortalité infantile et prolifération de
maladies endémiques, disqualification du cadre de l'État-nation. Ces
perspectives africaines vont-elles continuer à être aussi sombres? En
d'autres termes, l'Afrique est-elle condamnée à vivre encore pour
longtemps dans les faubourgs de l'économie mondiale? Que faire pour
changer significativement l'environnement économique du continent?
Les vertus de la crise africaine ainsi que celles d'une vingtaine d'années
d'expérience de réformes économiques, politiques, institutionnelles et
sociales sont, entre autres, d'indiquer au moins trois directions de solution
pour en sortir: d'abord l'instauration d'un processus durable de croissance, ensuite la création d'un espace optimal et enfin l'insertion dans
l'économie mondiale de haute compétition. L'articulation de ces éléments
nécessite une nouvelle vision stratégique du développement adossée
sur un programme cohérent et opérationnel qui dégage les orientations,
fixe les priorités et détermine les moyens pour une croissance forte et
durable et une amélioration de la situation sociale à moyen et long
terme. En clair, le continent africain pour sortir de la crise a besoin
d'une nouvelle vision. et d'un leadership fort pOUf sa mise en œuvre.
SECI'ION 1 : L'IMI'I:HATIF D'UNE NOUVELLE VISION DU DI~:VELOI'I'EMENTl'OUH
SOHllH DE LA CHISE
C'est dans une optique de recherches de nouvelles solutions à la fois
pertinentes et performantes que le système des Nations-Unies et toutes
les institutions financières internationales s'interrogent pour savoir si
" L'Afrique peut revendiquer sa place dans le XXI C siècle ". La Déclaration
du Millénaire des Nations-Unies faite par les chefs d'État et de Gouvernement fixe avec clarté ce qui peut constituer les sept objectifs
internationaux du développement à savoir:
- Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la
population vivant dans l'extrême pauvreté.
- Scolariser tous les enfants dans l'enseignement primaire d'ici 2015.
- Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomie des femmes en
éliminant les disparités entre les sexes dans l'enseignement
primaire et secondaire d'ici 2005.
46
Vile nOl/l'elle l'ersion du dél'eloppemellt illtèl;re et conce/1é: le NEPAD
- Réduire des deux tiers les taux de mortalité infantile et juvénile
entre 1990 et 2015.
- Réduire des trois quarts les taux de mortalité liés à la maternité
entre1990-2015.
- D'ici à 2015, assurer l'accès aux services de santé génésique entre
1990 et 2015.
- Appliquer des stratégies nationales axées sur le développement
durable d'ici à 2005, de manière à réparer les dommages causés
aux ressources environnementales d'ici 2015.
Ces objectifs définis clairement avec des horizons de réalisation
fixés, sont avalisés par les décideurs les plus significatifs des institutions
internationales: le Secrétaire Général de l'ONU, Kofi Annan, le
Secrétaire général de l'OCDE, Donald Johnson, le Directeur Général du
FMI, Horst Kahler, et le Président de la Banque mondiale, James
Wolfensohn. Ils ont solennellement proclamé que leurs différentes
institutions s'emploieraient à faire de ces objectifs de développement le
fondement commun de leurs actions et de leurs programmes, et pour
mesurer leur efficacité. De ce fait, les tendances actuelles devront être
radicalement inversées pour que puissent se concrétiser ces objectifs. Il
faut alors au minimum réaliser un taux de croissance annuel moyen de
7 % qui nécessite des investissements colossaux de l'ordre de 65 milliards
de dollars pour des pays dont l'épargne intérieure est quasi inexistante.
Le recours à l'épargne extérieure s'impose et cela exige le développement d'un partenariat de type nouveau avec les acteurs du système
mondial ayant des excédents de ressources.
Pour ce faire, l'Afrique aura besoin d'un leadership fort et
vigoureusement implanté, d'une meilleure gouvernance économique et
politique pour assurer des prestations efficaces aux divers opérateurs
économiques et financiers sollicités.
C'est dans ce contexte que furent entreprises trois initiatives: le Plan
Omega (PLOM) du Président Abdoulaye Wade, Le Millénium
Partenarship for the African recove1Y Program (MAP) élaboré par le
Président Tabo MBeki avec la collaboration des Présidents Olusegun
Obasanjo, Abdou Aziz Boutet1ikha et Hosni Moubarak et le projet
Compact élaboré par la Commission Économique des Nations-Unies
pour l'Afrique. La fusion de ces plans a été réalisée à Pretoria suite à
une recommandation du 39 L' Sommet de l'OUA à Lusaka (en juillet
2001) sous l'appellation de la Nouvelle Initiative africaine qui deviendra
par la suite le NEPAD acronyme du sigle anglais New Partena/:'ihip for
Africa Deve/opment. Contrairement aux plans et programmes antérieurs
(Plan de Lagos, Programme Prioritaire pour le Développement de
l'Afrique, Décennie des Transports, Programme d'industrialisation,
CARPAS ... ), les nouvelles initiatives sont conçues par des Chefs d'État
47
Le NEPAD: enjeux politiques, économiques et sectoriels
qui en ont la paternité et qui de surcroît ont pris l'engagement de les
réaliser en concertation avec des partenaires extérieurs.
1 - Le Plan Oméga (PLOM) : Un pacte de croissance soutenue et
de développement durable à partir d'investissements dans
le capital physique et le capital humain
Le PLOM conçu par le Président Abdoulaye Wade est construit sur
un double constat à savoir:
- que la colonisation obéissait au principe du pacte colonial selon
lequel économie des colonies était le complément de celle de la
métropole? Dans cette logique, toutes les infrastructures
construites étaient des voies d'évacuation des matières premières;
-le second constat est qu'après les indépendances, avec l'aide des
institutions de la communauté internationale, la logique du
développement a reposé sur un binôme: le crédit (pour financer
les déficits) et l'aide publique à des conditions concessionnelles.
Or, dans le temps, ce binôme a conduit à l'impasse de la dette qui,
non seulement n'a pas financé la croissance économique mais
continue de se massifier tandis que l'aide plafonne malgré les
objectifs qui lui avaient été assignés dans les années 1970.
Ce constat d'échec impose de trouver d'autres stratégies et d'autres
moyens qui assurent une croissance et un développement durables
pour l'Afrique. Ce sont ces objectifs qui ont donc conduit à l'élaboration
du PLOM. Pour y parvenir, il faut résorber les disparités structurelles
entre les pays développés et l'Afrique dans au moins deux secteurs de
base: les infrastructures et l'éducation. En effet, pour le PLOM "si
l'Afrique disposait des mêmes infrastructures de base, elle pourrait
consacrer ses ressources à la production et à l'amélioration de la
productivité pour aborder favorablement la compétition internationale.
Cette disparité constitue un handicap très sérieux dont la charge de la
résorption devrait revenir à la communauté internationale, et plus
particulièrement aux pays industrialisés ".
Il apparaît clairement que ces principes fondateurs du PLOM ne sont
pas trop éloignés de ceux des théories de la croissance endogène
confortées par les expériences historiques de développement observées
dans le monde d'abord, aux États-Unis entre les années 50 et 70 avec
le développement des grandes infrastructures de base et des grands
travaux dont le (New Deal) processus bien connu grâce aux travaux de
la Nouvelle École Historique américaine.
Ces différentes expériences historiques ont pour dénominateur
commun l'utilisation pleine et entière des principales sources de la
croissance que sont les investissements dans le capital physique
comprenant les infrastructures de base, c'est-à-dire les routes, les
48
Ulle nOl/l'elle l'ersioll dl/ dél'eloppement illlè,gre el collee/1é.' le NEPAD
chemins fer, les infrastructures portuaire et aéroportuaire, les ouvrages
hydro-agricoles, les télécommunications et l'énergie, ensuite les
investissements dans le capital humain en faveur de l'éducation, de la
santé et de la nutrition et enfin les investissements dans l'agriculture au
sens large comprenant les activités agricoles, l'élevage, la pêche et les
forêts.
Le PLOM en insistant sur la nécessité de réaliser des investissements
importants dans les secteurs prioritaires se présente comme un
programme de croissance durable et auto-entretenue. Il constitue une
avancée inappréciable par rapport aux visions antérieures. Dans sa
conception comme dans ses objectifs le droit à la croissance pour
l'Afrique est revendiqué et en même temps, il est proposé les voies et
moyens de sa mise en œuvre en collaboration avec toute la
communauté internationale sur la base d'intérêts communs partagés.
Son approche est en beaucoup de points semblables aux nouvelles
théories de la croissance endogène qui font dépendre le taux de
croissance du comportement des agents et des caractéristiques des
systèmes économiques, contrairement aux théories traditionnelles pour
lesquelles le taux de croissance est déterminé par des variables
supposées exogènes comme le progrès technique et l'accroissement
démographique (modèle de Solow).
Les modèles traditionnels supposaient que le taux de croissance à
long terme dépendait de l'expansion de la population et des gains de
productivité qui permettent d'améliorer l'efficacité du travail; ce taux
était dépendant de la propension à épargner. En clair, le taux de
croissance à long terme était" exogène ", en ce sens qu'il ne dépendait
ni du comportement des agents (épargne, investissement, recherche .. .),
ni de la politique économique (budget, fiscalité ... ). Une telle approche
n'est pas satisfaisante, puisqu'elle, ne permet pas d'expliquer les écarts
entre pays, ni les disparités persistantes de niveau de vie.
La pensée économique du développement comme les recherches
empiriques récentes ont fait apparaître une forte corrélation entre le
capital au sens large (y compris le capital humain) et la croissance.
Dans ces formulations, les leviers de la croissance sont constitués de
quatre facteurs principaux qui s'avèrent être les secteurs prioritaires du
Plan Oméga à savoir: le capital physique (infrastructures de base), le
capital public, le capital humain (éducation et santé) et l'innovation
technologique. La rupture avec l'analyse néo-classique est nette.
Toutes les théories de la croissance s'accordent sur le fait que
l'accumulation du capital physique est un facteur essentiel de la
croissance. De façon générale, ces infrastructures comprennent :
- les réseaux routiers (routes internationales reliant le pays à certains
de ses voisins, routes nationales et départementales, routes urbaines
et pistes de désenclavement) et le réseau d'assainissement;
49
Le NEPAD " el(/eux politiques, éco/lomiques et sectoriels
-les infrastructures portuaires et les projets d'extension des ports
secondaires;
-les infrastructures ferroviaires;
-les infrastructures de télécommunication;
-le réseau de fourniture d'eau et d'électricité;
-les infrastructures aéroportuaires.
Ces infrastructures ont un double rôle : accompagner la production
des secteurs productifs et satisfaire les besoins des consommateurs.
Dans la quasi-totalité des pays africains, la caractéristique marquante de
ces infrastructures est leur insuffisance quantitative et leur état de
délabrement très avancé: moins de 30 % des routes revêtues sont en
bon état, la plupart des ports secondaires ne sont plus fonctionnels, la
fréquence des délestages sur la fourniture de l'énergie électrique en dit
long sur la vétusté du matériel de production. De plus, comme le
souligne le PLOM, le traçage des routes héritées de la période coloniale
obéit plus à une logique d'économie de traite qu'à celle d'une
économie moderne.
Le problème crucial que rencontrent les firmes implantées en
Afrique ne demeure-t-il pas la faiblesse des débouchés pour leur
production. Cela résulte d'une part de la faiblesse de la demande
intérieure solvable, et d'autre part de l'étroitesse des marchés des
facteurs de production, des biens et des services. En permettant
l'extension et le décloisonnement de ces marchés dans une optique de
croissance endogène, l'intégration devient alors très bénéfique.
Les besoins en ressources financières particulièrement en ce qui
concerne la balance épargne-investissement pour l'Afrique sont
énormes et l'APD en est la source principale. D'après la CEA (Rapport
1999), en Afrique, un investissement de 35 % du PNB serait nécessaire
pour atteindre un taux de croissance annuel de 7 %. Il faudrait donc 18 %
du PŒ d'épargne supplémentaire essentiellement externe. L'APD étant
actuellement de 9 % du PŒ, un gap de financement de 9 % reste à
combler. La CNUCED propose le même type d'estimation des besoins
de financement pour l'Afrique sub-saharienne (Rapport 2000 sur le
financement des PMA). Il faudrait 50 à 150 % de ressources supplémentaires pour atteindre un taux de croissance annuel de 6 %. L'Afrique
aurait dû bénéficier d'au moins 10 milliards de dollars de transfert de
ressources pour qu'elle puisse atteindre le taux de croissance
indispensable. Elle ne reçoit même pas le dixième. Dès lors que l'APD
constitue la source essentielle et qu'elle accuse une baisse substantielle
permanente, il faut rechercher d'autres sources.
Aujourd'hui les marchés financiers échangent chaque jour quelques
1200 milliards de dollars. Ces mouvements de capitaux sont commandés par quatre (4) facteurs:
-le paiement des transactions commerciales de biens et services;
50
Une IW111'elle 1'ersion du dél'eloppemellt il1lèRre el conce/1é: le NEPAD
-les contreparties financières de transferts, d'immobilisations corporelles (IDE) ;
- les investissements de portefeuille destinés à en améliorer le
rendement, la liquidité ou la répartition du risque;
- les spéculations sur les taux de change.
Cependant, on observe que les pays africains sont dans leur grande
majorité complètement absents de ces courants, ce qui nécessite de
nouvelles approches pour participer à la mobilisation des ressources
indispensables pour financer les investissements dans les secteurs
prioritaires. En matière de recherche de nouvelles sources, le PLOM
distingue les ressources africaines et celles provenant de la communauté internationale et du système financier.
Les ressources endogènes des pays africains comprennent:
- les ressources mobilisées dans le cadre des financements des
infrastructures et des secteurs sociaux;
- les réserves excédentaires de certains pays africains;
- les ressources de certaines institutions financières africaines;
-l'épargne intérieure des pays.
Les ressources externes sont celles qui sont attendues de la communauté internationale et du secteur privé. Elles comprennent:
-l'émission de bons de Trésor par les pays développés pour
mobiliser des ressources en faveur du Plan Oméga;
-la création de ressources spéciales par l'émission de Droits de
Tirage Spéciaux (DTS) spécialement conçus pour l'Afrique;
-l'appel aux ressources privées et aux marchés financiers;
-les prêts sur 50 ans avec bonification du taux d'intérêt;
-les investissements directs étrangers par intéressement des
entreprises des pays développés: 2/3 des fonds servent à rémunérer
ces entreprises, le 1/3 restant étant réservé aux entreprises africaines.
En définitive, si les investissements sont laissés aux seuls efforts de
l'Afrique par les deux modes de financement le crédit et l'aide, on peut
estimer que la disparité infrastructurelle ne sera pas résorbée avant une
cinquantaine d'années au moins, durée qui compromettrait la
croissance et le développement durable.
Toute l'originalité du Plan Oméga réside dans le caractère novateur
des modes de financement. Si les ressources sont essentiellement
d'origine à la fois internes et publiques, elles ne peuvent provenir que
de la fiscalité. Or, une augmentation du taux d'imposition aurait un
double effet: l'arbitrage des agents entre consommation et épargne va
se faire au détriment de la seconde (mauvais donc pour la croissance)
et ensuite le rendement de l'investissement risque de baisser. En
conséquence l'État étant l'agent le plus habilité à valoriser le capital
physique et le capital humain, il faut lui trouver des ressources
financières spéciales.
51
Le NEPAD :
el~ieux politiques,
f!COl1omiques et sectoriels
La mise en œuvre du Plan par une Haute Autorité Supranationale
L'exécution du PLOM est confiée à une Autorité supranationale
directement rattachée à un Organe Politique et soumise au contrôle
d'un Conseil d'Administration. Cette Autorité mondiale serait proposée
après une Session Spéciale de Lancement autour des questions du
Développement Africain. Elle disposerait d'un Conseil d'Administration
formé des représentants des différentes sous-régions de l'Afrique et
aurait pour mission de gérer les ressources et d'assurer la mise en
œuvre des projets prioritaires.
Cette Haute Autorité en liaison avec les Exécutifs des Plan Oméga
va alors procéder à l'évaluation de tous les besoins en investissements
dans les secteurs prioritaires des infrastructures physiques de base, de
l'éducation, de la santé et de l'agriculture afin de prendre en charge leur
gestion mais seulement après leur traduction en projets. Ce mode
d'évaluation, de suivi et de gestion des programmes d'action font que
le PLOM s'inscrit dans une dynamique de rupture avec les visions
antérieures notamment celles du PAL basées sur le développement
national autocentré mené par un État dit" développeur ". Il dégage une
stratégie proprement économique et se dote de moyens institutionnels
pour sa réalisation dans un cadre d'intégration régionale. L'espace
intégré permet l'élargissement des marchés, la réalisation des
économies d'échelle et l'élimination de la contrainte des débouchés.
Les infrastructures taillées à la dimension continentale, régionale ou
sous-régionale contribuent à la formation des marchés, au développement des échanges et enfin à la répartition des ressources dans
l'espace intégré.
II - Le Millenniuim Partership for Recovry Program (MAP):
Gouver.nancepolitlque,écononùqueetoptlonssttaté~ques
pour le développement durable
Cette logique de croissance du Plan Oméga explique sans nul doute
sa complémentarité parfaite avec le Millennium Partenership for the
African recovery Program (MAP) qui comporte de très fortes préoccupations développementalistes. Dès l'introduction, il est solennellement
proclamé que le MAP "est une promesse faite par des dirigeants
africains, basée sur une vision commune, ainsi que leur conviction
ferme et partagée qu'ils ont un devoir urgent d'éradiquer la pauvreté et
de placer leurs pays, à la fois individuellement et collectivement, sur la
voie d'un développement durable et de participer activement à l'économie
mondiale et au corps social Il est ancré sur la détermination des
africains de s'extirper eux-mêmes et de tirer le continent du malaise du
sous-développement et de l'exclusion. La pauvreté et le retard de
H.
52
Une /1OUl'elle l'l!l"sion d1l développement ill!è/{I"I! I!t conee/1é: II! NEPAD
l'Afrique sont en vif contraste avec la prospérité du monde industrialisé.
La marginalisation continue de l'Afrique en dehors du processus de
globalisation et de l'exclusion sociale de vaste majorité de ses peuples
constituent une menace sérieuse pour la stabilité du monde-. Le Plan
comporte 107 articles répartis en 5 chapitres.
Le premier chapitre traite - De la place de l'Afrique dans la
communauté mondiale ". 11 s'agit d'un véritable état des lieux du
continent avec une insistance sur le contraste existant entre la pauvreté
africaine et la richesse dans le reste du monde. Les inégalités constatées
deviennent de plus en plus inacceptables surtout par les populations
africaines. Les dirigeants doivent alors le comprendre s'ils veulent rester
au pouvoir dans les systèmes démocratiques en construction.
Le deuxième chapitre analyse • Les relations de l'Afrique avec la
communauté mondiale ". L'idée centrale est que le monde a besoin de
l'Afrique qui recèle un potentiel important de ressources qui se
décompose en 4 composants: le riche complexe de dépôts minéraux
qui fournit la base de l'exploitation minière, de l'agriculture et du
tourisme (l), le poumon écologique qui est une commodité publique
mondiale qui fait du bien à toute l'humanité (2), les sites paléontologiques et archéologiques qui témoignent de l'évolution de la terre, de
la vie et des espèces humaines, une grande variété de la flore et de la
faune (3), la richesse de la culture africaine. L'avenir sera au continent
s'il réussi à valoriser ces ressources. Or, cette valorisation doit se faire
en partenariat avec les pays développés qui détiennent le contrôle des
moyens financiers et technologiques.
Le troisième chapitre tente d'établir l'Exigence d'un nouveau
partenariat avec le reste du monde sur la base des intérêts mutuels. Ce
partenariat doit permettre à l'Afrique de tirer profit de la révolution
technologique mondiale. Cela nécessite des engagements des gouvernements, du secteur privé, des institutions internationales et même de
la société civile.
Le quatrième chapitre porte sur l'analyse des résultats de
l'Association mondiale c'est-à-dire le nouveau contexte mondial et les
avantages qui s'y attachent. La mondialisation est une donnée
incontournable et l'Afrique doit chercher les voies et moyens pour
s'insérer dans le processus pour en tirer tous les avantages.
Le cinquième chapitre est relatif aux domaines de priorité où le
Programme d'action doit être simultanément mis en œuvre. Les priorités
clés retenues sont :
- La paix, la sécurité et la gouvernance.
- L'investissement dans les peuples de l'Afrique.
- La diversification de la production et des exportations de l'Afrique.
- L'investissement dans les TIC et autres infrastructures de base.
- Le développement des mécanismes de financement.
Le dernier chapitre concerne l'affirmation d'une nouvelle volonté
politique des dirigeants africains d'accélérer le développement écono53
Le NEPAD:
el~/eux politiques,
éco/lomiques et sectoriL'/s
mique et social du continent en mettant fin à sa marginalisation et en
promouvant son intégration dans l'économie mondiale par l'accès aux
marchés extérieurs.
A l'échelle du continent africain, l'Afrique du Sud post-apartheid est
une locomotive et présente toutes les caractéristiques d'une économie
émergente. Après avoir réalisé une transition démocratique réussie qui
a montré les capacités de l'ANC à gérer l'économie, le pays doit s'intégrer
dans l'économie mondiale d'autant plus qu'il dispose d'importants atouts:
une agriculture performante et diversifiée (4 %), un secteur industriel
avancé (31,7 %), une bonne économie de services (64,3 %), des infrastructures de base de qualité, un bon système éducatif et de formation avec
un taux de scolarisation de 94 % et un PΠpar habitant de 3 225 dollars.
Malgré ce tableau de bord reluisant, le pays a d'innombrables défis à
relever: épidémies du sida, criminalité, chômage, fuite des cerveaux.
Les multinationales ont opéré, au début des années 90, soit un retour,
soit une arrivée. D'importants investissements ont été réalisés et ils ont
profité directement au secteur industriel. Cependant, la crise financière
asiatique et celle de l'or vont coïncider avec une baisse notable des flux
de capitaux. Le pays rencontre d'énormes difficultés dans la mobilisation de prêts à des conditions concessionnelles et de capitaux non
générateurs d'endettement. Ainsi, en 1998, l'Afrique du Sud n'a drainé
que 381 millions de dollars contre 1,7 milliards en 1997 et elle s'est
trouvée supplantée par le Nigeria Cl,5 milliards de dollars).
C'est dans ce contexte que le Président Thabo Mbeki annonce
devant le Parlement la reprise de la croissance avec un taux de 6 % pour
l'an 2000. La réalisation de cet objectif doit en principe passer par une
reprise des flux d'investissements directs étrangers et un meilleur accès
de l'industrie sud-africaine aux marchés extérieurs.
Au vu de sa structure, le Plan MAP se présente comme un élément
important du dispositif de relance de l'économie sud africaine et vient
compléter les programmes d'incitation à l'investissement privé direct
étranger (notamment les Spatial Development Initiatives) et les mesures
d'ouverture du secteur industriel sur les marchés extérieurs. L'Afrique
du Sud mobilise ainsi son espace vital de déploiement: l'Afrique et la
Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC).
En définitive, à l'analyse, il apparaît que les deux Plans Oméga et
MAP se complètent et poursuivent des objectifs généraux quasi identiques
visant à réaliser une croissance durable et au taux le plus élevé
possible. C'est au niveau des orientations, des démarches et des les
instruments de réalisation qu'apparaissent des différences. Le PLOM est
avant tout un plan de résorption des gaps au niveau des quatre secteurs
prioritaires retenus. La mise en place d'une économie africaine compétitive commande l'amélioration de la quantité et de la qualité de toutes
les infrastructures physiques de base, la valorisation du capital humain
et l'accès aux NTIC, or l'épargne intérieure et les différentes ressources
financières mobilisées sont insuffisantes pour combler le gap dans ces
54
Vile nOlll'elle l'ersioll dll dél'e/oppemeJlt illti!gre et COJlce/1é: le NEPAD
dits secteurs prioritaires. Des investissements massifs sont alors désirés
pour le financement des infrastructures et des différentes composantes
du capital social. Après quoi, l'Afrique pourrait opérer une allocation
plus optimale de ses ressources afin d'aborder plus favorablement la
compétition internationale. Cette orientation n'est pas celle du Plan
MAP dont le Chapitre traitant des priorités clefs comporte des éléments
comme la paix, la sécurité et la gouvernance, la diversification de la
production, l'accès aux marchés, les investissements dans les TIC, le
développement des mécanismes de financement, la dette et les
mouvements de capitaux. Ces éléments comportent des paramètres qui
relèvent des préoccupations propres à la situation présente de l'économie
sud africaine et de son besoin d'attirer les investissements directs étrangers
et de s'insérer au marché mondial. La décision d'investissement est une
décision macroéconomique qui peut être obstruée par des facteurs de
politiques économiques comme les politiques de protection, le niveau
des taux de change réel, les stratégies commerciales ou par des facteurs
de risque politique comme l'instabilité, l'insécurité, l'absence de systèmes
démocratiques, d'institutions judiciaires fiables.
DI - La synthèse des deux plans pour une vision du développement à long terme de l'Mrique : de la nouvelle initiative
africaine au NEPAD
Au Sommet des Chefs d'État de l'OUA à Lusaka (juillet 2001), il avait
été recommandé de fusionner les deux programmes. Cet exercice a été
confié à un groupe d'experts désignés par les initiateurs des deux
Plans, Le Groupe s'est réuni à Prétoria avec une forte délégation de la
CEA et de l'OUA pour finaliser l'exercice de fusion des plans MAP et
PLOM. Ce travail a abouti à la rédaction de la Nouvelle Initiative
Africaine, officiellement adoptée comme la stratégie commune de
développement de l'Afrique lors de la première réunion, le 23 octobre
à Abuja, du Comité de mise en œuvre formé de 15 Chefs d'État dont
les 5 initiateurs des deux projets. C'est en affinant le document, que le
nom de Nouvelle Initiative Africaine (NIA) a été modifié pour devenir
le New Partenarship for Africa Development (NEPAD).
Au demeurant, la convergence des visions économiques et
politiques qui sous-tendaient les deux Plans ont grandement facilité
l'élaboration d'une initiative commune à partir d'une synthèse des idées
maîtresses. L'exercice a été simple: d'un côté l'argumentaire du pourquoi
un nouveau Plan pour l'Afrique est puisé du MAP servant de cadre
référentiel général et permettant la définition des orientations et des
objectifs; et de l'autre côté, le PLOM a offert l'architecture du Programme
d'action, à partir des secteurs prioritaires, qui par les politiques de
résorption des gaps relance la croissance économique (l'état des
réponses). Ces deux piliers vont alors constituer l'ossature du nouveau
55
Le NEPAD: elljellx politiqlles, c'conOmÙjlleS et sectoriels
partenariat avec le reste du monde et surtout les pays industrialisés sous
le nom de Nouvelle Initiative Africaine (NIA),
Le Schéma de synthèse des deux plans MAP et PLOM
Version originelle MAI'
1- Introduction
Il - La place de l'Afrique
dans la Communauté
mondiale
- Appauvrissement historique d'un continent
Structuration Nouvelle Initiative Africaine (NIA)
Hà
17 à
1- Introduction
Il
- L'Afrique dans le temps du monde: entre
25
2H la pauvreté et la margin:llisation
26 à
39
là
11
(H à 39) & (51 à 61\)
III - L'Afrique et la révol ution
III - Une nouvelle volonté politique pour en
mondiale
soI1ir (97)
IV - Le cas de l'Association 10 à 15 IV - InseI1ion du l'LOM comme:
Mondiale
- Programme d'actions prioritaires pour résor- Avantages stratégiques 51 à 55 ber les disparités stnlcturelles et rendre l'Afrique
compétitive
- Un nouveau contexte
- la résorption de la di~parité infrastnlL1urelle (79)
- la résorption de la disparité éducationnelle (HO)
mondial
- la résorption de la disparité de la santé (Hl)
- la résorption des disparités de l'agriculture (H2)
- les investissements dans les TIC CH3)
- les effets attendus (H1)
- le financement (H5)
V - Priorités clés
- la paix, la sécurité et la
gouvernance
- la diversification de la
production et des producteurs
- l'investissement dan~ les
TIC
- le développement des
mécanismes de financement
- le programme d'action
- l'association avec les 1'1)
et les institutions
multilatérales
VI - Conclusion
55 à 10'i
V - L'impératif d'un nouveau partenariat pour
la mise en œuvre (liO à 50) & (lOl à 1(1)
55-57
7H-H2
H2-H5
H6-%
97-100
100101
105-107
VI - Conclusion (lOS à 107)
Dès les premières lignes, le NEPAD évalue la place de l'Afrique dans
le système économique et financier mondial afin d'identifier
correctement les problèmes à résoudre, Il est alors observé qu'en ce
début du 3e millénaire, au moment où l'humanité possède d'appréciables moyens techniques et financiers jamais les inégalités n'ont été
56
Une llOl/1'elle l'ersioll du dél'eloppemem imè~re et concel1é: le NEPAD
aussi criardes avec l'avènement en Afrique d'une pauvreté de masse. En
effet, l'Afrique compte aujourd'hui un peu plus de 250 millions de
pauvres, soit environ 45 % de sa population. Plus grave encore, la
pauvreté est en sensible progression en raison d'une stagnation de la
croissance des revenus (2,1 % sur la période 1991-1995).
Durant la décennie 1990, l'Afrique est le seul continent qui s'est
autant appauvri. La croissance, même si elle n'est pas suffisante est
essentielle pour diminuer la pauvreté ne fût-ce que par l'amélioration
soutenue des revenus des personnes. Sous ce rapport, certaines
évaluations montrent que si le continent veut réduire de moitié la
pauvreté à l'horizon 2015, il lui faudra réaliser un taux de croissance
cible d'au moins 7 % sur une période d'au moins deux décennies. Cela
nécessite des investissements de l'ordre de 35 à 40 % du PIE de chaque
pays ce qui représente 65 milliards de dollars. Même en mobilisant le
volume global de l'épargne intérieure, les excédents en devises, l'aide
extérieure et les capacités d'endettement, le challenge est quasiment
impossible. Il s'y ajoute que contrairement à d'autres régions notamment
l'Asie et l'Amérique Latine, la production moyenne de l'Afrique, par
habitant et en prix constants, à la fin des années 1990 était inférieure à
ce qu'elle était il y a trente ans et que sa production industrielle comme
sa part dans le commerce mondial ont reculé. Plus grave encore, le
Continent est en passe d'être laissé à la marge de la révolution
mondiale des technologies de l'information et de la communication.
A l'analyse, les possibilités de résoudre cette situation des économies
africaines existent. Le système mondial dispose, aujourd'hui, de moyens
techniques et financiers énormes tandis que l'Afrique possède
d'importants atouts dont son gigantesque potentiel de ressources
naturelles inexploitées, ainsi que de réserves démographiques et
culturelles porteuses de croissance. Ce qu'il faut alors ce sont des
politiques économiques cohérentes et régionalisées en faveur d'un
développement durable par l'intégration et dont les fondements
pourraient être:
- l'amélioration de la gouvernance qui stabilise les institutions et les
fondamentaux du cadre macroéconomique; la gestion des conflits
qui déstabilisent l'espace africain;
-la mise en place d'un environnement incitatif pour les investissements dans les secteurs moteurs de la croissance qui accroissent
à la fois la compétitivité et la diversification des économies;
- la forte réduction de la dépendance du binôme aide et
endettement.
Les politiques économiques élaborées à partir de ces principes
devraient permettre de vaincre tous les obstacles et handicaps à
l'avènement d'une économie performante capable d'enclencher un
processus soutenu de croissance et d'un système politique
démocratique. Ces politiques constituent de nouvelles réponses pour
57
Le NEPAD.' el!iellX politiques, économiques et sectoriels
sortir de la pauvreté par une croissance forte, durable et bénéficiant
conséquemment à toutes les couches de la population. Cette
configuration des objectifs du NEPAD est assez proche des" cercles de
causalité cumulative pour l'Afrique" de la Banque mondiale.
SECTION 2 : LE NEI'AD:
UN
A(a~NDA
DE CHOISSANCE
SOlJ'll~NUE
l'OUH
L'imAD]CATION DE LA l'AUVHET(~ ET LA HELANCE DES ENJEUX DU
DI~VELOI'I'EMENT.
Dès le préambule et pour la premlere fois, les dirigeants africains
analysent avec lucidité l'état du continent et insistent sur l'urgence des
solutions à mettre en œuvre de concert avec la communauté
internationale. Désormais, envers leurs peuples et le reste du monde les
plus hautes autorités politiques s'engagent à œuvrer ensemble pour la
reconstruction du continent par la consolidation de la démocratie, la
saine gestion des économies nationales et l'établissement avec les pays
développés d'un partenariat fondé sur une coopération mutuellement
favorable, des engagements communs et des accords contraignants. Les
objectifs toujours réaffirmés graviteront autour de deux préoccupations
majeures: élaborer une nouvelle stratégie de développement capable
d'éradiquer ou de faire reculer, à l'horizon 2015, la pauvreté et intégrer
le continent dans la mondialisation afin d'en tirer tous les avantages,
surtout technologiques et financiers.
L'ordonnancement des idées maîtresses du Nouveau Partenariat
pour le Développement de l'Afrique tourne autour de trois éléments
bien articulés:
-les orientations et les objectifs tournés principalement vers l'éradication de la pauvreté;
-le vaste programme d'action fondé sur des priorités sectorielles;
- et les moyens de sa mise en œuvre et de sa réalisation.
Cohérence et opérationnalité constituent les deux préoccu pations
sous jacentes à l'ensemble du Programme.
1 - Les orientations pour une prise en mains par les Africains
de leurs propres destinées et l'appel à l'extérieur pour
compléter les efforts internes
Il est affirmé avec insistance que la nouvelle initiative est «une
promesse faite par des dirigeants africains fondée sur une vision
économique et politique commune ainsi qu'une conviction ferme et
partagée qu'il incombe d'urgence d'éradiquer la pauvreté, de placer
58
Ulle llO/n'elle l'ersioll du dél'eloppement intègre et collee/1é: le NEPAD
leurs pays individuellement et collectivement sur la voie d'une
croissance et d'un développement durables tout en participant
activement à l'économie et à la vie politique mondiales. Ensuite, il est
réaffirmé la détermination des africains de s'extirper eux-mêmes, ainsi
que leur continent, du malaise du sous-développement et de
l'exclusion d'une planète en cours de mondialisation ". En outre,
l'engagement est pris d'éradiquer tous les maux dont souffre le
continent comme la pauvreté et la détérioration de tous les indicateurs
du développement humain. Sur tout le continent, les Africains devront
désormais refuser d'être conditionnés par les circonstances. Et enfin,
tout débouche sur la reconnaissance d'une double nécessité des
peuples de prendre en mains leur propre destinée et celle de faire appel
au reste du monde pour compléter les efforts internes.
Des signes de progrès et d'espoir commencent déjà à apparaître
avec l'élargissement des régimes démocratiques qui s'engagent à
protéger les droits de l'homme, à axer le développement sur l'individu
et à promouvoir des économies de marché. Apparaissent également des
convictions nouvelles pour aller dans le sens de la bonne gouvernance
et de la poursuite des réformes économiques et sociales. Tout cela
montre unes volonté d'aller dans le sens de la bonne gouvernance en
poursuivant les réformes économiques et institutionnelles indispensables.
n - La gestion de la conflictuallté et la bonne gouvernance
comme préalable pour la croissance
Les facteurs extra-économiques comme les conflits inter-étatiques,
les guerres civiles, les instabilités politiques, les violations des droits de
l'homme accroissent les risques, les incertitudes et la confiance. Ces
variables deviennent alors très déterminantes dans la décision d'investissement. Des recherches établissent qu'aujourd'hui les investissements
publics comme privés sont contrariés par des problèmes liés au
processus démocratique éprouvé, à la multiplication des guerres civiles,
aux conflits ethniques, toutes choses qui font qu'il y a trop de risques
et d'incertitudes pour l'afflux et la rentabilité des investissements. Dans
ce contexte, la gestion de la paix et de la sécurité devient une
impérieuse nécessité à la limite des préalables pour attirer les capitaux
privés. Dès lors, si l'on veut redonner confiance aux investisseurs privés
comme publics, il faut impérativement mettre en place des mécanismes
de gestion d'un espace stable et sécurisé assis sur des piliers de bonne
gouvernance.
Sur le premier préalable concernant la gestion des conflits, le NEPAD
note que. l'expérience a montré que la paix, la sécurité, la démocratie,
une bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme et une saine
gestion économique, sont des préalables au développement durable.
C'est pourquoi, les Chefs d'État s'engagent à promouvoir ces principes
59
Le NEPAD ; el1iellX politiques, économiques et sectoriels
individuellement et collectivement, dans leur pays, leur région et sur le
continent ". Deux déclarations assez expressives viennent confirmer ce
nouvel engagement politique. Il s'agit d'abord celle du Président Thabo
Mbeki qui a déclaré devant le Parlement Sud africain lors d'un débat
sur le NEPAD le 31 octobre 2001 : « nous devons instaurer une culture
des droits de l'homme, lutter contre la corruption et rendre compte de
toutes nos actions" et ensuite celle du Président Olusegun Obajanso
qui fait observer lors de la réunion du Comité de mise en œuvre du
NEPAD à Abuja que· en Afrique contemporaine, la vieille accusation
d'ingérence dans les affaires intérieures ne tient plus. Nous devons
dialoguer davantage et organiser davantage des consultations les uns
avec les autres sur les questions de paix, de sécurité, de démocratie, de
droits de l'homme ". Pour bien appuyer ces nouvelles orientations, il a
été crée à cette Conférence d'Abuja, un Sous-Comité spécial sur " la
paix et la sécurité" présidé par l'Afrique du Sud et dans lequel siègent
l'Algérie, le Gabon, le Mali et l'Ile Maurice. Sa mission est de prévenir
et régler les conflits.
Le second préalable est relatif à la bonne gouvernance politique
comme économique qui fait l'unanimité de tous les acteurs publics et
privés malgré la relative ambiguïté oui entoure le concept. Ce concept
de bonne gouvernance est apparu il y a une dizaine d'années dans le
domaine du développement. Il est utilisé pour la première fois, dans
une étude de la Banque mondiale. Il s'agissait à l'époque, pour les
promoteurs des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS), de corriger
l'approche" économiciste " de ces programmes et de mettre davantage
l'accent sur l'importance de leur environnement normatif et
institutionnel. Le concept a été par la suite affiné par de nombreuses
institutions internationales et partenaires au développement (PNUD,
Banque Mondiale, OCDE, BAD). Généralement, il désigne à la fois
3 éléments: la nature du régime politique, la capacité des pouvoirs
publics à créer un cadre d'ordre et de stabilité, à formuler et à exécuter
des politiques performantes et la construction d'un environnement
propice au développement économique et social. Ainsi compris, la
bonne gouvernance intègre toutes les dimensions de l'activité
économique et les mécanismes d'allocation et de répartition des
ressources. Elle recouvre deux volets importants: un volet politicoinstitutionnel, qui concerne avant tout l'État en tant qu'agent de
régulation et un volet relatif à la gestion des ressources.
Face à chute de l'espace politique, depuis une dizaine d'années,
sous l'instigation des partenaires au développement et des institutions
internationales, des efforts louables ont été entrepris en Afrique pour
mettre en œuvre la bonne gouvernance politique. Ces efforts sont
orientés vers plus de participation, de responsabilité, de décentralisation et de transparence. La gouvernance économique ne doit pas être
en reste car l'environnement économique est révélatrice d'au moins
quatre foyers de distorsions qui dissuadent les IDE :
60
Une nOl/l'elle l'ersiol1 dl/ dél'eloppement illfèMre et concerté,' le NEPAD
- un environnement économique défavorable accompagné d'une
forte inefficacité des politiques sectorielles et de la structure des
incitations économiques;
-la faible efficacité du capital humain imputable à la crise permanente des systèmes éducatifs et de formation;
- la détérioration et l'inadéquation des infrastructures de base;
- les coûts contrariants des facteurs techniques.
La capacité de nuisance de ces facteurs justifie l'inscription de la
gouvernance économique à l'ordre du jour des institutions internationales. Elle requiert de l'État et de tous les acteurs politiques,
économiques et sociaux de la volonté, du temps et une stabilité institutionnelle somme toute des éléments indispensables pour créer progressivement un environnement de gestion économique et social cohérent,
adapté, diversifié et prévisible. La gouvernance économique va alors
consister à construire des systèmes, des procédures et des organisations
capables de réguler dans la transparence et l'équité, la production et la
redistribution des richesses économiques ainsi que les ressources
nécessaires au développement de l'ensemble de la société à long
terme.
ru - Un programme prioritaire d'investissements dans des
secteurs porteurs de croissance et particulièrement dans
les infrastroctures, les ressources humaines et les TIC
Il est un point sur lequel tout le monde s'accorde; il s'agit de
hiérarchie des secteurs qui constituent de fait les leviers de
croissance. Ces secteurs retenus sont au nombre de huit à savoir:
- L'accès aux marchés mondiaux et la diversification de
production.
- Les infrastructures de base.
- Les Nouvelles Technologies de l'Information et de
Communication.
- L'éducation.
- La santé.
- L'agriculture.
- L'énergie.
- L'environnement.
la
la
la
la
En les agrégeant, on peut retrouver les deux foyers de
l'accumulation: le capital physique et le capital social. Pour chaque
secteur, le NEPAD estime que .. l'objectif est de combler l'écart actuel
entre l'Afrique et les pays développés afin d'améliorer la compétitivité
du continent et de permettre à l'Afrique de participer au processus de
mondialisation ". Les préoccupations d'une réduction des gaps au
61
Le NEPAD : enjeux politiques, économiques et sectoriels
niveau des différents secteurs sont fort justement réaffirmées. Cela
appelle des investissements massifs qui ne peuvent être attendus
principalement que du secteur privé. Ces IDE devraient placer les pays
africains individuellement et collectivement sur les chantiers d'une
croissance soutenue qui mettra alors un terme à la marginalisation de
l'Afrique.
C'est la croissance qui offrira les marges de manœuvre nécessaires
pour réaliser les objectifs de réduction de la pauvreté et ceux annoncés
dans la Déclaration du Millénaire des Nations-Unies.
Les investissements devront porter principalement sur les secteurs
clefs constitutifs du capital physique et du capital social comme les
infrastructures qui doivent jouer un rôle entraînant par suite des
insuffisances quantitatives et qualitatives constatées. L'infrastructure
routière est faiblement développée sur le continent et la densité
routière y est généralement très en deçà de celle des pays d'Asie et
d'Amérique Latine.
IV - Un double levier pour la mise en œuvre du programme:
l'intégration et la mobilisation des populations
Au niveau des moyens, la réalisation des objectifs du NEPAD
commande aux dirigeants africains d'assumer ensemble un certain
nombre de responsabilités consistant à :
- consolider les mécanismes de prévention, de gestion et de
résolution des conflits aux niveaux régional et continental et faire
en sorte que ces mécanismes soient utilisés pour restaurer et
maintenir la paix.
- promouvoir et protéger la démocratie et les droits de l'homme
dans leur pays et leur région en établissant des normes claires de
responsabilité, de transparence et de démocratie directe au niveau
local et national.
- restaurer et maintenir la stabilité macro-économique en particulier
en mettant au point des normes et des cibles appropriées en
matière de politiques monétaires et budgétaires et en instaurant
des cadres institutionnels adéquats pour en assurer la réalisation.
- instaurer des cadres juridiques et réglementaires transparents à
l'intention des marchés financiers, pour assurer l'audit des
compagnies privées comme du secteur privé.
- revitaliser et élargir la prestation des services d'enseignement, de
formation technique et de santé en accordant une forte priorité à
la lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et autres maladies
contagieuses.
- promouvoir le rôle des femmes dans le développement socioéconomique en renforçant leurs capacités dans les domaines de
l'éducation et de la formation, en développant des activités
62
Vile 1101II'elle 1'ersion du dél'e!oppement illtèJ;re et cOllce11é: le NEPAD
lucratives grâce à un accès plus facile au crédit et en assurant leur
participation à la vie politique et économique du pays.
- renforcer la capacité des États d'Afrique à instituer et faire
respecter la législation et à maintenir l'ordre.
- promouvoir le développement des infrastructures de l'agriculture
et la diversification de celle-ci, orientée vers les agro-industries et
les manufactures au service des marchés locaux comme de
l'exportation.
La réalisation de toutes ces mesures suppose leur appropriation par
les peuples africains ainsi que leur mobilisation préalable. Ces peuples
devraient alors reprendre confiance en leur génie et en leur capacité
pour l'édification d'une Afrique renaissante. Il semble nécessaire pour
ce faire de redéfinir les identités, les valeurs et les cultures afin de
retrouver les courages perdus pour penser par nous-mêmes et
abandonné le fatalisme non justifié.
v - Le NEPAD face à la Communauté internationale ou
l'exigence d'un nouveau partenariat pour le développement
Ce Nouveau Partenariat a donné plus de visibilité aux problèmes du
continent à l'ensemble de la communauté internationale qui a
manifesté une très grande disponibilité pour contribuer positivement à
sa réalisation notamment, au niveau du financement des secteurs clefs
et plus particulièrement celui des infrastructures de base. Le G8, l'Union
Européenne, les Institutions financières internationales et les principaux
pays développés ont trouvé que l'Afrique dispose désormais d'un cadre
pertinent et crédible de coopération et de concertation pour relever les
défis du développement.
Les dirigeants de l'Union Européenne, de la Belgique, de la France
(Rencontre, le 8 février entre Treize Chefs d'État africains et le Président
J. Chirac, qui a déclaré à cette occasion que .. l'aide décline de façon
inacceptable et que l'écart se creuse avec le reste du monde, une approche
nouvelle du développement de l'Afrique est entrain d'émerger qui
suscite beaucoup d'espoirs,.) de Londres (tournée africaine en février
du Premier Ministre Tony Blair accompagnée d'une déclaration du
Gouvernement britannique favorable à une accélération de la
coopération avec l'Afrique à travers le NEPAD) d'Ottawa et du Japon
(Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique,
le 3 décembre lors de laquelle, le Premier Ministre a clairement déclaré
que" Le monde du XXl e siècle ne connaîtra la stabilité et la prospérité
que si les problèmes de l'Afrique sont résolus) ainsi que les responsables de la Banque mondiale, du FMI et du PNUD ont eu des réactions
positives.
63
Le NEPAD " el!ie1lX politiques, écollomiques et sectoriels
Analysons de plus près deux attitudes de la communauté
internationale vis-à-vis du NEPAD : celle du Gouvernement britannique
et celle du G8. La déclaration du Gouvernement britannique lors de la
tournée africaine du Premier Ministre Tony Blair (février 2001)
reconnaît que les contraintes qui s'exercent sur la croissance dépendent
de deux éléments, d'une part les gouvernements africains, et d'autre
part les pays industrialisés. Le NEPAD est un excellent cadre de
coopération dans lequel, les dirigeants africains s'engagent individuellement et collectivement à préserver la démocratie, à régler les conflits,
à améliorer la gouvernance économique et politique, à se concentrer
sur la réduction de la pauvreté et à créer les conditions propices à
l'investissement et à la croissance. En retour, les pays industrialisés
doivent apporter en relation avec le secteur privé les ressources
indispensables pour financer les investissements dans les secteurs
prioritaires notamment les infrastructures. Parallèlement, des prises de
position claires sont prises en faveur d'un accès préférentiel aux
marchés de l'Union européenne par levée des barrières tarifaires et non
tarifaires ainsi que l'abandon des protections des secteurs agricoles. Le
Gouvernement Britannique avance d'autres propositions extrêmement
novatrices en recommandant que:
-les pays de l'OCDE s'engagent sur un calendrier d'introduction d'un
accès en franchise de droits consolidés et de quotas, accompagnés
de règles d'origine souples dans le cas des importations africaines;
-les pays de l'OCDE s'engagent dans le cadre des négociations de
l'OMC, sur un échéancier rapide d'abandon des subventions à
l'agriculture qui perturbent les marchés mondiaux;
-les pays de l'OCDE et les pays africains devraient travailler
ensemble afin que les règlements sanitaires et phytosanitaires ne
créent pas de nouveaux obstacles au commerce;
-l'investissement privé dans les infrastructures devrait être
encouragé;
-les pays de l'OCDE devraient apporter un soutien prolongé aux
initiatives propres aux pays, qui mobilisent les communautés, et ce
depuis la base jusqu'au niveau national et régional, dont le but est
d'empêcher la propagation des maladies.
Les différentes rencontres initiées par les membres fondateurs avec
le G8 lors de ses réunions de Gêes (juin 2001) et Kananaskis (juin 2002)
sont révélatrices de l'intérêt que les grandes puissances du monde
manifestent au NEPAD considéré comme le cadre pouvant gouverner
les rapports entre l'Afrique et le monde. Il est vrai que lors du dernier
sommet du G8 aucun engagement financier important n'a été pris en
dehors d'un milliard de dollars mobilisé dans le cadre de l'initiative
d'allégement de la dette. Toutefois, les règles et les lignes directrices
d'un plan d'action se mettent progressivement en place. Il s'agit comme
l'a déclaré Tony Blair" d'aider l'Afrique à s'aider elle-même ". Cette
64
Ulle 1l001Id!e l'e/"Sioll du déldoppelnellf illtèRre et collce/1é: !e NEPAD
nouvelle coopération sera davantage précisée lors du prochain Sommet
en France en prélude à la rencontre, le Président J. Chirac estime" qu'il
faut construire un partenariat d'un type nouveau qui ne sera ni
complaisant ni rhétorique. Il sera généreux, précis et exigeant ".
En conclusion:
Tous les analystes conviennent que les taux de croissance actuels en
Afrique ne sont pas assez élevés pour freiner les tendances à la baisse
des écon'omies et pour réduire ou éradiquer une pauvreté rampante.
Les pays isolés ne peuvent point atteindre ces objectifs, une trentaine
d'expérience d'ajustement le prouve largement. L'intégration
économique est la solution pour l'Afrique, principalement parce qu'elle
permet, tout au moins aux économies du continent, d'être mieux
présentes sur le marché mondial, de profiter des débouchés de
proximité et d'offrir un meilleur cadre d'exploitation des avantages
comparatifs, de mettre en commun les ressources pour l'investissement,
d'élargir les marchés locaux et de mener un processus d'industrialisation efficace en exploitant les économies d'échelle et en tirant parti
des possibilités d'intégration verticale transfrontalière et de partage de
la production. En élargissant les marchés, en facilitant l'accès aux
intrants et en accroissant le volume potentiel de production des
entreprises, l'intégration contribuera à attirer les investissements directs
étrangers (IDE) et à atténuer certains effets défavorables de l'environnement économique et monétaire international.
Cependant, à l'heure de la globalisation inéluctable, l'objectif n'est
plus, certainement pour un pays ou un groupe de pays, de rechercher
une autonomie collective sur la base d'un modèle de substitution aux
importations et un développement autarcique ou autocentré. Ces
illusions sont balayées par les nouvelles perspectives offertes par
l'intensification des échanges qui font que chaque pays cherche à tirer
profit de la croissance tirée par les exportations. C'est pourquoi, depuis
au moins une vingtaine d'années, les économistes tentent de
déterminer les coûts et les avantages de la participation à une union
économique et monétaire efficiente. Car ce n'est pas en additionnant
des marchés étroits et mal constitués, souvent soumis à de multiples
barrières qu'on aboutit inéluctablement à l'intégration et bénéficier de
ses avantages. 11 y a toute une dynamique à enclencher dans un schéma
organisationnel pertinent au double plan technique et institutionnel.
C'est cette perspective d'une croissance accélérée au taux le plus
élevé possible que tente d'ouvrir le NEPAD qui apparaît ainsi comme
un Programme dont l'objectif majeur est l'établissement d'un nouvel
ordre politique et économique continental. Dernière initiative pour le
développement intégré en Afrique, il est normal et même salutaire que
ses objectifs fassent l'objet de très vives controverses particulièrement
65
Le NEPAD.' enieux politiques, économiques et sectoriels
au niveau des intellectuels et des États. Les questionnements sont
justifiés par les résultats médiocres observés dans les processus d'intégration entamés depuis les années 60, à l'exception de l'UEMOA. En
effet, les nombreuses organisations mises en place au cours de cette
période ont connu ou connaissent des difficultés et des dysfonctionnements qui constituent des contraintes majeures à leur efficacité.
A l'état actuel du débat, trois questions majeures sont soulevées dans
le cadre de la mise en œuvre du NEPAD : son orientation que l'on taxe
de néo-libérale, la faiblesse de son architecture et le caractère irréaliste
des modalités de financement des secteurs prioritaires retenus. Au
préalable, il faut rappeler, et tous les développements le montrent
largement, que le NEPAD n'est pas un programme de politique
économique entendue comme une combinaison d'un ensemble de
moyens pour atteindre dans un délai déterminé des objectifs
initialement fixés. Il est plus simplement un plan d'action qui vise à
décharger les États de la réalisation des investissements qui portent
essentiellement sur les secteurs clefs générateurs d'externalités positives
pour les économies nationales. En d'autres termes, chaque pays doit se
conditionner pour en tirer avantage en accélérant les réformes
politiques, économiques, sociales et institutionnelles avec de nouvelles
règles de bonne gouvernance, de gestion publique transparente et de
lutte contre la corruption.
Aujourd'hui, si les analystes ne semblent pas imputer totalement la
stagnation économique des pays africains aux seuls programmes
d'ajustement structurel, cependant, beaucoup d'entre eux soulignent
qu'en accordant une prépondérance quasi absolue aux mesures de
stabilisation à court terme, au lieu de s'attaquer aux problèmes
structurels fondamentaux, ces programmes ont en fait amené les
économies africaines à s'écarter de la voie d'une croissance durable.
L'analyse de la stratégie de développement à long terme montre
qu'il est vital de trouver des solutions pour remédier à l'insuffisance des
infrastructures de base et des ressources humaines. Ce sont ces
faiblesses relatives que devrait combler le NEPAD. En ce sens, il offre
des opportunités aux États en leur permettant de venir à bout des
obstacles et handicaps à l'instauration d'un système politique
démocratique et d'une économie nationale performante capable
d'enclencher un processus de croissance soutenue qui rend possible
tous les arbitrages en faveur du bien-être des populations. Il appartient
aux États d'élaborer conséquemment des politiques économiques,
financières et sociales pour moderniser leur agriculture, développer
leurs bases industrielles, réduire la pauvreté par un plus grand accès
aux services de base, élargir leurs infrastructures sociales, accroître
l'emploi, maîtriser les Technologies de l'Information et de la
Communication afin de les mettre au service du développement, de
comprimer les dépenses publiques. Au demeurant, les États disposeront
désormais de moyens plus adéquats pour réaliser certaines missions
66
Ulle 1100U'elle l'ersion du dél'e/oppemellt intè;;re et conce/1é: le NEPAD
comme l'allégement des impôts et des charges qui pèsent sur les
personnes physiques et morales, le financement de la création
d'entreprises et des initiatives locales qui fondent la richesse d'un pays,
la réforme des systèmes éducatifs et de formation afin de mieux les
adapter aux exigences de l'entrée des jeunes dans la vie active, la santé
et la nutrition et la sécurité.
En réponse aux objections, on peut dire en premier lieu que l'infrastructure théorique du NEPAD s'apparente plus au keynesianisme et
aux théories contemporaines de la croissance endogène que de la
pensée néo-libérale. C'est Keynes qui a mis en évidence le rôle
stratégique de l'investissement dans la relance des activités productives,
alors que les théoriciens de la croissance endogène mettent l'accent sur
le primat de l'accumulation du capital physique et du capital humain
dans le processus de croissance. C'est dire que ce programme impose
aux États de nouvelles tâches si bien qu'au lieu de s'affaiblir, ces États
devraient au contraire se renforcer. Donc, c'est un mauvais procès de
voir derrière ce nouveau programme une sorte de main invisible du
néo-libéralisme ambiant.
En second lieu, concernant l'architecture, tous les développements
qui précèdent montrent que le NEPAD n'est pas une juxtaposition
d'engagements ou de vœux pieux émis par des chefs d'État africains
mais il est une construction à la fois pertinente, cohérente et
opérationnelle. Les enchaînements et les synergies ne sont pas toujours
bien perçus. Pourtant, les idées directrices s'articulent parfaitement en
ce que premièrement la gestion des conflits et l'amélioration de la
gouvernance stabilisent et sécurisent les institutions et les fondamentaux du cadre macroéconomique, deuxièmement les investissements
dans les secteurs constitutifs du capital physique et du capital social
accroissent la productivité, améliorent la compétitivité et diversifient
des économies et troisièmement la forte réduction dans le financement
du binôme aide et endettement oblige à la recherche et à la
mobilisation de ressources plus qualitatives pour financer les projets de
dimension régionale.
En troisième lieu, l'énorme déficit d'épargne fait que le financement
du Programme d'action prioritaire soulève beaucoup d'interrogations.
Cela est dans l'ordre normal des choses car, tous les Programmes et
Plans élaborés pour le continent ont toujours buté sur un problème
essentiel: les moyens financiers et non financiers exigés pour leur
réalisation. Aujourd'hui, le système mondial dispose des moyens
techniques et financiers appréciables tandis que l'Afrique possède
d'importants atouts à travers son énorme potentiel de ressources
naturelles et environnementales inexploitées, ses réserves démographiques et culturelles importantes. C'est dire que les solutions existent
à condition d'élaborer des stratégies novatrices de partenariat pour la
mobilisation de l'épargne interne et externe. C'est un objectif cardinal
du NEPAD.
67
Le NEPAD : enjeux politiques, économiques et sectoriels
En définitive, tout processus d'intégration profite avant tout aux États
qui présentent des politiques économiques et financières performantes
capables de les doter de structures productives souples. En revanche,
le développement intégré n'apportera rien aux États ayant des politiques
peu flexibles qui ne peuvent tirer avantage des économies d'échelle et
des débouchés de proximité. La nouvelle configuration de la régionalisation-mondialisation montre que le processus d'intégration pour
réussir appelle un leadership fort mettant en cohérence l'espace
polarisé à partir d'une économie «locomotive.. ou d'un pouvoir
«hégémonique .. qui exploite les complémentarités internes. Comme
quoi, il doit toujours y avoir un pilote dans l'avion.
68
Infrastructure et développement
dans le nouveau partenariat
pour le développement de l'Afrique
par
TounaMama
Do~'en
de la Faculté des sciences économiques et de gestion
de l'Unil'ersifé de Yaoundé II - Cameroun
INTRODUCTION:
LE NEPAD, UN NOlNEAU PIAN DE IAGOS
Après les deux premières décennies du développement 0960 et
1970) du Programme des Nations-Unies qui ont entretenu un
optimisme relatif sur les possibilités de développement du Tiers-Monde
en général et de l'Afrique en particulier, et la troisième décennie du
développement qualifiée de perdue qui a alimenté un courant
pessimiste sur les possibilités de développement du continent noir
encore appelé afro-pessimisme (décennie 1980), on assiste aujourd'hui,
dans cette période que certains qualifient de post-ajustement après le
passage de la plupart des pays en développement sous les fourches
caudines des Institutions de Bretton-Woods au moyen des programmes
d'ajustement structurel, à un regain d'optimisme sur l'avenir du
développement africain. C'est ce que traduit, notamment, le Nouveau
Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NOPADA), plus connu
sous le sigle de ses initiales en anglais NEPAD (The New Partnership
for Africa's Development).
Par la Déclaration de Monrovia de juillet 1979, sur • les principes
directeurs à respecter et les mesures à prendre pour réaliser l'autosuffisance nationale et collective dans le domaine économique et social,
en vue de l'instauration d'un nouvel ordre économique international ..,
les chefs d'États et de gouvernement de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA) s'engageaient, au nom de leurs gouvernements et de
leurs peuples, • à promouvoir le développement économique et social,
et l'intégration de leurs économies en vue d'accroître l'autodépendance
et favoriser un développement endogène et auto-entretenu .. :
69
Le NEPAD :
el~ie/lx
politiques, économiques et sectoriels
- pour faciliter et renforcer leurs rapports sociaux et économiques;
- pour l'édification aux niveaux national, sous-régional et régional
d'une économie africaine dynamique et interdépendante;
- pour l'établissement, chaque année, de programmes spécifiques
pour matérialiser cette coopération économique sous-régionale,
régionale et continentale.
La mise en œuvre de cette Déclaration a été décidée en avril 1980
au cours d'une session de l'OUA à Lagos, la première consacrée aux
problèmes économiques du continent. Ce plan d'action embrassait des
domaines aussi variés que:
- l'agriculture et l'alimentation dont le plan de développement avait
été approuvé à Arusha et à Monrovia;
-l'industrialisation du continent par la poursuite d'objectifs à long,
moyen et court terme, visant à atteindre en l'an 2000 au moins 2 %
de la production industrielle du monde, conformément aux objectifs
de la conférence de l'ONUDI de Lima;
-l'exercice de la souveraineté totale des pays africains sur les
ressources naturelles, en s'appuyant sur la formation des hommes
capables de maîtriser les technologies appropriées;
-le développement et l'utilisation rationnels des ressources humaines
nécessaires à ce plan d'action;
-la mise de la science et de la technologie au service du développement du continent aux niveaux national, sous-régional et
régional;
-l'adoption et la mise en œuvre d'une stratégie générale en matière
de transports et de communications;
-la promotion et l'intensification des échanges commerciaux et
financiers sur le plan national inter-africain.
Le plan d'action de Lagos, comme on le voit, était un plan trop
ambitieux par ses objectifs, qui ont suscité beaucoup d'espoirs, espoirs
qui se sont malheureusement évanouis devant l'absence de moyens
pour le mettre en œuvre. Mal vu par la communauté international, ce
plan a été remplacé pratiquement par un contre-plan de la Banque
mondiale en 1981 ayant pour titre le développement accéléré en Afrique
au sud du Sahara: programme indicatif d'action, plus connu sous
l'appellation de Plan Berg, du nom de son principal rédacteur.
Comme le plan de Lagos, le Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique apparaît comme une « promesse faite par
des dirigeants africains, fondée sur une vision commune ainsi qu'une
conviction ferme et partagée qu'il leur incombe d'urgence d'éradiquer
la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement et collectivement,
sur la voie d'une croissance et d'un développement durables ". Mais à
la différence du plan de Lagos qui voulait favoriser le développement
endogène et auto-entretenu, le NEPAD invite les pays africains à
70
!I?/iy<st17lctttre et dél'l!!oppemellf pottr le dél'i!/oppemellt de IAfrique
" participer activement à l'économie et à la vie politique mondiale. Il est
ancré dans la détermination des Africains de s'extirper eux-mêmes,
ainsi que leur continent, du malaise du sous-développement et de
l'exclusion d'une planète en cours de mondialisation ...
Le NEPAD peut-il réussir là où le plan d'action de Lagos, pour ne
pas parler d'autres initiatives de même type, a échoué?
Il semble que oui, grâce à une nouvelle volonté politique des
dirigeants africains métamorphosés par une démocratisation irréversible. Grâce aussi à la Communauté internationale qui semble être plus
disposée à prêter une oreille attentive aux plaintes qui fusent tous
azimuts pour renverser la tendance à la marginalisation de l'Afrique et
se mettre aux côtés des Africains pour lutter efficacement contre le
sous-développement et enrayer la pauvreté comme le témoigne,
notamment, la Déclaration du millénaire des Nations-Unies de
septembre 2000. Le Programme d'action est axé sur sept secteurs jugés
prioritaires:
1. infrastructures ;
2. ressources humaines;
3. santé;
4. technologies de l'information et de la communication;
5. agriculture;
6. énergie;
7. accès des exportations africaines aux marchés des pays développés.
Notre contribution est consacrée essentiellement au rôle de l'infrastructure dans le développement. Quelle est la place que le NEPAD
réserve à l'infrastructure dans sa vision stratégique? Quel rôle le
développement de l'infrastructure peut jouer dans le développement de
l'Afrique?
1. LA PI.ACE DES INFRASTRUCTURES DANS LE DISPOSITIF DU NEPAD
On peut dire que les infrastructures occupent, la premlere place
dans le dispositif de NEPAD. En tout cas, elles sont la première priorité
sectorielle parmi les sept retenue. Le NEPAD entend combler l'écart qui
sépare dans ce domaine l'Afrique et les régions développées du
monde. S'il s'agit de développer tous les secteurs des infrastructures
(routes et autoroutes, ports, ports maritimes, chemins de fer, voies
navigables et télécommunications), le NEPAD entend entreprendre des
actions spécifiques pour combler l'écart numérique, et rationaliser
l'action dans les secteurs de l'énergie, des transports et de l'eau.
71
Le NEPAD : enjeux poliliql/l's. économiques el Sl'cloriels
1) Dans le secteur des infrastructures
a) Les objectifs sont:
- améliorer l'accès aux infrastructures et les rendre plus abordables
à la fois pour les entreprises et pour les ménages;
- améliorer la coopération et le commerce au niveau régional grâce
à de meilleures connexions transfrontalières en infrastructures;
- accroître les investissements consacrés aux infrastructures en
réduisant les risques auxquels les investissements privés doivent
faire face, en particulier en matière de politiques et de réglementation, édifier des bases de compétences adéquates en technologie
et en ingénierie pour installer, exploiter et entretenir en Afrique
des réseaux d'infrastructures" en dur".
b) Les actions à entreprendre sont:
- avec l'assistance des institutions spécialisées dans chaque secteur,
mettre en place des cadres politiques et législatifs pour encourager
la concurrence. Dans le même temps, créer de nouveaux cadres
de réglementation et consolider la capacité de formation de
personnes responsables de la réglementation afin de promouvoir
l'harmonisation des politiques et des réglementations pour faciliter
les connexions transfrontalières et l'élargissement du marché;
- accroître les investissements consacrés aux infrastructures, en
particulier pour leur rénovation, et améliorer les pratiques d'entretien
qui assureront la viabilité des réseaux d'infrastructures;
- commencer à développer des institutions de formation et des
réseaux pour encourager la formation des techniciens et d'ingénieurs
de haut niveau dans les secteurs des infrastructures;
- promouvoir la participation des communautés et des utilisateurs à
la construction, l'entretien et la gestion des infrastructures, en
particulier dans les régions urbaines et rurales pauvres, en collaboration avec les initiatives de gouvernance du NEPAD ;
- collaborer avec la Banque africaine de développement et d'autres
institutions africaines de financement du développement pour
mobiliser un financement durable, en particulier au moyen de
processus multilatéraux et des institutions et gouvernements
donateurs, afin d'obtenir des dons et des fonds consentis à des
conditions de faveur, pour atténuer les risques à moyen terme;
- promouvoir des partenariats entre les secteurs public et privé qui
serviront de véhicule pour attirer les investisseurs privés et
concentrer le financement public sur les besoins urgents des
pauvres, en consolidant les ca pacités de mise en œuvre et de
contrôle des accords de ce type. Outre ces aspects communs, des
stratégies spéCifiques à chaque secteur pour les différents types
d'infrastructures ont été envisagées.
72
In/rastructure et dél'eloppement pour le délieloppemellt de l'Aji-iqlle
2) Combler l'écart numérique en investissant dans les
technologies de l'information et de la communication
a) Les objectifs :
- doubler la densité des lignes téléphoniques pour parvenir à deux
lignes pour 100 personnes d'ici l'an 2005, avec un niveau d'accès
adéquat pour les ménages;
- diminuer le coût et améliorer la fiabilité des services;
- préparer tous les pays d'Afrique à utiliser les communications
électroniques;
- constituer une pépinière de jeunes et d'étudiants compétents dans
le domaine de l'informatique et de la télématique pour en tirer des
ingénieurs stagiaires en informatique et télématique, des programmeurs et des créateurs de logiciels;
- mettre au point des logiciels à contenu local en particulier sur
l'héritage culturel de l'Afrique.
b) Les actions à entreprendre sont:
- collaborer avec les institutions régionales comme l'Union panafricaine des télécommunications (UPAT) et Africa Connection pour
concevoir une politique et une législation modèle pour la réforme
des télécommunications, ainsi que des protocoles et des références
permettant d'évaluer la préparation à l'utilisation des
communications électroniques;
- collaborer avec les institutions régionales pour consolider les
capacités de réglementation mettre sur pied un réseau d'institutions de formation et de recherche pour consolider la base de
compétences de haut niveau ;
- promouvoir et accélérer les projets existants visant à connecter les
écoles et les clubs de jeunes;
- collaborer avec les institutions de financement du développement
en Afrique, les initiatives multilatérales (GS, DotForce, Équipe
spéciale des Nations-Unies) et les bailleurs de fonds bilatéraux
pour mettre sur pied des mécanismes visant à atténuer et à réduire
les risques dans ce secteur.
3) Énergie
La recherche de sources suffisantes et abordables d'énergie doit être
axée sur la rationalisation de la distribution territoriale des ressources
existantes mais inégalement réparties et l'impératif de tout mettre en
œuvre pour développer les abondantes ressources d'énergie solaire du
continent.
73
Le NEPAD :
e/~ie/lx
politiques, économiques et sectoriels
a) Les objectifs ;
- accroître l'accès à un approvisionnement commercial en énergie,
fiable et abordable, de 10 à 35 % ou plus de la population d'Afrique
en 20 ans;
- améliorer la fiabilité et réduire le coût de l'approvisionnement en
énergie pour les activités de production afin de permettre une
croissance économique de 6 % par an ;
- renverser la tendance de dégradation de l'environnement associée
à l'utilisation des combustibles traditionnels dans les régions
rurales;
- intégrer les réseaux de transport d'énergie électrique et les
gazoducs pour faciliter les flux transfrontaliers d'énergie;
- réformer et harmoniser les réglementations et la législation du
continent sur le pétrole.
b) Les actions à entreprendre sont;
- établir un Forum africain pour la réglementation des entreprises
d'utilité publique et des associations régionales de réglementation;
- mettre sur pied une équipe spéciale qui aura pour tâche de
recommander des priorités et des stratégies de mise en œuvre pour
les projets régionaux, y compris la génération d'énergie hydroélectrique, les réseaux de transport d'énergie électrique et les gazoducs;
- mettre sur pied une équipe spéciale pour accélérer le développement de l'approvisionnement en énergie pour les logements des
groupes sociaux à faibles revenus;
- Élargir la portée du programme de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) pour la conservation de
l'énergie de la biomasse au reste du continent.
4) Transports :
a) Les objectifs
- Réduire les délais de la circulation transfrontalière des personnes,
des biens et des services;
- Réduire l'attente et les temps morts dans les ports;
- Promouvoir l'activité économique et le commerce transfrontalier
des marchandises sur la base de meilleurs liens de transport
terrestre;
- Accroître les liaisons de transport aérien des passagers et du fret
entre les sous-régions d'Afrique.
b) Les actions à entreprendre sont
- mettre sur pied des équipes spéciales dans le domaine des
douanes et de l'immigration afin d'harmoniser les passages de
74
Illfrastructure et clél'eloppemellt pOlir le clél'eloppemellt cie l'Afrique
frontières et les procédures de délivrance des visas;
- mettre en place et favoriser des partenariats entre les secteurs
public et privé pour l'octroi de concessions pour la construction,
l'aménagement et l'entretien des ports, des réseaux routiers, des
réseaux ferroviaires et de transport maritime;
- promouvoir l'harmonisation des normes et des réglementations
selon les modes transport et l'utilisation accrue de services de
transport multimodal ;
- collaborer avec les organisations régionales pour mettre en place
des couloirs de développement du transport ;
- promouvoir des partenariats entre les secteurs public et privé pour
la rationalisation de l'industrie du transport aérien et le renforcement des capacités dans le domaine du contrôle du trafic aérien.
5) Eau et assainissement
a) Les objectifs:
- assurer un accès durable à un approvisionnement en eau pure et
potable et à un assainissement adéquats, particulièrement pour les
pauvres;
- planifier et gérer les ressources en eau pour en faire la base de la
coopération et du développement aux niveaux national et régional;
- examiner systématiquement et préserver les écosystèmes, la
diversité biologique et la faune;
- assurer la coopération sur les fleuves que se partagent plusieurs
États membres;
- aborder la menace du changement climatique de façon efficace ;
- accroître l'agriculture irriguée et pluviale pour améliorer la production
et la sécurité alimentaire.
b) Les actions à entreprendre sont :
- accélérer les travaux des projets sur les ressources en eau à
objectifs multiples, comme par exemple l'étude du Secrétariat de
la SADC de l'exploitation du fleuve Congo et l'initiative du Bassin
du Nil ;
- mettre sur pied une équipe spéciale pour planifier les effets
néfastes de lïmpact du changement climatique sur l'Afrique;
- s'associer à l'initiative mondiale pour l'assainissement de l'environnement afin de promouvoir des méthodes et des projets
sanitaires d'élimination des déchets;
- appuyer le Programme Habitat des Nations unies sur la
conservation des ressources en eau dans les villes africaines.
75
Le NEPAD: el1;ellX politiques, écol/omiqlles et sectoriels
II. I.E R()Ll~ DES INFRASTHLJCTLJRES DANS LI' D(:VEI.OI'I'EMENT DU CONTINENT
Dans son Rapport sur le développement dans le monde de 1994, la
Banque mondiale examine le lien entre infrastructures et développement et s'interroge sur les différents moyens que les pays en
développement pourraient mettre en œuvre pour améliorer la
fourniture et la qualité des services d'infrastructure'. D'après ce rapport,
" les services dont la prestation repose sur l'utilisation de l'infrastructure
apportent au PIB une contribution (en valeur ajoutée) de l'ordre de
7 à Il %. A lui seul, le secteur des transports représente de 5 à 8 % du
total des emplois salariés. D'un échantillon de vingt pays en développement, il ressort que l'infrastructure entre pour 20 % environ de l'investissement total et pour 40 à 60 % dans l'investissement public (même si)
ces pourcentages ne rendent pas pleinement compte de l'importance
sociale et économique de l'infrastructure dont le degré de développement a une forte incidence sur la croissance, l'efficacité de la lutte
contre la pauvreté et la viabilité écologique du développement. ,,2
Nous nous contenterons d'indiquer brièvement le rôle des
infrastructures dans la croissance économique d'une part et leurs rôle
dans la lutte contre la pauvreté d'autre part.
II.1. Infrastructure et croissance économique
Les tableaux d'échanges interindustriels des pays développés
comme les États-Unis ou le Japon montrent que les télécommunications, l'électricité et l'eau interviennent comme intrants dans la
production de la quasi-totalité des secteurs, et que les transports
interviennent comme intrants dans la production de tous les biens. Les
usagers ne sont pas seulement des consommateurs directs de services
d'infrastructure, ils comptent aussi sur ces services pour accroître leur
productivité, par exemple, en économisant leur temps et leur peine
pour s'approvisionner en eau salubre, transporter les produits agricoles
au marché ou simplement se rendre à leur lieu de travail. Pour
apprécier les effets de l'infrastructure sur la croissance économique, on
est souvent amené à évaluer le rendement des investissements d'infrastructure.
1. Banque Mondiale, Rappol1 sllr le dél'(!/oppemell/ dans le momie 1994: tille
ù!/i-as/rucfllre pour le dél'eloppemel1/, Washington, D.C.
2. Banque Mondiale, op. cil., pp. 13-14.
76
Infrastructure et dél!eloppelllent pOlir le déldoppeme1lf de l'AfrilJlIe
Le tableau 1 donne une vue synoptique des résultats de diverses
études sur la productivité de l'infrastructure. Si ces résultats, qui
montrent que les investissements d'infrastructure peuvent avoir des
taux de rentabilité pouvant atteindre voire dépasser 60 %, peuvent
apparaître comme surestimant le rendement des investissements
d'infrastructures, ne fût-ce que parce que la relation entre les investissements d'infrastructure et la croissance n'est pas univoque mais en
réalité bi-univoque en ce sens que les investissements d'infrastructure
stimulent la croissance et que la croissance stimule à son tour les
investissements d'infrastructures, nul ne peut nier la forte corrélation
positive entre le degré de développement de l'infrastructure et la
croissance des pays en développement en général et de l'Afrique en
particulier. D'ailleurs, des études sectorielles qui ont été réalisées dans
un certain nombre de pays en développement sur l'incidence du degré
de développement de l'infrastructure des régions rurales sur l'économie
de ces régions permettent de mieux cerner les effets bénéfiques qui
résultent des investissements d'infrastructure. C'est ainsi qu'un groupe
de chercheurs qui a étudié des séries chronologiques portant sur
85 districts en Inde, a pu montrer que la réduction des coûts de
transport accroît le potentiel de commercialisation de la production
agricole et entraîne une forte expansion de l'agriculture, et que le
recours aux méthodes modernes d'irrigation accroît les rendements
agricoles. D'autre part, l'amélioration des communications (transports
routiers, notamment) réduit les frais généraux des banques, qui
peuvent ainsi développer leurs activités de crédit agricole; crédit
permettant aux agriculteurs d'acheter des engrais, ce qui contribue
aussi à augmenter les rendements.
En tout état de cause, il existe une forte corrélation entre la présence
de certains éléments d'infrastructure - réseaux de télécommunications,
réseaux de distribution d'électricité, routes revêtues, réseaux de
distribution d'eau salubre - et le PIB par habitant. Cependant, bien
qu'elles donnent à penser que le développement de l'infrastructure
peut fortement contribuer à la croissance économique, les corrélations
observées ne fournissent pas une base suffisante pour déterminer le
niveau optimal des investissements d'infrastructure ou leur répartition
optimale entre secteurs. De plus, il y a des études qui montrent que les
investissements ne sont pas nécessairement, à eux seuls, un facteur de
croissance et que les rendements desdits investissements ne sont pas
plus élevés que ceux des investissements privés.
77
Le NEPAD: el~iellX politiqlles, économiqlles et sectoriels
Tableau 1. Résultats de diverses études sur la productivité de
l'infrastructure.
Échantillon
Auteur/année
Eléments
d' infrastructure
Élasticité"
Taux de
Rentabilité
Implicite"
États-Unis
0,39
60
Aschauer, 1989
Équipements publics
à usage non militaire
États-Unis
0,34
60
Munnell, 1990
Équipements publics
à usage non militaire
°
Holtz - Eakin, 1992
Équipements publics
Duffy - Deno et
Eberts, 1991
Équipements publics
--
~.
----
États-Unis
États
États-Unis,
Régions
métropolitaines
48
5
°
0,08
1
--
Japon, diverses
régions
0,02
96
Mera, 1973
Infrastructure
industrielle
France, diverses
régions
I-:--c--Taiwan, Chine
0,08
12
Prud'homme, 1993
Équipements publics
0,24
77
Corée
0,19
51
Israël
0,31 - 0,44
54·70
Uchimura et Gao,
1993
Uchimura et Gao,
1993
Bregman et Marom,
1993
Shah, 1988, 1992
-Mexique
- -
0,05
0,07
P'JYs de l'OCDE
0,07
P'JYs en
développement
Pays de l'OCDE 0,01 - 0,16
et pays en
développement
_.
0,16
Pays en
développement
f----
Transports, eau et
communications
Transports, eau et
communications
Transports, électricité,
eau et assainissement
Transports,
électricité, eau et
communications
Canning et Fay, 1993 Transports
Canning et Fay, 1993 Transports
--
5·7
19
95
--
------l
63
_._----
Baffes et Shah, 1993 Capital d'infrastructure
Easterly et Rebelo,
1993
Transports et
communication
a. Mouvement en rourcentage du volume ues prest~lion.~ rollr une varicltion ue 1 'y;, uu niveau
d·équirellll'nt.
h. 1larrort elltre la valeur actualisée ue l'augmenLation dl' la variahle cl0renuante et la valeur
:lCtualisée des équirell11'nts d'infrastructure.
SOllrce: Banqué' Mondiale, op. cit., p.15
On peut donc dire, pour conclure ce point, que:
1. les investissements d'infrastructure sont une condition nécessaire
à la croissance, mais ils n'en sont pas la condition suffisante;
78
lI?/i'{/strllctllre et dél'eloppelllel1t pOlir le dél'eloppelllellf de l'Aji-iqlle
2. lïncidence de ces investissements sur la croissance dépend du
lieu où sont implantés les nouveaux équipements et de l'échelonnement des implantations, aussi bien que des déséquilibres
qui existent au départ entre l'offre et la demande;
3. l'existence d'une infrastructure suffisamment développée et fiable
détermine dans une large mesure l'aptitude d'un pays à soutenir
la concurrence sur les marchés internationaux, même pour les
produits de base traditionnels. On sait, par exemple, qu'en raison
notamment de problèmes d'infrastructure, les frais de transport
entre l'Afrique et l'Europe sont supérieurs de 30 % pour le contreplaqué à ce qu'ils sont entre l'Asie et l'Europe dont la distance est
plus grande;
4. l'aptitude d'un pays à s'implanter sur de nouveaux marchés
d'exportation dépend tout particulièrement de la qualité de son
infrastructure. On peut rappeler à cet égard que la mondialisation
croissante du commerce international observée au cours des deux
dernières décennies tient non seulement à la libéralisation de leur
politique commerciale par de nombreux pays mais aussi à des
progrès décisifs qui ont été faits dans la technologie des
communications, des transports et de l'entreposage. Ces progrès
se sont surtout manifestés au niveau de la logistique (combinaison
des fonctions d'achat, de production et de commercialisation) et
ont permis de réduire les coûts grâce à une meilleure gestion des
stocks et des fonds de roulement, et aussi de répondre plus
rapidement à la demande des consommateurs de plus en plus
exigeants qui veulent des livraisons" juste à temps .. ;
5. des enquêtes sur les perspectives d'investissements étrangers dans
un vaste échantillon de pays montrent que, pour ces investissemcnts étrangers qui sont, comme on le sait, le moteur de la
mondialisation de la production, la qualité de l'infrastructure est
un élément important du choix des implantations. Les investissements directs étrangers ne s'empresseront donc pas de prendre
le chemin de l'Afrique si par exemple la télématique (les échanges
de données électroniques) qui exige une bonne infrastmcture des
télécommunications est balbutiante au-delà d'une électrification
encore incertaine.
II.2. Infrastructure et pauvreté
Pour montrer comment le développement de l'infrastmcture peut
contribuer à la lutte contre la pauvreté, il suffit de faire remarquer que
les taux de desserte par les services d'infrastructure essentiels sont
parmi les principaux indicateurs du bien-être d'une population. C'est
d'aillcurs pourquoi on peut ranger parmi la population la plus pauvre
les individus dont l'approvisionnement en eau salubre est inférieur au
79
Le NEl'AD : eJ!iellx politiques, écol/ol1lirjlles et sectoriels
strict minimum, qui doivent vivre dans un environnement malsain et
n'ont guère la possibilité de se déplacer hors du périmètre de la
collectivité où ils vivent ou de communiquer avec l'extérieur. De ce fait,
ils ont davantage de problèmes de santé et moins de chances de
trouver du travail.
CONCLUSION
Pour conclure, l'on peut dire que le développement de l'infrastructure peut jouer un rôle décisif dans le développement du continent
africain dans la perspective du NEPAD, compte tenu de l'important
retard que le continent enregistre dans ce domaine comme dans
beaucoup d'autres, Un grand effort d'investissement et d'expansion
s'impose en effet dans les différents types d'infrastructure de façon à ce
que les services mis en lace touchent un plus grand nombre de
personnes, en particulier les populations des zones rurales et les
pauvres des bidonvilles. Mais il faut que l'aspect quantitatif de l'investissement ne soit pas la préoccupation exclusive des pouvoirs publics.
Il est également primordial d'améliorer la qualité des services d'infrastructure. On peut rappeler, à cet égard, qu'une faible efficacité de
l'exploitation, un entretien insuffisant et une inattention aux besoins
des usagers sont des facteurs parmi d'autres qui ont contribué à réduire,
dans le passé, l'impact des investissements d'infrastructure sur le
développement en Afrique. Si rien n'est fait pour pallier ces maux, la
simple augmentation quantitative des infrastnlctures ne suffira pas pour
permettre à l'Afrique de répondre aux exigences d'une urbanisation
ra pide et de devenir compétitive sur le plan international.
ÉLÉMENTS DE BIBUOGRAPHIE
Banque Mondiale (994), Rapport sur le dél'eloppemellt dans le monde: une
Ï1!frastntctllre pOlir le Dél'eloppement, Washington D.C.
Club de Rome (1987), L'Afrique.face à ses priorités, Paris, Economica.
Nouveau Partenariat pour le Développement de J'Afrique (NOPADA), Abuja,
octobre 2001.
80
Système financier et développement
en zone franc africaine :
quels enjeux pour le troisième millénaire?
par
Albert Ondo Ossa
A,gn',gé des Facultés des sciences économiques et dl.' ,gestion
Preifessellr Titulaire
INTRODUCTION
Le système financier conditionne le fonctionnement et l'évolution
des économies marchandes, car on ne peut objectivement pas
concevoir une croissance et partant un développement économique
sans une utilisation optimale des moyens de financement disponibles.
En fait, tout problème de financement se ramène globalement à un
problème de mobilisation des ressources et d'incitation à investir. Ce
qui sous-entend la mise en œuvre d'une stratégie en vue de cerner la
capacité financière d'une économie, autrement dit les ressources saines
susceptibles de financer son développement.
Les problèmes de financement se posent aujourd'hui aux économies
en développement avec d'autant plus d'acuité qu'il s'agit avant tout
pour elles de trouver une meilleure jonction entre leurs besoins de
financement toujours en croissance et leurs capacités de financement
jusque-là modestes.
En effet, face à des besoins de financement très élevés (jnfrastmcture
de transport, écoles, hôpitaux) et à un besoin pressant d'industries,
l'épargne disponible, du reste partiellement mobilisée, apparaît
dérisoire. On pourrait dès lors penser que le problème se pose
simplement en terme de choix des modes de financements, autrement
dit des liaisons à promouvoir entre offreurs et demandeurs de liquidité.
Mais force est de constater que ce choix n'est pas toujours possible,
non seulement à cause du nombre limité des sources de financement
mais également en raison des conditions de financement peu
commodes. Et c'est pour cela que l'analyse du système financier
s'impose résolument.
Le système financier d'un pays comprend l'ensemble des institutions
qui ont pour rôle de satisfaire les besoins financiers de certains agents,
81
Le NEPAD: enjel/x poliriques, éCOl/omiques er secroll'els
grâce aux capacités des autres. Un tel ajustement est réalisé à l'aide de
deux types de mécanismes (J.G. GURLEY et E. S. SHAW, 1960) :
- celui de la finance directe, qui privilégie les fonctions du marché
des capitaux;
- celui de la finance indirecte, qui fait intervenir les institutions dont
l'activité principale est de nature financière.
A cet égard, les entreprises peuvent être classées en deux secteurs
selon leurs modes de financement (J. HICKS, 1974) :
- le secteur des fonds propres et de l'endettement à long terme, dans
lequel elles font essentiellement appel au marché pour satisfaire
leurs besoins de financement ;
- le secteur du découvert ou de l'endettement à court terme, dans
lequel elles utilisent surtout des facilités d'emprunt quasiautomatique pour se financer.
Cette classification amène à distinguer les économies d'endettement,
qui privilégient la finance indirecte assurée notamment par les
intermédiaires bancaires, des économies de marchés financiers.
En Afrique Subsaharienne et plus précisément dans la zone franc
africaine (ZFA), le financement indirect, de nature essentiellement
bancaire, est encore prépondérant. Et les plaintes des opérateurs ne
cessent de s'élever contre l'État, les banques de développement, les
banques commerciales, la banque centrale, le mécanisme de la zone
franc, aux motifs que le loyer de l'argent est prohibitif, que les conditions bancaires sont restrictives et n'assurent pas la promotion du
développement,
Étant donné que l'utilisation efficiente des ressources monetalres
d'un pays à des fins de développement dépend fortement de la
structure et de l'efficacité du système financier, il apparaît utile de
s'interroger, tout d'abord, sur le véritable rôle du système financier de
la ZFA au moment où le financement extérieur se fait rare et est par
ailleurs soumis à de nouvelles conditions, notamment la bonne
gouvernance et la réforme des marchés 1 , ensuite, sur la manière de
susciter une épargne domestique longue et à moindre coût, en vue
d'augmenter le taux d'épargne et abaisser le coùt du crédit.
L'objet de la présente réflexion est donc de déterminer comment le
système financier peut, dans les pays africains de la zone franc (PAZF),
autant que possible:
- permettre une meilleure utilis:.Ition des ressources financières du
pays;
1. Il s'agit en fait d'un train de mesures et de dispositions juridiques garantissant
le fonctionnement régulier d'une économie de marché, entre autres, la loi anticornlption, la lois sur la concurrence et la loi contre "argent sale,
82
5)'stème jlnancer et dél'eloppemel1t en
ZOIl(' jiW1C
uji-icaine
- assurer un soutien plus efficace aux besoins de son économie
- garantir aux opérateurs un crédit moins rare et bon marché.
La présente analyse nous conduit à montrer que le système financier
en vigueur dans ces pays n'est pas de nature à favoriser leur
développement, à cause notamment de ses fortes contraintes
structurelles (partie 1). Dans ces conditions, il appartient aux autorités
monétaires de favoriser l'émergence d'une économie des marchés
financiers, seule à même de faciliter l'accès aux ressources financières
et aux placements financiers et de promouvoir ainsi le développement
économique (2ème partie).
1.
LE SYSTf~ME FINANCIEIl ACTUEL DES PAZF : UNE FAIBLE AI'TITlJDE
A
FINANCEIl
LE DÉVEL()I'I'I~MI':NT
Le système financier actuel des PAZF semble incapable de financer
leur développement, essentiellement parce que ces pays sont pour la
plupart des économies d'endettement administrées, d'une part, à cause
de la prédominance de la finance indirecte qui en est la conséquence,
d'autre part.
1.1. Les PAZF : des économies d'endettement administrées
A l'instar de la France (de 1965 à 1980), les PAZF sont tous
considérés comme des économies d'endettement.
Plusieurs raisons expliquent cette caractérisation :
- les entreprises qui y exercent sont en grande partie financées par
les crédits bancaires;
-les entreprises financières installées disposent de peu de titres,
parce que le marché des capitaux y est pour l'heure inexistant;
-la majorité des transactions sont directement liées à l'activité
économique réelle (paiement des salaires, achat des facteurs par
les employeurs, achat de biens finals par les consommateurs, etc.)
et les transactions en valeur concernent principalement l'achat de
biens et services et non celui des actifs financiers;
- malgré la prépondérance de la quasi-monnaie par rapport aux
autres composantes cie M2 (la masse fiduciaire étant la plus faible),
on observe un faible développement des moyens de paiements
non fiduciaires qui s'explique autant par des contraintes
techniques (rareté des terminaux de paiement par carte bancaire
83
Le NEPAD: enjeux politiques, écol/ol1liques el sectoriels
par exemple) que par le faible niveau de sécurisation du paiement
par chèque;
-les autorités monétaires ont souvent recours à l'encadrement de
crédit comme instrument de politique monétaire,
Or, l'organisation du financement dans une économie d'endettement
privilégie le rôle des intermédiaires financiers et leur assure un refinancement quasi-automatique. Ainsi, les institutions financières ont pour
rôle essentiel de mobiliser les ressources (nationales et internationales)
et de les mettre à la disposition de l'État, des entreprises publiques ou
des secteurs jugés prioritaires, En retour, le gouvernement se charge de
la gestion de leurs activités et les renflouent en temps de crise.
Ces dernières années, la crise de la dette et la réduction de l'apport
net des ressources financières d'origine extérieure ont focalisé
l'attention sur les ressources domestiques et sur leur affectation efficace.
Par ailleurs, suite aux pressions intérieures et aux conditionnalités des
bailleurs de fonds, les gouvernements africains ont réduit progressivement leur participation dans la production et les processus de
financement intérieurs. Ce qui a contribué à accroître la participation du
secteur privé dans le processus de financement du développement.
L'appartenance à la zone franc concourt à pérenniser cette situation,
car la zone franc apparaît elle-même, à de nombreux égards, comme
un élément de rigidité (ONDO OSSA, 1992). En effet, ne pouvant
trouver à l'intérieur des financements nécessaires, les États membres
sont contraints de s'endetter sur les marchés internationaux à des coûts
prohibitifs. A cela il faut ajouter le maintien, pendant de nombreuses
années, d'une politique de répression financière dans le but de faciliter
et favoriser l'investissement.
Ainsi, les économies de la ZFA se distinguent par la prédominance
de la finance indirecte, qui reconnaît au système bancaire la responsabilité de financer le développement.
1.2. La prédominance de la Îmance indirecte
Tel que défini par GURLEY et SHAW, le mécanisme de la finance
indirecte est un mécanisme dans lequel les emprunteurs ultimes
émettent, pour satisfaire leurs besoins de financement, des titres
primaires souscrits par des entreprises financières qui les financent en
émettant des titres secondaires, négociables ou non négociables. Ce
mécanisme repose essentiellement sur un processus c!'intermédiation
financière (monétaire et non monétaire).
L'intermédiation monétaire permet aux institutions qui gèrent des
dépôts à vue d'acheter des titres primaires cédés par les agents à besoin
de financement avec de la monnaie qu'elles ont le pouvoir de créer.
Quant à ]'intermédiation financière non monétaire, elle consiste pour
des institutions à acquérir des titres primaires en contrepartie des
84
S)'stème finance/" et dél'e/oppement en zO/le./iwlc africaille
versements monétaires et à offrir des créances non monétaires sur ellesmêmes, sous forme de titres secondaires contre de la monnaie.
L'intermédiation financière constitue donc, en quelque sorte, une
réponse aux imperfections du marché. Elle comporte de nombreux
avantages, notamment:
- une internalisation des transactions financières, un accroissement
des ressources financières et des économies d'échelle;
- une meilleure garantie contre les risques financiers, grâce à une
plus grande diversification du portefeuille d'actifs.
A cela il faut ajouter les avantages de la spécialisation des
intermédiaires financiers dans certaines opérations ou dans une
certaine clientèle.
Une analyse des comportements des différents intermédiaires
financiers dans la ZFA nous conduit à nous intéresser principalement à
la banque centrale, aux banques commerciales et aux banques de
développement, du moins ce qu'il en reste.
a) La Banque centrale
La Banque centrale a le monopole de l'émission monétaire. Elle se
situe au sommet de la hiérarchie des institutions financières. Même si
elle n'accorde pas de crédit à moyen et long termes et que son rôle se
limite à la gestion de la liquidité, à la promotion de la stabilité, à la
viabilité et au développement des institutions, la banque centrale a une
incidence sur le marché du crédit.
Par le passé, plusieurs pays africains se sont appuyés sur le contrôle
direct des variables de quantités (contrôle quantitatif du crédit et du
change) plutôt que sur les variables de prix (taux d'intérêt et taux de
change) pour contrôler la liquidité et le crédit. Mais, avec l'adoption
progressive des systèmes de gestion reposant sur le marché, nombreux
d'entre eux ont libéralisé les marchés financiers et s'appuient, de plus
en plus, sur les taux d'intérêt et les taux de change pour agir sur la
croissance et l'allocation des liquidités.
Dans les PAZF, et en raison précisément des relations qui lient
désormais le franc CFA à l'euro, les niveaux de taux d'intérêt et de taux
de change de la monnaie sont influencés par les arrangements spéciaux
(ONDO OSSA, 1999). Et de ce fait, ces niveaux ne sont pas souples 2 .
2. Les caractéristiques principales de ces deux zones monétaires sont: (a) une
monnaie unique ayant cours légal au sein cie chaque union; (b) une parité fixe
avec l'euro (l euro = 655,957 francs CFA) ; (c) la mise en commun des réserves
extérieures (65 % cles réserves cie clevises cie chaque pays) clans un compte au
niveau clu Trésor français appelé, compte des opérations .. ; (cl) la convertibilité
extérieure de la monnaie clans chaque zone monétaire est garantie par la France
(certaines restrictions sur les transferts de capitaux à J'intérieur cie l'Union ont été
imposées en 1991 et le rachar cles billets cie banque provenant cie J'extérieur cie
chaqué' zone était suspenclu par la Banque centrale vers la fin cie l'année 1993).
85
Le NEPAD : enjellx politiqlles, économiques et sectoriels
En Afrique de l'Ouest, la Banque Centrale des États de l'Afrique de
l'Ouest (BCEAO) dispose de trois types d'instruments pour la mise en
œuvre de la politique monétaire) : les plafonds des concours globaux
aux États, aux banques et aux établissements financiers, les réserves
obligatoires et les taux d'intérêt directeurs. Il existe alors quatre taux
directeurs :
-le taux d'escompte;
-le taux des prises en pension;
-le taux des appels d'offres;
-le taux des bons émis par l'Institut d'émission-i.
En Afrique Centrale, la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC)
dispose de deux types d'instruments' : les plafonds de refinancement des
banques et les taux d'intérêt. Il s'agit en fait de quatre taux directeurs
fixés par le Gouverneur par délégation du Conseil d'administration:
-le taux d'intérêt sur les appels d'offres· positifs .. (TIAO) , taux de
refinancement des banques qui y soumissionnent (adjudication à
la française) ;
-le taux d'intérêt sur les placements des banques (TISP), effectués
dans le cadre des appels d'offre négatifs;
3. L'article 12 du traité de !'UEMOA confie au conseil des ministres de l'Union
la responsabilité de la politique monétaire qui vise à assurer la sauvegarde de la
monnaie commune et de pourvoir au financement de l'activité et du développement économique des États de l'Union,
Les statuts de la BCEAO précisent par ailleurs un objectif intermédiaire de la
politique monétaire (article 51) : le rapport entre le montant des avoirs extérieurs
de la Banque et le montant moyen de ses engagements à vue doit être supérieur
à 20 %.
4. Le taux d'escompte et celui des prises en pension sont fixés de manière
discrétionnaire par la Banque centrale, Les taux des appels d'offres et des bons
émis par l'Institut d'émission sont déterminés par une procédure d'adjudication à
taux multiples, La BCEAO se réserve cependant le droit, en fonction des
circonstances, d'organiser des appels d'offres à taux fixes.
5, La convention entre les États membres de la zone BEAC et, depuis le 25 juin
1999, la convention régissant l'Union Monétaire de l'Afrique Centrale, ainsi que les
nouveaux statuts de la BEAC (entrés en vigueur le 25 juin 1999) ont confié à cet
institut d'émission communautaire, outre le privilège exclusif d'émettre la monnaie
unique, les pouvoirs nécessaires à la mise en oeuvre de la politique monétaire,
avec le concours, à l'échelon national, des comités nationaux de crédit.
Dans le cadre des exercices de programmation monétaire, le Conseil
d'Administration de la BEAC fixe pour chaque État de la zone d'émission des
objectifs d'avoirs extérieurs nets, de croissance des crédits à l'économie et de la
masse monétaire (Mn,
L'objectif final de la politique monétaire défini par l'article 21 de la convention
régissant l'UMAC est de garantir la stabilité de la monnaie, Sans préjudice cie cet
objectif, la BEAC apporte son soutien aux politiques économiques générales clans
les États membres de l'Union monétaire,
86
Sl'slèmefinallcer el dél'e/oppemell! en zonefrallc aji"icaine
- le taux d'intérêt des prises en pension (TIPP), égal au TIAO majoré
de 150 à 200 points de base ;
- le taux de pénalité aux banques (TPB), appliqué au découvert des
banques sur leur compte auprès de la BEAC et égal à deux fois le
TIAOo.
Contrairement aux autres institutions financières, les deux Banques
centrales (BCEAO et BEAC) n'ont pas de concurrents. Mais elles
travaillent en étroite collaboration avec les ministères des finances des
pays membres, en matière de conception et de mise en œuvre de la
politique monétaire.
Certes, dans de nombreux pays africains, les banques centrales ont
perdu leur indépendance dès lors que les États ont été amenés à s'en
remettre entièrement à elles pour le financement de leur développement national à travers la création monétaire. De plus, les pressions
politiques exercées sur les banques centrales pour les crédits à bon
marché vont à l'encontre de l'objectivité et de l'impartialité dont elles
ont besoin pour fonctionner avec efficacité dans un système de marché.
Et c'est pourquoi le débat a porté, ces dernières années, sur l'indépendance de la banque centrale, qui permet de réduire le biais
inflationniste qu'induit une politique discrétionnaire et qui, du reste,
revêt plusieurs formes (KOENIG, 1999) :
- l'indépendance des instruments, qui est la capacité pour la banque
centrale d'utiliser sans restriction tous ses instruments pour
atteindre ses objectifs. Elle est incompatible avec l'obligation faite
aux banques centrales de financer les déficits budgétaires;
- l'indépendance des objectifs, qui correspond à la capacité de la
banque centrale de choisir et de poursuivre ses objectifs sans être
soumis à une contrainte ou à une influence exercée par le
gouvernement.
Ainsi, dans la majorité des pays africains, il n'existe pas de systèmes
internes de restriction garantissant l'indépendance de la banque
centrale. Par ailleurs, les règles ont été souvent contournées par les
crédits directs octroyés en vue du financement des entreprises
parapubliques, d'une part, par l'emprunt extérieur, d'autre part. La
grande difficulté étant que, dans une économie d'endettement, la
6. La BEAC fixe également, au titre de l'article 22 de ses statuts, les taux des
avances statutaires aux trésors nationaux consentis en-dessous et au-delà des
plafonds et le taux des dépôts spéciaux des trésors et organismes publics. Deux
taux bancaires sont réglementés par la BEAC :
-le taux créditeur minimum qui ne s'applique plus qu'aux dépôts d'épargne
ou sur livret inférieurs à 5 millions de FCFA ;
- le taux débiteur maximum, désormais égal au TPB plus 7 %.
87
Le NEPAD : enieltx po/ililjUeS, écollol/liljlles et sectoriels
banque centrale n'est pas en mesure de contrôler le volume de
refinancement. Elle se sent obligée de refinancer des crédits déjà
accordés par le système bancaire. Aussi se contente-t-elle bien souvent
d'agir sur l'évolution monétaire issue des opérations de crédits
bancaires en influençant les taux d'intérêt. Mais si cette action n'est pas
suffisamment efficace, d'où le recours au contrôle du volume des
crédits (ONDO OSSA, 2002).
Cependant, dans les PAZF, les règlements monétaires garantissent
aux deux banques centrales une indépendance vis-à-vis des pressions
émanant des gouvernements. En effet, le recours au crédit de la banque
centrale est conditionné par les limitations statutaires: les créances sur
le trésor public sont plafonnés à un maximum de 20 % des recettes
fiscales au titre de l'année budgétaire précédente. Le refinancement du
crédit des banques commerciales pour le gouvernement prend la forme
de l'escompte de crédit éligible à court, moyen et long termes (avec
une échéance de moins de 10 ans).
De plus, à la suite de la mise en œuvre des programmes d'ajustement
structurel, des restrictions ont été imposées aux gouvernements à
travers les conditionnalités des bailleurs de fonds. Et celles-ci ont donné
aux banques centrales une forme d'indépendance dans leur coopération avec les ministères des finances.
Un important aspect de la fonction de contrôle et de réglementation
de la Banque centrale concerne le fait que, de par sa nature, l'activité
bancaire implique une prise de risques importante. Sa réussite dépend
de la confiance du grand public. La fonction de contrôle de la banque
centrale doit, dans ces conditions, contribuer à établir et à maintenir la
confiance nécessaire dans la stabilité du système bancaire et financier.
Or, à ce qu'il semble, le système monétaire de la zone franc (régime de
changes fixes) a perdu de sa crédibilité depuis la dernière dévaluation
du franc CFA (ONDO OSSA, 2001).
L'adoption d'un système indirect de contrôle monétaire nécessite
également la suppression des obstacles institutionnels et non financiers
au fonctionnement efficace du système du marché. Ceci va de pair avec
le rôle de la banque centrale dans la promotion de la stabilité et la
viabilité des institutions des marchés financiers. La Banque centrale a donc
ainsi la possibilité de contribuer au renforcement du système financier.
De même qu'elle peut promouvoir le développement des marchés
financiers afin d'améliorer l'efficacité de lïntermédiation financière.
b) Les banques commerciales
Généralement, dans la ZFA, les banques commerciales jouissent
d'une situation de quasi-monopole en raison de leur prédominance
dans le système financier. De plus, la plupart d'entre elles sont des
filiales de banques étrangères et pourraient, en cas de nécessité,
exploiter les ressources extérieures.
88
Système fi/lClllCl!1" et dr'l'eloppl!ment ell zone Fcmc aFicaille
Malheureusement, plusieurs éléments entravent leur fonctionnement, notamment:
-leur structure actuelle, qui fait d'elles essentiellement des institutions
urbaines;
-les procédures rigides, des coûts de fonctionnement élevés, la
lenteur administrative et les systèmes de fonctionnement et de
gestion archaïques ;
-leur préférence pour les avoirs liquides et les prêts à court terme,
qui a conduit à la prédominance des avances, des crédits à court
terme et des effets escomptables dans leurs portefeuilles.
En raison de l'asymétrie d'informations, une demande de crédit
généralement excédentaire conduit résolument au monopole bancaire.
Elle pousse par ailleurs les banques à avoir une stratégie coordonnée
en vue d'accroître l'offre. Elle a malheureusement comme conséquence
directe l'augmentation du loyer de l'argent7 . Un tel ajustement conduit
donc nécessairement à des situations d'antisélection ou d'aléa moral.
Ainsi, les banques commerciales installées dans les PAZF ont de la
réticence à accorder des crédits destinées aux activités agricoles et
industrielles, excepté là où des directives du gouvernement les y
contraignent. Elles marquent leur préférence pour le financement des
activités de vente ou de transformation, au détriment des activités de
production et de développement.
Les banques commerciales manifestent donc un sentiment
d'aversion contre le risque. Et cette attitude est particulièrement
prononcée lorsqu'il s'agit des petits emprunteurs, à cause notamment
de la difficulté qu'elles éprouvent à obtenir des informations de qualité
en vue de l'évaluation des perspectives des demandeurs de crédit. Elles
préfèrent dans ces conditions accorder des crédits aux entreprises de
grande taille, bien organisées et évoluant dans les domaines prioritaires
(pétrole et mines), au détriment des PME, même lorsqu'il existe des
dispositions pour la couverture de la garantie du crédit et/ou des
directives spécifiques en leur faveur. On comprend alors l'importance
que les banques commerciales accordent aux garanties conventionnelles (acte, hypothèque et autres actifs négociables).
D'une manière générale, les banques commerciales ne financent pas
le développement. Et plusieurs raisons peuvent être évoquées à cet
égard:
1°) Dans un marché où les procédures légales sont longues et les
lois en matière de faillite ambiguës, la garantie devient une
7. Ainsi, avec un taux directeur fixé par la BEAC à 6,5 %, le taux de sortie des
banques commerciales s'élève à 18 %. La marge bancaire semble de ce point de
vue excessive.
89
Le NEPAD: el\ieux politiques, économiques et sectoriels
condition nécessaire pour la mise en application effective du
contrat.
2°) La mise en œuvre des PAS a également contribué à renforcer
l'aversion contre le risque. La suppression de la protection qui
permettait de se prémunir contre l'insolvabilité de certaines
entreprises clientes des banques et la fermeture de quelques
autres ont augmenté l'incertitude du remboursement des
créances.
3°) Les changements en cours, en ce qui concerne les taux d'intérêt
et la politique de crédit d'une manière générale, ont conduit les
banques a être plus prudentes dans l'octroi des crédits de moyen
et de long terme (le respect d'un minimum de règles
prudentielles).
c) La banque de développement
Les banques commerciales qui dominent le système financier sont
essentiellement orientées vers le financement du commerce et d'autres
investissements à court terme dans les centres urbains. Et même si ces
banques accordent des crédits à long terme, elles le font uniquement
aux termes et conditions peu attrayants. Les agios sont fixés à un niveau
élevé pour tenir compte, ainsi que nous l'avons précisé plus haut, des
risques associés au portefeuille des banques.
C'est dans ces conditions qu'a été créé, un peu partout en Afrique
des banques de développement, essentiellement pour contribuer à la
promotion du développement économique.
Malheureusement, le bilan de ces banques a été globalement
décevant, pour des raisons évidentes:
1°) les banques de développement ont presque toutes fait faillite ;
2°) Là où elles ont résisté comme au Gabon, on observe que la
Banque Gabonaise de développement CB.G.D), n'a pas réussi à
jouer le rôle escompté en ce qui concerne la promotion des
nouveaux entrepreneurs et des nouvelles entreprises, et plus
particulièrement les PME.
En effet, la B.G.D a plutôt accordé des prêts aux grandes entreprises
bien établies, qui auraient pu obtenir un financement des banques
commerciales. Elle a par ailleurs procédé à une mauvaise affectation
des ressources financières, à des taux d'intérêt inférieurs à ceux des
banques commerciales, non pas en raison des coùts des transactions
plus bas, mais du fait d'une offre de fonds moins chère, car à des taux
subventionnés par le gouvernement.
On relève également, le maintien d'un portefeuille excessivement
concentré, qui traduit une faible capacité d'adaptation en période de
récession économique. Enfin, la BGD n'a pas réussi à mobiliser les
90
S}'stème financer et dél'eloppemellt en zone franc ajdcaine
ressources financières autres que celles fournies par les bailleurs de
fonds et le gouvernement, la rendant ainsi vulnérable aux pressions
politiques qui, en définitive, ont affecté la sélection des prêts et des
projets, intensifié les problèmes de recrutement et de gestion d'un
personnel de direction compétent.
L'incidence négative de la pression politique en matière de
tarification des services (intérêts des prêts et intérêts sur les dépôts), de
sélection des prêts et de nomination des hauts cadres explique le
manque de motivation du personnel.
En somme, la BGD pour survivre, a plutôt privilégié un schéma
financier proche de celui des banques commerciales. Ce qui, dans un
environnement d'économie d'endettement, lui a permis de contenir et
de mieux contrôler le risque H.
L'incapacité du système financier actuel à promouvoir le développement des pays de la ZFA en général conduit à envisager le passage
à une économie de marchés financiers comme solution au problème de
financement du développement en Afrique.
II.
L'I~MER(;ENCE D'LJNE ÉCONOMIE DE MAHClIÉS FINANCIERS EN ZFA : LJNE SOIHJlON
ALJ FINANCEMENT Dli DI~VEI.OPPEMENT
Dans une économie de marchés financiers, les banques s'alimentent
en ressources liquides en collectant des dépôts et en faisant appel au
marché des capitaux. Elles recourent peu au refinancement et
possèdent des réserves excédentaires. Nous allons tout d'abord
présenter les avantages des marchés financiers avant de traiter des
aménagements indispensables.
8. Alors qu'elle dispose d'un niveau de fonds propres très élevé par rapport à
son activité (86 % des financements de la BGD proviennent de ses fonds propres
en 2000, contre 76 % en 1999. Ce qui représentent respectivement un montant de
20 milliards de francs CFA conter 10,'5 milliards de francs CFA), la BGD finance
principalement l'équipement et la consommation qui représentent respectivement
30 % et 27 % des crédits en 2000, contre 37 % et 12 % en 1999. La BGD manque
donc d'ambition puisqu'elle ne réussit pas à transformer ses ressources propres en
financements longs. Son comportement est plutôt proche de celui d'une banque
commerciale. Et par rapport à cette dernière option, la BGD se porte plutôt bien
puisqu'elle réalise des bénéfices. Pour preuve: un résultat de 3 milliards de bénéfice
en 2000 contre 2,8 milliards en 1999, et même si on constate plusieurs crédits en
souffrance (les créances douteuses et impayés représentent 24,64 % en 2000 contre
13,04 % en 1999.
91
Le NEPAD " el/jeux politiques, ('col/omiques et sectoriels
II.1. Les avantages d'une économie de marchés financiers
Dans une économie de marchés financiers, les entreprises financent
essentiellement leurs investissements grâce à leur autofinancement et
grâce aux émissions d'actions et d'obligations sur de vastes marchés
alimentés par l'épargne des agents à capacité de financement. Leurs
besoins de financement de court terme sont donc satisfaites, du moins
partiellement, par la vente de titres négociables sur un marché
monétaire largement ouvert aux agents financiers et non financiers.
Les banques commerciales peuvent également recourir au
refinancement auprès de la Banque centrale. Mais ce recours est rare et
seulement transitoire. La banque centrale est alors un prêteur en
dernier ressort non contraint et les banques commerciales sont dites
.. hors banque ", du fait de leur indépendance à l'égard de la banque
centrale. A cet effet, l'activité traditionnelle consistant à distribuer des
crédits est nettement plus faible dans une économie de marchés financiers
que dans une économie d'endettement.
Les marchés financiers présentent donc de nombreux avantages
(KOENIG, 2000) :
- ils assurent la négociabilité des titres;
- ils facilitent l'accès aux ressources financières et aux placements
financiers, de même qu'ils proposent des gammes diversifiées
d'actifs susceptibles de répondre à un éventail large de besoins et
des titres standards (montants, échéances, taux d'intérêt). Ce qui
évite les coûts élevés induits par des contrats spécifiques dans les
opérations personnelles ;
- ils définissent les taux d'intérêt d'équilibre des titres échangés
auxquels les agents qui désirent intervenir peuvent se référer;
- ils permettent aux opérateurs d'éliminer ou de réduire certains
risques (risque de défaillance des emprunteurs, risque de variation
des taux d'intérêt, risque de change ... ).
La promotion des marchés des valeurs permet surtout d'étendre la
gamme des services financiers offerts et d'améliorer l'efficacité de
l'intermédiation financière ainsi que la gestion des ressources financières de l'économie. Développés avec succès, ils peuvent servir d'interface
aux entreprises privées et publiques en vue d'une meilleure mobilisation des fonds auprès des institutions financières et du grand public.
En fait, le développement des marchés des valeurs offre une variété
d'avantages, notamment:
-l'introduction d'un plus haut degré de concurrence au sein du
système financier, grâce à l'élargissement de la gamme des services
et des instruments financiers ;
-l'amélioration de la gestion des risques pour des entreprises
individuelles et la solvabilité générale du système financier, grâce
au financement de long terme qui apparaît comme une solution
ou, mieux, un complément au financement par la dette;
92
Système financer et dél'eloppemem en zone jhmc africaine
- le renforcement du lien avec les marchés financiers internationaux
et, par conséquent, la stimulation des apports des capitaux;
Autant d'avantages susceptibles de faciliter l'ajustement et la croissance
dans l'économie gabonaise. Ce qui pousse d'ailleurs à un examen
succinct de la structure et du rôle des deux composantes de ce type de
marché, notamment le marché monétaire et le marché des capitaux.
Le marché monétaire concerne le placement des instruments à court
terme, hautement liquides et généralement solvables qui sont souvent
des obligations à court terme de l'État. Le développement du marché
monétaire facilite l'introduction des dépôts inter-banques, des acceptations bancaires, des certificats de dépôts et des effets commerciaux
émis par les sociétés non financières. A un moment où les flux nets des
ressources financières extérieures diminuent de manière notable, le
marché monétaire constitue un moyen non inflationniste de financement
du déficit budgétaire de l'État. De plus, il faciliterait la mise en œuvre
du contrôle monétaire indirect, grâce aux opérations d'open market et
aux fluctuations des taux d'intérêt en lieu et place des contrôles directs
et des taux d'intérêt fixes qui avaient contribué à la répression sur le
marché financier et à la mauvaise affectation des ressources.
En permettant aux grandes entreprises d'émettre des titres à court
terme sous forme d'effets commerciaux, le marché monétaire réduit la
dépendance vis-à-vis des banques commerciales et rend le marché des
prêts plus concurrentiel. Ce qui entraîne nécessairement une baisse des
coûts de transaction et des taux d'intérêt.
Les marchés monétaires et financiers sont nécessairement liées car le
développement du marché des valeurs commence généralement avec
celui du marché monétaire d'autant que, de manière générale, les
mêmes institutions sont impliquées. Ainsi, le développement du marché
financier a des implications positives pour le financement du développement, puisqu'il encourage la diversification de l'actionnariat des
entreprises et l'affectation efficace des ressources à travers un mécanisme
de tarification compétitif, plutôt qu'à travers des mécanismes de
contrôle de crédit.
II.2. Les principales réformes financières favorisant l'émergence d'une économie de marchés îmanciers
Il s'agit tout d'abord de prendre une série de mesures préalables et
de procéder par la suite à des aménagements indispensables.
a) Les mesures préalables
Il semble opportun de se référer aux réformes qui ont mis un terme
à l'économie d'endettement en France et qui ont favorisé le développement d'une économie de marchés financiers. Il s'agit essentiellement
93
Le NEPAD .' er(iellx po/itiqlll!s. écol/omiques et sectoriels
des mesures de déréglementation, d'une part, des innovations
financières, d'autre part.
La libéralisation financière se traduit par une mise en cause des
législations et des réglementations nationales à caractère restrictif
(opérations de déréglementation). Elle sous-entend, entre autres:
- la modernisation des activités financières ;
.- la réduction du nombre des taux d'intérêt administrés;
-l'abolition de l'encadrement du crédit;
-la libre circulation des capitaux, ainsi que la libre circulation des
services et des produits bancaires.
En ce qui concerne les innovations financières, elles consistent à
- créer des marchés nouveaux;
- mettre en place des instruments de couvertures de risques;
- développer le marché des valeurs mobilières;
- ouvrir les marchés, notamment le marché monétaire, à de
nouveaux opérateurs (entreprises non financières et particuliers) ;
- créer des produits nouveaux en diversifiant des produits anciens,
comme les obligations (titres à taux variables ou révisables, titres
participatifs ou associatifs).
L'ouverture récente de la BVRM à Abidjan en Afrique de l'Ouest et
celle prochaine d'une bourse de valeur à Libreville pour l'Afrique
Centrale apparaît salutaire. La bourse des valeurs de Libreville verra le
jour au deuxième semestre 2003. Et même si elle aura un concurrent au
Cameroun, les autorités monétaires de l'Afrique centrale doivent tout
mettre en œuvre pour lever certains verrous, le problème essentiel de
ces bourses de valeur étant celui de la profondeur du marché. Car la
création d'une source supplémentaire de financement devra entraîner
la baisse des coûts en raison de la compétition qui va s'instaurer.
b) Les aménagements nécessaires
Les nouvelles approches en matière de gestion économique
reposent d'abord sur le désengagement de l'État, ensuite sur la
promotion de la concurrence avec un rôle accru attribué au secteur
privé et aux forces du marché.
S'agissant du désengagement de l'État, les entreprises publiques - et
en particulier celles qui enregistrent de mauvais résultats - sont en train
d'être privatisées. Ce mouvement est amorcé un peu partout depuis
quelques années. Dans ces conditions, les incitations financières sont
déterminés par le jeu de l'offre et de la demande relatives à l'instrument
financier.
Malheureusement, la vague de privatisations intervenue ces derniers
temps, surtout en Afrique centrale, s'est faite dans des conditions peu
fiables à cause de l'absence d'un marché de valeurs mobilières.
94
SI'stème/llluncer et dr'l'l!!oppemell/ ell :::olle /iW1C uji-icuine
La situation financière fragile des PAZF met les autorités face à de
nombreux défis pour rendre les institutions financières efficaces,
compétitives et solvables.
La promotion d'une concurrence entre les entreprises de production
devrait être appuyée par un système financier lui-même compétitif. Et,
en ce sens, le désengagement de l'État permet d'éviter l'erreur
constante qui consiste à affecter des crédits aux projets de faible
performance.
Étant donné qu'il existe des domaines prioritaires pour le
financement du développement, qui peuvent ne pas intéresser les
institutions financières organisées à cause des risques élevés, une
intervention politique en faveur des petites entreprises est souhaitable,
en tant que moyen d'améliorer le bien-être général (Little, 1987).
Cette intervention visera plus spécifiquement la création d'un
contexte macroéconomique stable, la fourniture d'incitations fiscales, la
suppression des barrières légales et la mise en place d'un cadre de
réglementation et de contrôle afin de protéger les droits des
investisseurs.
CONCLUSION
Il ressort de la présente analyse que:
1°) en raison de la nature des économies africaines de la zone franc
(économies d'endettement), les deux banques centrales (BCEAO et
BEAC) ne sont pas en mesure de contrôler le volume de refinancement.
Elles ont souvent été obligées de refinancer les crédits déjà accordés
par le système bancaire. Aussi n'ont-elles donc tenté d'agir sur
l'évolution monétaire que par le biais des taux d'intérêt. Même si cette
action n'a pas toujours été efficace (ONDO OSSA, 2002) ;
2°) Les banques commerciales, qui dominent le système financier
des pays africains, sont réduites à accorder des prêts a court terme et à
limiter leurs activités en milieu urbain. Leur coût d'adaptation aux
besoins des ménages en milieu rural serait très élevé et impliquerait
l'acquisition de nouveaux locaux de banques, une formation spéciale
du personnel, l'introduction de nouvelles dispositions et options de
conditions de dépôt, la réduction des frais de service, etc. Mais, en
raison du faible volume des transactions concernées et de la grande
dispersion de l'épargne des ménages en milieu rural, les bénéfices
escomptés sont trop faibles pour constituer une incitation suffisante.
3°) Les banques de développement, mises en place pour améliorer
les perspectives de croissance, n'ont pas réussi à assurer les services
escomptés et ont pour la plupart fait faillite. A cause du système
(économie d'endettement), celles qui ont survécu ont été contraintes de
prendre des décisions purement commerciales.
95
Le NEPAD: el~iel/x poliliql/es, économiques 1'/ seC/oriels
Dans tous les cas, le besoin d'accroître le financement des investissements à moyen et long termes en ZFA nécessite un nouveau type
d'institutions financières et surtout la création d'un marché financier.
Mais compte tenu de l'étroitesse du marché, une telle innovation ne
devrait pas nécessairement entraîner la création d'autres institutions
financières, mais bien mieux de l'expansion des services des institutions
existantes, de leur réforme et de leur réorientation, de manière à les
rendre plus efficaces, compétitives et solvables et, par conséquent,
mieux adaptées aux contraintes du marché et de la gestion
économique. C'est le seul gage d'un financement efficace du développement en ZFA.
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96
Les Technologies de l'Information
et de la Communication
dans le processus de développement
Division de l'information sur le Développement (DISD)
Commission Économique des Nations-Unies pour l'Afrique
1. Introduction et historique
Les progrès accomplis au cours de ces dernières années dans les
domaines de la science, de la technologie et de la mondialisation ont
conduit à une transformation économique, sociale, culturelle et
géopolitique au niveau mondial. Au cœur de ce phénomène se
trouvent les technologies de l'information et de la communication
(TIC). Non seulement elles se sont diffusées plus rapidement que les
innovations révolutionnaires des sociétés agraires et industrielles, mais
elles sont aussi devenues une puissante force de transformation du
développement social, économique et politique dans le monde entier.
Leur puissance impressionnante et leur polyvalence ont abouti à la
croissance des réseaux mondiaux qui ont changé les affaires et les
marchés, créant de nouveaux modes de flux de connaissances et
l'émergence d'une nouvelle économie basée sur l'information et le
savoir. Avec la réduction des coûts et l'accélération de la vitesse de la
communication à travers le monde, la rupture des barrières
préexistantes dans le temps et dans l'espace, les TIC affectent tous les
domaines de la vie politique, sociale et économique.
La capacité des nouvelles technologies à influer sur le processus de
production, le commerce, la gouvernance et l'apprentissage peut
renforcer la croissance économique et le développement social. Le
nombre de réseaux informatiques s'accroît de jour en jour, renforçant
ainsi la connectivité globale. Actuellement, Internet compte près de 400
millions d'utilisateurs et ce chiffre sera d'un milliard en 2005, atteignant
ainsi la moitié de la population du monde en 2010. Le réseau Internet
est en train de devenir le système nerveux du savoir et du progrès.
Non seulement la révolution des TIC a changé la manière de vivre,
de travailler et de se divertir, mais les TIC ont aussi créé une nouvelle
infrastructure pour les affaires, les progrès scientifiques et l'interaction
sociale. Cette révolution continue d'alimenter la prolifération de nouveaux
97
Le Nl;PAD, en/enx polifiqnes,
(il'O/IOIII ùJlles
et sectoriels
moyens de communication et la mondialisation des affaires et de la
finance. Elle renforce la participation des citoyens aux affaires
nationales et internationales. En même temps, elle suscite des questions
complexes qui transcendent les frontières nationales notamment
l'émergence d'un" fossé numérique» entre les régions, les nations et les
communautés.
Même s'il va de soi que la plupart de pays bénéficient de cette
transformation, il y a aussi des craintes d'un fossé de plus en plus
profond entre les riches et les pauvres. La mondialisation rapide et la
concurrence accme peuvent affecter négativement les pays où l'environnement et les capacités institutionnelles sont faibles. Cependant, le
coût que paieraient les pays africains en se plaçant en dehors de
l'économie fondée sur l'information et le savoir est beaucoup plus
élevé que le prix de l'adhésion.
Tandis que le monde développé poursuit la mise en place des
sociétés du savoir, les pays africains font face aux gigantesques défis
sociaux, politiques et économiques. Les objectifs cruciaux identifiés par
les dirigeants africains sont notamment le renforcement de la paix et de
la sécurité, le règlement des conflits, le maintien des valeurs démocratiques, le respect des droits humains et de la primauté du droit, la
réalisation de la stabilité macro-économique, le renforcement des
capacités institutionnelles, l'accroissement des niveaux de développement
humain, la promotion du rôle de la femme et l'extension de l'infrastmcture de développement socio-économique. Le récent Sommet du
Millénaire des Nations-Unies a défini des objectifs de développement
similaires pour la prochaine décennie, y compris la lutte contre la
pauvreté, l'accroissement du niveau de l'éducation, l'amélioration des
normes de la santé et le renversement des pertes de ressources environnementales. Il a également lancé un appel pour l'amélioration de
l'accès à l'information et au savoir ainsi qu'au renforcement de la
participation active de l'Afrique à l'économie mondiale basée sur
l'information.
Un tel consensus global reflète non seulement la nécessité de lutter
contre la pauvreté et les autres besoins humains par l'exploitation de
l'information, de la communication et du savoir, mais aussi un
sentiment naissant qui place la communauté internationale à la croisée
des chemins du processus de développement des TIC. Même si les TIC
ne sont pas elles-mêmes une fin en soi, l'analyse de l'expérience dans
le monde démontre suffisamment que leur utilisation judicieuse et à des
fins qui se justifient influe considérablement sur la réalisation des
objectifs spécifiques du développement économique et social, tout en
jouant un rôle crucial dans les stratégies nationales de développement
global. Elles pourraient offrir de nouvelles opportunités aux jeunes non
scolarisés tout en améliorant la qualité de l'enseignement dans tous les
secteurs du système éducatif. Les perspectives d'intégration africaine et
la possibilité d'arrêter et de renverser "l'exode des cerveaux» de
98
les Techllolo/-iies de l'ln!orllwtion et de la COllllllllllication
l'Afrique, pour permettre au continent de mieux utiliser et de tirer profit
de ses ressources humaines de la diaspora pourraient être des
dividendes de l'usage efficace des technologies.
Le secteur des TIC et la richesse générée par le renforcement du
savoir et des compétences créent aussi des opportunités d'emploi, ce
qui réduit la pauvreté en fin de compte. De même, l'application
judicieuse des TIC pourrait créer des opportunités de créneau dans le
commerce, l'investissement et la finance pour les institutions et les
citoyens africains. Ces technologies jouent aussi un rôle crucial dans le
renforcement de l'efficacité des administrations publiques, la gestion
des conflits, la lutte contre les pandémies et la mise en place d'un
système d'alerte précoce en mettant au point des outils de surveillance
constante des zones de tensions.
Le stockage, la recherche, le tri, le filtrage, la distribution et
l'échange d'informations sans discontinuité peuvent assurer des gains
substantiels à la production, la distribution, le marketing, la création de
nouveaux produits, les canaux de services et de distribution. Grâce à
l'extension novatrice des réseaux, les TIC peuvent transcender les
barrières culturelles et linguistiques en dotant les groupes et les
individus de la capacité de vivre et de travailler n'importe où, en
permettant aux communautés locales de devenir membres du réseau de
l'économie mondiale. Ces qualités et tant d'autres font des TIC un outil
important pour la renaissance de l'Afrique et représentent en effet un
espoir dans la recherche de l'éradication de la pauvreté.
L'expérience des pays développés montre que les gains de la
productivité de l'industrie, du tourisme, du commerce, des transports et
d'autres domaines de production et de services peuvent être attribués
aux TIC. L'illustration en est l'agriculture où elles peuvent améliorer les
moyens de mise a disposition des intrants, d'accroître l'accès aux
marchés ainsi que de faciliter l'interaction entre les agriculteurs et les
différentes institutions agricoles. Ces technologies ont le potentiel de
créer des populations bien informées et autonomes et elles pourraient
être appliquées à diverses activités humaines avec des avantages de
rendements d'une croissance exponentielle.
En conséquence, les gouvernements africains, les agences de
développement et la communauté internationale dans son ensemble,
reconnaissent de plus en plus le rôle potentiel des TIC dans le
développement social et économique de l'Afrique. Les gouvernements,
le secteur privé et les institutions universitaires ont été à l'avant-garde
de l'utilisation accrue d'Internet en Afrique. Un certain nombre
d'institutions dont la Commission économique pour l'Afrique (CEA), le
Centre de recherche pour le développement international (CROI),
l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la
culture (UNESCO), la Banque mondiale et l'Union internationale des
télécommunications (UIT) ont investi des ressources et des énergies
considérables pour améliorer l'état de l'infrastructure de l'information et
99
Le NEPAD, el/jeux politiques, écol1omùJlles et sectoriels
La CEA: 25 années de promotion des TIC pour le
développement
La Commission économique pour l'Afrique a été l'une
des institutions de la région à reconnaître la puissante
contribution des TIC dès 1975. Depuis 25 ans, elle a
assuré la promotion des TIC pour le développement de
l'Afrique. Son programme a été mis en place en 1979
avec le système panafricain d'information pour le
développement (PADIS). Le concept de PADIS impliquait
la création, à la CEA, d'une base de données
centralisées sur l'information pour le développement et
des bases nationales au niveau des centres participants
dans les pays africains.
Cherchant le meilleur moyen d'échanger l'information
sur le continent africain, la CEA a mis en place une série
de projets pilotes de travail en réseau informatique
depuis 1989. En 1992, la CEA a initié le Projet de
renforcement de capacités pour la communication
électronique en Afrique (CABECA) avec l'appui du
Centre canadien de recherche pour le développement
international (CADI) dont le résultat a été la création des
nœuds de communication électronique dans 24 pays
africains. Après le projet CABECA, la CEA a mis en place
d'autres projets de travail en réseaux électroniques dans
la région avec l'appui du Gouvernement des pays Bas et
de l'Agence américaine de développement international
(USAID).
En 1996, les gouvernements africains ont adopté
l'Initiative "Société de l'information en Afrique" (AISI) en
tant que cadre d'action pour la mise en place de l'infrastructure de l'information et de la communication en
Afrique, ce qui a fait de l'Afrique la première région du
monde en développement à lancer une telle initiative. La
mise en œuvre de l'AISI facilitera la participation du
continent à la société mondiale de l'information et à
réduire le fossé numérique entre l'Afrique et le reste du
monde.
Les réalisations des trois années d'existence d'AISI ont
été évaluées au cours du Forum pour le développement
de l'Afrique de 1999 (ADF 99) qui s'est tenu du 24 au 28
octobre 1999 à Addis-Abeba (Ethiopie)sur le thème: le
Défi de la mondialisation et de l'ère de l'information pour
l'Afrique.
de la communication
dans la région.
De même, des progrès
remarquables dans l'utilisation des TI C pour le
développement socioéconomique ont été enregistrés dans les pays
africains où le leadership
politique a montré son
intérêt pour les TIC. C'est
le cas pour le Rwanda, le
Mali, le Mozambique, le
Sénégal et l'Afrique du
Sud où les dirigeants
jouent un rôle visionnaire
et catalyseur dans le
développement et l'application des TIC dans leurs
pays respectifs.
Néanmoins, la capacité de l'Afrique à exploiter
le savoir, l'information et
le développement a été
insuffisante. Le résultat
est que la région n'a pas
contribué d'une manière
significative au développement de la société
mondiale du savoir. Cela
est dû en partie aux
Lcontraintes structurelles
complexes, notamment la base de ressources humaines limitée associée
à la faiblesse de la capacité institutionnelle et réglementaire.
Le manque d'investissement dans l'infrastructure des TIC est aussi
une autre raison qui explique pourquoi l'Afrique n'a pas participé
activement à la société de l'information et n'a pas exploité les TIC pour
son développement.
En conséquence, l'infrastructure africaine des TIC est la plus faible
du monde. L'insuffisance des cadres réglementaire et politique et la
limitation de la base de compétences aggravent la situation.
D'une manière générale, les institutions de formation qui peuvent
produire l'expertise pertinente requise pour exploiter l'information
pour le développement de l'Afrique sont pratiquement inexistantes.
Même si les études informatiques se sont étendues au niveau des
100
Les Technologies de lJlljonn{//ioll el de la Commllnicalioll
collèges et lycées, les universités continuent de produire de jeunes
professionnels avec très peu de connaissances dans l'ingénierie des
logiciels modernes, des techniques de développement des réseaux et
des systèmes. Cet aspect restera l'un des plus grands défis face à l'effort
de l'Afrique de créer sa propre société de l'information.
2. Situation des technologies de l'information et de la
communication (TIC) en Afrique
En dépit de la faiblesse relative de sa base infrastructurelle, l'Afrique
a réalisé une croissance considérable au cours de ces dix dernières
années. Les progrès enregistrés dans la formulation des politiques, des
réformes réglementaires, des initiatives régionales et nationales des TIC
et dans la création de partenariats, ont été encourageants. Cependant,
en comparaison avec les autres régions du monde et compte tenu des
besoins réels du continent, ces progrès deviennent dérisoires.
2.1 Infrastmcture des
nc
Les mauvaises infrastmctures constituent l'un des obstacles majeurs
au développement de l'Afrique. Beaucoup de pays africains entretiennent encore des infrastructures routières, portuaires, ferroviaires et
de télécommunications héritées de la période coloniale auxquelles on
a consacré très peu d'investissement depuis lors.
En ce qui concerne l'infrastructure de l'information et de la
communication en Afrique, la radio est le moyen le plus dominant avec
une couverture de 60 % du continent et une pénétration de 216 personnes
pour 1000. Le nombre de stations de radio privées et communautaires
a augmenté. Même si la couverture de la télévision continue d'être
limitée aux grandes villes, l'accès à la transmission par satellite a
amélioré la réception de la télévision dans les zones reculées.
L'infrastructure de diffusion existante, particulièrement la radio, pourrait
être au centre du développement des TIC sur le continent.
Un sur huit habitants du monde vit en Afrique et cependant, cette
région ne compte que 2 % des lignes téléphoniques mondiales. Environ
2,6 millions de personnes sont sur la liste d'attente des lignes téléphoniques. Le coût et l'accès sont les défis majeurs de la pénétration du
téléphone. Le prix d'utilisation des services de télécommunication est
très élevé par rapport au niveau de vie. Il varie en moyenne de 71 à 94 $
pour la connexion, 4,9 à 6,5 $ pour l'abonnement mensuel et 0,09 $
pour un appel local de trois minutes. Ces chiffres masquent généralement des réalités et des disparités entre pays et au sein des pays. Il y
a des pays dont les densités sont encore à 0,13 % et dont les coûts du
téléphone sont exorbitants, tandis que d'autres sont à plus de 10 %.
101
Le NEPAD, enjeux politiqlles, économiqlles et sectoriefs
L'accès aux ordinateurs est limité et les estimations actuelles indiquent
qu'il y a environ 6 millions d'ordinateurs sur le continent. La distribution varie d'un ordinateur pour 1 000 personnes dans certains pays à
plus de 50 pour 1 000 dans d'autres. Dans le monde développé, l'ordinateur est un outil essentiel pour les activités de recherche et de
développement et il joue un rôle crucial dans la nouvelle économie de
l'information. En Afrique, là où ils sont disponibles, les ordinateurs ne
sont pas connectés en réseau et sont généralement utilisés pour des
applications très élémentaires tel que le traitement de textes. Parmi les
principaux obstacles à la diffusion des ordinateurs figurent les droits et
les taxes à l'importation qui sont très élevés, variant entre 0 % à 31 %.
C'est pourquoi la Conférence Régionale Africaine Préparatoire au Sommet
mondial sur la Société de l'Information (SMSI) qui s'est tenue à
Bamako, Mali, du 28 au 30 mai 2002 a adopté un moratoire sur les taxes
d'importation du matériel informatique dans les pays africains jusqu'en
2005.
Même si tous les pays africains sont maintenant reliés à Internet, les
infrastructures sont concentrées dans les capitales et dans les grandes
villes. Le coût de la connexion reste très élevé avec une capacité de
bande passante très limitée pour les applications multimédia
interactives. Néanmoins, l'accès du public à Internet est possible dans
beaucoup de pays à travers les kiosques, les cybercafés, les télécentres,
les téléboutiques, les hôtels et les autres centres commerciaux, même
si le nombre des usagers reste insignifiant. Sur environ 2.6 millions
utilisateurs, 1.8 million sont en Afrique du Sud. Après des tendances
prometteuses et des progrès substantiels au milieu des années 90,
l'Afrique ne représente que 0,3 % du contenu Internet dans le monde.
La croissance du nombre de fournisseurs d'accès à l'Internet par
rapport au reste du monde a baissé depuis 1997. En 1999, 2,6 %
seulement des fournisseurs d'accès étaient en Afrique. Le tableau 1 qui
a été préparé par la CEA pour la Conférence sur le Financement du
NEPAD, montre la situation comparative globale dans les infrastructures
TIC.
102
Les Teclmolo~ies de lïll/onnation et de la COll1lll1lnictltioll
Tableau J: Tableau comparatifde l'infrastructure globale TIC compilé par la CEA
21,261,800
Nombre de lignes télënhoni ues
Télédensitê (lignes
téléphoniques,,", 100 habitanlS)
Demande en télénhones
Total
Satisfaite Yo
LiSle d'attente
Te~ d'attente
(moyenne annuelle)
Coùt du télénhonc en USS
Connexion
324,484,000
296,508,400
12,310,900
262
1719
1068
4054
35,14
4004
837,145,700
97.0
3D 772,500
192.228,400
97,1
10386,600
321.204,000
11,838,200
288,761.000
984
4,864,600
12,223,400
99,9
9,900
2,4
08
09
1.2
0,3
62
77
86
113
108
139
84
117
t05
114
55
79
50
5,7
0,08
9.6
8.0
0,07
0,04
7,8
9,7
0,10
8,3
17,6
007
8,6
14,3
Dm
3J
182514,100
8,50~,300
12,7
6,867,700
1.38%
Taxes SUT le matériel TIC
4,4
63
5,5
156,508,500
31.39%
10 554,636
77,093,000
1.1
144,413.100
28,1)6%
15326,379
lO.g4%
140,591,000
106
774
2.18
158
2,432
900
216
418
8,84%
5,39%
274,7~6
Nombt"e approximatif de micros
pour 100 habi..n..
Nombre de postes radio
Total (milhems)
Nombre de postes radio
1 Dar 1000 habitants
96.4
5,7
498,666,700
100,0Q''{'
141,382,198
100,00'/0
455.366,000
O,ll)Ct/.
7,601,000
Nombre approltiTTlltif de micros
3Ç2,67 1,000
23,044,700
84.3
3,677,400
(Habitations)
(Affaires)
Abonnement mensuel
(H'.birations)
(Arrair..)
Les 3 lTUl d'lDDellocal
Abonnement COJ11)lré % au
GDP .,.,. caDi.. 1999
Nombre d'internautes
%mondiaJ
Nombre de serveurs Internet
%mondi.l
1,044,884,600
36.60%
218,295,000
2,731,944
I.Q3%
11,879,000
17,94
2657
39,91
531
81 :
31
255
729
1,011
1,011
1,28%
3,12%
1,70%
0%
7.41%
112,496,371
31
1.71%
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En conséquence, le continent a besoin d'importants investissements
pour développer sa base infrastructurelle en vue d'atteindre les objectifs
arrêtés par l'Initiative" Société de l'information en Afrique" (AISI) et
plus récemment par le Nouveau partenariat pour le développement de
l'Afrique (NEPAD),
2.2 Cadres politique et réglementaire
Les progrès réalisés dans la mise en place des cadres réglementaire
et politique sont encourageants. En 2002, 35 pays avaient mis en place
des organes réglementaires pour superviser le secteur, avec 15 qui
avaient partiellement privatisé les réseaux fixes publics de télécommunications, tandis que quatre autres avaient introduit le système
d'opérateurs de la deuxième ligne fixe, Le nombre de pays ayant
introduit des services à valeur ajoutée tels que l'Internet et les services
de téléphonie mobile a aussi augmenté, Selon l'UIT, la majorité des
pays africains (56 %) permettent maintenant la concurrence dans les
réseaux de téléphone cellulaire mobile. Le résultat est que les services
mobiles connaissent une croissance considérable qui dépasse, dans
certains cas, la téléphonie fixe. La tendance de cette dernière est de
103
Le NEPAD,
el~iellx politiqlles,
(icol/omiqlles et sectoriels
privatiser partiellement les opérations d'exploitation du réseau public
de télécommunications en vendant des actions à des partenaires
stratégiques, généralement une société de télécommunication du
monde développé.
Quoique limitées en termes qualitatifs, ces mesures ont encouragé
l'amélioration de l'infrastructure de télécommunications dans la région.
Un certain nombre de pays ont aussi commencé à mettre au point des
stratégies nationales globales des TIC en vue de promouvoir la capacité
de l'infrastructure et de réglementation comme une action prioritaire.
Le fossé structurel dans le domaine de l'infrastructure constitue un
obstacle très sérieux à la croissance économique et à la lutte contre la
pauvreté. Le volet TIC du NEPAD devrait prendre en charge cette
dimension et susciter un investissement massif dans l'infrastructure
physique des TIC.
2.3 Initiatives des TIC en Afrique
L'Initiative • Société
de
l'information
en
• Préparé par un groupe d'experts de haut niveau
Afrique.
(AISI)
est
la
désigné par la 21 9 Session de la Conférence des
première initiative de la
Ministres de la CEA qui est composée des 53 ministres
africains du développement économique et social et de
région qui fournit un
la planification;
cadre d'action conti• Adopté par la Conférence des Ministres de la CEA
nental global considéré
responsables du développement économique et social
et de la planification à Addis-Abeba (Ethiopie) en mai
comme
la base des acti1996 ;
vités menées au cours
• Ratifié par les ministres africains des télécommunications à l'occasion de la Conférence régionale
des 6 dernières années.
africaine pour le développement des télécommuniAISI a été adoptée à
cations tenue à Abidjan (Côte d'Ivoire) en mai 1996 ;
• Lancé lors de fa Conférence sur le thème" Société de
plusieurs niveaux et par
l'information et développement .. qui s'est tenue à
beaucoup
de partenaires
Midrand (Afrique du Sud) en mai 1996 ;
.
en tant que position
• Adopté par la Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernement de l'OUA à Yaoundé (Cameroun) en
commune africaine dans
juillet 1996 ;
sa quête, non seulement
• Salué par par le Sommet du G-a à Denver en 1997
• Exposé comme modèle au cours du Forum pour le
de combler le fossé
développement de l'Afrique de 1999
numérique, mais plus
• Devenue "la position commune africaine pour une
inclusion numérique de l'Afrique"
encore, de créer des
• Adoptée par la Conférence sur le Financement du
opportunités numériques
NEPAD (Dakar) en avril 2002 comme base du volet
et d'accélérer l'entrée du
TIC du NEPAD
continent dans l'économie mondiale fondée sur le savoir. Elle sert aussi de cadre de l'ONU
pour la coordination des TIC dans le Nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique (NEPAD).
En outre, beaucoup d'initiatives ont été introduites par le système
des Nations Unies, les agences de développement internationales et
bilatérales ainsi que les communautés économiques régionales telles
que le COMESA, la CEDEAO, la SADC, l'UEMOA et l'UMA. Certaines de
AISI- L'Agenda numérique de l'Afrique
104
Les T'ecbllologies de l1/iformatioll et de la COl/ll/1l1llicatioll
ces initiatives complètent les activités de l'AISI, tandis que d'autres,
malheureusement, constituent un chevauchement des efforts. En plus
de l'AISI, les principales autres initiatives entreprises en Afrique pour le
développement des TIC sont les suivantes:
• L'initiative Acacia pour l'Afrique dirigée par le CRDI, qui est un
programme intégré de projets cie démonstration et des activités de
recherche et développement mis en place pour traiter des
questions d'applications, de technologie, d'infrastructure et de
politique;
• L'initiative Leland qui est un programme du gouvernement
américain, dont le but est de fournir une connectivité Internet
totale à plus d'une vingtaine de pays africains;
• L'Initiative Internet pour l'Afrique, parrainée par le PNUD, dont
l'objectif est de renforcer les infostructures internet nationales et de
promouvoir le développement des structures de base aux niveaux
national et régional, y compris le renforcement de capacités
techniques nationales et les compétences télécoms de 15 pays
africains;
• Africa Connection qui a été lancé il y a près de 4 ans et qui est en
cours d'institutionnalisation pour entreprendre des activités
d'extension de l'infrastructure dans le cadre de la restructuration de
l'Union africaine des télécommunications (UAT) ;
• La Francophonie, dont le Fonds de l'autoroute de l'information
appuie des projets de promotion de l'adoption et de l'utilisation
des TIC dans la production des contenus en français.
2.4 Initiatives internationales
On s'accorde de plus en plus à reconnaître qu'il est nécessaire
d'améliorer les opportunités numériques conduisant au lancement des
initiatives potentiellement importantes et nouvelles à l'appui des applications des TIC dans le monde en développement, particulièrement en
Afrique.
Un comité international d'experts de haut niveau s'est réuni en avril
2000 sous l'égide du Conseil économique et social des Nations-Unies
(ECOSOC). Ils ont lancé un appel à l'organisation mondiale pour
qu'elle joue un rôle de leader et de catalyseur afin d'aider à combler le
fossé numérique et à accélérer le développement en exploitant le
potentiel de développement des TIC. Par la suite, le Comité a
recommandé une rencontre des principaux partenaires en une Équipe
spéciale internationale sur les TIC et la création d'un fonds d'affectation
spéciale y relatif. Dans une déclaration ministérielle en juillet 2000,
n:cosoc a adopté les recommandations de l'Equipe de haut niveau et
a reconnu le rôle crucial des partenariats entre gouvernements,
institutions cie développement bilatérales et multilatérales, le secteur
105
Le NEPAD,
el~ieux
politÎljlles. économiques et sectoriels
privé et d'autres acteurs concernés s'agissant de mettre les TIC au
service du développement. Le Sommet du millénaire qui a été organisé
par les Nations-Unies en 2000 a entériné la Déclaration ministérielle de
l'ECOSOC et a annoncé de nouvelles initiatives importantes dont trois
sont liées aux TiC. L'Equipe spéciale a été lancée en novembre 2001.
D~lOS le même ordre d'idées, le Sommet du G-S, le groupe des
nations industrialisées, a adopté, lors de sa réunion tenue à Okinawa
en juillet 2000, la Charte d'Okinawa sur la Société de l'information
mondiale et a décidé de créer le Groupe d'experts sur l'accès aux
nouvelles technologies (GEANT). La recommandation du GEANT au
GS, à savoir de renforcer le cadre réglementaire et politique, développer
les ressources humaines, accroître la connectivité et encourager les
PME à participer au commerce électronique mondial, a été approuvée
par la réunion tenue en 2001 à Gênes.
En outre, le PNUD vient de lancer une Initiative de l'opportunité
numérique pour appuyer l'élaboration des stratégies nationales des
pays en développement et exploiter les TIC dans les secteurs clefs du
programme de développement.
2.5 Parlenariats dans le domaine des
ne
Étant donné l'ampleur du programme de développement de
l'Afrique, il est indispensable de forger des partenariats dans la mise en
oeuvre des opportunités numériques sur le continent. A travers des
partenariats qui reflètent la participation active de toutes les parties
prenantes, les ressources peuvent être maximisées pour renforcer les
programmes et les réalisations existants. Le véritable défi pour tous les
concernés serait d'éviter la mise en place de programmes isolés et la
du plication des efforts.
Les partenariats pour les TIC au service du développement de
l'Afrique se sont améliorés ces dernières années, principalement à
travers le Partenariat pour les technologies de l'information et la communication en Afrique (PICTA) - un réseau d'organisations publiques et
privées, nationales et internationales, ayant des programmes sur les TIC
en Afrique, Sa composition hétérogène inclue les organisations des
Nations Unies, les gouvernements, les sociétés multinationales et les
principales ONG ayant des programmes de TIC sur le continent, ainsi
que des donateurs, Outre le programme de travail individuel de ses
membres, des actions de collaboration ont été initiées dans les
domaines tels que le développement des plans NICI, la prestation de
services consultatifs aux pays, la formation et le renforcement de
capacités, les mécanismes d'évaluation de l'impact et des projets pilotes
dans des secteurs clefs tels que l'éducation, la santé et les affaires.
Les membres du PICTA et la CEA coordonnent la section africaine
du Partenariat pour le savoir mondial (GKP), en vue de renforcer la
voix du continent sur l'échiquier international. Les groupes de la société
106
LI'5 TI'cbllOlol{il'5 dl' /'Information et de la COnnnTmiCllfioll
civile, la diaspora et les organisations des TIC ont aussi fait des progrès
considérables dans la promotion du rôle proactif de l'Afrique dans la
promotion de ses intérêts dans des cadres tels que l'üMC, l'DIT et
l'ICANN. En sa qualité de Commissaire de la Commission mondiale
pour l'infrastructure de l'information (GIIC), la CEA a par exemple initié
des actions auprès du secteur privé.
3. Perspective d'Avenir
3.1 Nécessité des stratégies nationales et régionales des
ne
Les progrès réalisés par le monde en développement au cours des
deux dernières décennies montrent que les TIC pourraient devenir un
agent de changement dans le processus de développement. Cependant,
la concrétisation de cette théorie exige des efforts et des stratégies
concertés aux niveaux national et régional. La croissance économique
rapide et soutenue des économies de l'Asie de l'Est et du Sud-est avant
leur crise financière et économique, constitue un point de référence
pertinent pour les interventions gouvernementales stratégiques visant à
stimuler la croissance au moyen des TIC. La transformation des sociétés
industriellement faibles basées sur l'agriculture de subsistance en
économies fondées sur l'information et le savoir demande l'adoption et
la mise en œuvre de politiques et de stratégies socio-économiques
globales et intégrées
Stratégies de l'infrastructure nationale de
basées sur les TIC.
l'information et de la communication en Afrique
La formulation des
(NICI)
politiques et des straté- L:AISI affirme que même si les pays africains doivent
tirer profit des TIC pour faciliter leur processus de
gies détermine en réalité aussi
développement socio-économique, ils ne peuvent
le rôle des pays et leur espérer transformer leurs sociétés industriellement
capacité de mettre au faibles basées sur l'agriculture de subsistance en
économies fondées sur l'information et le savoir sans
point des innovations développer
et mettre en application des politiques, des
qui leur assurent des stratégies et des plans socio-économiques globaux et
avantages comparatifs intégrés basés sur les TIC, Le NICI implique une série
que doivent suivre les gouvernements en vue
dans l'économie mon- d'étapes
d'exploiter les TIC pour le développement et de mettre en
diale. C'est pour cette œuvre l'AIS!. Ces étapes sont notamment les suivants:
raison qu'au cœur des • e-readiness: Evaluation de l'état de préparation
numérique des pays - pour effectuer les études de base
politiques sur les TIC, les
et définir le problème général et les domaines
États-Unis ont lancé la
prioritaires
National
Information • e-politique - pour déterminer l'engagement du
et la direction stratégique
Infrastructure
(Infra- • gouvernement
e-stratégies et actions - pour déterminer comment les
engagements politiques sont traduits en programmes
structure nationale de
concrets et en initiatives pour la mise en oeuvre.
l'Information) (NIl) et
Même si c'est à différents niveaux de développement,
que le Royaume Uni a près de 28 pays africains sont en cours de dévelopmis l'accent sur le pement des politiques et stratégies nationales des TIC.
La moitié d'entre eux ont déjà terminé le processus de
National Learning Grid développement
de leurs plans et stratégies des TIC et
(Grille nationale du sont entrain de mobiliser les fonds pour la mise en œuvre
savoir) (NLG), S'agissant de leurs divers programmes et projets.
]07
Le Nl:."PAD, enjeux politiques, c'Gol/omiqlles et sectoriels
des pays en développement, différentes stratégies ont été adoptées par
divers pays pour répondre aux défis de la mondialisation par
l'utilisation de la technologie de l'information. Certains ont mis l'accent
sur le développement des TIC dans le secteur de l'économie - soit pour
accroître les exportations (Costa Rica et Taiwan), soit pour renforcer
leur capacité interne (Brésil, Inde et Corée). Ces économies ont
renforcé l'orientation du marché de leurs politiques et institutions
économiques, ont progressivement supprimé les barrières au
commerce et à l'investissement et ont accéléré les changements dans la
production des biens et des services. Plus encore, ces pays ont fourni
des efforts concertés pour renforcer leurs capacités humaines afin de
permettre à leurs citoyens de participer à l'économie de l'information
et du savoir.
Les autres poursuivent les stratégies qui ont utilisé les TIC comme
un facteur habilitant d'un plus grand processus de développement
socio-économique. D'aucuns ont principalement mis l'accent sur le
repositionnement des économies de leur pays pour leur assurer la
compétitivité dans l'économie mondiale (L'Ile Maurice, la Malaisie, la
Tunisie, Trinidad et Tobago) et d'autres dont la majorité des pays
africains tels que l'Afrique du Sud, le Mozambique, l'Égypte, le Sénégal
et le Rwanda, ont focalisé l'attention sur les TIC dans la poursuite des
objectifs de développement. Jusque-là, l'expérience a montré que des
politiques nationales globales sont essentielles pour l'intégration des
TIC dans le programme général de développement.
La plupart des pays africains ne doivent pas commencer à zéro le
développement de leurs politiques. Des progrès considérables ont été
déjà réalisés dans la définition des stratégies globales axées sur la
croissance économique. Avec l'assistance de la CEA et de ses partenaires et dans le cadre de l'AISI, près de la moitié des pays du continent
ont des plans, des stratégies et des politiques de NICI qui articulent les
objectifs à long terme de leur programme de développement national.
L'Ile Maurice, le Maroc, le Mozambique, le Rwanda, le Sénégal et la
Tunisie ont terminé leurs études de besoin et sont occupés à élaborer
des plans d'action dans les domaines prioritaires de leurs économies.
Certains pays ont maintenant des plans d'action prêts pour la mise en
oeuvre, qui ont besoin de l'assistance des partenaires, tandis que
d'autres sont à divers stades de ce processus.
Certains pays ont aussi adopté une approche combinée en
développant leur NICI pendant qu'ils exploitaient en même temps les
applications des TIC dans les secteurs clefs tels que l'éducation et le
commerce. L'Égypte, l'Ile Maurice, le Maroc, l'Afrique du Sud et la
Tunisie ont utilisé cette approche et ils ont réalisé des progrès
considérables. Ils ont commencé à développer des stratégies pour le
commerce électronique et à ériger des parcs de technologie de
l'information pour attirer l'investissement étranger direct, stimuler une
économie basée sur le savoir, créer des emplois pour les jeunes et
exploiter le potentiel des TIC.
108
Ü'S
Tecbl1oloUies de /JlIjormlllion el de la Communication
3.2 Nécessité de tramfonnation du cadre réglementaire
La régulation des télécommunications et du secteur de la
radiodiffusion est relativement nouvelle en Afrique. Qu'ils soient
autonomes ou sous le contrôle direct de l'État, les régulateurs ont eu
peu d'expérience pratique et ont besoin de renforcement de leurs
capacités. La mise en œuvre d'un processus de régulation efficace
requiert certaines compétences et capacités pour équilibrer les
impératifs juridiques, politiques, économiques, sociaux et culturels, par
rapport aux conditions et aux intérêts locaux, nationaux et régionaux.
Il s'en suit que la transformation des cadres réglementaire et juridique
est subordonnée à la capacité de ses régulateurs à fonctionner
efficacement aux niveaux national et régional.
Des efforts ont déjà été enregistrés dans ce domaine avec plusieurs
associations sous-régionales de régulateurs qui essaient d'aider leurs
membres nationaux respectifs en leur assurant la formation et en
introduisant des initiatives d'harmonisation au niveau régional. Ces
organes doivent être soutenus et renforcés dans le cadre du NEPAD afin
de pouvoir jouer plus efficacement leur rôle de prestation de services
consultatifs et de renforcement de capacités. En conséquence, les
réseaux de régulateurs de la région (tels que l'Association pour la
régulation des télécommunications en Afrique australe - TRASA,
l'Association pour la régulation des télécommunications en Afrique de
l'Ouest - WATRA et l'Association des régulateurs de l'Afrique centrale ARAC) sont essentiels pour le renforcement des capacités de régulation
en donnant des orientations dans le développement de l'infrastructure
régionale tout en harmonisant les politiques nationales qui constituent
la base de l'intégration du continent.
Le renforcement des capacités des régulateurs, des magistrats, de la
société civile et du secteur privé dans le secteur des télécommunications, la mise en place de règles, de procédures et de principes
applicables, qui couvrent l'octroi des licences, la fixation des tarifs,
l'interconnectivité, l'accès universel, la gestion technique des ressources
et l'édification d'un secteur de communication solide et viable sont les
tâches à entreprendre d'urgence. La mondialisation et son impact sur
les secteurs du commerce et des finances a stimulé l'émergence d'autres
questions controversées, telles que la nécessité d'élaborer des lignes
directrices et la régulation des activités de commerce électronique à
l'échelle mondiale, y compris les questions relatives à la signature
électronique, le cryptage, la sécurité, les délits informatiques, la
protection de la vie privée et du consommateur. Au niveau global, telles
sont certaines des questions auxquelles les régulateurs du monde entier
seront confrontés et il est nécessaire de mettre au point des stratégies
spécifiques à l'Afrique pour s'assurer que le continent tire le maximum
d'avantages de ces opportunités mondiales émergentes.
109
Le NE"'PAD, ellie/Ix po/itiqlles, c'co/lOl1Iiqlles et sectoriels
33 Nécessité de l'application des TIC dans les domaines prioritaires
identijlés par le NEPAD
Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique peut
bâtir sur les efforts déjà en cours pour accélérer le développement
social et économique de l'Afrique par les TIC. Le cadre des TIC, tel que
défini par le NEPAD, est constitué des cinq domaines prioritaires
interliés suivants, qui sont pertinents pour les objectifs arrêtés par les
dirigeants africains: i) renforcement des mécanismes de prévention et
de gestion des conflits, (ii) protection de la démocratie et et des droits
humains, (iii) restauration et maintien de la stabilité macroéconomique,
(iv) relance du développement humain et du développement dans les
secteurs clefs et (v) renforcement du plaidoyer pour la participation
égale des femmes au développement. En conséquence, la définition
d'un cadre des TIC qui touche tous les principaux objectifs du NEPAD
devrait inclure ce qui suit :
• L'administration publique, les initiatives de gouvernement électronique et de e-démocratie pour promouvoir la paix et la sécurité, la
démocratie et la gouvernance publique et d'entreprises;
• Les applications des TIC dans les domaines de la santé et de
l'éducation en vue de la relance du développement humain;
• L'infrastructure visant à améliorer l'accès au savoir, au développement et à la promotion économiques;
• La participation du secteur privé pour promouvoir l'entreprenariat
par les TIC;
• L'exploitation des TIC pour le développement de l'agriculture et la
gestion de l'environnement;
• La promotion d'un environnement politique et régulateur favorable
pour favoriser l'investissement, le partenariat et la participation de
tous les acteurs.
Les applications dans ces secteurs sont décrites dans les lignes qui
suivent. Les priorités pourraient être définies suivant les recommandations du Forum sur le Développement Africain de 99. En effet, le
premier Forum pour le développement (ADF 99), organisé sur le thème:
l'Afrique face aux défis de la mondialisation et de l'ère de l'information,
a identifié quatre domaines prioritaires qui appellent l'attention et
l'action de l'Afrique. Il s'agit des jeunes et de l'éducation, de la santé,
des affaires et du commerce, ainsi que des questions relatives au cadre
politique et réglementaire. Depuis lors, avec les orientations du Comité
technique consultatif africain (ATAC) de l'AISI et en collaboration avec
ses principaux partenaires, la CEA a initié une série de projets dans les
quatre domaines prioritaires définis.
33.1 Amélioration de la gouvernance et de l'administration publique
Les processus de démocratisation et de pluralisme politique en
Afrique ont stimulé le dialogue croissant et la participation populaire
110
Les Tec!.nlOloMies de 1'1Ii!ornlCltiol/ et de la COl/lml/nicatiol/
aux affaires nationales. Les TIC promettent de favoriser davantage le
dialogue entre les gouvernements et leurs citoyens, renforçant ainsi le
processus de gouvernance. De même, les TIC peuvent aider les
gouvernements dans leurs efforts de réforme de leurs secteurs publics
en améliorant l'efficacité de leurs services et administration.
L'exploitation des TIC dans la réalisation de la bonne gouvernance
et les réformes des services publics pourrait faciliter les réformes du
secteur public et améliorer la performance des gouvernements,
permettre aux différents ministères, départements, divisions et agences
de se connecter les uns aux autres en stockant et en échangeant des
données vitales et volumineuses. Cela renforcera en retour la capacité
des gouvernements à rechercher, développer et mettre en oeuvre des
stratégies et des politiques bien éclairées.
En mettant en place les systèmes d'information, les TIC peuvent
assurer une plus grande accessibilité aux services publics et à l'information par les citoyens, encourager la participation du public et chercher
les voies et moyens d'améliorer l'efficacité et la bonne gouvernance au
niveau du secteur public. L'utilisation du courrier électronique pourrait
réduire la procédure hiérarchique et la bureaucratie inutile et trop
longue des institutions publiques. De même, les technologies
pourraient aussi être utilisées pour promouvoir les droits humains,
effectuer les réformes de la magistrature et permettre une plus grande
accessibilité des procédures parlementaires aux citoyens ordinaires.
3.3.2 Dél'e!oppement humain, santé et éducation
3.3.2.1 L'utilisation des TIC dans le secteur de l'éducation
La réalisation du développement humain pour les 800 millions
d'habitants que compte l'Afrique pour leur assurer une vie productive
et créative, peut être facilitée par l'amélioration de l'accès à l'information et au savoir, qui
constituent la base d'une
vie plus saine et d'un
Réseau pour l'Apprentissage en Afrique
meilleur niveau de vie.
Le Réseau pour l'apprentissage en Afrique est l'une des
Cependant, les systèmes
initiatives issues des travaux du FDA 99. Cette initiative
suppose au préalable que les technologies de
d'éducation
africains
l'information et de la communication peuvent apporter
connaissent
une
crise
des changements significatifs au secteur de l'éducation.
profonde.
Les
écoles
sont
Les trois piliers de cette initiative sont les suivants:
1. les TIC dans les écoles et création d'une structure
surpeuplées, leur perrégionale, SehoolNet A Mea, dont le but est de
sonnel est insuffisant et
soutenir les activités de travail en réseaux entre les
elles n'ont pas suffiécoles aux niveaux national et régional;
2. VarsityNet, qui établit la connectivité au niveau des
samment de ressources
universités et des institutions apparentées d'enseipour s'acheter le matériel
gnement supérieur et de la recherche et stimule le
développement de la production des contenus et
didactique et d'apprenl'échange d'informations dans ce cadre.
tissage, etc.
3. OOSynet, une initiative de travail en réseau des
Les technologies de
jeunes qui s'occupe des jeunes non scolarisés
(OOSY) aux niveaux national et régional.
l'information et de la
1
1
- - - _. . . _.
__..
_ . - - - - - - - - _. . •
1/1
_.-
Le NEPAD, enjellx polifit/lles, économiqlles et sectoriels
communication offrent des opportunités de nouvelles formes d'apprentissage et d'enseignement dans une économie du savoir naissante, qui
impose des impératifs d'adoption d'urgence de nouveaux programmes
d'enseignement à l'aide des présentations audio-visuelles et des programmes créatifs de résolution des problèmes. De même, les capacités
interactives de l'Internet permettent des conversations et des exposés
en temps réel entre étudiants et enseignants sur de grandes distances.
Si elles sont bien exploitées, les TIC pourraient jouer un rôle
_____._______
important pour permettre
SCHOOLNET AFRICA
à ceux ayant abandonné
les études d'acquérir de
Adoptée par le FDA 99 comme l'une des composantes du
grandes
compétences
Réseau d'Apprentissage en Afrique, la mission de
pour retourner à l'école
Schoolnet Africa est de renforcer l'éducation en Afrique
en assurant l'accès et l'utilisation durables des TIC aux
ou entrer dans le marché
enseignants et aux élèves au moyen d'un partenariat
de l'emploi. De même,
entre les initiatives nationales du réseau scolaire et leurs
différents intervenants.
les institutions d'enseignement supérieur peuvent
Au cours des trois à cinq prochaines années, SchoolNet
jouer le rôle de laboAfrica se propose ce qui suit:
• Appuyer le développement des réseaux scolaires
ratoires de recherche &
nationaux à travers l'Afrique.
développement
et/ou
• Faciliter la connexion de base, à bon marché, pour les
écoles d'Afrique
des promoteurs d'initia• Faciliter le renforcement de capacités et du savoir-faire
tives basées sur les TIC
pour l'intégration des TIC dans l'éducation.
et devenir des .. centres
• Appuyer le développement du contenu éducationnel
local dans le contexte des TIC.
du savoir .. de leurs pays.
• Collecter, développer et diffuser l'information et les
Cependant, les stratégies
ressources nécessaires pour le travail en réseaux
scolaires.
nationales
des
TIC
doivent maintenir l'équilibre entre les avantages
de l'investissement dans l'informatique et l'accès à l'Internet et le besoin
d'améliorer les services de base de l'éducation.
3.3.2.2. Les nc et la santé
L'insuffisance des infrastmctures de la santé empêche l'accès aux
soins de santé de base et la prestation de services sur le continent africain,
particulièrement dans les zones rurales. Selon des statistiques récentes,
il y a en moyenne 1 médecin pour 400 personnes dans la catégorie de
la population à revenu élevé et pour 1 000 habitants de la catégorie à
faible revenu en Afrique. Dans les milieux mraux, les disparités sont
encore plus prononcées avec un médecin pour 20.000 personnes.
L'avènement et la diffusion des TIC commencent à améliorer
l'efficacité cie la prestation des services de soins de santé. Il est maintenant possible de faire des consultations en ligne et d'échanger le savoir
et les informations entre médecins. Grâce aux diverses applications de
la télémédecine, les TIC peuvent aussi aider à réduire les disparités
entre les services disponibles en milieux urbain et rural et réduire les
coûts de transport des patients vers les infrastmctures urbaines. Comme
112
Les Tecbl1o{oJ.;i(Js d(J {'!I?!iJIïI/{/fioll (JI de {a COIlln/lIllic{/fioll
cela a été reconnu au cours du FDA 2001, les TIC pourraient répondre
aux défis du VIH/SIDA et favoriser des programmes de santé publique
à bon marché, en vue de réaliser ce qui suit :
• Assurer la formation dans le domaine de la santé par l'utilisation de
l'expertise et l'investissement des Africains de la diaspora en
initiant des programmes d'apprentissage à distance, de vidéoconférence et de télétravail ;
• Promouvoir le débat et la prise de conscience du public sur
l'importance des systèmes et des réseaux nationaux d'information
sur la santé;
• Créer et appuyer les réseaux qui améliorent l'accès à l'information
et l'interaction entre les professionnels africains de la santé et leurs
homologues;
• Déployer des systèmes communautaires d'information sur la santé
dans le cadre des stratégies novatrices pour en appuyer l'accès;
• Développer des projets de télémédecine/télésanté dans le cadre
d'une stratégie du système national d'information sur la santé;
• Développer des systèmes d'information multimédia et des sites
web d'echanges pour assurer l'éducation à la santé aux étudiants,
aux chercheurs et au public en général en ce qui concerne particulièrement la lutte contre le VIH/SIDA.
333 Agriculture et environnement
L'agriculture est le principal secteur dans la plupart des économies
africaines. Cependant, l'inefficacité des techniques agricoles et les
politiques économiques irréalistes, aggravées par les catastrophes
naturelles, posent de sérieux défis environnementaux au continent avec
des conséquences dévastatrices. Ainsi, la sécurité alimentaire et la lutte
contre la pauvreté sont devenues le défi majeur auquel sont confrontés
les pays africains suite à ces facteurs susmentionnés. Les pays ont
besoin d'améliorer leurs pratiques de gestion de l'utilisation des terres,
renforcer leurs intrants et techniques agricoles par la diffusion efficace
des conclusions de recherche, surtout auprès des agriculteurs et par la
promotion du négoce agricole qui assure des liaisons efficaces entre les
secteurs agricole et industriel. Ainsi, l'introduction des TIC et l'installation des systèmes d'information pourraient considérablement aider les
gouvernements dans leur travail de planification, en leur assurant
l'alerte précoce et d'autres systèmes de géo-information.
La dégradation de l'environnement suite à la déforestation, à
l'érosion des sols, à la désertification et à la pollution urbaine et
industrielle n'est que l'un des défis auxquels sont confrontés les pays
africains. La gestion de l'écosystème fragile du continent et des graves
catastrophes naturelles causées par l'homme dont l'ampleur influe
négativement sur la vie et le bien-être des africains est d'une importance
cruciale, La protection effective de l'environnement par tous les secteurs
de la société exige des données à jours et pertinentes, ainsi que des
113
Le NEPAD, elliellx politiques. économiques et sectoriels
systèmes d'information appropriés. Les TIC fournissent non seulement
aux gouvernements les moyens de planifier et de gérer leurs écosystèmes, mais elles sauvent aussi les vies et protègent les moyens de
subsistance notanu11ent par les systèmes d'alerte précoce et par l'utilisation
de la télédétection. Des données nationales vitales pourraient être
stockées et récupérées avec une facilité relative en créant des observatoires et en encourageant l'échange et le partage de l'information
entre les services publics et les différents groupes de la société.
33.4 Développement du secteur privé et entreprenariat
Le vieux paradigme qui voulait que les gouvernements soient
considérés comme les principaux acteurs du développement national
change. Le pouvoir et les ressources du secteur privé, local et étranger,
dans la mise en œuvre du programme de développement du continent,
ne peuvent plus être sous-estimés. Il y a une forte tendance à encourager le développement d'un secteur privé local solide qui devra
adopter de nouvelles stratégies pour la compétitivité mondiale et la
recherche de solutions pratiques pour les affaires avec des partenaires
étrangers et avec les gouvernements. En conséquence, il y a encore
beaucoup à faire pour renforcer la capacité des institutions financières
locales pour que leur contribution puisse soutenir le secteur des TIC
qui émerge dans les pays. Par ailleurs, des politiques devraient être
mises en place pour renforcer les capacités d'entreprise, de gestion et
techniques du secteur privé local.
Le moment est mûr pour les interventions dans ce domaine du fait
que l'Afrique a fait des progrès économiques importants au cours des
années 1990, avec plusieurs pays qui enregistrent un taux de croissance
à deux chiffres. Par conséquent, le marché est devenu favorable à
l'investissement aussi bien local qU'étranger. L'Afrique est considérée
comme un marché vierge pour les grandes sociétés des TIC, mais
l'absence d'instruments de régulation et de politiques adéquats
continue à décourager l'investissement et l'innovation. La mise en place
de ces cadres juridique et institutionnel peut attirer l'investissement
étranger et assurer l'opportunité de développement du secteur privé
local par des coentreprises. Le développement des petites et moyennes
entreprises pour exploiter les TIC et utiliser les activités de commerce
électronique pour la compétitivité sont aussi essentiels pour la
participation de l'Afrique à l'économie mondiale de l'information.
4. Stratégies de mise en œuvre
4.1 Néces... ,Ué de prendre en compte les questions transversales
Les efforts visant à couvrir avec succès les six domaines interliés des
TIC dans le cadre du NEPAD exigent une synergie entre la technologie
et le développement social. Il y a un besoin pressant d'assurer l'équité
Jl4
Les Techn%p,ies de IInformation
u(
de la Commllnication
et l'égalité dans la société de l'information, si les pays doivent devenir
des sociétés du savoir. En conséquence, des thèmes tels que l'accès,
l'égalité entre les sexes, les jeunes, le développement des contenus, la
formation et le droit il la propriété intellectuelle devraient être pris en
compte dans les programmes relatifs aux questions des TIC en Afrique.
Ces questions transversales posent non seulement des défis de mise en
oeuvre mais servent aussi de repères pour la poursuite de l'Agenda du
NEPAD.
4.1.1 Accès
L'accès des millions d'Africains aux TIC est soumis il un certain
nombre de facteurs qui constituent des barrières. Les groupes marginalisés tels que les femmes, les jeunes et les pauvres ainsi que les
populations rurales et défavorisées font souvent face à ces obstacles. En
traitant de l'accès des différents acteurs de la société, les questions de
coûts, le rôle de la femme, la langue, la dichotomie rural-urbain sont
des facteurs qui doivent être pris en compte et qui sont déterminants
pour assurer l'équité. La promotion de l'accès ne devrait pas être
seulement limitée au domaine politique, même si la disponibilité du
cadre peut faire la différence, mais elle doit être soutenue par des
actions et des programmes qui favorisent les intérêts des TIC de chacun
des partenaires de la société. Ainsi, la société de l'information ne serait
pas l'apanage des classes privilégiées et ne perpétuerait pas les
inégalités.
4.1.2 Genre
La question de genre par rapport à l'accès et à l'applicabilité des TIC
est tout aussi importante qu'assurer l'accès. La formulation de la
politique et les processus de sa mise en oeuvre devraient inclure et
intégrer des lignes directrices et des stratégies pour s'assurer que dans
la société, aussi bien les hommes que les femmes, ont accès aux TIC.
Ces stratégies devraient tenir compte des besoins spécifiques aux deux
sexes dans l'apprentissage des TIC. En conséquence, les stratégies
devraient éviter les disparités entre les sexes et fournir la base pour
l'utilisation des TIC, particulièrement par les femmes, en vue
d'améliorer leur niveau de vie et d'en faire des participantes
productives dans l'économie émergeante du savoir. Il y a des craintes
et des dangers que les femmes africaines ne soient laissées en arrière
si des politiques et des programmes pertinents et appropriés ne sont
pas mis en place.
4.1.3 Lesjel/nes
La population africaine a la plus jeune structure d'âge avec près de
45 % des enfants de 15 ans, contre 30 % dans le reste du monde. En
conséquence, les jeunes d'Afrique constituent un important électorat
115
Le NEPAD, e/ljeux politiques, économiques et sectoriels
pour les gouvernements lorsqu'on considère les cadres et les stratégies
des TIC, dans la mesure où ils sont la future force laborieuse d'un
monde qui sera dominé par le savoir. Les jeunes d'Afrique seront les
premiers acteurs pour relier le continent à l'autoroute de l'information.
Cependant, le genre de politiques d'éducation basées sur les TIC qui
sont mises en place, aux niveaux aussi bien officiel qu'informel,
détermineront le niveau de préparation des jeunes africains à entrer
dans l'économie du savoir et à saisir les opportunités d'emploi qui en
résultent. Dans la création de l'environnement favorable à l'utilisation
efficace des TIC, les jeunes méritent une attention particulière.
4.1.4 Développement de contenus
Le défi auquel fait face l'Afrique en particulier est de développer un
contenu qui répond aux besoins d'information spécifiques de ses
populations. Si cela est fait, l'impact des technologies Internet sur le
développement et sur les Africains sera plus significatif. En conséquence, il est nécessaire d'effectuer une évaluation profonde des
besoins d'information dans les domaines socio-économiques clefs et les
ressources d'information de plus en plus croissantes sur le web,
notamment les portails Internet qui fournissent une information
statique et à jour pouvant influer sur la vie et le travail quotidiens des
populations. Cette initiative particulière renforcerait la culture de l'accès
Internet et autres matériels des TIC par les populations ordinaires,
spécialement avec l'utilisation des langues africaines. L'introduction des
langues africaines sur le web devrait être encouragée pour démocratiser
l'accès et permettre à la majorité de la population de bénéficier de
l'économie du savoir.
4.1.5 Formation, développement des compétences et renforcement de
capacités
La gestion des TIC, la fourniture d'accès à l'information et la
récupération de l'information utile de son réseau nécessitent un certain
niveau de compétences techniques et de connaissances Internet. En
Afrique, le niveau de compétences informatiques et Internet est extrêmement faible, ce qui bloque sa transformation en société du savoir
même lorsque les autres facteurs sont réunis. Les compétences dans les
TIC et les méthodes de gestion de l'information et de l'apprentissage
doivent être inculquées à tous les niveaux de la société - les enfants,
les jeunes, les femmes et les générations plus âgées, individuellement
et collectivement. C'est là qu'il faut orienter beaucoup d'efforts pour
multiplier les opportunités pour les jeunes à mesure qu'ils deviennent
la nouvelle génération des travailleurs du savoir. Pour garantir la
capacîté des générations futures à utiliser les TIC, la formation dans les
technologies Internet devrait faire partie intégrante des programmes
d'enseignement aussi bien du système officiel qu'informel.
116
Ll!s Tl!cJ.molouil!s de /J/lformation I!t dl! la Communication
4.1.6 Droits de propriété intellectuelle (DPI)
Avec la nouvelle économie mondiale, les questions relatives aux
droits de propriété intellectuelle deviennent de plus en plus
importantes pour les décideurs, les communautés d'affaires sur les
marchés mondiaux, régionaux et nationaux, avec des implications pour
le public en général et les consommateurs du monde entier. Les.
systèmes de droits à la propriété intellectuelle, à savoir les brevets, les
droits d'auteur et les marques de commerce sont des mécanismes
juridiques traditionnels qui soutiennent et encouragent l'innovation
technologique et la créativité artistique. L'avènement de l'information et
de l'économie du savoir change et modifie les questions relatives aux
droits de propriété intellectuelle et actuellement les pays développés
cherchent à s'assurer que dans la perspective de l'économie du savoir,
ces droits préservent les intérêts de leurs ressortissants. Cependant, la
majorité de pays africains connaissent de graves limitations dans la mise
a disposition de capacités techniques et de gestion nécessaires pour
s'assurer que les questions de droits de propriété intellectuelle soient
traitées au profit de l'Afrique et que le continent peut négocier de
meilleures conditions dans le cadre du système global de droits de
propriété intellectuelle.
Les nouvelles opportunités offertes par la promotion des TIC
apportent aussi de nouveaux défis tels que la préservation, la
conservation et la diffusion de la diversité biologique, l'utilisation de la
propriété intellectuelle par les détenteurs du savoir traditionnel, son
rôle dans la protection des expressions culturelles indigènes et les
implications pour le commerce électronique. En conséquence,
l'initiative des TIC dans le cadre du NEPAD devrait se charger des
questions de préservation des ressources culturelles, intellectuelles et
économiques africaines.
4.2 Suivi et évaluation -
Ana~J!se
de l'impact
Malgré l'investissement considérable dans les applications en faveur
des TIC en Afrique, il y a une compréhension limitée de l'efficacité des
interventions des agences de développement, du secteur privé et des
gouvernements. Dans la mesure où l'avènement de l'ère de l'information est relativement récent, l'étude d'impact des TIC sur le
processus de développement n'est pas encore bien documentée. En
dehors du secteur des télécommunications, l'information est dispersée,
diffuse et isolée à des applications sectorielles, des flux de l'investissement, des activités des donateurs/de financement et des secteurs
industriel et des affaires. Néanmoins, il reste vrai qu'il est urgent de
développer des indicateurs qui non seulement assurent le suivi du rôle
des TIC dans chacun des secteurs applicables, mais aussi pour le développement des mécanismes susceptibles de permettre des évaluations
exactes de leur contribution au développement économique et social
117
Le NEPAD, eIZIL'I/X poli/iqlles, rlcol1omiq/lL's e/ sectoriels
du continent. En effet,
les indicateurs de base
pour les activités des TIC
Pour développer les capacités de
font encore défaut et il
l'Afrique dans les domaines de la
. . •. • •. "
collecte, de l'analyse et de l'orgade plus en plus
; ,.:..;J nisation des données sur la est
compris que l'application
pénétration et l'utilisation des TIC
pour le développement et pour mettre les données
en Afrique des indicarelatives aux investissements dans le domaine des TIC à
teurs extérieurs crée des
la disposition des décideurs, le CRDI et la CEA, avec
l'appui de la Commission européenne et de l'Agence
distorsions. Il est donc
norvégienne de coopération pour le développement
nécessaire de mettre au
(NORAD), ont lancé le projet Scan-TIC. Les 12 premiers
point des indicateurs qui
mois de ce projet d'une durée de 3 ans sont consacrés à
la phase pilote au cours de laquelle le cadre de l'étude de
reflètent l'environnement
référence sera testé et affiné le cas échéant.
africain.
Le Ghana, le Sénégal, le Maroc, l'Ethiopie, l'Ouganda
Un certain nombre de
et le Mozambique ont été sélectionnés et bénéficient
programmes
d'évaluad'un parrainage pour élaborer les études de référence en
tion de la préparation à
utilisant des indicateurs qui reflètent les grands thèmes à
savoir l'infrastructure, le développement de contenus, les
l'utilisation des TIC ont
applications sectorielles comme l'éducation, la santé, le
été lancés par des
commerce électronique. Dans le cadre d'un programme
de développement échelonné, Scan-ICT se propose de
agences de dévelopmettre en œuvre des "Observatoires" africains pour
pement pour mesurer les
surveiller la pénétration, l'impact et l'efficacité des
progrès et effectuer une
applications des TIC en Afrique. Ils serviront de source
d'information centralisée pour les investisseurs, les
analyse
comparative.
décideurs et les praticiens. En Juillet 2002, les premiers
Cependant, il est devenu
résultats du projet ont été publiés.
clair qu'un effort soutenu
est
nécessaire
pour
collecter l'information et analyser les données qui doivent guider la
prise de décisions et l'investissement dans les TIC. Il est aussi
nécessaire de documenter les efforts d'investissement pour permettre
aux décideurs de savoir si l'usage et l'application des TIC donnent les
résultats souhaités. C'est dans cette perspective que le projet Scan-ICT
a été conçu et lancé pour favoriser l'émergence d'une capacité africaine
globale à même de collecter et de gérer les informations clefs
nécessaires pour appuyer les investissements croissants dans les TIC
ainsi que la transition de l'Afrique vers la société de l'information.
Les mécanismes de suivi et d'évaluation dans ce domaine devront
mesurer la réalisation des objectifs du NEPAD par rapport aux activités
générées, en donnant des indications pertinentes sur l'impact des
programmes.
Le projet Scan-TIC
~
118
Ll'S Tecl)1/olo,~il's dl' !'In/ormulio11 el de lu COIIIII/II11 icuNolI
5. Cadre de partenariat
Centre des technologies de l'information pour l'Afrique:
Un partenariat multidimensionnel
• Inauguré lors du FDA 99, le Centre des technologies de l'information pour l'Afrique (ITCA),
est un centre d'exposition et de gestion du savoir, un centre d'information et d'apprentissage
à vie qui a essentiellement pour but de donner aux responsables politiques africains, les
moyens de prendre part à la mondialisation.
• ITCA, en partenariat avec CISCO, la Banque mondiale et avec l'appui des gouvernements
coréen et japonais, organise à l'intention des femmes africaines, des cours de formation sur
la technologie de création et de gestion des réseaux.
• Ce même Centre, en collaboration avec l'USAID, organise également à l'intention des
ambassadeurs africains en poste à Addis Abeba et aux décideurs qui participent aux
conférences de la CEA, des ateliers sur les enjeux des technologies de l'information et de
la communication.
• ITCA crée et gère des portails sur l'expertise africaine, le gouvernement électronique,
l'intégration régionale et le VIH/SIDA.
L'expérience tirée du processus NICI dans les pays montre
l'importance et le bien-fondé de partenariats forts dans ce domaine. Le
secteur des TIC encourage également l'établissement de partenariat
entre la société civile et le secteur privé, entre les pouvoirs publics, le
secteur privé et la société civile, etc. Il ressort de ce qui précède que
les partenariats jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre du
programme relatif aux TIC du NEPAD. L'immense programme de développement du continent nécessite un meilleur partage ainsi que la
valorisation des ressources. Les rôles qui reviennent aux différents
partenaires tels que: les pouvoirs publics, le secteur privé, la société
civile et la communauté internationale peuvent être définis comme suit :
5.1 Rôle des pouvoirs publics
Grâce à leurs actions et à leur clairvoyance, les pouvoirs publics
créent l'environnement propice devant permettre l'élaboration des
politiques, des stratégies et des plans adaptés au secteur des TIC en
Afrique. L'idéal serait que ces politiques favorisent l'égalité et l'accès du
plus grand nombre, tout en mobilisant les potentialités des autres
acteurs tels que le secteur privé, afin que, grâce aux investissements, ils
jouent le rôle qui leur revient dans le développement de ce secteur.
Les pouvoirs publics ont également le devoir de rassembler les
différents acteurs en vue de mettre en place les synergies requises pour
accélérer le développement des TIC dans les pays. Par exemple, grâce
à ces technologies, les pouvoirs publics peuvent mettre en place des
partenariats cntre les secteurs public et privé dans le domaine des
prestations de soins de santé.
119
Le NEPAD, enjel/x poli/illlteS,
('COI/OlI/ùjlIeS
et sectoritds
5.2 Rôle du secteur pn'l'é
Le secteur privé reste le principal acteur capable de stimuler les
investissements pour développer les TIC sur le continent. Ce secteur est
connu pour être le terrain de prédilection des inventions et des
découvertes dans le domaine des TIC et devrait être l'un des principaux
piliers de tout partenariat. Les sociétés d'affaires et les compagnies
privées devraient tout particulièrement fournir au secteur des TIC en
Afrique, une assistance dans les domaines ci-après:
• Fourniture de fonds pour la création d'entreprises, grâce à
l'injection de capitaux financiers et humains dans des sociétés et
entreprises làcales oeuvrant dans le secteur des Technologies de
l'information.
• Conseils et élaboration de projets. C'est le domaine où le secteur
privé pourrait jouer le rôle de chef de file et encourager l'accès des
sociétés locales aux sources étrangères de financement et d'investissements dans les pays du Nord .
• Formation et renforcement des capacités, en partenariat avec des
établissements d'enseignement. En Afrique, les multinationales,
notamment celles des secteurs pétroliers et bancaires, ont toujours
parrainé ou aidé les initiatives dans le domaine de l'enseignement
dans certains pays. Ces sociétés disposent d'autres possibilités qui
leur permettent de financer la formation et de renforcer les
capacités dans le secteur des TIC.
• Établi!>'Sement defonds d'affectation !>péciale. Des fonds pourraient
être établis en partenariat avec les écoles, les pouvoirs publics et
les communautés locales pour permettre à l'Afrique de combler le
fossé numérique. Ces fonds pourraient servir à aider les télécentres
communautaires ou à approvisionner les écoles ou les centres
communautaires en matériel TIC ou même à mettre au point du
matériel didactique et des logiciels. Les fonds pourraient également être utilisés pour assurer la formation et perfectionner les
connaissances techniques des enseignants, des élèves et de
l'ensemble de la communauté dans le domaine des TIC.
• Intégration régionale. C'est un thème qui trouvera un large écho
auprès du secteur privé et l'encouragera à apporter son appui. Les
sociétés, surtout les multinationales, grâce à des investissements
en capital-risque ou à des partenariats, pourraient fournir l'investissement nécessaire à la mise en place de dorsales régionales de
communication et de points d'échange Internet. Ces initiatives
constitueront des contributions positives dans la réalisation des
objectifs d'intégration régionale du NEPAD.
5.3 Rôle de la société civile
La société civile a aussi un rôle important, en ce sens qu'elle travaille
plus intimement et plus étroitement avec les communautés de base. Il
1.20
Les Teclmol0f.:ies de l'll?(onnafioll er de la COlllll1ll11icarioll
s'avère donc indispensable qu'elle participe à des partenariats dans ce
domaine. Les Organisations non gouvernementales ainsi que les
organismes communautaires pourraient jouer un rôle de premier plan
dans la fourniture d'accès aux groupes marginalisés du fait de leur sexe,
de leur invalidité, de leur situation géographique, de leurs revenus, de
leur appartenance sociale, etc. La société civile a, entre autres pour
activités de :
• Faire le plaidoyer de la politique des TIC.
• Renforcer la capacité des populations, notamment des groupes
vulnérables afin qu'ils prennent des décisions appropriées et
contribuent efficacement au processus de prise de décisions.
• Favoriser l'accès aux communautés et aux groupes défavorisés,
tels que les femmes, les enfants et les infirmes.
• Renforcer la fourniture de l'accès à travers les centres d'information conmmnautaires et des télécentres privés à des coûts abordables.
La société civile pourrait également jouer un rôle déterminant dans
l'intégration des TIC dans leurs secteurs respectifs aux niveaux mondial,
régional et national et apporter leur appui aux communautés, tout en
jouant un rôle de sensibilisation dans le processus politique.
5.4 Rôle des partenaires internationaux de développement
La communauté internationale, à savoir, les institutions de
développement et les donateurs sont des partenaires de premier plan
dans la promotion des TIC au service du développement. Ils ont besoin
d'intégrer la dimension TIC dans leurs activités sur le continent, comme
un grand nombre d'entre eux commencent d'ailleurs à le faire. Ensuite,
ils pourraient œuvrer pour trouver des méthodes innovatrices de
mobilisation des ressources et de financement de la mise en œuvre du
programme TIC du NEPAD.
Il conviendrait également de consolider les mécanismes tels que le
Partenariat pour les technologies de l'information et de la communication en Afrique (PICTA) en vue encourager les alliances et les
partenariats stratégiques entre les partenaires de développement et les
autres acteurs. Ces partenaires se doivent d'apporter leur appui aux
stratégies sous-régionales et régionales afin de créer des économies
d'échelle pour l'utilisation des TIC, ce qui pourrait renforcer
l'intégration régionale, l'harmonisation des politiques et stratégies ainsi
que le partage des ressources. De même, il faudrait que la communauté
de développement encourage les échanges d'expériences par le biais
des sites Web, des listes de discussion, des réseaux internationaux, des
conférences et des ateliers sur les applications des TIC pour la création
de richesses.
121
Le NEPAD, e/(jel/x polifiqllf>s, i!colloll7iql/f>s f>f Sf>CfOrie!s
6. Coordination de la mise en oeuvre du programme TIC du
NEPAD
La coordination du programme du NEPAD constituera l'un des
programmes les plus importants du partenariat. C'est ici que les
avantages comparatifs de la CEA, grâce à sa capacité d'organisation et
au rôle de premier plan qu'elle joue dans la mise en oeuvre de
l'Initiative de la société de l'information en Afrique, font de cette
organisation le coordonnateur idéal des initiatives TIC dans le cadre du
NEPAD. Parce qu'elles lui reconnaissent ce rôle, les autres institutions
des Nations-Unies ont convenu à l'unanimité de faire de la CEA,
l'agence de coordination des mesures prises par les Nations Unies dans
le cadre du Programme d'action du NEPAD relatif aux TIC. La capacité
dont dispose la CEA pour coordonner et harmoniser les TIC aux fins de
développement de l'Afrique vient de sa capacité et de sa position par
rapport aux questions ci-après:
6.1 Plaidoyer et analyse des politiques
L'ensemble des activités de la CEA porte essentiellement sur les
analyses de politiques qui servent à sensibiliser aux questions essentielles de développement dans le but d'encourager les initiatives et les
réformes de politiques nécessaires au progrès économique et social en
Afrique. A l'étranger les activités de plaidoyer de la CEA consistent
essentiellement à promouvoir une meilleure compréhension de la
complexité du cade de développement en Afrique. Elles visent
également à informer et à sensibiliser les partenaires de développement
étrangers de l'Afrique aux besoins de la région en matière de ressources
extérieures supplémentaires durables qui viendront compléter les
ressources et les efforts de mobilisation entrepris par les africains euxmêmes.
6.2 Coopération technique et renforcement des capacités
La CEA a pour mandat d'aider les États membres et les institutions à
développer leurs capacités de conception et de mise en oeuvre des
politiques et programmes de développement par des activités dans le
domaine de la coopération technique. Cette coopération technique se
manifeste à leur demande sous forme de services consultatifs régionaux
aux États membres et à leurs organisations intergouvernementales,
l'organisation d'ateliers, de séminaires et l'octroi de bourses de
formation; de renforcement des institutions et de projets sur le terrain.
Les services consultatifs - principaux instruments de la CEA, pour
l'appui aux pays - sont assurés par une équipe multidisciplinaire de
conseillers régionaux qui mettent l'accent sur les problèmes politiques
et techniques clairement définis qui se posent aux États membres et
pour lesquels ces derniers ne disposent pas des compétences
techniques requises.
122
Les
Tecbl1olo,~ies
de /'!I!formation et de la Communication
6,3 Capacité de rassemblement des acteurs
On considère généralement que les partenariats constituent le
moyen de parvenir à un développement plus efficace en Afrique et ils
sont pour la CEA au cœur de la renaissance africaine. Les partenariats
ont été l'un des thèmes récurrents de tous les programmes de travail de
la Commission depuis 1993, année où la CEA s'est lancée dans un
programme de réforme et de restructuration, guidée par la conviction
que l'aide au développement pour l'Afrique nécessite des efforts
concertés, de nouvelles formes de partenariat et de collaboration entre
les acteurs du développement du continent.
La CEA abrite le secrétariat du Partenariat pour les technologies de
l'information et de la communication en Afrique, qui est devenu un
élément important du partage des informations entre partenaires
africains et de l'élaboration de projets et de programmes de coopération dans le domaine des TIC. Au cours de la dernière réunion du
Partenariat pour les technologies de l'information et de la communication en Afrique organisée par la CEA, (Addis Abéba, mars 2002), les
membre du Partenariat ont réaffirmé leur engagement à œuvrer de
concert pour renforcer leur appui aux pays africains et pour les aider à
accélérer le développement de leurs TIC. La Commission apporte
également sa contribution au groupe de travail des Nations Unies sur
les TIC, a participé au Groupe d'Études (GEANT) du G8 et prend
également part aux activités de l'Alliance Mondiale pour le Savoir
(GKP). La CEA est également membre de l'initiative du secteur privé, à
savoir la Commission de l'infrastructure mondiale de l'information.
6.4 Renforcement des capacités et prise de conscience
La CEA dispose de l'équipement nécessaire qui permet de proposer
des infrastructures pour les expositions et la formation et elle est
devenue un point focal en Afrique. En outre le Centre des technologies
de l'information pour l'Afrique a été inauguré en 1999 et est l'un des
principaux moyens dont se sert la CEA pour recommander aux hauts
responsables politiques de la région comment mettre efficacement à
profit les TIC. Le Centre des technologies de l'information pour
l'Afrique s'efforce également de consolider les réseaux entre les
différents partenaires tout en fournissant une formation, des services
consultatifs et en organisant des conférences et des ateliers. Le Centre
a déjà organisé des expositions sur les TIC et est entrain de mettre en
oeuvre l'enseignement à distance au moyen de l'Internet,. ainsi que des
services d'information dans différents domaines des TIC à des fins de
développement. Il est devenu une plateforme d'échange d'information
ainsi qu'un centre d'acquisition des connaissances pour les
responsables politiques et les planificateurs africains sur l'importance
des TIC dans le développement de l'Afrique.
123
Le NEPAD, enjeux po/iliques, économiqlles el secloriels
7. Financement du cadre du progranune TIC du NEPAD
Le volet TIC du NEPAD susmentionné nécessite des ressources
considérables pour permettre aux États membres de mettre en œuvre
les projets catalytiques et les programmes à long terme dans des
domaines aussi importants que l'infrastructure et la mise en valeur des
ressources humaines. On évalue a environ 15 milliards de dollars EU,
le montant dont l'Afrique a besoin pour palVenir à l'objectif de densité
téléphonique du NEPAD qui est de 2 pour cent. Un montant complémentaire de 22 millions de dollars EU est nécessaire pour la mise en
place au niveau régional de dorsales de communication, de points
d'échange Internet et des plaques tournantes. Les coûts estimatifs du
programme TIC du NEPAD portant sur les cinq autres domaines relatifs
au développement humain, au cadre réglementaire et de politiques, au
renforcement des capacités institutionnelles, au gouvernement
électronique, à l'exploitation des TIC dans les domaines de l'agriculture
et de l'environnement nécessite un financement supplémentaire
important.
Il s'avère nécessaire de trouver des systèmes innovateurs de
financement de ce programme du NEPAD. Un mécanisme de
financement à utiliser devrait être l'inclusion par les gouvernements des
TIC dans le budget national de développement.
D'autres mécanismes de financement tels que la vente aux enchères
des ressources publiques, y compris le spectre des fréquences radio,
l'imposition au niveau mondial de la taxe sur les bit comme impôt TIC,
le détournement d'un très petit pourcentage des dépenses militaires
pour le développement des TIC et du savoir et l'échange de la dette
pour l'éducation, l'information, la communication et le savoir pour
l'Afrique doivent aussi être explorés.
La communauté internationale devrait aussi créer un fond universel
pour les applications TIC en Afrique à travers des initiatives telle que le
Groupe de Travail des Nations-Unies sur les TIC.
124
DEUXIÈME PARTIE
LE NEPAD
ET LA THÉORIE DU DÉVELOPPEMENT
Le NEPAD et l'évolution de la réflexion
sur le développement
Burl!au Salis-Régional
pOlir l'Afriqlll! Cl!ntmll!
Commission Économiqul! dl!s Nations-Unil!s
pOlir l'Afriqul!
INTRODUCTION
Le NEPAD ouvre dans l'histoire récente une nouvelle phase dans la
rét1exion sur le développement en Afrique. Le continent a connu la
succession de deux grands paradigmes depuis les premières années de
l'indépendance. Le premier paradigme est celui de la modernisation
nationale et qui avait pour objectif de construire l'État-nation et de
mettre en place de nouvelles structures politiques modernes et la
diversification de l'économie afin d'échapper à l'insertion rentière
héritée de la période coloniale. Le second paradigme est celui de
l'ajustement et de la stabilisation macroéconomique. Un paradigme et
une pratique qui ont cherché à faire face à la crise du premier modèle
de développement et à l'éclatement de la crise de la dette. Ce
paradigme dominera la rét1exion sur le développement au cours des
années 80 et 90. Or, force aujourd'hui de constater la faiblesse des
résultats du programme des réformes entamées depuis le début des
années 80. Le bilan mitigé des résultats des réformes ont amené la
communauté internationale à sortir du cadre restrictif de l'ajustement
structurel pour renouer avec la complexité des situations dans les pays
en développement. Ainsi, la rét1exion économique s'est ouverte à
d'autres préoccupations politiques avec le rôle crucial joué par la
notion de gouvernance et les relations sociales avec l'accent mis depuis
quelques années sur les programmes de lutte contre la pauvreté.
Le NEPAD s'inscrit de notre point de vue dans cette ère nouvelle
dans la rét1exion sur le développement et cherche à dépasser les deux
paradigmes qui ont jusque-là dominé la réflexion sur le
développement. Dans cette contribution, nous chercherons dans les
deux premières parties à présenter les principales caractéristiques des
deux premiers paradigmes de développement qui ont dominé la
rét1exion sur le développement lors des deux premières décennies.
127
Le NEPAD et la théorie du dét'eloppelllellf
L'identification des limites de chacun de ces paradigmes sera à l'origine
du renouvellement du paradigme du développement en Afrique et
l'adoption du NEPAD comme expression de ce nouveau consensus. La
troisième partie sera consacrée à ce consensus.
1.
LE l'AHAI)I(;ME DE LA MODEHNISATION NATIONALE (LES ANNI'ES
60
ET
70) :
1.1. Le contexte:
Le contexte de l'adoption du paradigme de la modernisation
correspond à l'indépendance des pays africains dès la fin des années
50 pour ceux d'Afrique du Nord et au début des années 60 pour ceux
d'Afrique au Sud du Sahara. Les pays nouvellement indépendants se
trouvaient dans une situation de forte dépendance économique et leurs
structures économiques étaient orientées à la satisfaction des besoins
des anciennes métropoles coloniales. Ainsi, les cultures de rente et les
activités minières constituaient des intrants pour les industries de
transformations installées dans les anciennes puissances coloniales. Par
ailleurs, ces pays représentaient des marchés importants pour les
excédents commerciaux des entreprises de la métropole.
Les pays africains dès l'accès à l'indépendance ont cherché à rompre
le cercle vicieux de la dépendance économique afin de renforcer leur
liberté retrouvée. Cette volonté a été appuyée par la montée politique
du Tiers-Monde sur la scène internationale. Le sommet de Bandoung
en 1955 a été à l'origine de la constitution du mouvement des nonalignés qui vont devenir un acteur majeur des relations internationales
dans un contexte caractérisé par la guerre froide. Ce mouvement
favorisera la mobilisation des pays du Tiers-Monde pour une réforme
de l'ordre économique international afin d'appuyer le processus de
modernisation. Par ailleurs, durant ces premières décennies de
développement, l'opinion publique dans les pays développés était
favorable à un appui et à un soutien à l'effort de développement dans
les anciennes colonies. Cette attitude a favorisé l'émergence et la
croissance rapide de l'aide internationale.
1.2. Les principes:
Le paradigme de modernisation nationale était régie par une série de
principes qui seront au centre de l'effort de développement entamé par
les pays africains. Le premier principe concerne le rôle et le poids des
facteurs internes dans le domaine du développement. Ce processus
devait s'orienter vers le marché intérieur et la satisfaction des besoins
128
Le NE'PAD et l'él'Olufiol/ de lu réjlexioll sur le dél'e/oppelllelit
fondamentaux des populations, En même temps, ce paradigme
accordait un rôle majeur à l'État dans la conduite et la régulation du
développement. L'État par le biais des nouvelles administrations dans
le domaine de la planification devait assurer une répartition des
ressources entre les différents secteurs afin d'assurer une croissance
harmonieuse entre les différents secteurs et de permettre une
répartition équitable des fmits de la croissance, Le troisième principe
concernait le rôle de l'industrialisation qui était considérée comme le
principal moteur de développement et de changement social. Ce
secteur devait entraîner dans sa dynamique les autres secteurs comme
l'agriculture et les services. Enfin, le dernier principe est relatif au poids
et au rôle de l'aide internationale. L'ensemble des acteurs considérait
l'apport de l'aide incontournable dans la mesure où elle devait remplir
l'écart entre l'épargne locale et l'investissement nécessaire à une forte
relance de la croissance économique.
1.3. Les politiques:
Le paradigme de la modernisation a été à l'origine de la mise en
place d'une série de stratégies et de choix de développement dans la
plupart des pays en développement et en particulier dans les pays
africains. La stratégie d'import-substitution a été directement inspiré par
ce paradigme. Cette stratégie cherchait à rompre la dépendance
commerciale des pays africains en substituant les biens de
consommation finale importés par des productions locales. Afin de
constmire ces industries et de leur permettre de se développer, les
pouvoirs publics dans la plupart des pays africains avaient cherché à
les protéger de la concurrence interne et internationale. Par ailleurs, un
monopole de l'État et des entreprises publiques a été rapidement érigé
sur les principaux secteurs économiques dans ces pays. Ce monopole
s'observait également sur le contrôle exercé par les Etats sur les
systèmes de prix. Ces politiques devaient dans la logique du paradigme
de la modernisation assurer aux pays africains une croissance forte qui
devait leur permettre de moderniser leurs économies et leurs stmctures
politiques et de rompre par conséquent le cercle de la dépendance et
de l'archaïsme.
1.4. Les résultats :
La stratégie de modernisation nationale a permis aux pays africains
de connaître des niveaux de croissance forte tout au long des années
70. Cette croissance a été favorisée par la valorisation des cours de
matières premières et l'accès aux ressources financières internationales.
Cette croissance a permis aux pays africains d'accomplir des pas
129
Le NEPAD et la tbéorie du dél'l!/oppel11ellt
importants dans la satisfaction des besoins sociaux des populations
notamment dans les secteurs de l'éducation et de la santé.
Mais, cette embellie ne durera pas longtemps. En effet, dès la fin des
années 70 on assistera à l'essoufflement de cette dynamique de
croissance. Cette période correspond à une montée forte de
l'endettement et à l'éclatement de la crise de la dette dans la plupart
des pays africains. Par ailleurs, le projet de diversification des structures
de l'économie afin d'échapper à l'insertion rentière a également échoué
et la plupart des pays africains, confrontés à l'exigence du paiement du
selVice de la dette, ont renforcé leur insertion rentière. La crise
économique a remis en cause le modèle rationnel et légal que la
modernisation a cherché à mettre en place et on a assisté rapidement
à la montée de la corruption qui remettra en cause les régimes de
modernisation nationale. La crise du début des années 80 entraînera un
déclassement du modèle nationaliste au profit d'un nouveau paradigme
de la stabilisation et de l'ajustement.
II.
LE PAHADICME DE I.'AJlISTEMENT ET DE l.A STABILISATION MACH()(~CONOMIQlIE
(LES ANNI~ES
80
ET
90) :
II.l. Le contexte :
L'adoption du paradigme de l'ajustement et de la stabilisation
correspond à la crise du début des années 80 que tous les pays africains
ont connu. Cette crise s'est accompagnée par la montée des grands
déséquilibres macroéconomiques. Des déséquilibres qui ont été
renforcés par la chute des cours de matières premières suite à
l'éclatement des accords régissant les marchés de ces produits. Il fallait
par conséquent faire face à la montée de ces déséquilibres. La crise des
années 80 s'est traduite par une remise en cause profonde des
paradigmes nationalistes de développement. Une remise en cause
renforcée par la montée de la globalisation devenue le phénomène
dominant des relations internationales. Au même moment, on assiste à
une marginalisation du Tiers-Monde dans les relations internationales.
Ces pays ne représentent plus la force de contestation qu'ils ont jusquelà incarnés et qui a permis de prendre en compte leurs intérêts et leurs
préoccupations dans les tentatives de refonte de l'ordre international.
C'est dans ce contexte de crise que nous assisterons à l'adoption du
paradigme de l'ajustement et de la stabilisation macroéconomique dans
tous les pays en développement.
130
Le NEPAD et l'él'OllItioll de la réjlexioll slIr le dél'e!oppemellt
II.2. Les principes:
Ce nouveau paradigme va s'accompagner d'une forte remise en
cause des principes qui ont régis jusque-là le modèle de la
modernisation nationale. En effet, désormais il faut réorienter le
développement vers l'international et promouvoir une plus grande
ouverture sur l'extérieur. En même temps, il fallait encourager un
désengagement rapide de l'Etat de toutes les activités économiques. Le
rôle régulateur de l'Etat devait par ailleurs être assuré par le marché
concurrentiel qui est capable d'assurer une allocation optimale des
ressources rares dans ces pays. Ces principes seront à la base des
politiques et des stratégies qui seront adoptées par les pays africains
tout au long des années 80 et 90.
II.3. Les politiques:
Ce nouveau paradigme de développement a mis l'accent sur les
stratégies de stabilisation macroéconomique afin de réduire les grands
déséquilibres des économies africains. Ces stratégies ont cherché
rapidement à réduire la demande et à accélérer l'offre de produits
comme moyens d'augmentation des richesses produites. Ces stratégies
comprenaient un important axe de réformes qui visaient la privatisation
des entreprises publiques, la libéralisation des systèmes des prix et
l'ouverture des marchés à la concurrence interne et internationale.
II.4. Les résultats :
Les programmes d'ajustement structurel adoptés tout au long des
années 80 et 90 ont permis à un grand nombre d'améliorer leurs grands
équilibres macroéconomiques. Les déficits publics ont diminué et les
accords de rééchelonnement de la dette et du paiement du service de
la dette ont permis de réduire les pressions sur les paiements externes.
Mais, en dépit de ces résultats, on a assisté à un accroissement de la
dette. En même temps, le désengagement de l'Etat des secteurs sociaux
et la diminution de son appui aux secteurs de base se sont traduit par
une explosion de la pauvreté. En même temps, par le biais des
conditionnalités qu'elles imposent, les bailleurs de fonds prennent un
poids de plus importants dans la définition des choix et des stratégies
de développement.
L'épuisement du mouvement de réformes envisagées dans le cadre
de l'ajustement structurel a ouvert la voie à une nouvelle ère dans la
rétlexion sur le développement.
131
Le NEPAD et la tIJéorie du d(i{'eloppement
III.
VERS liN NOIIYEAli l'AHADI(;ME DE DJ'YI'1.01'I'EMENT EN AFIW;>IIE :
Une nouvelle ère et une nouvelle période semble aujourd'hui
s'ouvrir en matière de réflexion sur le développement. Cette réflexion
cherche aujourd'hui à s'extraire de l'excès d'idéologie qui a caractérisé
la réflexion sur le développement depuis plusieurs années, Mais, cette
réflexion cherche également à dépasser les limites strictes de la
réflexion économique pour s'intéresser à d'autres domaines comme la
gouvernance politique et qui expliquent l'enchevêtrement et la
complexité des relations en matière de développement. En même
temps, le nouveau paradigme en matière de développement met
l'accent sur l'explosion de la pauvreté ces dernières années et fait de sa
maîtrise et de son éradication le cœur de ces priorités, L'intérêt du
NEPAD de ce point de vue est qu'il s'inscrive parfaitement dans cette
nouvelle ère et cherche à en tirer profit pour relancer dans les pays
africains et ouvrir une nouvelle expérience historique pour le continent
à l'aube du nouveau millénaire,
Ill.l. Le contexte:
L'adoption du NEPAD par les Chefs d'États africains lors de leur
sommet tenue à Lusaka en juillet 2001 correspond à un nouveau
contexte international du point de vue du débat sur le développement
et l'Afrique, Un contexte caractérisé par la prise en compte par la
Communauté internationale que la marginalisation de l'Afrique ne peut
se poursuivre indéfiniment et qu'il fallait par conséquent prendre une
série d'engagements afin d'aider les pays africains à relancer un
processus de croissance dynamique et compétitif, La mobilisation de la
société civile internationale contre l'annulation de la dette et pour la
prise en compte des intérêts des pays en développement dans les
négociations internationales a joué un rôle non négligeable dans cette
prise de conscience généralisée. C'est dans cette perspective que le
sommet du Millénaire des Nations-Unies a adopté une série d'engagement précis en matière de développement que la Communauté
internationale devrait atteindre, Par ailleurs, ce contexte correspond
également à la mise en place des stratégies de réduction de la dette
dans un grand nombre de pays en développement. En même temps,
les pays en développement ont connu des ouvertures démocratiques
qui seront de nature à favoriser un contrôle plus important des sociétés
sur la gestion des ressources publiques.
Ces mutations et ces changements vont favoriser l'émergence de
nouveaux principes qui vont régir la réflexion sur le développement à
l'aube de ce nouveau millénaire.
132
le NEPAD el l'él'Olt tfio Il de la n'flexioll slIr le dél'eloppel/lelll
111.2. Les principes:
L'ère nouvelle en matière de réflexion sur le développement se
caractérise par l'émergence de nouveaux principes et de nouvelles
préoccupations qui ne sont plus ceux qui ont dominé le paradigme de
l'ajustement et de la stabilisation macroéconomique. Ainsi, les
économistes reconnaissent de plus en plus le rôle des institutions et
cherchent à construire un équilibre entre l'État et le marché. Par
ailleurs, la priorité n'est plus accordée de manière exclusive au marché
international et on cherche une plus grande complémentarité entre
l'exportation et la demande interne. En même temps, les bailleurs de
fonds et les pays en développement cherchent de plus en plus les
conditions d'un nouveau partenariat et veulent fonder des relations
plus équilibrées. Ce nouveau contexte est aussi caractérisé par
l'émergence de la problématique de la bonne gouvernance comme un
préalable incontournable à toutes les stratégies de développement.
Enfin, le rôle de l'intégration régionale est de plus en plus affirmé.
111.3. Les politiques et les stratégies:
Le nouveau contexte en matière de développement se caractérise
par la mise en place de nouvelles stratégies et de nouvelles politiques
en matière de développement. D'abord, la lutte contre la pauvreté et
avec les efforts de réduction de la dette sont au centre des stratégies et
des politiques de développement en Afrique. Par ailleurs, les pays
africains avec l'ouverture démocratique et l'arrivée de nouvelles élites
ont cherché un renforcement des mécanismes et des procédures pour
assurer une bonne gouvernance et une meilleure gestion des deniers
publics. Par ailleurs, les nouvelles stratégies du développement mettent
de nouveau l'accent sur les infrastructures qui ont été oubliées pendant
longtemps. Enfin, on assiste partout à une accélération des processus
d'intégration régionale sur le continent. En définitive, le NEPAD vient
consacrer et donner un nouveau souffle à des mutations profondes en
matière de réflexion et de pratiques dans le développement africain.
Une dynamique nouvelle est en cours et une prise de conscience de
l'Afrique de l'importance cie prendre en charge ses intérêts et cie
construire une nouvelle expérience historique porteuse d'espérance et
d'enchantement pour les populations.
133
Le NEPAD et la réflexion
sur le développement
par
Bnmo Bekolo-Ebe
Recteur de rUllil'el:çifé de
Yaoltlldé II - Cameraull
L'élaboration et la mise en œuvre du NEPAD repose aujourd'hui le
problème de la réflexion sur le développement et conséquemment de
la formulation et de la mise en œuvre des politiques de développement. Comment situer le NEPAD par rapport à la réflexion théorique
sur le développement? Quels en sont les fondements? Et quel en est
l'originalité, voire l'intérêt? Ces questions se posent d'autant plus qu'il
n'y a pas longtemps, nombre d'auteurs ont cru de bon ton d'annoncer
la mort de la théorie du développement et partant de l'économie du
développement, comme pour signifier par là que la réflexion sur le
développement était désormais sans objet. Une raison supplémentaire
des interrogations que soulève le NEPAD est le fait que sa formulation
prenne place dans un continent dont la caractéristique a été jusqu'à
présent d'être pratiquement absente du débat d'idées sur le
développement, tout en étant le lieu d'expérimentation des diverses
théories du développement élaborées ailleurs,
Nous voudrions montrer que l'originalité, la signification symbolique
et l'importance du NEPAD tiennent précisément au fait qu'il s'analyse
comme une rupture avec la passivité intellectuelle de l'Afrique et la
tendance de notre continent à laisser son destin défini et déterminé par
d'autres, Pour ce faire, nous rappellerons d'abord l'évolution de la
réflexion sur le développement pour souligner la faible place occupée
par l'Afrique dans cette évolution (1), puis nous montrerons en quoi le
NEPAD constitue, de par ses fondements, son mode de formulation et
son contenu, une rupture et un tournant décisif dans la prise en main
de l'Afrique par elle-même (11),
135
Le NEPAD et la tbrÎ(wie du urÎl'efoppeme11t
1.
l:l'YOUITION
DE
LA
HI~FLEXION
StlH
LE
DÉVELOPPEMENT
ET
LA
l'AIIlLE
CONTHllllJllON IW L'AFH1QtlE
Toutes choses étant égales par ailleurs et abstractions faites des
questions épistémologiques et méthodologiques qu'impliquent toute
périodisation, on peut distinguer, pour l'analyse, trois grands moments
dans l'évolution de la pensée économique sur le développement.
La première période couvre la fin de la deuxième guerre mondiale
jusqu'à la fin des années 50, marquée par l'émergence des premières
théories du développement. La deuxième période qui couvre les
années 60 et 70, est une période d'intenses débats scientifiques et
idéologiques sur les stratégies de développement et la pertinence des
politiques mises en œuvre par les différents pays en développement.
La troisième période couvre les années 80 et 90 et s'analyse comme
celle de la mort ou pour être optimiste, de l'arrêt de toute réflexion sur
le développement, avec le triomphe de l'ajustement structureL
Lorsqu'on observe l'évolution de la réflexion sur le développement
depuis la deuxième guerre mondiale, on peut en conclure qu'il s'agit
de l'histoire d'une pensée qui émerge à la fin des années 40, au lendemain
de la guerre et se constitue en un corpus théorique permettant une
nouvelle spécialisation dans le champ large de la Science Économique.
Elle connaît son âge d'or au cours des années 60 et 70, avec une
intensification des débats théoriques sur les stratégies et politiques de
développement. Les années 80 et 90 à contrario apparaissent comme
une période de déclin au cours de laquelle certains n'hésiteront pas à
en prononcer l'oraison funèbre
Caractérisons brièvement chacune de ces périodes afin d'en dégager
les grandes tendances dominantes par rapport auxquelles on peut
mieux situer et comprendre le NEPAD.
a) Émergence, apogée et déclin de la réflexion sur le développement: de la fin de la deuxième guerre à la f"m du
deuxième millénaire
La première période, disions-nous est celle de l'émergence des
premières analyses consacrées à la question du développement. On
cherche à comprendre les facteurs explicatifs du retard et des écarts
observés entre les pays industriels et les pays sous-développés, alors
même que la création des Nations-Unies et la Conférence de San
Francisco, en 1945 affirment l'objectif de création d'un ordre mondial
fondé sur le développement économique et social et stimulant celui-ci.
Les bouleversements du commerce mondial durant la crise de 1929
rendent encore plus pertinente la question du développement, d'autant
que des mutations importantes s'opèrent dans certains pays en
136
LL' lllEPAD et la n'f7exion slIr le dél'eloppelllel1f
développement, en particulier ceux d'Amérique Latine. 11 s'y opère en
effet une transition marquée par une croissance tournée vers l'intérieur
avec une industrialisation reposant sur la substitution d'importations.
Les premières analyses conduisent ainsi à l'élaboration des thèses
dualistes, à la suite des travaux de Boeke (953) et de Perroux (955)
qui décrivent l'économie sous-développée comme une économie, où
coexistent deux secteurs juxtaposés, l'un moderne, capitalistique,
l'autre traditionnel et précapitalistique. Cette juxtaposition traduit, selon
Perroux la désarticu13tion de l'économie sous-développée. En même
temps se développe en Amérique Latine, sous l'égide de la CEPAL et
l'impulsion de son Secrétaire Général Raul Prébisch 0951-1954) une
analyse spécifiquement consacrée à l'Amérique Latine et montrant
d'une part, l'impact négatif du commerce mondial et notamment de la
détérioration des termes de l'échange et des désordres affectant les
marchés de change comme obstacles à la croissance du sous-continent
et d'autre part, l'intérêt de politiques de développement industriel
tourné vers le marché intérieur, pour satisfaire une demande constituée
à partir des revenus gagnés dans l'échange international.
D'une manière générale, le lendemain de la guerre et les années 50
voient émerger un nouveau champ d'analyse qui systématise la
réflexion sur le développement en lui appliquant les méthodes et outils
d'analyse de l'économie. La réflexion sur le développement gagne en
intensité et en approfondissement au cours de la deuxième période
couvrant les années 60 et 70. Cette évolution est particulièrement
favorisée par le démantèlement des empires coloniaux et l'émergence
de nouveaux pays sur la scène politique économique internationale, et
affecte particulièrement l'Afrique et l'Asie. Au fur et à mesure de
l'avènement de ces pays, la prise de conscience est rapide pour
admettre que la consolidation de leur statut politique sur la scène
mondiale, ne peut être assurée que si la croissance économique et le
développement suivent et permettent la création d'un flux de richesses
abondants, garantissant le bien-être de l'ensemble des populations. La
réflexion théorique qui se développe au cours de la période se
structure autour du paradigme de la modernisation et l'on insiste sur
l'urgence qu'il y a à opérer des changements structurels profonds
permettant à ces économies de répondre aux besoins et d'être présents
au monde. La modernisation doit conduire à la mise en place de
structures de production qui mettent fin à la dépendance économique
caractéristique de la période coloniale, en même temps qu'elle doit
permettre à ces pays d'occuper des positions fortes sur la scène
économique internationale.
L'analyse du développement s'intéresse donc aux facteurs
d'accélération de la croissance. et de modernisation de ces économies.
Ceci explique l'importance des débats relatifs à l'accumulation et à son
financement. On admet rapidement qu'il faut engager ces économies
dans un processus d'industrialisation qui accroissent la production.
137
Le NEPAD et lu tbéorie d1/ dél'doppell1ellt
D'où l'importance des théories consacrées à l'accumulation du capital
et des réflexions relatives aux questions du financement, et des choix
sectoriels permettant de soutenir la croissance.
Un accent particulier est mis d'une part sur les obstacles structurels
internes, et d'autre part sur les facteurs qui dans ces économies doivent
être mobilisés pour enclencher une dynamique de croissance auto
entretenue. L'analyse assigne ainsi un rôle particulièrement important à
l'État qui doit jouer un rôle moteur dans l'accumulation du capital, et la
définition des orientations stratégiques de l'économie. La dépense
publique de capital doit jouer un rôle d'autant plus déterminant que
d'une part, l'État doit suppléer à l'absence d'une dépense privée de
capital, et d'autre part, c'est à l'État de canaliser les flux financiers
extérieurs dont on souligne la nécessité et l'urgence pour financer la
modernisation de l'économie.
L'industrialisation est le moteur central de ce processus de
modernisation. Elle doit permettre de mettre fin au dualisme et à la
désarticulation, assurer la diversification sectorielle de l'économie,
favoriser les transferts de technologies, accroître la valeur ajoutée en
modifiant la spécialisation coloniale fondée sur l'exportation des
matières premières. Et le mouvement d'industrialisation prend appui
sur la substitution des importations, à laquelle la CEPAL accordera un
rôle déterminant dans la stratégie de développement latina-américaine.
L'entreprise de modernisation doit, admet-on, bénéficier de transferts
massifs de capitaux, sous forme de dons, d'investissements directs ou
de prêts, ce qui explique l'importance attachée à la question de l'aide
publique au développement. Les diverses théories prennent appui sur
l'exemple des pays développés où le développement industriel a joué
un rôle déterminant, où l'accumulation du capital et la mobilisation du
capital apparaissent comme des facteurs décisifs. Ainsi s'explique la
convergence des analyses en faveur des transferts massifs de capitaux
financiers des économies en développement.
Les Nations-Unies et la Banque Mondiale jouent ici un rôle de
premier plan dans le développement da la pensée économique
consacrée au développement et dans la formulation des politiques y
relatives. Certes, de vives controverses opposent les différents courants
sur les stratégies à adopter. Ainsi s'explique l'âpreté des débats sur la
nature équilibrée ou non de la croissance, sur le rôle des exportations
et des importations, sur la place du secteur industriel par rapport à
l'agriculture, sur la nature des choix de spécialisation, etc.
La rivalité idéologique entre l'Est et l'Ouest exerce d'ailleurs une
influence particulièrement pesante tant sur \'impact théorique de tel ou
tel courant dans la formulation des stratégies que dans les modalités de
mise en œuvre des politiques appliquées par les différents pays. Cette
rivalité explique l'importance que prennent dans les années 60 et 70,
les thèses d'inspiration marxistes qui développent une forte
contestation de la théorie orthodoxe du développement, en mettant en
138
Le NEPAD et la réjlexion .l'II r le dél 'eIOppell7l'ilf
évidence l'impact négatif des flux de capitaux, en soulignant
l'apparition des phénomènes de dépendance, en critiquant les
conditions d'insertion des économies dans un commerce mondial où la
détérioration des termes de l'échange et le poids de la dette accentuent
l'impact négatif des transferts inverses caractéristiques du paradoxe de
l'exportation du capital par des économies où celui-ci est précisément
insuffisant. Ces critiques des analyses hétérodoxes poussent dans les
années 70 aux tentatives faites pour l'élaboration d'un Nouvel Ordre
Économique Mondial, thème dominant de l'après premier choc
pétrolier.
Mais au-delà de ces critiques plus ou moins pris en compte dans les
différentes stratégies et politiques, le processus de développement
apparaît, à l'analyse, comme un processus imitatif engageant les pays
concernés dans la voie suivie bien avant par les pays industriels. Les
prenant comme modèle, les pays en développement en général, les
pays africains en particulier admettent que l'aspiration à la
modernisation et au développement économique s'analyse comme un
rattrapage d'un retard, rattrapage d'autant plus possible qu'était
disponible un stock de capital technique et financier suffisait pour
réaliser les investissements nécessaires. Ainsi sont formulés de vastes
programmes d'industrialisation dont la réalisation repose sur une
importation massive d'équipements des pays industriels, favorisés par
la mise à disposition de ces pays de moyens financiers nécessaires pour
pallier à l'insuffisance de l'épargne interne. Transferts de technologie et
transferts financiers sont ainsi allés de pair, les organismes
internationaux et les pays aux-mêmes s'employant à éliminer les
obstacles à ces transferts.
On peut dire de cette période qu'elle constitue l'âge d'or de la
réflexion sur le développement. L'âpreté des débats et l'intensité des
controverses qui caractérisent cette période traduit l'intérêt particulièrement fort que les uns et les autres ont pour la question du
développement. Les Nations-Unies proclament d'ailleurs au cours de
cette période la décennie du développement, à la suite de la
publication du Rapport Pearton (969). Les pays en développement
eux-mêmes contribuent à cet intérêt par la hardiesse de leurs
propositions et l'ampleur des politiques qu'ils élaborent et appliquent
et pour lesquels ils ne cessent de demander un appui toujours croissant
de la communauté internationale. Qui plus est certains thèmes
deviennent d'une actualité brülante par l'importance des problèmes y
liés, et l'urgence à y trouver des solutions. 11 en est ainsi des questions
relatives à l'investissement international, aux firmes multinationales au
prix des matières premières, à la dette extérieure, à la révolution verte,
à la dépendance pour ne citer que quelques questions dont les
controverses discutent du statut théorique dans les stratégies de
développement.
139
Le NEPAD et la tbéorie
"II
"él'eloppemel1t
La crise qui frappe la plupart des économies, à la suite des deux
chocs pétroliers marque le début de la Ille période. Elle se manifeste
par un ralentissement de la croissance, puis par un renversement
complet de la tendance se traduisant dans nombre de pays par des taux
de croissance négatifs. Il en est particulièrement ainsi des économies
africaines, surtout en Afrique subsaharienne, La stagnation et la
régression économique vont de pair ave l'occurrence de nombreux et
lourds déficits; déficits des balances de paiements, déficits du commerce
extérieur déficits des finances publiques, déficits des entreprises publiques,
etc. Ces déficits sont alors caractéristiques des déséquilibres et
distorsions macroéconomiques affectant ces économies. S'il est en effet
vrai que des sauts qualitatifs ont pu s'opérer dans ces économies,
permettant de mettre en place dans nombre de cas, une infrastructure
productive accroissant les capacités de productions, ces évolutions
s'accompagnent de nombreuses distorsions qui caractérisent la crise du
processus, Un des problèmes majeurs de ces économies sera la montée
de l'endettement qui conduit à la crise de la dette et à l'accumulation
d'arriérés que ne résorbent plus les divers rééchelonnements, parce que
les ressources budgétaires ne permettent plus de servir la dette, De
même apparaît-il que dans bien des cas, l'évolution de la spécialisation
n'a pas débouché sur une plus grande diversification de l'économie.
Bien au contraire, celle-ci est encore plus fragilisée et est devenue plus
dépendante et rentière. Les économies ploient ainsi sous un ensemble
de déficits et déséquilibres qui s'aggravent au fur et à mesure de
l'approfondissement de la crise. Ils conduisent à l'entrée en scène des
Institutions de Bretton-Woods, FMI et Banque Mondiale, dont les
modes d'intervention à travers les plans et programmes d'ajustement
structurel modifient fondamentalement la problématique de ces
économies, Au paradigme de la modernisation va succéder celui de
l'ajustement et de la stabilisation macroéconomique, Les politiques
économiques vont alors voir leur champ se restreindre en même temps
que les objectifs se modifient.
Le rétablissement des équilibres macroéconomiques devient
l'objectif primordial des politiques économiques dont la configuration
et la formulation sont profondément déterminées, Le triomphe de l'ajustement structurel met pratiquement fin à toute réflexion prospective sur
le développement, devenue tout à fait superfétatoire. Les débats sur les
stratégies de développement s'estompent d'autant que d'une part la
prégnance de la crise contraint les responsables de ces pays à parer au
plus pressé, en s'abandonnant aux recettes toutes prêtes de l'ajustement
structurel et d'autre part, l'effondrement des pays de l'Est s'analyse pour
beaucoup comme marquant la fin des débats idéologiques, voire
épistémologiques qui fondaient les controverses théoriques sur le
développement. On comprend d'ailleurs que certains auteurs aient
annoncé la mort de l'économie du développement ou a tout le moins
son déclin. Il faut certes souligner que la réduction du champ des
140
Le NEPAD et la réflexio/1
SI/ r
le dél 'e/oppemellt
politiques économiques ne s'accompagne pas moins de profondes
mutations structurelles imprimées à ces économies. Ainsi, alors qu'à la
période précédente, on se préoccupait de donner à l'économie des
bases internes à son développement, il s'opère au cours de la période,
une réorientation où l'insertion à l'économie mondiale redevient la
règle, avec la prise d'un ensemble de mesures destinées à accélérer
l'ouverture sur l'extérieur. Celle-ci s'inscrit par ailleurs dans une
perspective de libéralisation qui à l'intérieur conduit aux privatisations,
au démantèlement des secteurs publics, à la limitation du rôle de l'État,
à la libéralisation des mécanismes de fixation des prix et à une plus
grande exposition de l'économie à la concurrence interne et externe.
L'application de ces politiques et le triomphe du nouveau paradigme
conduisent au résultat que désormais les bailleurs de fonds déterminent
en dernier ressort les choix économiques de ces pays où en dépit du
retour aux équilibres macroéconomiques, on assiste à l'aggravation de
la pauvreté.
b) La place marginale de l'Afrique dans la réflexion sur le
développement
On peut, s'agissant de l'Afrique, dégager un certain nombre de
caractéristiques et tendances d'une période à l'autre de cette évolution.
La première caractéristique est la place marginale de l'Afrique dans la
réflexion qui se développe. Au cours de la première période, celle de
l'émergence de la théorie économique du développement, elle est
totalement absente en tant qu'objet d'analyse, puisque la théorie
s'élabore à partir des expériences d'Amérique Latine et d'Asie. Si, au
cours de la deuxième période, l'Afrique devient elle aussi objet
d'analyse, sa place reste cependant secondaire par comparaison à
lïmportance des travaux consacrés à l'Amérique Latine et à l'Asie.
Cette différence de traitement tient et c'est la deuxième caractéristique, à l'absence de centres de rét1exion apportant une impulsion à
la réflexion et animant le débat scientifique, comme lieu de production
d'idées et de proposition sur le développement Africain.
On sait cn effet le rôle décisif joué par la CEPAL pour le
développement de la pensée économique en Amérique Latine, à partir
de l'impulsion donnée dès les années 50 par Raul Prebisch. Cette
impulsion est prolongée par un intense bouillonnement d'idées et de
propositions qui permettent au sous-continent latino-américain
d'apporter unc contribution décisive à divers courants de pensée qui
articulent les thèses sur le développement, avec des auteurs marquants
comme Celso Furtado, Ruy Marini, André Gunder Frank, Arthur Lewis,
urquidi, Sunkel, Theotonio dos Santos, Fernando Henrique Cardoso
pour n'en citer que quelques-uns. L'Asie connaît la même effervescence
de la pensée à travers de nombreux centres d'études pour le
141
Le NEPAD et la théO/ie du déldoppemellt
développement qui se créent en Inde, en Malaisie, en Indonésie, au
Japon, avec des auteurs marquants tels que M.S. Ahluwalia, J. Bagwati,
H. Alavi, A. Singh, Utun Wai, A.K. Bagechi, A. K. sen, P.c. Mahalanobis,
Nurul Islam.
Pendant toute la période, on ne trouve rien de tel en Afrique. Il faut
certes rendre justice à un centre tel que l'IDEP de Dakar, pendant la
période où il est animé par Samir Amin. De même faut-il reconnaître
les contributions de quelques auteurs à la réflexion théorique sur les
stratégies de développement. On citera entre autres, outre Samir Amin,
Abdoulaye Wade, Osende Afane, G. Ngango, Tchundjang Pouemi,
Matar Diouf, B. Bekolo-Ebe, V. Diarrasouba, Touna Mama. Mais dans la
formulation et l'élaboration des stratégies et politiques de développement, ces contributions pèsent de peu de poids et n'exercent aucune
influence décisive dans la détermination des choix économiques en
Afrique. L'élaboration des politiques et les décisions stratégiques en
matière de développement restent l'apanage de l'assistance technique
étrangère dans le cadre des coopérations techniques bilatérales et
multilatérales.
Cette prépondérance de l'analyse étrangère au continent se convertit
même en monopole à la faveur de l'Ajustement Structurel où la
réflexion et l'analyse fondant les choix économiques sont totalement et
exclusivement accaparées par les fonctionnaires du FMI et de la
Banque Mondiale qui, à partir de la fin des années 70, mettent progressivement, totalement et systématiquement les économies africaines sous
administration séquestre, en faisant habilement jouer des diverses
conditionnalités pour écarter toute velléité de réflexion autonome.
Ainsi, alors qu'au début des années 80, un effort de réflexion
autonome paraissait s'engager sous l'égide de la CEA qui semblait ainsi
vouloir s'inspirer de l'exemple de la CEPAL en Amérique Latine, et dont
un des résultats marquant était l'élaboration du Plan de Lagos, il est
rapidement fait pièce à ces velléités, par la Banque Mondiale qui
commande et impose, grâce à sa puissance financière le plan Berg que
beaucoup d'Africains ont analysé, non sans raison comme un contreplan Lagos, pour mieux enterrer la Plan de Lagos. S'engage alors une
longue hibernation de la pensée sur le développement dont on peut
dire aujourd'hui que le NEPAD marque le réveil, ce qui en explique
l'importance et l'intérêt qu'il y a à en assurer le succès.
II.
I.E NEI'AD (HI I.A IHll'TllHE AVEC I.A l'ASSIVIT'~ INTEl.l.l'CTllEl.l.1' DE ':AFHIQLJI'
L'élaboration du NEPAD marque, à notre avis la rupture avec
l'Afrique consommatrice d'idées produites ailleurs mais dont elle a servi
à chaque fois de champ d'expérimentation, et met fin à la longue
142
LI' NEPAD ('/ la l'I!fll'xioll SI/ r II' dr'I'e!0PPI'1II1'11 f
période d'hibernation de la pensée économique qu'a constitué la
longue période d'application rigoureuse et sans partage des plans
d'Ajustements Structurels.
Cette rupture tient à un ensemble de caractéristiques qui la
singularise et en explique l'importance et l'ampleur des défis qu'il
induit pour l'Afrique. Parmi ces caractéristiques, certaines nous
paraissent particulièrement déterminantes, à savoir:
- ses conditions de formulation et son appropriation politique,
- sa globalisation et la mise en perspective des économies africaines,
- ses priorités stratégiques centrées sur l'homme.
Nous les examinerons d'abord avant de soulever quelques questions
dont les réponses conditionnent à notre avis le succès de l'initiative.
a) Des caractéristiques du NEPAD
1. Les conditions d 'élahorafiOll
el
l'appropriation politique
Le NEPAD apparaît comme le résultat d'une réflexion approfondie et
sans concessions menée par l'expertise africaine. L'effort de réflexion
interne engagé par le Plan de Lagos a été en effet repris ici et amplifié
pour mettre en évidence les facteurs de blocage du développement en
Afrique. Tout au long du document, l'analyse met en relief les facteurs
internes et externes de blocage et de marginalisation de l'Afrique dont
la conséquence est une pauvreté et un retard croissant de l'Afrique qui
contrastent vivement avec la pauvreté du monde développé.
Le document souligne certes les effets négatifs pervers générés par
l'expérience coloniale en mettant l'accent sur ce qu'il appelle l'appauvrissement historique du continent. Cet héritage colonial a été accentué
par la guerre froide et les mécanismes et rouages du système économique mondial. Une des manifestations en a été l'hémorragie des
ressources. Mais le document reconnaît tout autant la responsabilité
interne de l'Afrique, à travers des politiques économiques mal formulées
et mal menées, des États faibles du fait des multiples dysfonctionnements qui en affectent négativement les décisions et interventions.
Ces dysfonctionnements, est-il souligné, ont été aggravés par un
leadership médiocre, le développement de la corruption et la mauvaise
gouvernance (p. 5). La faiblesse de l'État, accentuée par le peu d'effort
que nombre de pays africains ont déployé pour habiliter leurs peuples
à engager des initiatives de développement, constitue de ce fait une
contrainte majeure au développement du Continent Cp. 5), en
l'empêchant d'exploiter de façon optimale les nombreuses et riches
potentialités qui sont les siennes et que le document identifié à travers
les quatre composantes constitutives des ressources de l'Afrique.
143
Le NEPAD el la Il)(iorie dll dél'eloppemelll
Si la formulation et l'élaboration en sont faites par l'expertise
africaine, le NEPAD pose en même temps comme postulat que sa mise
en œuvre est d'abord de la responsabilité des africains eux-mêmes. « Il
est ancré dans la détermination des Africains de s'extirper eux-mêmes,
ainsi que leur continent, du malaise du sous-développement et de
l'exclusion d'une planète en cours de mondialisation" Cp. 1). Cette
détermination implique de ce fait que le NEPAD soit axé sur la
nécessité d'en assurer la propriété et la gestion aux Africains Cp. 10), il
se fonde " sur un ordre du jour dont ont décidé les Africains de leur
propre initiative et de leur propre gré, afin de déterminer aux-mêmes
leur destin ". Ces affirmations constituent un saut qualitatif décisif, y
compris par rapport au Plan de Lagos, en ce qu'elIes signifient que
l'Afrique prend enfin conscience qu'il lui appartient de définir son
propre destin, mettant ainsi fin à cette passivité qui en faisait une
consommatrice d'idées venues d'ailleurs et qui la condamnait à un
ajustement structurel passif aux évolutions déterminées ailleurs.
Cette prise en main de son destin implique l'assomption de responsabilités décisives que le document définit aussi comme un cahier de
charge incontournable, dont les économies, et de manière générale les
sociétés africaines ne peuvent plus désormais faire l'économie. Ces
responsabilités sont aussi diverses que la mise en place des
mécanismes de prévention de gestion et de résolution des conflits, la
promotion de la démocratie et des droits de l'homme, la stabilité
macroéconomique, l'instauration de cadres juridiques et réglementaires
transparents, le développement de l'offre d'éducation et de formation
du capital humain, la promotion de la femme, le renforcement des
capacités d'actions des États Cp. 11). Ces responsabilités prennent
d'autant plus de relief et d'importance que les dirigeants africains
s'approprient totalement le NEPAO. Ici plus que jamais, la volonté
politique fonde l'appropriation interne du projet, qui s'analyse comme
" une promesse faite par les dirigeants africains, fondée par une vision
commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée qu'il leur incombe
d'urgence d'éradiquer la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement
et collectivement sur la voie de la croissance et d'un développement
durable ... " Cp. 1). Les plans nationaux et régionaux donnent de ce fait
mandat aux dirigeants africains, en leur confiant la responsabilité
d'exprimer les priorités nationales et régionales et d'en diriger la mise
en application pour le compte de leurs peuples Cp. 10).
L'initiative que constitue le NEPAD est ainsi l'expression de
l'engagement des dirigeants africains à traduire en actions concrètes les
aspirations profondes de leurs peuples. C'est du fait de cette
responsabilité qu'en retour ces dirigeants lancent à tous les peuples
africains, dans toute leur diversité, un appel à une prise de conscience
de la gravité de la situation et de la nécessité pour eux de se mobiliser
pour mettre fin à la marginalisation du continent.
144
Le NEPAD et la n,/lexioll
Sil l'
le clén!foppeme11f
2. Le caractère global du NEPAD el la mise en perspective des
économiques africaines
Le NEPAD est un projet global qui s'efforce de prendre en compte
la muItidimensionnalité du développement. Ce caractère englobant
apparaît d'abord à la détermination des composantes qui concernent
non seulement les ressources matérielles, mais aussi les ressources
écologiques, paléontologiques et archéologiques, la richesse de la
culture africaine.
Il apparaît ensuite à l'effort d'exhaustivité faite dans l'analyse des
facteurs de blocage du développement dont le document fait
l'inventaire interne et externe, en situant les différents niveaux de
responsabilité. Il apparaît enfin dans la relation qu'il établit entre le
développement du continent et le processus de mondialisation. Le
NEPAD situe en effet d'emblée l'Afrique et son évolution dans le
contexte de mondialisation, justifiant ainsi qu'il s'analyse de ce fait
comme définissant un nouveau partenariat entre l'Afrique et le reste du
monde. Ce partenariat tire partie des réalisations du passé et réfléchit
sur les leçons tirées d'une expérience douloureuse, pour le rendre
crédible et réalisable.
Le caractère global du NEPAD apparaît aussi dans sa structuration et
son contenu. Les objectifs sont englobants pour couvrir l'ensemble des
dimensions du développement. Ainsi la Stratégie Africaine pour assurer
un développement durable couvre neufs domaines prioritaires en
identifiant dans chacun des domaines les activités à entreprendre à
court, moyen et long termes. " L'objectif du NEPAD est d'imprimer un
nouvel élan au développement du continent en comblant l'écart actuel
dans les secteurs prioritaires, afin de permettre à l'Afrique de rattraper
son retard par rapport aux régions développées du monde. Ainsi outre
les initiatives relatives à la paix, la sécurité, la démocratie et la bonne
gouvernance, les priorités sectorielles suivantes articulent le contenu de
la stratégie:
- Infrastructures,
- Ressources Humaines,
- Santé,
- Technologies de l'Information et de la Communication,
- Agriculture,
- Énergie
- Accès des exportations africaines aux marchés des pays
développés.
Le caractère global du NEPAD en explique la cohérence et la mise
en perspective qu'i! fait des économies africaines. La cohérence tient
d'abord à la nature des priorités définies, mais aussi aux caractères
structurants du cadre de réalisation. Ainsi, la réalisation se situe à
l'échelon régional, l'intégration régionale étant définie comme le
145
Le NEPAD et lu tbéorie du dél'e!oppelllel7t
postulat opératoire par excellence. Les pays africains est-il souligné,
"ont besoin de mettre leurs ressources en commun et de favoriser la
coopération et l'intégration économique régionale du continent pour
améliorer leur compétitivité sur le plan régionale ". Le NEPAD met
l'accent sur la prestation de services publics régionaux et sur la
promotion du commerce et des investissements intra-africains ... et
donnera la priorité à la consolidation des capacités pour améliorer
l'efficacité des structures régionales existantes et rationaliser les
organisations régionales existantes (p. 20).
Les économies africaines sont ainsi mises en perspective d'abord sur
le plan spatial. Mais elles le sont aussi par rapport au temps. L'horizon
choisi est d'emblée le long terme, en rupture avec le court terme qui a
caractérisé la période d'ajustement structurel en dépit des lourdes
hypothèques que les décisions de court terme prises dans ce cadre ont
fait peser sur l'avenir de ces économies. " Le NEPAD se veut une vision
à long terme du programme de développement de l'Afrique par les
Africains eux-mêmes" (p. 13).
3. Les priorités stratégiques centrées sur l'homme
Le choix des priorités est déterminé par leur caractère structurant
tant en ce qui concerne l'économie que s'agissant de cette dernière.
L'accent mis sur les conditions préalables requises pour un développement durable est de ce point de vue, significatif de ce que peut avoir
d'impact positif la plasticité des structures sociales. Ainsi la sécurité, la
démocratie, la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme et
une saine gestion économique sont posées comme des conditions
préalables indispensables au développement durable. Tout aussi
indispensable est la promotion de la culture et la préservation du
patrimoine écologique. Ces priorités d'ordre social sont en cohérence
avec les priorités sectorielles qui articulent le développement humain.
Il en est particulièrement ainsi de l'accent mis sur la formation des
ressources humaines dans un monde où la hiérarchie des nations est
déterminée par la maîtrise de la capacité de production du savoir et de
la technologie, en particulier les technologies de l'information et de la
communication.
La construction d'économies solides, dynamiques et compétitives
suppose donc que l'offre de formation assure la disponibilité de capital
humain en quantité et en qualité suffisantes. L'éducation devient donc
une priorité absolue, et celle-ci ne concerne pas seulement la formation,
mais aussi l'utilisation de ressources formées pour imprimer à la société
les mutations indispensables et surtout lui donner la capacité d'anticiper
l'avenir. On doit ainsi saluer la prise de conscience de l'incidence
négative de l'exode des cerveaux et l'urgence à créer les conditions
d'utilisation optimales des ressources humaines de la diaspora.
146
Le NEPAD et la n>flexion
5111"
le dél'e!oppemenr
Le NEPAD affirme dans le même sens l'importance de la culture qui
" fait partie intégrante des efforts de développement du continent et
qu'il est indispensable de protéger et d'utiliser correctement le savoir
autochtone qui représente une dimension importante de la culture du
continent et d'en faire bénéficier toute l'humanité ". Et c'est parce que
la vision déterminant les priorités situe l'homme au centre du projet de
développement que le NEPAD implique dans sa mise en œuvre, que
tous les acteurs sociaux en contribuent à la mise en réalisation. Ainsi,
devraient se développer les partenariats créatifs entre les secteurs
public et privé. Cette nécessaire implication de tous les acteurs sociaux
pose ainsi l'urgence de l'appropriation du NEPAD non plus seulement
par les dirigeants mais aussi par les sociétés civiles africaines et les
principaux acteurs économiques que sont les chefs d'entreprises et les
syndicats des travailleurs.
b) De quelques questions fondamentales conditionnant le
succès du NEPAD
Si le NEPAD constitue un tournant positif dans l'évolution de la
réflexion économique en Afrique et si sa mise en œuvre ouvre des
perspectives nouvelles à notre Continent, la matérialisation de ces
perspectives dépendra des réponses qui seront apportées à un certain
nombre d'interrogations dont trois nous paraissent particulièrement
importantes, à savoir:
- la question du financement,
-la foi dans la mutation conceptuelle qui se serait opérée du côté
des organisations internationales de financement,
-l'appropriation effective du NEPAD par les populations et sa mise
en œuvre effective par les Africains eux-mêmes.
1) Le financement du NEPAD
L'enthousiasme que l'on peut avoir du NEPAD ne doit pas occulter
les interrogations liées à son financement. Le NEPAD, nous l'avons dit,
se veut particulièrement ambitieux pour la croissance et le
développement du continent. Cette ambition s'exprime à travers
l'objectif de réaliser un taux de croissance annuel de 7 %. Cette
ambition suppose une forte mobilisation de ressources que le NEPAD
évalue à 64 milliards de dollars. La question vient immédiatement de
savoir comment en assurer le financement.
Il est envisagé de mobiliser l'épargne interne et d'améliorer les
recettes fiscales, et dans cette perspective, un accent est mis sur le
renversement de la tendance à la fuite des capitaux. Mais pour
l'essentiel, le financement " devra être obtenu de l'extérieur du
Continent .. <p. 37). C'est précisément là qu'on peut s'interroger pour
147
Le NEPAD et lu tbéorie dit dél'eloppement
exprimer quelques inquiétudes quant à la capacité à assurer la mise en
œuvre du programme, car cette option ne marque pas de changement
significatif par rapport aux 40 ans d'après les indépendances, où toute
la stratégie de développement a été fondée sur le recours aux capitaux
extérieurs. Certes, ce recours repose pour une large part et à court et
moyen terme sur l'allégement de la charge de la dette, à travers les
mécanismes existants et à travers d'autres initiatives nouvelles. Mais il
n'y a là rien de particulièrement rassurant au regard des expériences
historiques. Le Forum sur l'Aide Publique au Développement (APD)
apparaît, de ce point de vue comme une nébuleuse peu rassurante
quant à la disponibilité effective des fonds pour financer les différentes
priorités retenues.
Un approfondissement de la réflexion sur la croissance et le
développement des ressources intérieures apparaît ici comme urgence,
quand on sait que la Plan de Lagos n'a pu justement être mis en œuvre
parce que l'hypothèse fondant son application était celle d'un afflux
massif de capitaux extérieurs. L'approfondissement s'impose d'autant
plu qu'il n'est pas évident, comme on semble l'admettre, que les
organisations financières internationales aient opéré une mutation
fondamentale dans leur perception des problèmes de l'Afrique et de
son devenir.
2) L'ambiguïté de l'appui des organisations financières internationales
Le document renvoie de manière régulière à la Banque Mondiale, au
FMI, à l'OMC, à côté du rôle central assigné à la Banque Africaine de
Développement. L'hypothèse est ainsi implicitement faite que la vision
du Continent qui sous-tend le NEPAD est convergente avec celle de ces
organisations. Certes la Banque Mondiale et le FMI ont assuré de leur
appui total la nouvel1e donne envisagée par le NEPAD. La Banque
Mondiale ne cesse depuis de souligner l'appui technique qu'elle est
disposée à accorder en même temps qu'elle se pose en facilitatrice du
dialogue avec les partenaires. Mais peut-on dire qu'au niveau de ces
organismes, il s'est produit un véritable aggiornamento leur permettant
de comprendre et d'admettre que c'est aux Africains eux-mêmes que
doit revenir l'initiative et la détermination de leurs choix de
développement?
Il est permis d'en douter lorsqu'on sait d'une part, que les vingt
dernières années ont été marquées par la prise en main totale des
économies africaines par les bailleurs de fonds en général, ces
organismes en particulier, et d'autre part que les grandes orientations
qui fondent le comportement de ces organismes sont définis à des
niveaux où les préoccupations de l'Afrique sont totalement absentes.
Or ces orientations obéissent à une logique à bien des égards
14!:J
Le NEPAD et la réflexion
Sil l'
le d(il'("oppemellf
antinomiques par rapport à celles qui fondent le NEPAD. Peut-on
s'attendre véritablement que la part de l'Afrique dans le commerce
mondial puisse substantiellement croître sur la seule base de la
négociation de conditions plus équitables dans le cadre des accords
multilatéraux de l'OMC, alors que précisément l'OMC postule le
démantèlement de tous les systèmes de préférence, ainsi qu'on l'a vu
avec la position prise au sujet de la banane?
Il Y a là une interrogation grave dont les réponses conditionnent le
succès du nouveau partenariat.
3° L'appropriation du NEPAD par les populations et sa mise en œuvre
par les Africains
Le NEPAD est au départ une initiative politique des Chefs d'États
Africains, s'appuyant pour sa mise en musique sur l'expertise africaine.
Mais il importe que les populations se l'approprient pour que sa mise
en œuvre par les Africains eux-mêmes soit assurée. Les Chefs d'États en
sont d'ailleurs conscients, qui invitent les peuples d'Afrique à reprendre
confiance en leur génie et à participer à l'édification de la nouvelle
Afrique. Cette appropriation implique que les débats sur le nouveau
partenariat s'élargissent aux différents secteurs d'activités et intéressent
l'ensemble des acteurs sociaux.
On peut dès lors s'interroger sur l'impression que les débats actuels
donnent de ne se limiter qu'à quelques cercles ou que la préoccupation
principale soit d'intéresser les partenaires extérieurs au Continent en
négligeant les acteurs internes. Il peut de ce point de vue paraître
surprenant par exemple que jusqu'à présent, les divers parlements
africains n'en aient pas fait l'objet de débats et de discussions avec les
gouvernements, ni que les représentations nationales s'en imprègnent
elles-mêmes, pour ensuite en disséminer le contenu auprès de leurs
mandants.
La mise en place des structures chargée d'en assurer la dissémination
et la réalisation est par ailleurs inégales suivant les pays, la plupart n'en
disposant d'ailleurs pas. De même, alors que le NEPAD fait de
l'intégration un des moyens essentiels de sa mise en œuvre, toutes les
organisations régionales et sous-régionales ne semblent pas en avoir
fait l'enjeu essentiel de leur agenda. On observe aussi une certaine
passivité du côté des institutions universitaires et centres de recherches,
alors même CJue leur réflexion devrait en faciliter l'appropriation,
l'intelligence et la détermination des axes de mise en œuvre. Il faut par
ailleurs s'assurer que le partenari:lt ne se traduira pas par une
confiscation du NEPAD par les organisations internationales ou par les
bailleurs de fonds qui en dénatureraient la vision en déterminant les
conditions de réalisation et d'exécution des projets, à partir des
conditionnalités accompagnant les financements.
149
Le NEPAD et III théorie du dél'efoppe1l1ent
Le problème de l'appropriation demeure donc une interrogation
fondamentale, dont il faut se saisir pour donner aux peuples africains
qu'il ne s'agit pas d'une initiative de plus extérieure à eux et qui
viendrait une fois de plus dépouiller le Continent de sa capacité à
décider de son destin.
150
TROISIÈME PARTIE
LE NEPAD,
INSTITUTIONS, GOUVERNANCE
ET FINANCEMENT
Le NEPAD et la bonne gouvernance
Première radiographie,
premiers enseignements
par
Pro Fouda Séraphin Mag/oire
CEREG!FSEG - Unil'ersité ue l'aol/nué Il - Cam(!rOl/n
INTRODUCTION
Le NEPAD place au cœur de sa problématique la bonne
gouvernance comme facteur de développement et de succès de son
programme d'actions. En particulier, dans le cadre de • l'initiative pour
la démocratie et la bonne gouvernance ", les dirigeants africains
reconnaissent que" le développement ne peut se réaliser en l'absence
d'une démocratie véritable, du respect des droits de l'homme, de la
paix et de la bonne gouvernance ... (ils prennent en conséquence)
l'engagement de respecter les normes mondiales en matière de
démocratie, dont les principales composantes sont le pluralisme
politique, l'existence de plusieurs partis politiques et de plusieurs
syndicats, l'organisation périodique d'élections démocratiques libres,
justes et transparentes afin de permettre aux populations de choisir
librement leurs dirigeants ".
L'objectif de. l'initiative pour la démocratie et la bonne gouvernance ",
de l'avis des promoteurs du NEPAD, est ainsi de contribuer à • renforcer
le cadre politique et administratif des pays participants, en accord avec
les principes de démocratie, de transparence, de responsabilité,
d'intégrité, de respect des droits de l'homme et de primauté du droit.
Elle est renforcée par l'initiative pour la gouvernance économique
qu'elle soutient et avec laquelle elle partage des caractéristiques clés.
Ensemble, elles doivent contribuer à utiliser l'énergie du continent pour
progresser sur la voie du développement et de l'éradication de la
pauvreté ".
Dans cette contribution, je m'intéresse aux liens entre la bonne
gouvernance et le développement. Je voudrais, tout d'abord, proposer
ici ma définition de la bonne gouvernance. Je dirais que la bonne
gouvernance se réfère à un ensemble de règles de gouvernement justes
et équitables qui, premièrement, permettent au plus grand nombre
153
Le NEPAD, il/stitlltiol/s, f!,(!llI'enwl/ce et.!immcemellf
l'accès aux richesses et à la gestion des affaires publiques, et qui,
deuxièmement, contribuent à l'efficacité des politiques économiques et
des entreprises et à l'épanouissement du monde des affaires 1. Dans
cette acception, ma définition englobe aussi bien la gouvernance
politique, que la gouvernance économique et la gouvernance des
entreprises. La bonne gouvernance suppose ainsi, non seulement
l'absence de corruption et la mise en place de politiques macroéconomiques saines, mais aussi le respect des droits de l'homme et des droits
de propriété.
Je voudrais aussi, en guise de remarque liminaire et pour formuler
ma problématique, évoquer brièvement l'accueil réservé par les
populations africaines au NEPAD. Je voudrais, à cet égard, rappeler que
le NEPAD a suscité au cours de ces derniers mois deux réactions
contrastées auprès de l'opinion publique africaine: le scepticisme,
d'une part, et l'enthousiasme, d'autre part.
De manière générale, le scepticisme est venu de ce que les opinions
publiques considèrent le NEPAD comme une n-ième initiative des
dirigeants africains succédant à d'autres initiatives, comme le Plan
d'action de Lagos de 1980 ou le Traité d'Abuja de 1991, qui ne sont
restées que des calendriers de bonnes intentions et dont les recommandations sont restées, la plupart du temps, lettre morte. Comme ces
initiatives précédentes, le NEPAD n'aurait, de l'avis des sceptiques, que
très peu de chances de succès. Ce scepticisme est accentué par le fait
qu'il intervient dans un environnement international caractérisé par un
appel, par les leaders africains, à l'accroissement de l'aide internationale
et à une implication plus importante du secteur privé international dans
les économies, alors même que l'aide internationale en direction de
l'Afrique ne cesse de s'amenuiser et que le secteur privé international
semble davantage tourné vers d'autres régions du monde, et en particulier, vers l'Asie. A titre d'exemple, l'aide internationale par habitant
en Afrique subsaharienne est passée de 33 dollars en 1991 à 20 dollars
en 1999 (Banque Mondiale, 1999, 2002). En termes d'investissements
directs étrangers, l'Afrique au Sud du Sahara a reçu 7949 millions de
dollars US en 1999 alors que l'Asie de l'Est et la région Pacifique ont
reçu 56041 millions de dollars au cours de la même année, soit six fois
plus que l'Afrique Subsaharienne (Banque Mondiale, 2002).
L'enthousiasme suscité par le NEPAD est venu, pour sa part, de ce
que le NEPAD se présente comme la reconnaissance par les dirigeants
1. Sur les 101 dirigeants qui ont perdu le pouvoir à la suite d'un coup d'État,
les deux tiers environ ont été assassinés, emprisonnés ou contraints à l'exil. Plus
précisément vingt-sept ont péri de mort violente, trente-sept ont été arrêtés, jetés
en prison ou assignés à résidence, vingt-neuf ont été contraints à l'exil, tout au
moins temporairement. Sur cette question, voir Banque Africaine de Développement
(2001).
154
Le NEPAD et lu honne MOlll'en/{/nce
africains eux-mêmes d'erreurs et d'errements passés dans la gestion de
leurs États, dont la gravité requiert un ajustement rapide dans un
monde en mutations. Comme le souligne le document de présentation
de cette initiative, "Le NEPAD reconnaît que, dans le passé, des
tentatives visant à formuler des programmes de développement au
niveau des programmes de développement au niveau du continent ont
été faites. Pour des raisons, à la fois internes et externes, y compris un
leadership et un degré de participation douteux des Africains euxmêmes, ces programmes n'ont pas été couronnés de succès ". Aujourd'hui,
340 millions de personnes, soit près de la moitié de la population du
continent, vivent avec moins d'un dollar US par jour. Le taux de
mortalité des enfants de moins de cinq ans est de 140 pour 1000.
L'espérance de vie à la naissance est de 54 ans seulement. 58 % de la
population a accès à l'eau potable. Le taux d'alphabétisation des
personnes de plus de 15 ans est de 41 % ...
Ces faits appellent à une attention accrue, dans la mesure où ils sont
un facteur réel d'instabilité sodo-politique et, surtout, un facteur
susceptible de menacer le maintien au pouvoir de nombreux dirigeants.
Comme le rappelle opportunément la Banque Africaine de Développement (2001), sur les 180 passations de pouvoir qu'a connue l'Afrique
depuis les indépendances, 101 dirigeants ont quitté le pouvoir à la suite
d'un coup d'État ou d'un événement extra-constitutionnel similaire 2 . En
particulier, les années 1990-1999 n'ont pas conduit à un affaiblissement
de cette tendance qui paraît avoir la même force que dans les années
1980-1989. En effet, le nombre de renversements de Chefs d'État est
resté identique et égal à 22 pour les deux périodes.
Je voudrais dire, pour ma part, que, face au parti du scepticisme, et
ne serait-ce que par le fait que le NEPAD est, dans une certaine mesure,
une reconnaissance des erreurs passées (inédite dans l'histoire du
continent), j'ai définitivement choisi le parti de l'enthousiasme. Aussi,
dans cette contribution, je me propose de montrer, d'une part, que le
NEPAD est une initiative ambitieuse qui représente le triomphe des
règles de gouvernement internalisées sur les règles de gouvernement
imposées (I). Je me réfère ici, pour ces dernières notamment, à la
conditionnalité. Je me propose, d'autre part, de définir les conditions
de succès du NEPAD dans son volet du rôle de la bonne gouvernance
dans la promotion d'un développement durable OI). Je montrerai, à cet
égard, que le NEPAD est une initiative actuellement contrariée par la
corruption et la faiblesse de l'engagement démocratique.
2. Ceci explique dans une large mesure les rét1exions actuellement en cours sur
la réforme cle la conditionna lité. Sur une première ébauche, voir Collier et Alii
(997). En particulier, ces auteurs plaident pour le passage cl'une • conditionnalité
cl'instolments " à une" conclitionnalité de performance ". Voir aussi sur cette question,
Guillaumont et Chauvet (2001).
155
Le NEPAD, institutiolls, U0111'elïllmce et jlllU11cemellt
1.
LE NEI'AD : lINE INITIATIVE AMBITIElISE
Le NEPAD est une initiative ambitieuse qui peut être présentée
comme le triomphe des règles de gouvernement internalisées sur les
règles de gouvernement imposées.
A. Le NEPAD ou le constat d'échec des règles de gouvernement
imposées
Le début des années 1990 a été marqué par l'adoption par de
nombreux pays africains des plans d'ajustement structurel. Ceux-ci ont
été mis en place à la suite de récessions et de graves dysfonctionnements des systèmes économiques et politiques dans ces pays.
L'appui des bailleurs de fonds aux programmes d'ajustement s'est
accompagné de la formulation de conditionnalités destinées à
améliorer l'efficacité des mesures de réformes économiques et
politiques. De manière générale, les conditionnalités sont apparues
comme un ensemble de règles de gouvernement imposées par les
bailleurs de fonds bilatéraux et surtout multilatéraux parmi lesquels le
FMI et la Banque Mondiale se présentaient comme les acteurs les plus
virulents, pour contraindre les décideurs concernés à mettre en place
des réformes radicales dans leur gestion quotidienne.
Les conditionnalités définies par les bailleurs de fonds ont ainsi
généralement comporté à la fois des aspects d'ordre économique et des
aspects d'ordre politique. Les aspects d'ordre économique se référaient
essentiellement à la subordination de l'octroi de financements
extérieurs au respect par le gouvernement d'un pays donné de la
réalisation des objectifs d'une certaine politique économique. Les
aspects d'ordre politique, pour leur part, se rapportaient à la
subordination de l'attribution de financements extérieurs, soit au
respect du déroulement" normal" du processus démocratique, soit au
respect des droits de l'homme.
La logique de la définition et de la mise en œuvre de la conditionnalité est bien résumée par Collier et Alii (997). D'après ces auteurs,
on peut dire que, pour les bailleurs de fonds, la conditionnalité a servi,
premièrement, d'incitation ou de moyen d'encouragement aux
dirigeants pour modifier les politiques macroéconomiques jusque-là
mises en œuvre. Deuxièmement, elle a constitué un critère (de
sélection) pour choisir les gouvernements auxquels devait être
accordée l'aide à la réforme. Troisièmement, elle a été utilisée pour
limiter ou éviter la fongibilité de l'aide reçue Le., que celle-ci soit
utilisée à d'autres fins que celles à laquelle elle est destinée.
156
Le NEPAD et la honne ,golll'ernul1ce
Quatrièmement, la conditionnalité a été utilisée comme une menace
crédible pour forcer les gouvernements à ne pas abandonner la voie
des réformes. Cinquièmement, enfin, elle a servi de signal avertisseur,
en vue de la réduction des coûts d'acquisition de l'information sur les
gouvernants, par le secteur privé. Ces cinq motivations sont aujourd'hui
généralement résumées sous les concepts génériques d'" incitation" de
" sélectivité ", de " paternalisme ", de " restriction" et de "signalisation ".
Un bref bilan de la conditionnalité permet aujourd'hui de dire,
malgré les critiques, que quelques résultats positifs ont été atteints. En
effet, de nombreux pays africains ont évolué vers la démocratie, même
si les processus électoraux s'accompagnent encore de formes de
contestations diverses des résultats. Ainsi, depuis le début des années
1990, 42 pays ont organisé des élections présidentielles ou parlementaires multipartites. De même, de nombreuses économies africaines
ont retrouvé, malgré quelques vicissitudes, le chemin de la croissance
économique. En 2000, 30 pays sur les 53 qui composent le continent
affichent un taux de croissance supérieur à 0,5 %. A la fin des années
1980, seule une quinzaine de pays, à peine, exhibaient un taux de
croissance positif.
Comme on le sait aujourd'hui, la conditionnalité a été marquée par
de nombreuses faiblesses. On peut citer parmi celles-ci, sa définition
tatillonne, son absence d'internalisation par les principaux utilisateurs,
son paternalisme... D'un autre côté, la conditionnalité ne s'est pas
seulement accompagnée d'un accroissement des exigences des
bailleurs de fonds, mais également d'une confusion dans les rôles entre
ceux-ci. On peut sans conteste imputer l'échec ou la lenteur des
réformes et la résistance des dirigeants aux réformes préconisées au
cours de la décennie 1980-1990 à ces différentes faiblesses de la
conditionnalité.:l. Enfin, les conditionnalités n'ont pas enrayé de manière
significative l'accroissement de la pauvreté dans la plupart des pays
africains. Ceci montre que, de manière générale, les règles de gouvernement non endogènes ne peuvent promouvoir le développement. Sur
les 162 pays considérés par le PNUD (2001) dans son classement
mondial des pays en fonction de l'indice de développement humain,
aucun pays africain n'apparaît dans le groupe des pays à "développement humain élevé ". On compte, par contre, dans ce groupe, quatre
pays d'Amérique Latine (Argentine, Uruguay, Chili, Costa Rica). Le pays
africain le mieux classé (i.e., la Libye) apparaît à la cinquante-neuvième
place. L'Afrique du Sud, qui dispose cie l'économie la plus puissante du
continent, occupe une modeste quatre-vingt-quartozième place.
3. Ceci explique dans une large mesure les rétlexions actuellement en cours sur
la réforme de la conditionnalité. Sur une première ébauche, voir Collier et Alii
(997). En particulier, ces auteurs plaident pour le passage d'une" conditionnalité
d'instruments" à une "conditionnalité de performance ". Voir aussi sur cette
question, Guillaumont et Chauvet (2001).
157
Le I\iEPAD, institutiolls. ~01/1'en1Ullœetjillullœmellt
Le NEPAD traduit la volonté d'une appropriation des règles de
gouvernement justes et équitables par les gouvernants et les
populations locales, en vue d'un développement durable.
B. Le NEPAD ou le triomphe des règles de gouvernement
internalisées
Avant de m'intéresser à ce en quoi le NEPAD constitue le triomphe
des règles de gouvernement internalisées, je voudrais remarquer que le
NEPAD tranche avec le Plan de Lagos de 1980 et le Traité d'Abuja de
1991 sur au moins deux points. Tout d'abord, il constitue essentiellement une initiative des hommes politiques, et non des technocrates.
Ensuite, il définit les conditions de succès d'un partenariat entre
l'Afrique et le reste du monde dans une perspective nouvelle de long
terme.
L'une des faiblesses du Plan de Lagos et du Traité d'Abuja est qu'ils
sont apparus comme des projets élaborés par les technocrates. Il en a
résulté, comme pour la conditionnalité, une insuffisante appropriation
par les hommes politiques et les populations locales de l'essence de ces
projets. La théorie économique, à travers l'étude des délais de la
politique économique, a contribué à montrer le rôle majeur joué par
l'homme politique dans la mise en oeuvre et le succès de la politique
économique. En effet, l'homme politique détermine le choix du
moment de l'intervention, mais aussi souvent le mode d'intervention
sur la base de choix alternatifs. Avec le NEPAD, les hommes politiques
africains semblent avoir choisi de prendre eux mêmes le leadership
dans la vision stratégique du développement de l'Afrique pour le
troisième millénaire. Le NEPAD est, en effet, comme le résume l'un de
ses initiateurs, Olusegun Obasanjo, .. un plan conçu par l'Afrique à
l'intention du peuple africain ". Plus précisément, il est le fruit de la
fusion préconisée, lors du Sommet des Chefs d'État de l'OUA de Lusaka
de juillet 2001, entre le Partenariat du millénaire pour la relance de
l'Afrique (Millenium Africa Renaissance Program) élaboré par les
Présidents Thabor Mbeki (Afrique du Sud), Olusegun Obasanjo
(Nigeria) et Abdelaziz Bouteflika (Algérie) et le Plan Oméga de
Abdoulaye Wade (Sénégal).
En ce qui concerne le partenariat avec le reste du monde, le NEPAD
apparaît comme un glissement de l'appel aux initiatives publiques en
général, qui a dominé la politique africaine de coopération internationale, vers un appel aux initiatives privées, comme en témoigne
l'organisation récente à Dakar d'un Forum sur la question. Bien que
cela traduise une évolution qui est dans l'air du temps, on ne peut
manquer de constater que ce glissement apparaît également comme
une absolue nécessité. La dette publique des États africains représente
en moyenne de 40 % à 60 % de leur dette totale. Le service de la dette
158
Le NEPAD et la h01l1le p,OIlI'erllallce
pour l'ensemble des pays reste élevé. Il équivaut en moyenne à 5,1 %
du PIE et à 16,5% des exportations de biens et services, avec des
pointes de 14 et 46 OfrJ pour certains pays comme la Zambie CPNUD,
2001). L'Afrique subsaharienne ne génère que 2 % des exportations
mondiales.
Dans les faits, l'internalisation des règles de bonne gouvernance est
consacrée par le document du NEPAD qui définit les modalités d'exécution et de mise en œuvre des résolutions prises. plus précisément le
NEPAD prévoit" une série d'engagements par les pays participants à
instituer ou consolider les pratiques et les processus fondamentaux de
bonne gouvernance; la promesse faite par les pays participants de
jouer un rôle déterminant en soutien aux initiatives qui encouragent
une bonne gouvernance; l'institutionnalisation des engagements par
les dirigeants du NEPAD pour assurer que les valeurs fondamentales de
l'initiative soient respectées. Les États membres du NEPAD vont aussi
prendre plusieurs engagements pour satisfaire aux normes fondamentales de bonne gouvernance et de conduite démocratique tout en
s'aidant les uns les autres C.. ') Les pays participants joueront un rôle
déterminant en appuyant et en mettant sur pied des institutions et des
initiatives qui protègent ces engagements c. ..) Le forum des Chefs
d'État du NEPAD servira de mécanisme grâce auquel les dirigeants du
NEPAD pourront suivre et évaluer les progrès réalisés
Si le NEPAD est une initiative ambitieuse, mais aussi, je ne l'ai peut
être pas assez souligné, louable, il reste cependant une initiative
largement contrariée par la persistance de la corruption et la faiblesse
de l'engagement démocratique.
c...). ".
II.
LE NEI'AD : lINE INITIATIVI' CONTIlAIlII'E l'Ail LA COlllllll'TION ET LA FAIBLESSE
IW L'EN(;M;EMENT D(~MOCIlATI<J[lE
La question à laquelle je voudrais m'efforcer de répondre dans cette
deuxième partie de mon intervention est la suivante: à quelles conditions
le NEPAD, à travers la bonne gouvernance, peut-il promouvoir le
développement africain? La réponse à cette question suppose d'abord
que je fasse un point rapide sur les liens entre la bonne gouvernance
et le développement, en général, et, de manière plus spécifique, sur ces
liens en Afrique.
A. Bonne gouvernance et développement: des liens complexes
Au cours de ces dernières années, on a assisté à une multiplication
des travaux mettant l'accent sur la relation entre la bonne gouvernance
159
Le NEPAD, illStifUfiol1s, ~01II'erllClllce etfil/{illcemeUf
et le développement, La Banque Mondiale (2002) et la Banque Africaine
de Développement (2001) ont, par exemple, consacré leur rapport
annuel sur le développement à cette question 1 , Ces deux rapports ont
été précédés, au cours des années antérieures, par un foisonnement de
travaux sur cette question qui ont établi, de manière générale, que les
facteurs institutionnels comptent dans le processus d'élaboration et de
mise en œuvre des politiques économiques, mais aussi dans le succès
ou l'échec de ceux-ci 5 ,
Pour faire le point sur les liens entre la bonne gouvernance, je vais
me limiter ici à l'étude des relations entre la démocratie et le
développement, d'une part, et des liens entre la corruption et le
développement, d'autre part, Pour examiner ces deux relations, je pars
des données de quarante-et-un pays en développement et en transition
relatives à la corruption, à la démocratie, et au développement humain
pour l'année 1999,
La corruption est saisie à l'aide de l'indice de perception de la
corruption calculé par Transparency International<1. La démocratie est
saisie à l'aide de l'indice des libertés politiques proposé par la Freedom
House 7 , Le développement humain est évalué à l'aide de l'indice de
développement humain (IDH) élaboré par le Programme des NationsUnies pour le Développement. La discussion des problèmes méthodologiques liés aux différents indicateurs utilisés est volontairement
laissée de côté,
De manière générale, on s'attend à ce que: 10 la relation entre la
démocratie et le développement humain soit positive, indiquant que la
démocratie contribue au développement durable ; 20 la relation entre
la corruption et le développement humain soit négative, traduisant
l'idée que la corruption est un facteur de blocage du développement
durable.
4. De manière générale, les travaux ont été stimulés par le développement
prodigieux de la théorie des choix publics ou collectifs depuis la fin des années
1950 dont l'influence a été consacrée dans la deuxième moitié des années 1980 par
l'attribution d'un Prix Nobel d'Économie à l'un de ses chefs de file, James
Buchanan.
.
5. Sur un point rapide sur les conclusions des différents travaux sur la question,
voir Prezworski et Limongi (993) de Haans et Siermann (995).
6. L'indice de perception de la corruption mesure la corntption telle qu'elle est
perçue par les hommes d'affaires, les spécialistes de l'analyse du risque et le grand
public Il est compris entre 0 (qui correspond à une corntption extrême) et 10 (qui
correspond à une grande probité). Les données fournies peuvent être consultées
sur la page web de Transparency International (http://www.gwdg.de/uwww/2000Data.htm\).
7. L'indice des libertés politiques est compris entre 1 (qui correspond à une
existence de libertés politiques importantes) et 6 (qui correspond à l'absence de
libertés politiques), Les donnes relatives à cet indicateur peuvent être consultées sur
la page web de Freedom House (http://ww.freedomhouse.org/ratings/index.htnù
160
Le NEPAD et la hO/l11e gOlfl'erml1lce
Les résultats sont donnés par les deux graphiques ci-dessous. Il
apparaît ainsi que ces graphiques confirment l'idée que la corruption
est un frein le développement humain, d'une part, (étant entendu qu'un
indice de perception de la corruption inférieur à 5 traduit un niveau de
corruption élevé). En effet, les pays les plus corrompus affichent, de
manière générale, un IDH relativement plus faible que les autres pays.
Graphiques 1 et 2. (source: auteur)
r-
Corruption et développement humain
i
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Indice de corruption
Libertés politiques et développement humain
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0
0
2
4
Libertés politiques
6
8
Ils confirment, d'autre part, que les libertés politiques sont un
aiguillon du développement durable. Il faut dire que ces graphiques
confirment enfin les conclusions des travaux économétriques qui
761
Le NEPAD, institlltions, ~OIlI'erI1Ul/ce etjllUlllcelllellt
établissent, de manière générale, l'imprécision de la relation entre la
démocratie et le développement H.
La théorie économique soutient, pourtant, que le processus démocratique, l'existence de libertés civiles génèrent des conditions
susceptibles de conduire au développement. En particulier, les
institutions démocratiques libèrent les capacités d'innovation des agents
économiques et limitent les "comportements cleptocratiques" des
gouvernants i.e., la possibilité pour les dirigeants des pays d'amasser
des fortunes personnelles colossales et de mettre en œuvre des
politiques impopulaires.
La théorie économique montre également que la corruption paralyse
le développement à travers différents canaux9. Elle détourne les
ressources des secteurs auxquels elles étaient destinées et fausse la
politique publique, Elle met à mal le principe de primauté du droit et
sape les fondements des institutions nationales dont dépend le développement. En outre, la corruption accentue les inégalités économiques et
sociales et amoindrit la crédibilité du gouvernement et des institutions
publiques. De même, elle entame la confiance des investisseurs privés
étrangers et décourage l'investissement direct étranger 10, Elle attire au
contraire les investisseurs qui espèrent réaliser des gains rapides en
montant des opérations hasardeuses, De ce fait, les capitaux qui
devraient être mis à profit pour stimuler la croissance ont d'autres
destinations, au détriment du développement économique. Enfin, le
coût de la corruption oblige les petites entreprises à se réfugier dans
l'économie parallèle, réduisant ainsi les recettes fiscales de l'État et ses
chances d'équilibrer son budget.
Je voudrais maintenant me tourner plus particulièrement vers la
question relative aux conditions (ou aux chances) de succès du NEPAD
aujourd'hui.
8. Près d'une vingtaine de travaux empiriques ont été consacrés à l'étude de
la relation entre la démocratie et la croissance économique depuis le début des
années 1970. Au total, deux études concluent à J'existence d'une relation négative
entre la démocratie et la croissance; trois concluent à l'existence d'une relation
positive; dix ne détectent aucun lien significatif entre la démocratie et la
croissance; cinq concluent à l'existence d'une relation conditionnelle. Sur une
discussion de ces résultats et des problèmes méthodologiques sous-jacents, voir
Prezworski et Limongi (993) ou encore De Haans et Siermann (995).
9. Sur cette question, voir aussi Bardhan (997) et Tanzi (998).
10. En particulier, Wei (2000) montre qu'un accroissement de la corruption
comparable à la différence entre Singapour (qui a un indice de perception de la
corruption relativement faible et le Mexique (qui a un indice de perception de la
corruption relativement élevé) aurait le même impact négatif sur l'investissement
direct qu'un accroissement de 50 % des taux d'imposition marginale sur les revenus
de l'investissement.
162
Le NEPAD el la han ne .qolll'ernUilce
B. Crise de gouvernance et développement africain: entre
guérison et rémission
Une observation attentive des faits révèle que la corruption n'a pas
reculé en Afrique en 2000. Un examen de l'échantillon des 90 pays
examinés par Transparency International en 2000, révèle que dans le
groupe des 46 pays considérés comme étant parmi les plus corrompus,
se retrouvent 18 pays africains contre 9 pays d'Amérique Latine. Le
Nigeria avec un score de 1,2 apparaît comme le plus corrompu des
90 pays qui constituent l'échantillon. Quatre pays se situent cependant
dans la moitié supérieure de l'échelle de probité relative. Il s'agit du
Botswana, de la Namibie, de la Tunisie et de l'Afrique du Sud. Les
vingt-deux pays africains couverts par Transparency International
obtiennent une moyenne de 3,4 points, contre 3,9 pour l'Amérique
Latine et 4,5 pour l'Asie 11 .
De même, les faits révèlent que l'approfondissement des processus
démocratiques a été relativement timide sur le continent depuis la fin
des années 1980. On peut certes constater, avec satisfaction, que la
probabilité pour un chef d'État d'être renversé a diminué environ de
moitié depuis les premiers temps de l'indépendance. Le taux de coups
d'État est passé de 0,087 par pays-année dans les années 1960 à 0,046
par pays-année dans les années 1990. De même, on peut souligner,
toujours avec satisfaction, que depuis le début des années 1990,42 pays
ont organisé des élections présidentielles ou parlementaires multipartites,
et que, entre 1998 et 1999, 68 % de la population d'Afrique subsaharienne vivent dans des conditions de " liberté partiellti, alors que dans
les années 1980, 88 % de la population vivaient dans des conditions de
" non-liberté .. (Banque Africaine de Développement, 2001).
Cependant, l'engagement démocratique est resté relativement faible
sur l'ensemble du continent. Depuis 1982, en effet, 13 chefs d'État en
exercice (je puis dire seulement) ont été écartés du pouvoir par la voie
d'élections. Ceci représente environ un sixième des changements de
dirigeants intervenus sur le continent depuis cette date. Si l'on considère
la période 1990-1999, on notera que sur les 63 changements de pouvoir
intervenus au cours de cette période, 12 seulement ont fait appel à la
voie démocratique. Le nombre de coups d'État est encore resté
relativement plus élevé que le recours à la voie d'élections libres et
pluralistes. Enfin, l'alternance ou la durée de maintien au pouvoir
confirme définitivement ce faible engagement démocratique. En effet,
quatorze des chefs d'État actuels sont au pouvoir depuis dix à vingt ans,
et neuf depuis plus de vingt ans.
Il. Les données fournies peuvent être consultées sur la page web de
Transparency International Chttp://www.gwdg.de/-uwww/2000Data.html).
163
Le NEPAD, institlltions, Moul'erllance rt filial/cement
11 apparaît dès lors que le succès du NEPAD dépend de l'inversion
des ces tendances. La corruption doit reculer. L'engagement démocratique doit augmenter. Les conditions de succès de cette double
inversion des tendances peuvent être ici rapidement esquissées.
Je voudrais tout d'abord remarquer que les causes de la faiblesse de
l'engagement démocratique dans les pays africains tiennent essentiellement de la volonté manifeste de nombreux dirigeants à rester aux
affaires le plus longtemps possible. L'un des facteurs qui détermine
cette volonté est le degré généralement élevé de corruption des
régimes politiques en place. Aussi, faut-il traiter, dans une certaine
mesure, le problème général de la gouvernance et du développement
en relation étroite avec la lutte contre la corruption. Je dois dire qu'il
est cependant assez difficile d'établir une relation claire et nette entre
la gouvernance et la corruption comme le montre le graphique 3 cidessous, bien que l'on puisse suspecter (comme le montre la droite de
tendance) une relation négative. Ceci vient, en effet, de ce que la
corruption touche des pays aux régimes politiques divers allant des
dictatures aux démocraties établies.
Graphique 3. (source: auteur)
r'·--····_-
i
Libertés politiques et corruption
1
7.,---..............- - - - - - - - - - - - - _ - . .
g6
• •
st
•
•••
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•
•
•••
~ 4
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....
"" 2
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.::
0+-----1-----1----+-----4-----1
o
2
4
6
8
10
Indice de corruption
Les causes de la corruption sont relativement bien connues et bien
documentées. Dans le rapport sur le développement dans le monde
publié en 2002, la Banque Mondiale examine quelques facteurs qui sont
à l'origine de la corruption. Elle identifie ainsi, entre autres, l'absence de
participation du plus grand nombre à l'exercice du pouvoir, l'absence
d'efficacité du système judiciaire, le nombre élevé de procédures écrites,
la complexité des réglementations ou encore le sentiment d'injustice
dans l'accès aux ressources (e.g., faibles rémunérations du facteur
travail) comme étant des déterminants majeurs de la corruption.
164
Le NEPAD et la h01111e ~Oll/'erna11ce
En particulier, il s'en dégage (comme l'indiquent les graphiques 4 à
6 ci-dessous) 1° gue la complexité des réglementations réduit
j'efficacité du système judiciaire; 2° gue le nombre élevé des procédures écrites réduit l'accès à la justice; et 3° gue l'absence d'indépendance de la justice freine la mise en place des droits de propriété.
Graphiques 4, 5 et 6 (source: Banque Mondiale, 2002).
Complexité des procédures et efncaclté de la Justice
0,26-0,5
0-0,25
0,51-0,75
0,76-1
Complexité des procMures
,._--------Procédures écrites ct accès à la justice
Procédures écrites (% dcs actions en Justice)
Indépendance de la justice ct droits de propriété
0-0,2
0,210,40
0,410,6
0.61-
0,81-
0,8
1
Indépendance du système judiciaire
Le NEPAD, institutions, MOIII'e/ïUII1CU et j/lUmee/llellt
Ces éléments tracent les voies de succès du NEPAD. En particulier,
il apparaît que le succès des programmes de bonne gouvernance
doivent s'accompagner d'une réduction de la complexité des réglementations, ainsi que du nombre de procédures écrites. Il apparaît
également qu'i! faut renforcer l'efficacité et l'indépendance du système
judiciaire. Ceci justifie sans doute que parmi les réformes institutionnelles envisagées dans le cadre du NEPAD on retrouve, par exemple,
la réforme de la fonction publique et de l'administration, le renforcement du contrôle parlementaire, la promotion de la démocratie
directe et participative, la lutte contre la corruption et les
détournements de fonds ainsi que la réforme des systèmes judiciaires.
CONCLUSION
Dans cette contribution, je me suis attelé à présenter le NEPAD de
manière attrayante, en montrant qu'il constitue le triomphe des règles
de gouvernement internalisées sur les règles de gouvernement
imposées. J'ai aussi tenté de tracer les conditions de succès du NEPAD,
qui peuvent ici se résumer à la lutte sans merci, ni concession contre
la corruption. Celle-ci apparaît comme le meilleur moyen de conforter
la démocratie, d'attirer les investisseurs étrangers et de fixer les
investisseurs locaux. Elle apparaît également comme le meilleur canal
de réduction de la pauvreté, dans la mesure où elle fixe efficacement
les ressources locales.
Ce programme attrayant pose le problème du financement de
l'ensemble des mesures relatives à la lutte contre la corruption, dans un
contexte de resserrement des budgets nationaux et de raréfaction de
l'aide internationale. Je ne voudrais pas finir sur une note pessimiste,
après avoir démarré mon propos sur une note d'enthousiasme. Aussi je
dirais tout simplement, pour conclure qu'étant donné la justesse du
diagnostic effectué par les dirigeants en place, je ne doute pas un seul
instant qu'ils lui trouvent et lui appliquent une juste médication.
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167
Le NEPAD
et le projet d'une banque centrale africaine
par
Abdoulaye Diagne
Directellr UII CREA,
Dt/kar - Sé11éRal
INTRODUCTION:
La création à Lomé en 2000 de l'Union économique africaine et
l'élaboration du NEPAD rentrent dans la même logique que l'idée de la
mise en place d'une Banque centrale africaine (BCA) et d'une monnaie
unique à l'échelle continentale. Il s'agit de la nécessité d'intégrer aux
plans économique et monétaire les pays africains si l'on veut mettre
rapidement un terme à la marginalisation du continent et à l'extension
de la pauvreté.
Le projet de création d'une BCA soulève cependant une série de
questions auxquelles il conviendra de donner des réponses appropriées
pour parvenir à sa réalisation. L'appartenance à une union monétaire
comporte des coùts et des avantages économiques. Il faut donc se
demander si ses bénéfices sont supérieurs à ses coùts. La réponse à
donner à cette interrogation dépend d'abord de la taille de l'union
envisagée. C'est pourquoi on doit décider s'il faut créer une union
monétaire pour chacune des cinq sous-régions de l'Afrique, ou pour
tout le continent? En d'autres termes, quels devraient être les contours
de l'espace d'intégration monétaire? Étant donné que la décision est
déjà prise de créer l'Union économique africaine, la question de la zone
monétaire optimale paraît avoir déjà trouvé une réponse : c'est à
l'échelle de tout le continent qu'il faut l'envisager. Les bénéfices nets
tirés de l'appartenance à une union dépendent ensuite de la forme
- union incomplète ou intégrale? - qu'elle va revêtir. On s'intéressera
à une union monétaire complète, c'est-à-dire à un système au sein
duquel les pays africains ont supprimé leur monnaie nationale pour la
remplacer par une unité monétaire commune à tous ses membres. Dans
une telle union, la Banque centrale nationale n'existe plus ou n'a plus
un pouvoir réel.
169
Le NEPAD. institutions, J!0lll'eIïU/1/C(' et/in(/1/celllent
C'est sur la base de ces deux choix fondamentaux - intégration
monétaire à l'échelle continentale, une monnaie unique - que sera
analysé le projet de création d'une Banque centrale africaine (BCA).
Nous montrerons dans les sections 1 et 2 que les coüts, bien qu'ils
existent, sont souvent surestimés alors que les bénéfices sont très
importants. Nous en conclurons que l'intégration monétaire complète
sera un facteur de progrès économique à terme pour tous les pays du
continent. Ceci nous amènera à proposer dans la section 3 un modèle
de la future BCA avant d'indiquer dans la section 4 les jalons à poser
pour arriver à sa mise en place.
I.
LES OBSTACLES À LA CH(,ATION D'lINI-: BANQlIE CENTRALE AFHICAINE
1. Les coûts économiques
L'abandon de sa monnaie entraîne pour un pays le renoncement à
un instrument de sa politique économique, à savoir la conduite d'une
politique monétaire nationale indépendante. En d'autres termes, il n'a
plus un pouvoir d'émission et ne détermine donc plus la quantité de
monnaie en circulation, ni ne peut modifier son taux de change
(dévaluer ou surévaluer). Les coüts d'une union monétaire découlent
de ce renoncement. En effet, dans beaucoup de circonstances, ces
politiques monétaires nationales autonomes sont utiles pour un pays:
dévaluation du taux de change pour retrouver une compétitivité sur les
marchés intérieurs et extérieurs, engranger plus de recettes fiscales
tirées des importations de biens et services, corriger le déficit de la
balance commerciale, recours à l'émission de monnaie pour faire
face à des dépenses jugées incompressibles. L'abandon de ces
avantages constitue les coûts d'entrée dans une union monétaire. Il faut
y ajouter la nécessité de mener une politique monétaire et
budgétaire de rigueur si l'on n'est loin de remplir les critères de
convergence conditionnant l'adhésion à l'union (voir section 4). Les
coûts liés à celle-ci sont donc d'ordre macro-éconofllique.
Beaucoup de raisons amènent à penser cependant que ces coüts
sont surestimés. Si l'on a sa propre monnaie et qu'on a tendance à être
plus inflationniste que les pays à monnaies convertibles, le seul résultat
possible est que l'utilisation de la monnaie nationale dans le pays se
restreint progressivement au profit d'autres monnaies inspirant plus de
confiance. Le contrôle des changes ou l'interdiction d'utilisation des
devises étrangères dans les transactions nationales ne modifient pas la
tendance fondamentale qu'est la fuite devant la monnaie nationale, qui
ne remplit pas toutes ses fonctions. C'est là une situation fort bien
connue sur le continent africain, qui explique le développement des
170
Le NEPAD et le pn)jet d'ltlle hal1iJlle cel1trale aji"icaille
marchés parallèles de devises dans nombre de pays et la recherche
effrénée de devises étrangères, Sur le territoire national, la monnaie du
pays n'est plus seule à circuler, on recourt à d'autres monnaies ce qui
contribue à une désintégration des structures de production, de distribution et de collecte d'épargne. Les monnaies étrangères réduisent la
capacité des pouvoirs publics à asseoir une gestion macro-économique
efficace. C'est le phénomène bien connu de dollarisation qui sévit dans
beaucoup d'économies africaines.
Si l'exigence de rigueur qui pèse sur la gestion de la monnaie
nationale n'est pas pleinement acceptée, le pays s'expose à une
monétisation excessive de ses déficits budgétaires, par conséquent à
l'apparition de spirales inflationnistes, à l'accentuation des déséquilibres
macroéconomiques, et à l'appauvrissement rapide des couches vulnérables qui n'ont pas la capacité d'indexer leurs revenus à la hausse des
prix. Compte tenu des difficultés monétaires inextricables auxquels sont
confrontés nombre de pays africains, l'adhésion à une monnaie unique
africaine serait une manière d'importer de la rigueur. Elle permettrait
aussi de se concentrer sur d'autres questions de politique économique, la
gestion monétaire étant déléguée à une autorité crédible (voir section 3).
2. Les obstacles politiques
En dépit des nombreux facteurs économiques qui peuvent accélérer
la marche vers l'intégration monétaire continentale au cours des quinze
prochaines années, des freins puissants risquent de bloquer le processus.
Ces derniers sont avant tout d'ordre politique.
La création d'une union monétaire ne peut se faire sans une volonté
politique très forte non seulement des dirigeants mais aussi des
leaders politiques dans l'opposition. En effet, celle-ci doit survivre aux
changements des gouvernements pouvant intervenir dans les différents
pays, notamment les plus importants. Une dimension importante de
cette volonté politique est le règlement de l'épineuse question du
leadership. Certains pays, en raison de leur poids économique et
démographique, devrait jouer un rôle de locomotive en même temps
que l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest (UEMOA)
et la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale
(CEMAC) considérées dans leur entièreté.
Certains de ces grands pays exercent cependant une faible attraction
en raison de leurs désordres économiques et politiques et des craintes
d'hégémonie qu'ils suscitent auprès des autres pays. Le jeu des
puissances métropolitaines peut aussi retarder durablement le
processus d'intégration. Si certains d'entre eux continuent à manifester
la même volonté de conserver leur place privilégiée dans certains
groupes de pays africains, elles seront un frein au processus d'intégration
monéta ire africaine.
171
Le NEPAD, institlltions, ~olll'e/ÏIUl1Ce etfilUillcemellt
Les chances d'un progrès substantiel vers l'union monétaire africaine
au cours des quinze prochaines années dépendront largement de
l'affirmation et de la traduction en actes concrets d'une grande volonté
politique par les chefs d'état africains.
II.
LES HAISONS DE CHI-:EH tlNE BANQtlE CENTIlALE AFHICAINE
1. Les avantages économiques
Les bénéfices attendus de l'entrée dans une union monétaire intégrale
sont de nature micro-économique. Ces bénéfices sont les suivants:
1. des économies importantes résultant de la mise en commun des
devises;
2. une variabilité plus faible des taux de change favorisant
l'expansion du commerce et des investissements à l'intérieur de
l'union;
3. une stabilité plus grande des prix effectifs ou anticipés conduisant
à une allocation plus efficiente des ressources;
4. des économies importantes sur les coûts de transactions et une
comparaison plus facile des prix d'un pays à un autre stimulant le
commerce et les investissements dans l'union ;
5. des économies substantielles sur les intérêts à payer sur la dette
publique en raison de la baisse à la fois des taux d'intérêts
nominaux et de la prime de risque de taux de change;
6. des économies de ressources engendrées par la délégation de la
politique monétaire à la seule banque centrale plutôt qu'à une
multitude d'instituts d'émission qui forcément nécessitent chacun
des coûts de fonctionnement élevés.
Le recours à une monnaie unique entraîne donc une meilleure
efficience économique qui résulte de l'élimination des coûts de transaction
dus à la conversion des devises étrangères et de la suppression du
risque de change lié aux mouvements futurs inattendus des cours des
monnaies africaines.
2. Les progrès de l'Afrique en matière d'intégration économique
et monétaire
L'Afrique a une longue tradition d'engagement en faveur de l'unité
régionale qui peut constituer un tremplin pour accomplir les pas
décisifs vers une intégration monétaire continentale. Déjà dans les
années 1950, Kwamé Nkrumah et d'autres leaders de l'indépendance
172
Le NEPAD et le pmjet d'l/Ile hallqlle centrale ajricaille
africaine avaient lancé le mot d'ordre d'unité du continent. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) a été
créée en 1975 à Lagos, la SADEC en Afrique Australe, l'UMA en Afrique
du Nord, la CEMAC en Afrique Centrale, etc. En 1980, les Chefs d'Etat
africains ont adopté le Plan d'action de Lagos (PAL) qui" mènerait à la
création, aux niveaux national, sous-régional et régional, d'une économie
africaine dynamique et interdépendante et [. .. ] jetterait ainsi les bases
de la création éventuelle d'un marché commun africain conduisant à la
communa uté économique africaine ".
En prenant l'exemple de la sous-région" Afrique de l'ouest ", le traité
de la CEDEAO a été révisé par le sommet des Chefs d'État tenu à
Cotonou en juillet 1993. Le nouveau traité indique de façon précise les
processus devant conduire à l'intégration régionale en Afrique de
l'ouest. C'est ainsi que la CEDEAO devrait être à terme la seule communauté économique et monétaire de la sous-région, les décisions qui y
seraient prises seraient exécutoires dans les États membres. Des
initiatives similaires ont été prises dans les quatre autres sous-régions
de l'Afrique, Tous ces efforts reflètent l'existence d'un courant de
pensée en Afrique très favorable à l'intégration régionale.
Un autre facteur favorable à la création d'une union monétaire
africaine est l'uniformisation progressive des politiques économiques
sous l'action des institutions de Bretton Woods qui ont signé avec la
plupart des pays africains des programmes d'ajustement. Ceux-ci
incluent invariablement la libéralisation des échanges extérieurs et la
dévaluation nominale du taux de change qui ont pour conséquence
une ouverture accrue des économies au reste du monde, donc aux
autres pays de la sous-région. C'est ainsi que la plupart des pays ont
consenti au cours des dernières années à un désarmement tarifaire,
alors qu'avec l'ajustement monétaire dans les pays africains de la zone
franc, toutes les monnaies ouest africaines ont maintenant des taux de
change effectifs réels qui se sont largement dépréciés par rapport à leur
niveau des années 1960 à 1993. Cette situation des années 1994-2000
contraste fortement avec celle des années 1970 et 1980-1993 marquées
par une forte surévaluation des monnaies ouest africaines. L'action des
institutions de Bretton Woods en matière d'ouverture des économies
ouest africaines est maintenant renforcée par le traité de l'Organisation
mondiale du commerce qui a été adopté par les pays de l'Afrique de
l'ouest. Ce dernier contraint les pays signataires à abaisser sensiblement
leurs barrières tarifaires et non tarifaires. Les bailleurs de fonds de
l'Afrique sont devenus plus réceptifs aux arguments en faveur de
l'intégration régionale. Des projets communautaires dans le domaine
des transports, de l'énergie, etc. attirent maintenant leur intérêt. L'Union
européenne appuie la CEDEAO dans ses efforts d'intégration. La
réunion de Bamako entre douze Chefs d'État africains et les institutions
de Bretton Woods ont été une opportunité pour ces dernières de
marquer leur adhésion à une vision sous-régionale du développement
de l'Afrique.
173
Le NEPAD, institlltiolls, p,OIl1'enumce et !in{{/lcement
Les pays de la CEDEAO en Afrique de l'ouest, de la CEMAC en
Afrique centrale et de la SADEC en Afrique australe ont défini des
critères de convergence macro-économique qui portent sur le régime
de taux de change (variabilité de taux de change dans une fourchette
de 0 à 10 % dans la CEDEAO, libéralisation totale du compte courant),
la réduction des taux d'inflation à un chiffre, la baisse sensible du ratio
déficit budgétaire sur PIB et du financement du déficit budgétaire par
la Banque centrale. Certes, beaucoup de chemin reste à parcourir pour
beaucoup de pays, notamment en matière d'inflation et de financement
du déficit budgétaire par la Banque centrale. Des succès durables au
cours des prochaines années en matière de convergence macroéconomique permettraient aux États africains de franchir plus
facilement le pas vers l'union monétaire intégrale. En effet, plus les
politiques économiques se rapprochent, plus faibles sont les coûts liés
à la participation à une intégration monétaire.
En matière d'union monétaire complète, l'Afrique bénéficie déjà
d'une riche expérience que représentent la BCEAO et la BEAC qui
regroupent Il pays membres. Ces derniers ont déjà l'expérience des
avantages liés à l'appartenance à une union monétaire complète:
utilisation d'une monnaie convertible, élimination de tout risque de
change pour les investissements dans la zone franc, économies
d'échelle obtenues grâce à l'émission d'une monnaie unique, création
d'une banque centrale supranationale indépendante capable de mener
des politiques cohérentes dans le temps.
L'existence d'une BCA peut être un instrument précieux d'accélération de l'intégration économique comme le montre l'expérience de
la Banque centrale des États de l'Afrique de l'ouest (BCEAO). Elle a
créé la Banque ouest africaine de développement, élaboré un système
de comptabilité de l'Afrique de l'ouest (SYSCOA), installé à Abidjan une
Commission bancaire indépendante chargée de veiller sur l'intégrité
financière des institutions bancaires, financé les travaux préparatoires
pour la mise en place d'une Union économique et monétaire ouest
africaine (UÉMOA) ainsi que d'une Bourse régionale des valeurs
mobilières, et s'attelle actuellement à la mise en place, dans chacun des
États membres, d'une centrale des bilans.
La gestion de la dévaluation de 1994 du franc CFA a été finalement
une réussite. Elle a impulsé la croissance dans tous les pays membres
et réduit les déficits budgétaires. Les spirales inflationnistes, tant
redoutées, ne se sont pas manifestées. Ainsi les pays de !'UEMOA et de
la CEMAC ont mené à bien une expérience d'ajustement monétaire et
pourraient à l'avenir y recouvrir avec moins d'appréhension que par le
passé.
174
Le NEPAD 1'1 II' projel d'ulle hanque œil/mIe ({!Î'icaine
III.
<JlIFL MO])['I.I' ])1' BAN<Jlll': CENTHAI.I' 1'0llH L'AFHI<JlIl'
?
Une Banque centrale, à l'échelle de tout un continent, devrait revêtir
des caractéristiques qui lui permettent d'assumer pleinement les
fonctions d'un institut d'émission sur une aire géographique aussi vaste
et aussi riche en traditions monétaires, financières et économiques
qu'est l'Afrique. Comme toute Banque centrale, la BCA aura pour
fonctions:
- la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire du
continent;
-la conduite des opérations de change avec l'extérieur ;
-la centralisation et la gestion des réserves de change des États
membres et la promotion d'un système ordonné de paiements.
Pour que la BCA joue parfaitement tous ces rôles, des options
fondamentales devront être faites dans les domaines suivants: le choix
du régime de taux de change, l'objectif assigné à la politique monétaire,
le modèle d'organisation monétaire et la nature des relations entre la
Banque centrale et les institutions financières. Les développements qui
suivent sont des propositions visant à préciser la nature des choix
permettant à une banque centrale continentale de bien fonctionner
dans un contexte de globalisation économique et financière.
1. Le régime de change
On peut choisir entre quatre catégories de reglmes de taux de
change: les régimes de rattachement du taux de change, les régimes
de change flexibles, les régimes de marges de fluctuation, les régimes
de taux de changes doubles ou multiples ( voir annexe pour les
différentes catégories de régimes de change).
L'environnement international dictera probablement le choix d'un
régime de change flexible. La plupart des banques centrales africaines
ont en effet évolué vers une gestion flexible de leur taux de change.
Celle-ci est déjà la règle dans tous les pays développés. Le graphique
de l'annexe 2 montre l'évolution du pourcentage de pays en développement à taux de change rattaché entre 1970 et 1997. Depuis l'effondrement du Système de Bretton Woods de parités fixes mais ajustables
du début des années 70, leur nombre a considérablement diminué.
L'examen de leur répartition par continent montre que c'est en Afrique
qu'on trouve le plus grand nombre d'entre eux. Si l'on soustrait les pays
africains membres de la zone franc de leur effectif (11 au tata!), seuls
quatre autres pays africains conservent encore ce régime de change.
175
Le NEPAD. institutions. 1{0ul'erl1tJllGe et jll/{mœment
La flexibilité signifie que la monnaie demeurera internationalement
convertible. La libre transférabilité des capitaux entre pays membres et
avec le reste du monde devrait être assurée. Il appartiendra au marché
de change de déterminer le cours de la monnaie africaine. La BCA
interviendra sur ce marché si elle le juge nécessaire. Elle centralisera les
réserves extérieures des pays membres.
2. L'objectif de la politique monétaire
L'objectif majeur de la politique monétaire devrait être clairement
affirmé. Il s'agirait probablement d'assurer la stabilité de la valeur
interne de la monnaie en maintenant l'inflation domestique proche
de zéro - entre 1 et 2 %. Tout autre objectif qu'on ajoutera à celui-ci
ne peut que conduire à des errements. On peut, à titre d'illustration,
rappeler les conséquences qu'ont entraînées les objectifs multiples
(maintien de la valeur de la monnaie, financement de l'économie,
promotion et mobilisation de l'épargne, etc.) qu'on a assignés aux
Banques centrales africaines. Ces objectifs étaient nombreux et contradictoires bien qu'a priori ils apparaissent tous à la fois nobles et
généreux.
Au résultat, c'est le financement du développement avec la monnaie
qui a prévalu dans la qua i-totalité des pays africains. Or plus un pays
va loin dans ce domaine, plus ses désordres monétaires et
économiques sont importants et se traduisent par une incapacité
croissante de sa monnaie à jouer ses fonctions essentielles: être moyen
de paiement, unité de compte et réserve de valeur dans sa sphère de
circulation. Aussi, le maintien de la stabilité des prix doit-il être
l'objectif majeur auquel la politique monétaire est affectée.
Un autre argument important en faveur de l'adoption de l'objectif de
stabilité des prix est que les pays à faible inflation manifesteraient peu
d'empressement à entrer dans une union monétaire puisqu'ils
n'auraient rien à y gagner en inflation et en chômage, tous les
avantages allant aux pays à forte inflation. Ceci signifie que la BCA doit
assurer une stabilité des prix au moins aussi bonne que celle des pays
de l'UEMOA et de la CEMAC qui ont les taux d'inflation les plus faibles
en Afrique.
3. L'organisation monétaire
Les caractéristiques principales d'une union monétaire intégrale
doivent se retrouver dans la nouvelle zone monétaire africaine:
- La banque centrale est unique;
176
Le NEPAD et le projet d'/iiie hC/IIqlle celltrale aji-icaille
- La centralisation des réserves de change est appliquée et celles -ci
sont gérées par l'Institut d'émission qu'est la BCA 1 ;
- La BCA a le privilège exclusif d'émission de signes monétaires qui
ont cours légal et pouvoir libératoire sur le continent. A des fins
de production de statistiques monétaires et financières, elle
prendra les dispositions appropriées pour l'identification des billets
ainsi que le suivi des opérations génératrices de l'émission
monétaire;
- La BCA jouit d'une indépendance totale vis-à-vis des gouvernements.
La question cruciale à laquelle la nouvelle zone monétaire devra
donner une réponse, est celle de savoir comment atteindre et maintenir
un haut niveau de discipline collective si aucune puissance extérieure
à l'Afrique ne joue ce rôle. La meilleure réponse que les pays membres
pourraient apporter à cette interrogation est de doter la BCA d'une
réelle indépendance.
Diverses études empiriques ont montré la corrélation forte qui existe
entre le degré d'indépendance de la banque centrale et l'inflation dans
un pays (V. Grilli, M. Donato, T. Guido, 1991). Sur le plan théorique, la
notion de cohérence temporelle des politiques économiques introduite
par Kydland et Prescott (977) a mis en évidence le manque de
crédibilité d'une règle de politique monétaire si elle n'est pas enfermée
dans des mécanismes qui la rendent irrévocable dans le temps. Seront
donc jugées crédibles les mesures de politique monétaire prises par
une autorité convaincante, à savoir une Banque centrale indépendante
et apolitique dont l'expérience ou les statuts montrent un engagement
à atteindre un objectif unique et réaliste comme le maintien de
l'inflation à un faible niveau.
En se référant à l'expérience de la BCEAO, de la BEAC et des
banques centrales non africaines réputées entièrement maîtresses de
leurs décisions (Réserve fédérale des USA, Bundesbank en Allemagne,
Banque centrale européenne, . .), on peut énumérer les moyens
d'assurer cette indépendance:
- le marché détermine le taux de change de la monnaie commune
et le Gouverneur de la Banque centrale décide seul, sur avis du
comité monétaire 2 , de l'opportunité d'intervenir sur le marché des
devises pour influencer ce taux de change dans la direction
souhaitée ;
-le mode d'élection du Gouverneur et les procédures de sanction
- positives comme négatives - le protègent contre les gouvernements
et les groupes de pression ;
L'annexe 4 évalue les excédents de réserves des pays africains.
2, Il fauclra créer un comité cie politique monétaire chargé cie la gestion cie la
monnaie et par conséquent cie la politique de taux cie change,
177
Le NEPAD, il1slillIfiol1s, ~OIl/,(!lïlUllcel!t(il1(IIIU!1I1el1f
-les avances aux Trésors sont totalement discrétionnaires, c'est-àdire que la Banque centrale ne peut être forcée de prêter à ces
derniers;
-les parlements nationaux n'ont pas de prise directe sur la conduite
de la politique monétaire;
-les trésors peuvent effectuer tous dépôts auprès de la Banque
centrale.
L'indépendance de la Banque centrale aura pour principale conséquence, sous un régime de change flexible, qu'une intervention éventuelle
sur le marché monétaire pour influencer le taux de change de la
monnaie commune sera laissée entièrement à la discrétion du comité
monétaire. Aucun gouvernement ne devrait avoir une influence directe
sur la détermination de la valeur externe de la monnaie commune. La
compétitivité externe du continent peut être maintenue par des
ajustements successifs et de faibles ampleurs du cours de la monnaie
africaine si le comité monétaire juge nécessaire de telles interventions.
Les arrangements institutionnels et juridiques garantissant l'indépendance
effective de la BCA devront être élaborés par un comité d'experts et
approuvés par les Chefs d'État africains.
4. Les relations entre la BCA et les institutions f"mancières
extérieures.
La BCA pourra conclure des arrangements avec d'autres institutions
financières étrangères aux termes desquels elle pourra bénéficier de
certaines facilités sous forme de prêts en devises fortes. Si les pays
africains refusent à une Banque centrale étrangère un droit de regard
sur la conduite de leur politique monétaire, les accords n'iraient pas audelà de l'octroi de facilités permettant de faire face à des besoins de
trésorerie de très court terme. La convertibilité externe de la monnaie
commune sera fondamentalement assurée par la qualité des politiques
économiques et financières et les performances économiques qui en
résultent.
5. La convergence des politiques économiques nationales
Une convergence des politiques économiques doit être activement
poursuivie par les États membres même après leur adhésion à l'union
monétaire. Les institutions s'occupant d'intégration économique sont
cependant les lieux appropriés pour discuter de cette question.
En conclusion, la création du modèle de banque centrale décrit cidessus permettrait aux pays de l'union d'assumer solidairement leur
178
Le NEPAD et le projet d'Itlle hanqlle cellfmle africaine
"indépendance monétaire, La compétitivité externe serait rétablie par un
ajustement monétaire chaque fois que la Banque centrale le jugera
nécessaire, La stabilité monétaire préservée favoriserait la mobilisation
de l'épargne privée, Avec l'application du NEPAD dans le domaine des
infrastructures, de l'éducation, de la santé et de l'agriculture, les
conditions d'une croissance économique forte et durable du continent
seraient ainsi créées,
IV
LES 1~'1AI'ES VEHS L'lINION M()NI~'1AI HE AFHICAIN l' C()MI'Lf~TE
1. Mise en place d'une Agence monétaire africaine
Le processus d'intégration monétaire de l'Afrique devra être conduit
par l'Union économique africaine, Il lui appartient en conséquence de
mettre en place une Agence monétaire africaine chargée de la préparation
de l'ensemble des décisions devant être prises par les Chefs d'État
africains relatives à la création d'une monnaie unique pour le continent.
Un comité d'experts devra soumettre à l'UÉA pour adoption un projet
des statuts et moyens d'action de l'Agence,
2. Sommet des Chefs d'État africains sur la Banque centrale
africaine
Un sommet des Chefs d'État se tiendra pour statuer sur la création
d'une union monétaire africaine complète, A ce sommet, seront prises
les décisions relatives aux questions suivantes:
a) La stratégie d'unification monétaire de l'A.f1'ique
Les unifications monétaires peuvent être organisées de manières
différentes, En se référant à des expériences récentes de création de
réformes monétaires majeures, on peut distinguer entre:
- la stratégie du Traité de Maastricht qui est fondée sur deux
idées maîtresses :
i) le gradualisme: la progression vers l'union monétaire sur une
période de plusieurs années ( au moins dix ans) ;
ii) la conditionnalité : l'entrée dans l'union est soumise au respect de
critères de convergence,
- l'unification monétaire allemande réalisée en juillet 1990 qui est
caractérisée par :
179
Le Né'PAD, il/Slill/lions, gOI/I'e/ïlUI/W el/il1ul/WlIle11l
i) une grande rapidité: décision prise en fin 1989 et l'union réalisée
six mois plus tard en juillet 1990,
ii) une absence d'exigences de convergences : l'ex-Allemagne de
l'Est a été admise dans l'union monétaire ouest-allemande sans
aucun préalable, sinon l'unification n'aurait pas eu lieu.
Les pays africains doivent eux aussi définir un scénario precIs
d'intégration monétaire complète, Celui-ci devra comporter un agenda
indiquant entre autres domaines :
i) la date d'abolition de tous les contrôles de capitaux dans les pays
candidats à l'union ;
ii) la définition du degré de coopération sur les questions monétaires
entre les banques centrales africaines avant l'entrée en vigueur de
la monnaie unique africaine ;
iii) la durée de la période de transition vers l'étape finale de
l'unification monétaire;
iv) la forme que revêtirait le gradualisme : Banques centrales sousrégionales entretenant des liens de coopération monétaire d'abord,
BCA ensuite; ou création de la BCA avec le premier groupe de
pays qualifiés, les autres rejoignant l'union au fur et à mesure
qu'ils rempliront les conditions d'entrée?
b) Les critères de convergence
Si le principe en est retenu, les critères de convergence devant être
remplis par tout pays candidat à l'union devront être adoptés, Ils
porteront principalement sur sur le niveau d'inflation toléré, les taux
d'intérêt à long terme, la stabilité du taux de change, le déficit
budgétaire et la dette publique
c)
L'adoption d'un Pacte de stabilité du cadre macro-économique
Le fait qu'un pays respecte les critères de convergence lors de son
entrée dans l'union ne signifie pas qu'il continuera à le faire. Aussi estil nécessaire qu'il souscrive à un engagement le contraignant à se
conformer à ces critères une fois qu'il est admis dans l'union. Deux des
domaines importants qui devraient être inclus dans ce pacte sont la
dette publique et le niveau de déficit budgétaire soutenable,
3. Le désendettement de l'Afrique
Le niveau insoutenable d'endettement extérieur de la quasi-totalité
des pays africains est un obstacle majeur à la mise en place d'une
monnaie unique. En effet, le service de la dette constitue une hémorragie de devises pour le continent, creuse les déficits budgétaires des
f:tats qui, après avoir satisfait le service de la dette extérieure disposent
180
Le NEPAD et le projet
d'III/(!
fJcmCjlle celltrale c!l'ricaille
de peu de ressources pour faire face aux autres dépenses. Pour financer
ces déficits, ils sont contraints à recourir à l'émission de monnaie source
de plus d'inflation et/ou à un endettement extérieur accru. Les Chefs
d'État africains doivent donc démultiplier leurs efforts en direction de
la communauté financière internationale pour que la proposition de
désendetter l'Afrique soit acceptée dans les meilleurs délais. C'est un
préalable à la réussite au projet de création d'une monnaie unique
africaine.
CONCLUSION
Une intégration monétaire africaine, avec création d'une monnaie
unique contribuerait à l'émergence d'un vaste espace économique où
les biens et les capitaux circulera ient librement, constituerait un
puissant stimulant à la croissance et au développement économique de
tous les pays membres. Les économies d'échelle seraient pleinement
exploitées. Seraient supprimés aussi les obstacles actuels au règlement
des transactions entre les pays africains.
BIBUOGRAPHIE
B. Baccara, S. Devarajan, "Determinants of int1ation in the Franc Zone in
Africa ", World Bank pO/iLY Research Working Paper, n° 1197.
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Lavergne R. et Daddieh C. K. (996) .. Visions et approches des bailleurs de
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Economies, vol. 6, n° 1, March.
181
Le NEPAD, insfifllfions, UOlll'emulfce effilllmcellle11f
ANNEXE 1
TYPOLOGIE DES RÉGIMES DE TAUX DE CHANGE
La gamme de régimes de taux de change existants actuellement dans
le monde est très large. On peut les ranger en quatre catégories: les
régimes de rattachement de taux de change, les régimes de change
flexibles, les régimes de marges de fluctuation, les régimes de taux
de changes doubles ou multiples.
1. Les régimes de rattachement de taux de change. Ils peuvent
revêtir des formes variées. On peut distinguer entre les caisses
d'émission, les parités ajustables et les parités rampantes.
Les caisses d'ém..ission sont un régime où la monnaie nationale est
fixée de manière irrévocable par rapport à une monnaie étrangère.
L'émission est couverte intégralement en devises. La quantité de
monnaie en circulation se gonfle ou se rétrécit en fonction des aft1ux
ou sorties de devises. Ce régime a prévalu pendant la période
coloniale. Il a connu cependant une nouvelle popularité au cours des
années 1980 et 1990 en Amérique latine et dans les anciens pays
socialistes d'Europe confrontés à de très fortes inflations. L'intérêt
majeur est d'imposer une discipline monétaire rigoureuse qui augmente
la confiance en la monnaie nationale et réduit considérablement
l'inflation. Ses inconvénients sont d'abord la perte de flexibilité face à
des chocs internes ou externes. Ensuite, la banque centrale ne peut
jouer le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise de liquidité
du système bancaire puisqu'elle ne peut mettre à disposition des
banques et en quantité illimitée sa propre monnaie sans disposer au
préalable d'une contrepartie en devises adéquate.
Les parités ajustables correspondent à un régime où le taux de
change est fixé par rapport à une monnaie étrangère et est modifié en
de très rares occasions. Une bonne illustration de ce type de régime en
est le système monétaire des pays africains de la zone franc dont les
monnaies (franc CFA, franc comorien) ont maintenu leurs parités
respectives avec le franc français inchangée pendant quarante années.
Les parités rampantes sont un régime où le taux de change de la
monnaie nationale est fixé par rapport à une monnaie étrangère mais
les autorités monétaires peuvent, à des intervalles réguliers, l'ajuster
pour prendre en compte le différentiel d'inflation par rapport aux
principaux partenaires commerciaux et maintenir ainsi la compétitivité
extérieure du pays.
2. Dans les régimes de change flexibles le cours de la monnaie
résulte de la confrontation de l'offre et de la demande sur le marché
des devises. Si la banque centrale s'abstient de toute intervention sur ce
marché on est dans un régime de flottement pur, dans le cas contraire
on est dans un régime de flottement dirigé.
182
Le NEPAD er le projer d'ulle banq1te cenrrale africaine
3. Les régimes de marges de fluctuation consistent en un système
où un taux de change pivot est annoncé ainsi qu'une marge de
fluctuation autour de ce taux. Ce dernier peut être géré de manière à
être maintenu fixe ou rampant et la marge peut être symétrique ou non.
La détermination de celle-ci correspond à un engagement implicitement
de la banque centrale d'intervenir sur le marché des devises à chaque
fois que le cours de sa monnaie atteint les limites de cette marge sont
atteintes. La banque centrale doit définir aussi un ensemble cohérent de
règles devant guider son intervention sur le marché des devises.
4. Les régimes de taux de changes doubles ou multiples fixent un
taux auquel les opérations commerciales sont effectuées, alors que les
transactions financières se font à un taux flottant. Celui-ci est souvent
plus déprécié que le taux fixe. C'est pourquoi on note d'importantes
fuites entre les différents compartiments du marché des devises, ce qui
explique que ces régimes n'aient jamais bien fonctionnés.
183
Le NEPAD, institl/fiolls, UOI/I'erlltl lice et !ilulIlcemellf
ANNEXE 2
PAYS EN DÉVELOPPEMENT: Régime de taux cie change
Asie
Afrique
18
16
50
45
14
12
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10
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de
référence
ré1érence
Amérique latine et Cafllibes
Europe et Moyen.Orient
25
25
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10
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15
10
5
5
o
o
taux de
ch'!lnge
flOttemerrt
dîrigé
taux
m1982
taux de ffctlemert
flexible
change
ratt(lch~ ~
ral1!lché ~
une unfté
unerlé
de
de
référence
référence
dIrlgé
teux
tlexl:ile
.1989
01997
Sources: Fonds Monétaire International
Note: Les pays ;\ taux dl' changL' LlllacitC' ;\ UOL' devise dl' rl'iC'!"L'iKL' :lpp:lnieIlIlL'IlI,
dans l<l classific;llion du FM 1, à la cat0gorie des p<l ys dont IL' taux dl' change est soit
gliss<lnt, soit rattach0 à une seule monnaie ou ;\ lin [1<lnier (k monnaies.
Les pays à flottement dirig0 ont, dans la c1<lssification du l'MI, Il' taux de change qui
s'ajuste en fonction des indicateurs 0conomiqlles et qui flotte de fa~'(>n contrCllC'e.
Les pays à taux dL' change flexihle ont, dans la classification du l'MI, le taux de change
qui flotte lihrement.
184
Le NEPAD et le pnJjet d'Ilne hal1{j/1e cemrale (!/i"icail1e
ANNEXE 3
NOTE SUR L'ESTIMATION DES EXCEDENTS DE RESERVES
EXTERIEURES AFRICAINES
Méthodologie
Toutes les données sont extraites de .World Bank Data Base (2000),.
La période considérée est 1995-1998. La moyenne arithmétique des
trois dernières années disponibles a été calculée pour atténuer la
volatilité qui caractérise les réserves de change. Certains pays n'ont pas
de données pour la période retenue. C'est le cas de la Libye, du Libéria,
et de la Somalie. Quant au Soudan, seules les données de 1998 sont
disponibles.
Les excédents de réserves de l'Afrique sont estimés selon la
démarche suivante. Pour chaque pays, on a d'abord calculé le volume
de réserves de change nécessaire pour couvrir un nombre donné de
mois d'importation. En effet, on a supposé que les réserves servent
dans les pays africains principalement à financer les importations de
biens et services. On a ensuite calculé la différence entre le stock brut
de réserves et ce montant nécessaire pour obtenir l'excédent de
réserves. C'est cet excédent qui pourrait être utilisé pour financer
l'acquisition de biens et services supplémentaires destinés à la
réalisation des projets retenus dans le cadre du NEPAD.
Le stock brut de réserves est égal aux avoirs en devises et en DTS
plus l'or valorisé à son prix sur le marché de Londres. Pour déterminer
le montant de réserves nécessaires pour couvrir les importations on a
retenu 6 mois (hypothèse haute) et 3 mois (hypothèse basse).
1. Réserves nécessaires pour 6 mois d'importation
le montant
moyen annuel des importations est divisé par 2.
2. Réserves nécessaires pour 3 mois d'importation
le montant
moyen annuel des importations est divisé par 4.
3. Excédents nécessaires pour 6 mois d'importation = Stock brut de
réserves - Réserves nécessaires pour 6 mois d'importation
4. Excédents nécessaires pour 3 mois d'importation = Stock brut de
réserves - Réserves nécessaires pour 3 mois d'importation
Pour déterminer les réserves excédentaires au niveau de l'Afrique,
on a retenu uniquement les pays qui peuvent couvrir 3 mois (6 mois)
d'importations de biens et services.
Les excédents de réserves africaines sont exprimés en millions de
dollars US ainsi qu'en pourcentage du PŒ, de l'investissement brut
intérieur et de l'épargne brute intérieure.
185
Tableau 1: Stock de résen'es excédentaires détenus par certains pays africains
(en millions de dollars US)
Moye.Dedes
Ep~rgne
fDCF
import~tions
PIB
IDt~rleure
des 3 derDlhes
R~er,,"s
Rherv..
Rherve.
Décessolres
nécess~ires
(devlses+
de
pour6 mols
pour 3 mois
DTS+i:lr)
pour 6 mols
Escédents(+)ou dénclts(-)
~.erves
Escédents(+)ou Mndts(-)
de réserve.
,...,
pour 3 mols
'""
~
années
150420
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3760';
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FBCF
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Int~rleure
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deFBCF lotérleure de l'ép.rgne
1677
2813E
~§.
Tableau 2: Stock de réserves excédentaires détenus par certains pays africains
après couverture de 6 mols d'Importation ( millions de dollars US)
(en pourcentage de la FBCF, du PIB et de l'épargne intérieure)
.....
16771
19,OE
87910
509039
3,2~
~
3
§
;:;
'~""
?
Tableau 3: Stock de réserves excédentaires détenus par certains pays africains
après couverture de 6 mols d'Importation ( millions de dollars US)
(en pourcentage de la FBCF, du PIB et de l'épargne Intérieure)
Esc~ents
FBCF
en
de réserves
-1.
deFBCF
Epargne
Int~rleure
-1.
~
PID
de l'ép.rllne
en -J'.
du PIB
Intérieure
DOur 3 mols
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fa
::;:;
949U
29,64
879H
32,01
509039
S,53
~
Le nouveau partenariat
pour le développement de l'Afrique ",
un réponse africaine
à la mondialisation de l'économie
H
par
Dr Chérif Salif Sy
Ministre-Conseiller
Représellfclllt du Président dl! la Répuhlique
du Sél1é,gal à la Dirl'ctioll Continentale du NEPAD
Depuis les années 70, l'Afrique est traversée par des difficultés
économiques et sociales qui ont progressivement conduit à sa marginalisation de plus en plus importante dans les affaires du monde. Les
indicateurs macroéconomiques montrent que les performances ont été
dans l'ensemble assez médiocres donnant lieu à des économies
stagnantes marquées par un double déficit chronique de la balance des
paiements et des finances publiques, un endettement massif et une
croissance faible. Alors que le revenu moyen africain représentant 14 %
du revenu des pays développés au milieu des années 60. En 1997, ce
rapport n'était plus que de 7 %. Quant au taux de croissance du PIB,
son niveau annuel moyen entre 1965 et 1993 n'était que d'environ 0,5
et était de loin inférieur à la croissance démographique (entre 2,9 à
4,1 %). En 1994, l'Afrique qui représentait 12 % de la population
mondiale fournissait moins de 1 % du PIB mondial.
L'agriculture et l'industrie apportent les meilleures preuves de cette
stagnation. Le secteur agricole souffre de plusieurs maux comme l'appauvrissement des sols, les aléas climatiques, les instabilités et incertitudes
sur les cours et les productions, la faible productivité, la faible mécanisation, le réseau hydro-agricole limité. L'agriculture vivrière n'arrive pas
encore à couvrir les besoins d'une population en expansion rapide et
d'une urbanisation accélérée et cela pour trois séries de raisons; pourvoyeuse de devises, bas niveau de la production agricole et environnement technologique et institutionnel inadéquat. Ces facteurs montrent
qu'aucun pays africain n'a véritablement réussi une révolution verte
avec semences sélectionnées et variétés à haut rendement permettant
une élévation de la productivité par surface cultivée et par actif rural.
187
Le NEPAD, il/stifllfiollS, MOllI'ernune(' ('tlillul/cement
Les résultats du développement industriel sont aussi modestes. Les
stratégies d'industrialisation par substitution aux importations misent en
place, ça et là avaient de faibles relations en aval comme en amont avec
le secteur agricole. Les performances se sont révélées décevantes.
Au niveau des relations avec l'extérieur, la part de l'Afrique dans les
exportations des pays en développement et celles du monde entier
étaient respectivement de 6,7 % et 1,8 % en 1995. Le constat est encore
plus alarmant si on se limite seulement à l'Afrique sub-saharienne qui
représentait à la même époque 2,6 % des exportations des pays en
développement et 0,7 % des exportations mondiales. L'Afrique est
complètement absente du commerce mondial dans les branches les
plus dynamiques des produits manufacturés et des services. Depuis les
indépendances et l'apparition des pays sous-développés dans le jeu
mondial, les institutions de Bretton Woods ont voulu s'adapter aux
nouvelles conditions en utilisant le levier de l'aide et celui du prêt.
Malheureusement ce binôme, après quarante ans a démontré son
incapacité à résoudre les problèmes des pays sous-développés puisque
d'une part l'objectif d'aide dans les années 70 de 0,7 % du PNB des
pays développés à transférer aux pays en voie de développement se
trouve aujourd'hui aux environs de 0,28 %. D'un autre côté, la politique
du prêt, l'autre composante du binôme, a abouti à l'endettement qui,
lui aussi, est sans issue. La dette s'est alourdie sans avoir servi à financer
le développement et notamment l'industrialisation et l'agriculture. Elle
a contribué à financer de nombreux projets d'investissements non
rentables. Elle dépasse les capacités de remboursement et asphyxie en
conséquence les finances publiques.
Au plan social, on observe une dégradation du bien-être avec un
accroissement du chômage et de la pauvreté. L'Afrique sub-saharienne
compte selon les plus récentes statistiques environ 250 millions de
pauvres soit 45 % de sa population, Il semble même, que le rythme de
croissance de la pauvreté est plus rapide que celui des revenus.
C'est pour cette raison que les pays africains ont proposé le
Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique qui, en
comblant les disparités dans huit secteurs prioritaires permettrait aux
pays africains de se hisser à un niveau où le libre échange aurait un
sens.
LE
11I~AJl /STEMI:N'I' DL ) SYST[~ME l'CONOMIQL JE MONDIAL
Tout cela se passe à un moment de restructuration sans précédent
de l'économie mondiale. Sans revenir sur l'histoire du système
économique capitaliste rappelons simplement que le phénomène
appelé «mondialisation. n'est pas un nouveau. Il a débuté lorsque,
188
LI'" nOlll'I'UIi pUHenuriut pour II' dél'l'loppl'mellt dl' l'Aji"iql1e"
chaque matin en se levant, les marchands se sont mis à rechercher de
nouveaux marchés, c'est-à-dire donc, depuis l'aube des temps. Mais son
développement contemporain est surtout lié à celui du capitalisme.
C'est pourquoi, depuis le moyen âge, depuis Christophe COLOMB et
Vasco de GAMMA, depuis le • tout l'univers .. de SISMONDI et le
«marché mondial .. de MARX, les marchands ont toujours poussé à une
ouverture de plus en plus grande des marchés.
A travers l'histoire, si l'on considère le développement du capitalisme, on peut lui reconnaître trois grandes caractéristiques:
1. Sa dynamique non linéaire (croissance, dépression, découverte
de l'Amérique, colonisation, recherche effrénée de débouchés...
2. La dynamique de l'offre (biens et services) amélioration des
équipements, fordisme, économies d'échelle, concentration...
3. L'ouverture des marchés et l'extension à des territoires nouveaux
de l'activité marchande.
Cette évolution s'est appuyée sur deux leviers essentiels:
a) les innovations et les progrès techniques; surtout dans les
moyens de communication et dans la production.
b) le renforcement de l'autorité étatique (par exemple l'église
interdit la guerre) et l'établissement de relations d'échanges de
services avec l'État, même si la mondialisation, c'est aussi pour le
capital un moyen de s'abstraire des règles que lui impose l'État
sur un territoire donné.
Mais, l'établissement de relations économiques régulières et répétées
suppose la paix, et leur extension à de nouveaux espaces passe
souvent par la violence et la guerre, ou par d'autres moyens de
domination dans les finances, l'industrie, le commerce ... ;
C'est ainsi que, selon les caractéristiques dominantes de l'époque, la
mondialisation de l'économie a eu une appellation différente: de la
croisade de Charlemagne pour l'occidentalisation des marchés orientaux
de l'Europe de l'Ouest, on est passé à l'impérialisme colonial avec le
règne des 3 M: militaires, missionnaires et marchands. Ce fut ensuite
l'ère de l'Économie-Monde, (exploits scientifiques des XVIIIe et XIX e
siècle), de l'Économie internationalisée et depuis les années 1970 de
la Mondialisation.
LES CAllACTI~HISTIQlIES DE l.A MONDIALISATION
La mondialisation que nous appelons quelques fois «nouvelle
mondialisation .. n'est rien d'autre donc que l'évolution du marché. Elle
189
Le NEPAD, institutions, ~oul'erllullceC't./il/(IIIC1'I1lC'lIt
a débuté dans sa forme actuelle après la seconde guerre mondiale, avec
le développement des entreprises multinationales dont l'intégration
interne se réalise par le biais de transactions entre éléments de la même
entreprise, afin d'accroître la rentabilité. A ce phénomène se greffe un
nouveau: l'interpénétration économique au travers des frontières,
dans la production, la commercialisation, le fInancement et la
recherche-développement. En d'autres termes, ils émergent des entreprises qui distribuent leurs activités industrielles et financières au
niveau international, avec comme résultat, une progression du
commerce international, des flux de capitaux et de l'investissement,
plus rapide que la production.
On peut noter par ailleurs que, de 1990 à 1995, le commerce
mondial a été multiplié par cinq. Au niveau du PŒ mondial, il
représente aujourd'hui plus de 25 %, contre 7 % il Y a cinquante ans.
Les flux de capitaux à destination des pays sous développés sont
passés, entre 1990 et 1996, de 100 milliards à 284 milliards U5$. Mais
l'origine des fonds s'est profondément modifiée. C'est à dire que, la part
de l'aide publique, qui était de plus de 50 % du total, n'est plus que de
20 %, l'essentiel des apports étant d'origine privée, sous formes d'investissements, de prêts de banques commerciales, d'émissions
d'obligations internationales etc. En d'autres termes, c'est le marché qui
finance le développement.
Flux ue capitaux 1lJ90 - 1990 (en milliards LJS$)
1990
1991
1992
Cumul
Privé
Puhlic
lOO.o
. i . i ,It
50,3
122,5
50,9
05,0
110,0
90,0
55,1t
Apports privés: par région (en milliards LJS$)
1990
1991
1993
199-1
1995
1990
212,0
157,1
55,0
207,0
101,3
15,7
237,2
1H1,2
53,0
2H1,O
213,H
ItO.H
1992
1993
1991
199'5
1990
90,0
0,3
30,9
2,9
21,H
2H,7
0,5
157,1
-0,5
02,1
0,0
25,0
59,H
3,9
101,3
5,2
71,0
H,5
17,2
53,0
5,H
1H1,2
9,1
H1,1
5,2
30,1
51,3
1,1
213.H
11,H
1OH,7
10,7
31,2
71,3
0,9
-
Total PV))
Afrique suhsaharienne
Asie de l'Est!Pacifique
Asie du Sud
Europe! Asie Centrale
Am, Latine!( :araîhe
M-() ct Afr-Nord
11,1
0,3
19,3
2,2
9,5
12,5
0,5
50,9
O,H
20,H
1,9
7,9
22,9
2,2
Source,' Jeune Afrique, n° 1H93 - Du 10 au 22 avril 1997.
Malheureusement, l'Afrique semble être la seule reglon du monde
qui n'attire pratiquement pas l'investissement direct étranger (IDE).
190
LI' "
1I01l1'1'(/1(
plll·telluriat pOlir le dr!l'l'foppemel1t de l'Aji-ùj1le»
Mais le marché, résultant de la division avancée du travail, est un
rapport social. Il met en relation des acteurs situés au sein d'une
structure sociale. Il n'introduit pas nécessairement un rapport de
réciprocité équitable.
Le marché mondial est un système complexe dans lequel s'affrontent
ou coopèrent les États et les agents économiques. Tout le monde peut
participer au feu sans disposer des mêmes moyens dans la fixation des
règles. C'est ce qui fait dire au Président A.WADE que « nos partenaires
du Nord, partisans de la globalisation comme nous, ne raisonnent
malheureusement pas en termes d'intérêt de l'économie mondiale
globale". "En réalité, pour eux, poursuit-il, l'économie mondiale se
confond avec l'économie des pays développés. Cette erreur d'optique
les conduit, qu'ils le veuillent ou non, à ne rechercher fondamentalement la croissance de la composante agricole de l'économie mondiale
qu'à travers le développement de l'agriculture des pays développés. Ce
qui aboutit à la marginalisation de l'agriculture des pays du Sud ".
Les tendances de la mondialisation
La mondialisation de l'économie telle qu'elle fonctionne réellement
peut aussi être définie comme la construction de monopoles dans les
domaines suivants:
• finances internationales, appelée aussi, globalisation financière;
• multinationales (développement desfirmes-réseauxJ;
• science et technologie;
• communication et l'information;
• accès aux ressources naturelles;
• le monopole de lafabrication des armes de destruction massive.
Ces tendances entraînent des conséquences sociales, politiques,
culturelles et idéologiques sur lesquelles nous n'allons pas nous
attarder. Mais les conséquences que constituent le défi de l'intégration
régionale et la sécurité intérieure des pays du Sud représentent les
défis majeurs.
Le défi de l'intégration régionale en Afrique
Comme nous l'avons montré, la mondialisation de l'économie,
interpénétration des capitaux et des systèmes productifs, se développe
très vite. Elle met en place une économie mondiale dominée
collectivement par l'interpénétration tripolaire. C'est à dire que nous
sommes en présence de trois pôles, identifiés comme tels, qui
cherchent à former une" région sud ,,1.
1. Voir sur ce chapitre, Bernard FOUNOU-TCHUIGOUA, « Afrique de l'Ouest:
les conditions de la relance cie la coopération", in Africa Dpl'l'lopment Vol, XXI,
n° 2 et 5, 1996, pp, 279-300),
191
Le NEPAD, institutions, MOlll'emance et financelllent
A - USA-MEXIQUE-CANADA - - - - - l..~ ALE NA- MERCOSUR
B - JAPON-USA
------i.~
C - UE-EUROPE DE L'OUEST
ASIE DE L'EST (APEC/AFTA)
------i.~
AFR/SS-AFR/NORD
Que les USA manifestent un intérêt nouveau pour l'Afrique, ou que
l'Union européenne veuille être plus présente en Amérique latine, ne
change rien à la logique qui sous-tend cette forme d'organisation
régionale. En effet, la formule, « marché conunun ", ouvert sur l'économie
mondialisée, est, selon la théorie néo-libérale, la seule forme de
régionalisation acceptable; elle permet l'intensification des échanges
entre régions et au niveau mondial, et donc «la croissance que tout le
monde veut ".
Concernant l'Afrique, en réalité, la part des échanges extrarégionaux du continent dans son produit intérieur brut est de 46 %
contre seulement 13 % pour l'Europe ou l'Amérique du Nord. En vérité,
elle est fortement intégré à l'économie mondiale, mais sur la base de
produits de faible valeur ajoutée, comme on dit. Nous le disons comme
cela, parce que nous ne sommes pas d'accord avec cette thèse. Car, si
l'on considère l'agriculture paysanne, il faut quand même admettre
qu'elle est faite sur la base d'une qualification multifonctionnelle et
qu'elle incorpore bien savoir-faire et connaissances.
Malheureusement, en mondialisant ses pratiques, l'économie
capitaliste mondialisée universalise sa logique. Cette logique qui érige
la loi de la valeur en paramètre économique indiscutable et en fait la
norme de fonctionnement de l'ensemble de la société. Tout devient
marchandise et la loi de la valeur mondialisée, engendre nécessairement la polarisation.
Mais avant d'en arriver là, les grands pays se sont efforcés de faire
des «régions nord" des économies de plus en plus dynamiques et
autocentrées maîtrisant parfaitement les conditions de l'accumulation:
c'est ainsi que les trois blocs du Nord polarisent 90 % du total des
échanges et 80 % des investissements dans le monde. (l'Afrique détient
respectivement .' 2,5 % et 2 %, alors que l'Asie attire 11 % des investissements).
Comme on peut le voir, une telle organisation pour le Nord, qui
n'est pas du tout incompatible avec la mondialisation des marchés,
facilite la déconnexion ou le repli, en cas de crise grave dans les
régions du sud, comme ce fut le cas avec la crise en Amérique latine et
en Asie. Sur la question de l'intégration régionale donc, les pays
192
Le .. J/01l1'eall pm1el1uriat pour le dél'eloppl.'lnel1t de l'Afrique ..
africains devraient avoir, une vision et des démarches qui permettent
d'assurer un degré d'autonomie relative.
En outre, il apparaît de plus en plus que toute forme de régionalisation qui ne prendrait pas sérieusement en compte, la pauvreté, la
paupérisation des classes moyennes, l'exclusion et les questions liées à
la protection de l'environnement, sera vouée à l'échec, sans nul doute.
Le défi de la sécurité intérieure
De plus en plus, certaines forces arrivent à développer une capacité
à créer des conflits locaux compte tenu de la fragilité de certains pays,
liée à la diversité ethnique, religieuse ou à certaines disparités régionales. C'est pourquoi, il nous faut soutenir, tous les groupes, toutes les
organisations, ainsi que toutes les initiatives crédibles, susceptibles de
concourir à l'instauration de la paix entre régions, ethnies et pays.
En conclusion, on peut retenir malgré tout, même si dans les
nouvelles batailles pour contrôler, voire dominer le monde, la concurrence est accrue et dure, que la mondialisation, par l'essor de nouveaux
pays industrialisés, introduit une contribution positive à la croissance de
l'économie mondiale. La tâche immédiate n'est-elle donc pas d'arriver
à un développement autocentré et protégé, dans une mondialisation
qui puisse garantir les échanges entre régions du monde inégalement
développés?
Car, la mondialisation est un fait de l'histoire moderne et même si
on peut l'analyser en termes de crises des capacités autonomes 2, elle
est indubitablement un fait positif, un progrès dans l'histoire des
hommes. De ce point de vue, il faut plutôt une insertion active, à même
de modifier, les conditions de la mondialisation, au lieu de poser le
problème en terme de refus. Car, le capitalisme, comme le montre son
histoire, engendre toujours des contre-pouvoirs, susceptibles de limiter
des effets pervers. L'enjeu, le véritable défi, c'est d'être positif dans la
bataille pour un monde multipolaire, introduisant un rapport de
réciprocité équitable, dans lequel le Droit et l'Équité jouent un rôle
important en tant que facteurs de régulation ou de transformation.
De ce point de vue la réponse de l'Afrique pour relever la tête
tourne autour des cinq points suivants :
- Combler les disparités dans les domaines fondamentaux;
- Partir d'une approche régionale;
- Au de-là du diagnostic perpétuel, réaliser des projets réels de
développement ;
- Amener nos partenaires à financer avec nous le développement
avec des ressources nouvelles;
2, Philippe Norel • Nord-Sud: les enjeux du développement; autonomie, travail
fantôme, servitude, .. Éd, Syros. Paris, 1986,
193
Le NEPAD, il/sfifufiol/s..~olll'eIïIUllce et'/II/{/lIcelllellf
- Assurer le développement par les hommes.
Les spécificités du NEPAD
Le NEPAD est articulé en une double stratégie, d'une part l'option
de la région comme espace opératoire de base et le recours aux
investissements privés massifs comme l'ont fait les autres continents.
L'option centrale de la région
Le NEPAD a fait l'option d'un développement de l'Afrique à partir
des régions et non plus des États. A ce sujet, rappelons que l'Afrique
est divisée en cinq sous-régions :
-l'Afrique du Nord,
-l'Afrique de l'Ouest,
-l'Afrique Centrale,
-l'Afrique de l'Est et océan Indien
-l'Afrique Australe.
Donc, sans remettre en cause la souveraineté des États autrement
que par leur engagement dans l'Union Africaine, le NEPAD considère
que l'Afrique ne peut s'en sortir que par la promotion de l'espace
régional qui offre un plus grand marché à nos industries et de plus
grandes possibilités pour les investissements étrangers.
Bien entendu, le développement à partir des régions sera coordonné
au sommet pour des raisons de cohérence.
On notera d'ailleurs que les projets, au plan spatial, seront de
plusieurs types. Par exemple, en ce qui concerne les routes, ou les
infrastructures en général, on pourra distinguer des projets intrarégionaux Cà l'intérieur d'une région), des projets trans-régionaux Cà
cheval sur plusieurs régions), des projets continentaux.
Le secteur privé
Pour la première fois, dans son histoire, l'Afrique, à travers le
NEPAD, a décidé de faire un appel au secteur privé qu'elle considère
comme devant être au cœur de la croissance. Sans démissionner de son
rôle historique de protecteur des populations à travers une politique
économique et sociale efficace et de progrès, pour le NEPAD, le secteur
privé est le seul en mesure d'apporter à l'Afrique les immenses capitaux
dont elle a besoin. Bien entendu, il y a d'abord le secteur privé africain,
des africains du continent et de la diaspora et aussi les importantes
possibilités qu'offre la mobilisation de l'épargne publique et de l'épargne
privée. Il n'en demeure pas moins vrai que les capitaux restent une
dimension sine qua non de la croissance et du développement de
l'Afrique qui doit s'organiser pour faire observer ses lois par les investisseurs. Dans cette direction, le NEPAD encourage le développement
194
Le· 1/Olll'ealt pm1el1ariat pOlir le dél'eloppel1lellf de l'Afriqlle"
d'un secteur privé africain qui peut être soit autonome, soit associé au
secteur privé étranger en " joint-ventures ".
Les secteurs prioritaires
Le NEPAD estime que s'il est vrai que tout est prioritaire en Afrique,
il y a quand même une hiérarchie dans les priorités qui font apparaître
des sortes de fondements sans lesquelles, il n'y a aucune possibilité de
développement. C'est pourquoi, le NEPAD propose un partenariat avec
les pays riches en vue de la conception en commun et de l'exécution
d'un plan d'urgence de ces super-priorités.
A l'origine, le NEPAD n'avait retenu que six secteurs prioritaires.
Mais il apparaissait tellement évident que la bonne gouvernance sous
sa forme politique et économique est une condition sine qua non du
développement. C'est pourquoi, il en a été fait une explicitation qui a
aboutit à dix secteurs prioritaires:
1. La bonne gouvernance politique : démocratie se traduisant par
des élections libres et honnêtes ainsi que des institutions
démocratiques, le respect des droits de l'homme, de la femme et
de l'enfant, la transparence dans la gestion du patrimoine public,
l'éradication de la corruption.
2. La bonne gouvernance économique et les flux de capitaux privés
par une justice indépendante et honnête dans les litiges
impliquant des investisseurs étrangers, la gestion honnête et
transparente des sociétés privées, etc.
3. Les infrastructures: les routes, chemins de fer, ports et aéroports,
sont des éléments de coûts qui pèsent sur la compétitivité des
produits africains appelés à être vendus à l'étranger. Au surplus,
les infrastructures sont amplificatrices et créatrices d'activités
économiques.
4. L'éducation: aujourd'hui, il est apparu que les ressources humaines
sont le facteur le plus important de la croissance parce que facteur
entrant directement dans la production: créativité, inventivité,
productivité. Des pays sans ressources naturelles comme le Japon,
la Corée du Sud, Taiwan, Singapour ont montré qu'un pays
pouvait se développer en investissant massivement dans l'éducation et la formation.
5. La santé est un pari important pour l'Afrique à cause de son taux
très important de mortalité due à des maladies endémiques,
malaria, tuberculose et sida. La bataille de la santé devient ainsi, à
son tour, une priorité pour l'Afrique.
6. Les Technologies de l'information et de la communication ont
l'avantage d'être accessibles à tous les peuples en ce sens qu'elles
ne demandent que de l'intelligence heureusement répartie de
façon équitable entre les communautés humaines. Ils constituent
un facteur de contact permanent d'échanges de biens et services.
195
Le NEPAD, institutions, ROIlI'emullCC! et jil1ll11CC!ment
Au plan économique, les TIC produisent des services générateurs
de revenus élevés. L'accès aux nouvelles technologies doit être
assuré aux populations africaines dès la petite enfance et il doit
être étendu à toutes les activités, de l'agriculture à l'industrie, aux
transports, services et échanges.
7. L'agriculture: L'Afrique a un retard énorme en agriculture et ce
retard se traduit par sa dépendance alimentaire, ce qui est difficilement concevable pour un continent immense qui dispose de
terres et de l'eau. Au moment où les consommateurs occidentaux
se détournent des produits agricoles de leurs pays affectés par
les pesticides, l'agriculture-bio offre à l'Afrique une opportunité
sans précédant de produits et exportations pour gagner les
devises nécessaires au financement de son développement. A
cette fin, l'Afrique a besoin de la technologie et du savoir-faire
des pays développés. L'agriculture participera largement à
l'accroissement de la part de l'Afrique dans le commerce
international si les pays du G8 suppriment les obstacles non
tarifaires d'accès à leur marché et créent des conditions d'une
réelle compétitivité internationale.
8. L'énergie est une dimension du développement. Or, la plupart
des pays africains sont non producteurs de pétrole et ne
disposent que d'énergie hydraulique très mal répartie sur le
territoire. De sorte que la plupart des pays sont dépendants des
fluctuations des cours du pétrole. Cela poussent les
gouvernements à augmenter les prix du pétrole lorsque le prix
du brut augmente, ce qui se traduit par un effet immédiat sur les
conditions de vie des travailleurs et plus généralement les
populations. C'est pourquoi, le NEPAD a inscrit l'énergie parmi
ses priorités, invitant la communauté internationale à une
réflexion sur cette question. Certains pays africains disposant de
gaz ont déjà envisagé des gazoducs vers les pays démunis. Mais
le problème général demeure, l'énergie étant un intrant
important dans les coûts de production et ayant donc un impact
direct sur la compétitivité de nos entreprises.
9. Accès aux marchés des pays développés: la volonté affichée de
développement de l'agriculture et sa diversification ne peuvent
être opérantes que si les pays développés nous ouvrent leurs
frontières ainsi que cela était dit ci-dessus.
10. Environnement : le poids d'un environnement détérioré sur la
condition des populations, surtout dans les grandes villes, est
aujourd'hui établi, outre que ses aspects les plus connus, la
désertification et la sécheresse sont des menaces très sérieuses à
la vie même des populations au sud du Sahara. A cela, il faut
ajouter la dégradation rapide des côtes africaines qui s'avance
comme la sentinelle inexorable de l'avancée de la mer. A cela, il
faut ajouter les menaces réelles de transfert de déchets toxiques
196
Le· /lOI/tWill pcll1enariat pOl/r le dét'e/oppelllent de l'AJhql/e"
ou de farines contaminées vers l'Afrique, autant de danger pour
le cheptel et pour les êtres humains.
La prise en compte de ces priorités strarégiques devraienr permenre
au NEPAD de relancer le développemenr en Afrique.
197
Le NEPAD
et le développement des capacités
quelques éléments de discussion
par
Alioune Sali
Coordol1l1uteur RéUiol1ul - Futurs AJdcUil1S
INTRODUCTION:
Le NEPAD légitime, s'il en était encore besoin, la réflexion sur le
renforcement des capacités en Afrique, principale raison d'être de la
Fondation africaine pour le renforcement des capacités 1. Elle identifie
en effet de façon explicite plusieurs domaines - six pour être précis dans lesquels un renforcement des capacités s'impose. Ce sont:
-la création des conditions du développement, avec une référence
toute particulière à :
• la promotion de la croissance économique et du développement
et la mise en œuvre de programmes de réduction de la
pauvreté,
• l'instauration de la paix et de la sécurité,
• la bonne gouvernance (respect des normes minimales et des
codes de bonne conduite).
- la promotion de la coopération régionale et continentale, à travers
le renforcement des communautés économiques régionales existantes;
- la promotion de la collaboration entre l'État et le secteur privé, à
travers le "partenariat public-privé., particulièrement pour combler le
déficit infrastructure! ;
- la formulation des politiques de long terme; elle est présentée
comme l'un des défis majeurs de l'Afrique;
- la négociation d'une nouvelle relation avec les partenaires au
développement extérieurs qui prendrait comme point de départ les
programmes et priorités des pays africains;
1. Dans ce texte, on utilise aussi l'acronyme anglais de ACBF (Afrique Capacity
Building Foundation).
199
Le NEPAD, il/sfifl/fiollS, MOI/I'enlance ('tfil/clI/cement
- la rationalisation de différents programmes de coopération qui
existent entre les pays africains et les pays industrialisés Ce.g. Plan
d'Action du Caire issu du sommet Afrique-Europe, TICAD2,
AGOA)) d'une part, les pays africains et les institutions
multilatérales, d'autre part, CUNDAFi, PRSP, Global Compact for
Africa, PSA5).
A l'heure actuelle, le NEPAD n'est pas très explicite sur la nature ou
l'étendue de besoins dans ces différents domaines; il ne l'est pas non
plus sur les modalités de réponse envisagées ou envisageables par rapport
à ces besoins; il ne l'est pas davantage sur les besoins spécifiques des
différents acteurs de développement que sont l'État, le secteur privé et
la société civile, besoins qui, aujourd'hui, font l'objet d'une inégale
réflexion/attention. Mais, dès à présent, il apparaît que l'État est, de
tous les acteurs, celui qui, en matière de renforcement des capacités,
est le plus immédiatement interpellé par le NEPAD.
En effet, quatre des six priorités de le NEPAD correspondent à des
besoins stratégiques de l'État. Ces quatre priorités pour lesquelles l'État
devrait, en toute logique, être le principal bénéficiaire de programmes
éventuels de renforcement de capacités sont:
- l'analyse et la formulation des politiques,
-la mise en œuvre des réformes et des politiques de développement,
-le suivi et l'évaluation de ces politiques.
Notre contribution sera donc centrée sur les besoins en renforcement des capacités de l'État. Dans une première section, nous
procéderons à \In rapide état des lieux/survol de cette problématique
en Afrique. EnsLite, dans une section 2, seront identifiées et discutées
quelques priorités majeures liées au NEPAD. Dans une troisième
section seront suggérées des réponses envisageables en matière de
renforcement des capacités.
1.
LA l'HOBLEMATIQliE DU HENFOIlCEMENT DES CAI'AClT('S : UN (èTAl' IWS LIEUX
Lorsqu'on considère les besoins en capacités de l'Afrique, ceux actuels
des États comme ceux futurs qui ressortent d'une lecture du NEPAD, trois
constats peuvent être faits, qui ont chacun des implications importantes.
a. Le premier constat qui s'impose est que, de plus en plus, les
besoins en capacités, qu'il s'agisse de ceux qui sont identifiés par les
2.
3.
4.
5.
TICAD : Tokyo International Conference on African Developmem.
AGOA : Africa Growth Opportunity Act.
UNDAF : United Nations Developmem Assistance Framework.
PSA : Programme Spécial pour l'Afrique.
200
Le NEPAD et le drS1'('/oppelllel1f des c(/pacÎf('s
États ou de ceux qui sont mentionnés dans le NEPAD, se situent à
différents niveaux: ils sont en amont et en aval du processus de
développement. En soi cela est positif; il n'en a pas toujours été ainsi
les projets et programmes des États Ol!, volontairement ou non, l'accent
a été mis quasi-exclusivement sur des programmes et, pour cette raison,
l'effort de développement des capacités s'est situé en aval du processus.
Il n'en a pas été ainsi dans les initiatives régionales (continentales) et
on peut penser que l'évolution positive que l'on observe avec le
NEPAD tient au fait que cette initiative marche sur deux jambes, au sens
où elle se veut à la fois une vision et un programme. Une telle
démarche doit être encouragée.
b. Un second constat que l'on peut faire est que les réponses
actuelles aux types de besoins identifiés sont aujourd'hui inégalement
prises en charge par les pays africains et leurs partenaires de la
communauté internationale. Ainsi, alors qu'on peut noter un fort
investissement sur des projets visant à accroître les capacités d'analyse
et de formulation des politiques (c'est le domaine de prédilection
d'ACBF, par exemple) ou de suivi/évaluation des politiques (les agences
d'aide bi et multilatérale ont longtemps rivalisé dans la fourniture
généreuse d'outils, méthodes et processus de suivi/évaluation), force
est de constater que la planification à long terme, d'une part, et la
ca pacité de mise en œuvre cie réformes et politiques de développement, d'autre part, ne suscitent pas le même engouement. Il faut
corriger ce déséquilibre à la faveur de la mise en œuvre du NEPAD.
c. Un troisième constat que l'on peut dresser est que les initiatives
de développement des capacités mises en œuvre souffrent de sérieuses
limites du fait qu'elles:
• prennent la forme de projets d'accompagnement des politiques
financées sur ressources extérieures;
• obéissent plus à une logique d'offre des partenaires que de
demande des pays ;
• sont victimes d'une certaine insularité institutionnelle qui renforce
leur extranéité ;
• ont enfin des horizons limités inadéquats,
Tl faut surmonter ces limites et les dépasser si l'on veut donner au
NEPAD une chance,
II.
(JlIELLES l'HIOHITnS
?
Deux hypothèses centrales sont à la base de ce document.
La première est que la capacité de l'État à stimuler le processus de
développement (en créant en particulier un " enabling environment "),
201
Le NEPAD. il/stitl/tiol/s, R011l'eI'/Ul1lce etjzl/(/llcenlel1t
à accompagner les acteurs et à formuler des politiques à long terme est
une incertitude critique pour le NEPAD.
Il Y a dix ans, il n'en aurait certainement pas été ainsi. L'État
minimaliste était dans l'air du temps, qui se déclinait dans la formule
"moins d'État, mieux d'État" avec, comme corrolaire, la glorification du
secteur privé, associé parfois à la société civile.
Aujourd'hui, les approches sont plus nuancées. L'État n'est certes
plus l'alpha et l'oméga du développement qu'il était dans les années 60,
mais même les tenants de l'État minimaliste conviennent sans peine
aujourd'hui qu'il n'est pas de développement qui se puisse envisager
sans que l'État ne joue un rôle capital pour garantir la sécurité mais
aussi pour consolider la nation. Mieux d'État ne signifie pas nécessairement moins d'État ni en Europe ni encore moins en Afrique: voilà ce
sur quoi le consensus s'est formé, à partir notamment d'une analyse des
expériences asiatiques.
L'on comprend dès lors que le NEPAD, qui s'inscrit pourtant
résolument dans une optique néo-libérale, fasse la part belle au renforcement des capacités de l'État. Mais quelles capacités de l'État faut-il
renforcer? A quelles fins? Avec quelles ressources? Selon quels
processus? Voilà autant de questions sur lesquelles une réflexion s'impose.
Le seconde hypothèse est qu'une des tâches de l'État consiste à créer
les conditions d'une démocratisation des processus de développement.
Cela signifie que l'État se doit de faire en sorte que les intérêts du plus
grand nombre servent de plate-forme, de référent dans la formulation
des politiques de développement, soient pris en compte dans la
négociation de ces politiques (tant avec les acteurs internes qu'avec les
partenaires extérieurs) et dans le suivi et l'évaluation de ces politiques.
Il faut souligner que cette idée fort juste s'impose comme une
urgence pour deux raisons. D'abord, pour corriger les effets pervers du
processus de développement qui, en Afrique plus qu'ailleurs, s'est
accompagné d'un accroissement des disparités aujourd'hui si significatif
qu'il compromet les chances de durabilité des systèmes en place. Cet
accroissement des disparités ne se résorbera pas de lui-même; bien au
contraire il se poursuivra si la régulation du processus de développement
est laissée aux seules lois du marché, comme le voudrait un certain
libéralisme.
Ensuite, parce que tout en acceptant le principe d'une économie de
marché, les dirigeants africains du NEPAD sont loin d'être acquis à
l'idée d'une société régie par le seul marché, d'une société encastrée
dans l'économie. Pour eux, même si la formulation n'est pas très
explicite, l'État a un rôle de régulateur à jouer pour éviter certaines
dérives, et démocratiser le processus de développement. Il doit pour
cela pouvoir intervenir de façon stratégique. Mais une telle intervention
ne va pas de soi; elle suppose que l'État dispose de bonnes capacités
d'anticipation d'une part, de négociation avec les autres acteurs du
développement, d'autre part.
202
Le NEPAD et le déueloppemellt des capacités
a. Des capacités d'anticipation
Le développement est un pari sur le futur. Mais le futur n'est plus ce
qu'il était. Il est plus ouvert qu'il ne l'a jamais été mais il est plus difficile
que jamais à cerner en raison de multiples interférences. 11 faut être
capable d'anticiper ces modifications, ou, à tout le moins, de réduire les
incertitudes qui s'y rapportent.
Les capacités à le faire existent-elles au sein des États? Sont-elles
utilisées? La réponse va varier d'un point à un autre du continent mais
il demeure que cette fonction « anticipation" est essentielle. Si l'on veut
planifier à long terme, les capacités à anticiper les changements doivent
être créées là où elle n'existent pas, elles doivent être valorisées
davantage là où elles existent déjà. Pourtant la capacité à mener des
réflexions prospectives sur le continent - puisque c'est de cela qu'il
s'agit - n'est guère mentionnée de façon explicite et directe dans le
NEPAD. C'est par ailleurs un domaine de connaissances, un champ qui
ne suscite, comme on l'a signalé plus haut, que peu d'intérêt des
donateurs l1 .
A supposer que la volonté politique de développer cette fonction
anticipation existe et que puisse être mobilisé un certain appui de la
communauté internationale, la tâche n'en continuera pas moins d'être
difficile du fait de la grande variété d'approches en matière de réflexion
prospective, approches entre lesquelles il faudra choisir7 . Toutefois, si
une bonne capacité d'anticipation est nécessaire pour une intervention
stratégique de l'État, il reste qu'elle n'est pas une condition suffisante.
Encore faut-il en effet pouvoir négocier, avec les acteurs qui font
évoluer le système, des programmes ayant pour finalité la
transformation de l'existant et la création des futurs souhaités et
possibles.
b. Des capacités de négociation
Une bonne connaissance des acteurs du processus de développement, y compris de l'État lui-même, et une bonne compréhension du
jeu des acteurs seront nécessaires pour négocier la mise en œuvre du
NEPAD. En effet, ni la perception de l'intérêt ou de l'enjeu que
constitue le NEPAD, ni le positionnement par rapport au NEPAD, ne
6. Une exception notable à cet égard est constituée par le PNUD qui finance
depuis 1992 un projet régional c1'appui aux études nationales cie perspectives à
long terme en Afrique, connu sous le nom de programme" Futurs Africains ".
7. Voir sur ce point l'ouvrage" Un guide pour les rél1exions prospectives en
Afrique". Publié en co-édition par Futurs Africains, Karthala-Futuribles.
203
Le NEPAD, institlltions, /4oul'enul/lce et !ilUl/lCeIlU'/1t
peut être identique pour tous les acteurs/groupes sociaux. La mise cn
œuvre du NEPAD va en effet s'inscrire dans un champ économique,
social, politique, symbolique dominé par la compétition entre groupes
sociaux et façonné par les stratégies différenciées que ces groupes
sociaux déroulent/déclinent dans cette compétition. On peut faire
l'hypothèse que l'équilibre des forces entre acteurs et groupes sociaux
dans ces champs va être, sinon modifié, du moins interpellé par la mise
en œuvre de l'Initiative, et que même pour chaque catégorie d'acteurs,
les intérêts à court terme ne se conciliant pas nécessairement avec ceux
à plus long terme, l'on peut être tenté de sacrifier les seconds aux
premiers.
Il se trouve qu'à ces deux niveaux - connaissance des acteurs et
connaissance du jeu des acteurs - il y a de sérieuses insuffisances.
Ainsi, les différentes catégories d'acteurs sont appréhendées à travers
des grilles d'analyse pas toujours appropriées (analyse marxiste,
structuraliste, fonctionnelle). Quant au jeu des acteurs, ni en Afrique ni
ailleurs, il n'est facile à analyser. Le faire est d'autant plus difficile que,
d'une part, les acteurs peuvent n'avoir aucun intérêt à dévoiler leur jeu
et, au contraire, tout intérêt à le masquer; d'autre part, les motivations
et les ressorts des acteurs ne se situent pas tous dans un seul champ
(celui de la rationalité économique par exemple) mais relèvent le plus
souvent de divers registres.
Au total, développer des capacités d'anticipation du changement au
moyen d'une réflexion prospective menée de façon démocratique, dans
la perspective d'une planification stratégique: voilà un défi majeur pour
les États qui voudraient donner au NEPAD une chance de devenir ce
qu'elle voudrait être. Mais qu'il s'agisse d'entamer une réflexion ouverte
sur l'avenir, qu'il s'agisse de négocier, sur la base d'une vision à long
terme du développement, des programmes auxquels contribueraient
plusieurs acteurs, force est de reconnaître que des révisions déchirantes
seront nécessaires dans le modus operandi de l'État. Celui-ci est en
effet, d'une part, plus enclin et plus habitué à élaborer des scénarios
normatifs que des scénarios exploratoires; d'autre part, du fait du
déficit démocratique, il est plus enclin et habitué à décider en cercle
restreint qu'à soumettre sa vision du futur au débat démocratique avant
de décider.
III.
<..lI lE FAillE POL III IlENFOHCEH I.ES CAPAClT('S
?
Le développement des capacités a été :
Ca) dominé par des approches sectorielles, avec un fort accent mis
sur des activités en aval du processus de développement; c'est récemment
204
Le NEPAD I!t II! dél'eloppeml!lIf des capacités
seulement que les activités qui se situent en amont du processus de
développement (formulation de politiques et recherches orientées vers
la formulation de politiques) ont commencé à retenir l'attention;
(b) implicitement marqué par le paradigme dominant du développement qui négligeait le capital social au profit d'autres formes de
capitaJi~ ;
(c) régi par l'offre, consacrant ainsi l'asymétrie et renforçant la
dépendance.
Pour cette raison, les programmes de développement des capacités
ont été le plus souvent des programmes de transfert des compétences
- sous forme d'outils, méthodes et processus élaborés ailleurs - qu'autre
chose. Ces démarches comportent de sérieuses limites: on apprend en
effet à gérer ce qui existe, mais pas à inventer. Elles engendrent aussi
des effets pervers: effets d'éviction de l'expertise nationale par une
assistance technique ou substitution de l'expertise privée nationale à
celle de la Fonction publique. Une autre approche est-elle possible? En
théorie, oui.
Le renforcement des capacités en Afrique devrait se fixer les priorités
suivantes:
1. promouvoir une approche alternative en matière de renforcement
de capacités : cela consisterait à partir de la définition par les
communautés elles-mêmes de ce qu'elles veulent, de ce qu'elles
savent et de ce qu'elles peuvent dans le cadre d'une vision à long
terme de leur développement. L'accent mis sur le long terme serait
justifié par le fait que le développement des capacités est un
processus long d'accumulation de savoir, mais aussi de savoir faire
et d'expériences d'apprentissage de savoir apprendre ; et un
processus qui commence dès les premières années de la vie et pas
seulement lorsqu'on entre dans la vie professionnelle comme le
suggère l'approche fonctionnaliste de développement des
capacités qui a cours actuellement, et qui exclut toute prise en
compte de la formation initiale.
Quant à partir des aspirations des communautés, cela se justifierait
par le fait que le développement est, tout autant qu'affaire de capacités
à trouver les leviers qui permettent de transformer une réalité donnée,
une affaire de volonté. Volonté de valoriser ses propres forces, de
limiter ses faiblesses, dans une optique d'innovation et d'invention par
une société de son futur. En un mot, une attitude phénoménologique
est à promouvoir.
2. Favoriser les échanges d'expériences et promouvoir les meilleures
pratiques particulièrement en ce qui concerne les processus de
8, Voir à ce propos: A. Sail, National Long TenTI Perspective Studies : A tool for
sustainable human development in Africa ; Beijing-China 1998.
205
Le NEPAD, instill/tions, }tolll'elïllI1lCl! et financement
développement des capacités car, en ce domaine comme en
d'autres, le processus est aussi important sinon plus que le
produit.
3. Soutenir les initiatives qui visent à développer les capacités
d'anticipation et de négociation au sein des pays africains.
206
QUATRIÈME PARTIE
LE NEPAD
ET LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Le G8, le Canada
et le NEPAD
par
Son Excellence Michel Perrault
Hallf-Colllmissuire dit Cunada uu Cameroul1
Le groupe des pays du G8 qui s'est réuni à Kannaskis en Alberta
ICCanada) a consacré une de ses sessions de travail à la nouvelle initiative africaine le NEPAD. Ce groupe avait donné mandat au gouvernement
!canadien qui assurait la présidence du groupe depuis le 1~rianvier ~002
de préparer une proposition à soumettre au Sommet des Chefs d'Etats
en vue de leur appui à cette nouvelle initiative. Ainsi, le gouvernement
a entrepris depuis le mois de janvier un processus de consultation avec
les partenaires africains avant de formuler une série de propositions
pour le sommet de juin. Des consultations qui ont amené le Premier
Ministre Chrétien à effectuer une tournée en Afrique. Par ailleurs, le
gouvernement canadien a élaboré en coordination avec ses partenaires
du G8 l'ordre du jour du sommet du G8. Parallèlement aux questions
liées au renforcement de la croissance économique mondiale et aux
efforts de lutte contre le terrorisme, le gouvernement canadien a inscrit
avec l'appui de ces partenaires la question de la création d'un nouveau
partenariat pour le développement de l'Afrique. Une première dans les
sommets du G8 et qui exprime la volonté des pays les plus
industrialisés à apporter leurs concours et leur appui pour aider
l'Afrique à sortir de la crise et à retrouver une croissance forte et
dynamique lui permettant de s'insérer de manière compétitive dans
l'économie mondiale.
Pourquoi l'Mrique ? Pourquoi maintenant?
L'intérêt accordé par le gouvernement canadien et l'ensemble de ses
partenaires dans le cadre du G8 à l'Afrique s'explique par la situation
difficile du continent noir. Au niveau économique, la crise et la faiblesse
des dynamiques de croissance se sont traduites par une explosion de
la pauvreté. L'Afrique est aujourd'hui le seul continent où la pauvreté
progresse et on estime que près de la moitié des 637 millions
209
Le NEPAD et lu cOit/mlll/UlIté interl/atiollule
d'habitants de l'Afrique Sub-saharienne subsistent avec moins d'un
dollar par jour. Parallèlement aux difficultés économiques, l'Afrique a
connu une progression des grandes épidémies ces dernières années.
Ainsi, sur les quarante millions de personnes infectées par le VIH/Sida
plus des deux tiers vivent en Afrique du Sud Sahara. Un phénomène
d'autant plus insupportable que cette épidémie a laissé près de 12,1
millions d·orphelins. Ainsi, les conditions économiques et sociales
difficiles de l'Afrique expliquent l'intérêt croissant accordé par la
communauté internationale à l'avenir du développement sur le
continent.
En même temps, l'Afrique a décidé de prendre en charge son propre
avenir et à définir une nouvelle initiative commune afin de relever les
enjeux du développement. Ainsi, les pays africains ont élaboré le
Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique. Un document
qui a été adopté par les 53 États membres de l'Organisation de l'Unité
Africaine lors de son dernier Sommet en juillet 2001 à Lusaka. Cette
nouvelle initiative préconise un nouveau partenariat mondial sur la
base de responsabilités et d'intérêts mutuels. Cette initiative met
également l'accent sur le leadership de l'Afrique et sa prise en charge
du processus de développement.
Cette initiative a été jugée de manière positive par la communauté
internationale et les partenaires du développement de l'Afrique. Car il
s'agit pour la communauté internationale d'un programme réaliste et
dont l'objectif est de mettre fin à la marginalisation du continent. Cette
initiative accorde une place de choix au partenariat avec la
communauté internationale pour la relance du développement sur le
continent.
Par ailleurs, la communauté internationale accorde beaucoup
d'intérêt aux conditions préalables du développement que les pays
africains se sont fixés eux-mêmes. Plus particulièrement, le consensus
autour de la question de la bonne gouvernance est de bonne augure
pour l'avenir du développement sur le continent. La bonne gouvernance favorisera sans nul doute une meilleure gestion des deniers
publics et un usage efficient des ressources de l'aide internationale. En
même temps le NEPAD fait également de la résolution des conflits un
préalable important au développement. L'Afrique a longtemps souffert
des conflits armés et qui ont hypothéqué ces chances de développement. Aujourd'hui l'Afrique a besoin de résoudre de manière
pacifique ses conflits et de s'inscrire résolument dans le pluralisme et la
démocratie.
L'intérêt du NEPAD réside également dans les priorités qu'il s'est
donné pour relever les défis du XXIl' siècle. Parmi ces priorités, il faut
noter la nécessité de combler la fracture numérique et de faire face à
ce fossé qui ne cesse de grandir et de créer les conditions d'une
nouvelle marginalisation du continent. Par ailleurs. le NEPAD cherche
2JO
Le CS, le Canada et le NEPAD
à attirer les investissements étrangers et à favoriser l'accès pour les
produits africains à de nouveaux marchés. Au niveau social, le NEPAD
met l'accent sur les secteurs de l'éducation et de la santé qui sont les
secteurs d'avenir pour les populations africaines.
La réponse des pays du G8 au NEPAD.
Les pays du G8 ont accueilli positivement cette nouvelle initiative
africaine. Ils ont surtout salué le fait qu'elle a été élaborée par les pays
africains et qu'elle fait l'objet d'un consensus large auprès des pays
africains. La communauté internationale a été sensible au fait que les
pays africains font de la bonne gouvernance une de leurs priorités,
notamment la revue par les pairs et les mesures contre la corruption.
Par ailleurs, les questions de la paix et de la sécurité sont aussi
incontournables pour le développement ce qui suppose l'adoption de
stratégies pour prévenir les conflits et amener les pays africains à gérer
de manière pacifique leurs conflits. Mais, ceci suppose également
d'aider les pays en post-conflit à reconstruire leurs économies et à
dépasser les traumatismes des guerres et des violences.
La communauté internationale considère également que l'éducation
et le savoir, y compris les technologies de l'information et de la
communication, sont des secteurs prioritaires qui exigent un intérêt
particulier de la part des pays africains. Par ailleurs, dans un contexte
de prolifération des épidémies, y compris le VIH/Sida et d'autres
maladies infectieuses notamment le paludisme et la tuberculose,
l'Afrique doit consacrer également des efforts importants au secteur de
santé. Les secteurs de l'eau et de l'agriculture méritent également une
attention particulière parmi les priorités des pays africains.
Enfin, la relance de la croissance économique exige également
l'attraction des investissements directs étrangers et une meilleure
utilisation de raide publique au développement.
Afin de répondre de manière positive à cette initiative africaine, les
dirigeants du G8 ont nommé des représentants pour l'Afrique. A partir
de là, un processus de consultation présidé par le Canada a été engagé
aussi bien au sein des pays du G8 qu'avec le Comité directeur du
NEPAD, le Comité de mise en œuvre du NEPAD, la Commission
Économique des Nations Unies pour l'Afrique ou l'Organisation de
l'Unité Africaine. Des consultations ont été également menées avec les
partenaires du développement non membres du G8. L'ensemble de ces
consultations ont permis à la communauté internationale d'élaborer un
programme d'appui au NEPAD qui vient d'être adopté par les pays du
G8 lors de leur dernier Sommet à Kannaskis au Canada.
L'objectif de ce plan d'action est de favoriser le déblocage de
ressources publiques et privées à long terme. 11 ne s'agira pas d'un
apport massif de nouveaux fonds et les attentes de ce point de vue
211
Le NEPAD et la C0ll1111111IUlIté illtematio/Ulle
doivent être réalistes. Mais, la communauté internationale cherchera à
marquer son engament vis-à-vis du NEPAD en affectant de nouvelles
ressources, financières et techniques.
Par ailleurs, depuis son accès à la présidence du GB, le Canada a fait
des efforts importants afin d'appuyer la nouvelle initiative africaine.
Ainsi, en dépit des évènements du 11 septembre, le Canada a
convaincu ses partenaires dans le groupe du GB de maintenir l'Afrique
à l'ordre du jour du prochain sommet. Un engagement que le Premier
Ministre canadien a confirmé lors de son intervention au Forum
économique mondial à New York en février dernier. Il a notamment
indiqué que" le Plan d'action pour l'Afrique visera à aider les gouvernements africains déterminés à travailler avec et pour leurs citoyens
pour instaurer une paix et une sécurité durables, pour résoudre les
crises dans le secteurs de l'éducation et de la santé, pour renforcer la
gouvernance démocratique et pour libéraliser le commerce et l'investissement". Un engagement qui s'est également concrétisé par la visite
officielle du Premier ministre canadien dans certains pays africains et la
décision du gouvernement canadien d'affecter 500 millions de $
canadiens à la mise en œuvre du Plan d'action pour l'Afrique du GB.
EN CONCLUSION
Le NEPAD offre une occasion historique pour définir de nouvelles
relations entre les principaux pays industrialisés et l'Afrique. L'objectif
est aujourd'hui de créer un partenariat renforcé pour aider les pays
déterminés à mettre en œuvre le NEPAD. L'initiative du GB est une
occasion sans précédent, une occasion qui ne se présentera peut-être
plus jamais. L'Afrique doit par conséquent tirer le maximum
d'avantages de cet appui et de l'engagement de la communauté
internationale.
212
La Banque mondiale
et le NEPAD
par
Madani M, Tall
Représelltallt de la Ballque mondiale
pOlir le Cameroull, la RCA et la Gulllée Équatoriale
La Banque mondiale a joué depuis sa création un rôle important
dans le développement de l'Afrique, La Banque durant les quatre
dernières décennies a accompagné les pays dans leurs efforts de
développement tant au niveau de la réflexion, de la formulation de
politique que dans l'appui financier aux différents projets de
développement en Afrique.
Le NEPAD offre à la Banque mondiale une nouvelle occasion pour
appuyer les efforts des pays africains dans la relance de leurs stratégies
de développement afin de favoriser une insertion dynamique et
compétitive dans l'économie mondiale et dans leurs efforts de lutte
contre la pauvreté.
Quel rôle pour la Banque Mondiale dans le NEPAD ?
La Banque mondiale a suivi avec beaucoup d'intérêt, et dès le
départ, la nouvelle initiative des Chefs d'États africains. Elle a participé
ainsi, sur invitation des Chefs d'États africains, aux différentes réunions
et forums pour la préparation de cette initiative. L'adoption du NEPAD
par les Chefs d'États africains lors de leur Sommet à Lusaka en juillet
2001 a été considérée par la Banque mondiale comme un événement
important qui pourrait redonner confiance aux pays africains et leur
permettre avec l'appui des bailleurs de fonds, de relever les défis du
développement.
Dès l'adoption de cette initiative, la Banque mondiale a organisé une
série de réunions techniques à son siège à Washington ainsi que dans
ses différentes missions résidentes sur le continent afin d'étudier les
meilleurs moyens d'appuyer cette nouvelle initiative. Ces différentes
discussions et consultations internes ont conduit la Banque mondiale à
consacrer les dernières réunions du Programme spécial pour l'Afrique
213
Le NE'PAD et la commlll/allté illt(!/ïUltional(!
(SPA-Strategie Partnership for Africa) à cette nouvelle initiative. Parallèlement à son appui, la Banque Mondiale encourage les promoteurs
du NEPAD à recourir à l'expertise africaine, y compris celle de la BAD,
des organisations régionales comme la Commission Économique des
Nations-Unies pour l'Afrique (CEA) ou l'Union Africaine ainsi que les
organisations sous-régionales comme l'UEMOA en Afrique de l'Ouest,
la CEMAC en Afrique Centrale et la SADEC en Afrique du Sud et
australe.
L'appui de la Banque mondiale à cette nouvelle initiative peut
prendre plusieurs formes dont l'appui technique aux différentes projets
et actions, la facilitation du dialogue avec les partenaires au
développement de l'Afrique ainsi que le financement de certaines
activités inscrites dans le cadre du NEPAD.
L'appui technique de la Banque au NEPAD
L'appui technique de la Banque au développement en Afrique n'est
pas récent. Compte-tenu de la faiblesse des capacités techniques, la
Banque s'est toujours employé à apporter l'appui et l'aide nécessaire
aux pays en développement pour les aider à formuler avec la rigueur
nécessaire leurs projets et leurs initiatives en matière de
développement.
Dans le cadre du NEPAD, la Banque mondiale s'est engagée à
appuyer entre autres le volet sur la gouvernance économique avec la
Commission Économique des Nations-Unies pour l'Afrique. Il faut
souligner par ailleurs que cette question fait partie des préoccupations
de la Banque depuis plusieurs années et notre institution a cherché ~l
aider les pays africains à effectuer des avancées dans le domaine de la
gouvernance économique. L'amélioration de la gouvernance conditionne le renforcement de l'efficacité des efforts d'investissement et la
gestion des ressources publiques et de l'aide internationale. De ce fait,
la gouvernance économique constitue un préalable de taille au
développement du continent.
Par ailleurs, la Banque Mondiale cherche également depuis plusieurs
années à apporter un appui technique aux pays africains pour relancer
le secteur agricole. Au même niveau, les secteurs de la santé,
notamment tout le volet de la lutte contre la prolifération des épidémies
dont le VIH/Sida, et l'éducation reçoivent depuis plusieurs années un
appui technique et financier important de la Banque mondiale.
La Banque Mondiale joue également un rôle important du point de
vue technique en aidant les pays africains à accéder aux marchés des
pays développés. Une question cruciale qui est au centre des préoccupations de ces pays lors des négociations commerciales internationales.
Par ailleurs, la Banque apporte son appui technique, avec d'autres
institutions comme la Banque africaine de développement, dans le
214
La Btwljlte Mondiale et le NEPAD
domaine des infrastructures régionales, notamment dans le domaine du
transport. La Banque appuie aussi les efforts des pays africains dans la
conduite des réformes nécessaires pour encourager les investissements
directs étrangers (IDE) sur le continent.
Enfin depuis plusieurs années, la Banque mondiale s'est résolument
engagée dans la lutte contre la pauvreté en Afrique. Récemment, elle a
appuyé l'initiative PPTE et elle met son expertise technique à la
disposition des pays africains dans le cadre de l'élaboration de leurs
stratégies de lutte contre la pauvreté.
La facilitation du dialogue avec les partenaires
La Banque a joué depuis plusieurs années un important rôle de
facilitation du dialogue entre les pays africains et certains partenaires au
développement à travers diverses réunions de groupes consultatifs et
tables rondes. Cette action est importante car d'une part, elle assure une
meilleure coordination de l'appui de la communauté internationale à
l'Afrique, d'autre part, elle conduit à la mise à la disposition de
financements plus importants qui permettent aux pays africains de
réaliser des actions et des investissements d'envergure.
Le fmancement du développement
Les ressources IDA en direction de l'Afrique ont atteints, pendant
l'année fiscale 2001, un montant record de 3,4 milliards de dollars US,
montant jamais égalé depuis dix ans. Pour l'année fiscale 2002, il est prévu
que les ressources IDA destinés ~l l'Afrique dépassent les 3,5 milliards
de dollars. Cette progression constante devrait se poursuivre dans les
prochaines années. En tout état de cause, la Banque mondiale envisage
de consentir à l'Afrique, au moins 50 % des allocations de l'IDA (son
guichet concessionne1).
L'affectation des ressources IDA entre les pays se fera en fonction
des avancées constatées dans le domaine des réformes et des politiques
de développement mises en place par les différents gouvernements.
Déjà, des pays comme le Burkina Faso, le Ghana, le Mali, le Mozambique, le Sénégal, la Tanzanie, et l'Uganda, ont reçu une assistance
financière en nette progression par rapport aux années précédentes.
Par ailleurs, la Banque Mondiale reprend ses activités en Côte-d'Ivoire,
RDC, Érythrée, et Éthiopie, pays qui sortent de conflits ou de périodes
d'instabilité politique plus ou moins longues.
Les financements envisagés par la Banque mondiale vont contribuer
à accélérer la réalisation des Objectifs de Développement du Millenium
(Millenium Development Goals) et seront en phase avec les stratégies
élaborés dans le cadre du NEPAD. Dans les années à venir, quatre
215
Le NEPAD el la COIII/II//IlUit/c> illlerllaliollClle
domaines d'intervention seront privilégiés: l'amélioration de la gouvernance et la résolution des contlits; le développent des ressources
humaines; la diversification de la production et l'amélioration de la
compétitivité; et la réduction de la dépendance de l'aide extérieure ainsi
que du poids de la dette, notamment à travers l'initiative PPTE (des
22 pays bénéficiaires, 18 sont en Afrique).
Perspectives d'avenir
Le NEPAD est certainement une initiative qui sera confrontée aux
défis majeurs du continent africain pour le prochain siècle. La Banque
mondiale estime que son avènement est un développement extrêmement positif car il jette les bases d'une véritable appropriation par
les africains eux-mêmes de leur propre développement dans un cadre
de gouvernance renforcée. De ce point de vue, les Documents de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) en cours de préparation
dans divers pays impliqués dans l'initiative PPTE pourraient contribuer
assez facilement à renforcer le processus du NEPAD.
Enfin, la Banque mondiale estime que la concrétisation du NEPAD
est une œuvre de longue haleine qui mérite une implication de tous les
partenaires au développement. A la demande des pays, la Banque
mondiale continuera à apporter sa modeste contribution. Celle-ci visera
à conforter les priorités régionales, renforcer les programmes
d'allègement de la dette, appuyer les efforts de reconstruction après les
conflits, apporter une assistance dans la lutte contre le VIH-SIDA et les
maladies contagieuses, l'intégration régionale, le renforcement des
capacités, et l'ouverture des marchés aux produits Africains.
216
Le PNUD et le NEPAD
par
Patricia de Mowbray
Coordonnareur RésidemlReprésemam Résidem
de l'ONUIPNUD au Cameroun
Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (plus
connu sous son appellation anglo-saxonne de NEPAD) est une initiative
politique promue par les dirigeants africains, fondée sur une vision
commune et sur une conviction ferme et partagée qu'il leur incombe
d'urgence d'éradiquer la pauvreté, et de placer leur pays sur la voie
d'une croissance et d'un développement durables, tout en participant
activement à l'économie et à la vie politique mondiales.
Né en réalité de la fusion de deux grands projets : l'Association du
millénaire pour le programme de redressement africain (PRA) du
Président sud-africain et le Plan Omega du Président sénégalais, le
NEPAD promeut une nouvelle approche des questions de développement en Afrique qui repose sur un partenariat mieux équilibré et
plus efficace aux niveaux:
• national, dans lequel le NEPAD se propose de concevoir un
développement endogène mené dans le cadre d'une collaboration
fructueuse avec la société civile et le secteur privé;
• régional, dans le cadre d'entités sous-régionales viables, disposant
des moyens de concrétiser l'intégration régionale dans les
domaines prioritaires affectant le développement du continent;
• international, à travers des échanges plus équitables avec la
communauté internationale et une participation accrue de
l'Afrique à l'économie globale.
Ainsi présenté, le NEPAD apparaît comme un vaste plan africain de
relance économique. Depuis son lancement en octobre 2001, le NEPAD
suscite l'adhésion des grandes puissances telles que les États-Unis, le
Japon, l'Union Européenne, la Chine, etc ... , ainsi que des forums
comme le G-S, et des grandes institutions/organisations internationales
telles que le Fonds monétaire internationale, la Banque mondiale, le
PNUD, etc ...
217
Le NEPAD el la COl1l11l1l11aufé il/lenll/fio1lale
L'objet de ce papier est d'apporter les éléments explicatifs du soutien
du PNUD au NEPAD d'une part, et de présenter les mécanismes de ce
soutien d'autre part. Autrement dit, il s'agit de répondre à la question
pourquoi et comment le PNUD soutient-il le NEPAD ?
1. JUSTIFICATION
D[I SOUTII~N Dli l'NllD ALI NI\I'AD
Il importe à ce titre de préciser d'abord ici les trois (3) principes
constituant les principaux piliers du NEPAD, à savoir: Ci) l'initiative
pour la paix, la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance,
(ii) l'initiative pour la gouvernance économique et la gouvernance des
entreprises; et (Hi) les approches sous-régionales et régionales du
développement.
Ces piliers du NEPAD sont en fait assez proches des domaines
actuels de concentration du PNUD (gouvernance démocratique,
réduction de la pauvreté, nouvelles technologies de l'information et de
la communication, lutte contre le VIH/SIDA, prévention et gestion des
catastrophes, protection de l'environnement) et du mandat même du
PNUD. En effet, le PNUD a pour mission de contribuer aux efforts des
pays de parvenir à un développement humain durable, en les aidant à
se doter des moyens propres à concevoir et à mettre en œuvre des
programmes de développement dans les domaines de l'élimination de
la pauvreté, de la création d'emplois et des moyens d'existence durable,
de la promotion de la femme et de la protection et la régénération de
l'environnement.
En plus, le PNUD a joué par le passé un rôle important et stratégique
dans les domaines d'action du NEPAD d'une part, et dispose ainsi d'un
avantage comparatif certain dans ces domaines d'autre part.
Enfin, tous les acteurs impliqués dans la mise en œuvre du NEPAD
(OUNUA, Commission Économique des Nations-Unies pour l'Afrique,
Banque Africaine de Développement, etc ... ) sont déjà des partenaires
du PNUD. Ceci permettra de faciliter la collaboration du PNUD avec ces
institutions dans la mise en œuvre du NEPAD.
II.
MÉCANISMES DI' SOllTIEN Dl! l'NUl) ALI
NEI'AD
Le PNUD soutient actuellement le NEPAD à deux niveaux: le Siège
du PNUD et les Bureaux de terrain africains du PNUD.
218
Le PNUD ef le NEPAD
11.1. Appui du Siège du PNUD
II est réalisé par le Bureau Régional Afrique du PNUD. C'est ainsi
que ce Bureau s'est engagé dans le NEPAD depuis sa proclamation. A
cet égard, il s'est engagé dans la conduite du NEPAD aux niveaux à la
fois technique et politique afin de mieux comprendre les objectifs du
NEPAD, sa structure institutionnelle, programmatique et opérationnelle,
l'engagement des dirigeants politiques, et surtout afin de définir où le
Bureau Régional Afrique pourrait mieux appuyer ce nouveau Partenariat africain.
De manière plus concrète, le Directeur du Bureau Régional Afrique,
les consultants indépendants et quelques Représentants Résidents du
PNUD se sont réunis avec plusieurs Chefs d'État d'Afrique et les experts
du Secrétariat du NEPAD pour travailler sur cette nouvelle structure. Les
représentants du Bureau Régional Afrique se sont également réunis à
ce sujet et ont préparé les documents pour plusieurs donateurs
intéressés à appuyer le NEPAD, y compris le G-S et le Commonwealth.
En ce moment, le Bureau Régional Afrique finance trois (3) études/
activités importantes:
• un consultant indépendant vient juste d'achever un étude sur la
question de savoir comment le PNUD peut renforcer son soutien
au Secrétariat du NEPAD afin de mieux articuler, coordonner et
appuyer les engagements pris dans le cadre du NEPAD, y inclus
l'identification des domaines de programme prioritaires qui
pourraient bénéficier de l'appui du PNUD ou qui pourraient
immédiatement profiter de l'appui des programmes/projets en
cours du Bureau Régional Afrique.
• le Bureau Régional Afrique travaille également en ce moment avec
la fondation internationale" Business Leadership .. pour préparer
un étude plus exhaustive sur l'appui du secteur privé au NEPAD.
Cette étude a commencé avant la réunion de Dakar sur le NEPAD
du mois de mai dernier.
• Le Bureau dispose actuellement d'un consultant qui travaille avec
le Secrétariat du NEPAD sur les recommandations de la réunion du
Comité de mise en œuvre tenue au mois de mars dernier à Abuja
au Nigeria. Ce consultant est impliqué dans la conception des
méthodologies, des instruments, des procédures et des
mécanismes du processus de surveillance et de sanction du
NEPAD dans le domaine de la gouvernance.
Enfin, à travers un projet régional d'assistance préparatoire, le
Bureau Régional appuie également le Secrétariat de l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) dans la préparation des documents constitutifs
importants et dans le processus consultatif relatif à la transition de
l'OUA à l'Union Africaine (UA).
219
Le NEPAD et la commllluwté illferllatiollale
Au vu de ce qui précède, le Secrétaire Général de l'OUA a nommé
le Directeur du Bureau Régional Afrique au panel d'éminentes
personnalités qui le conseillent pour une transition sans problèmes à
l'UA, Y compris sur les liens entre l'OUA et le NEPAD.
II.2. L'appui des Bureaux de terrain: Exemple du Bureau du
Cameroun
Dans le sillage du Siège, le Bureau du PNUD Cameroun a
récemment initié une série de rencontres visant à définir un cadre de
réflexion et d'actions prioritaires sur les liens entre le NEPAD et la
TICAD (Conférence Internationale de Tokyo sur le Développement de
l'Afrique) pour accélérer le développement durable de l'Afrique. La
première rencontre du genre a eu lieu le lundi, 13 mai 2002 à Yaoundé
et réunissait les représentants du gouvernement, du secteur privé, de la
société civile, des média, de l'ONU et les universitaires. Cette rencontre
visait à :
» susciter un intérêt national à ces deux mécanismes pertinents du
développement de l'Afrique et en améliorer la connaissance par
le public;
» stimuler la réflexion partagée entre tous les acteurs (gouvernement, secteur privé, société civile)sur la contribution possible
du Cameroun à la mise en œuvre du NEPAD dans le cadre des
stratégies de développement au niveau national et sousrégional;
» présenter les acquis que le Cameroun a tiré de sa participation
aux activités du processus TICAD et améliorer la compréhension
par tous les acteurs des opportunités de coopération qui pourraient
en résulter pour son développement ;
» assurer un meilleur positionnement du Cameroun dans le NEPAD,
en tirant avantage des partenariats développés à travers TICAD
pour la mise en œuvre des Objectifs du Développement de la
Déclaration du Millénaire.
Les résultats immédiats attendus de cette rencontre étaient les
suivants:
»
»
»
»
une meilleure compréhension du NEPAD et de la TICAD sur le
plan national;
une meilleure participation du Cameroun aux processus NEPAD
et TICAD;
un renforcement de l'engagement du Cameroun dans les deux
processus NEPAD et TICAD ;
une contribution du Cameroun à la préparation de TICAD III,
par des suggestions pour un appui effectif de TICAD aux
objectifs du NEPAD ;
220
Le PNUD ef le NEPAD
~
une meilleure vision à long terme du positionnement du
Cameroun dans le processus de mise en œuvre du NEPAD.
Par ailleurs, cette première rencontre a permis entre autres la mise
sur pied d'un Groupe de travail mixte (Gouvernement, Bailleurs,
Société civile, et Secteur privé) pour l'élaboration d'un plan d'action
NEPAD/TICAD du Gouvernement du Cameroun. Ce groupe de travail
mixte a tenu sa première réunion le 24 mai 2002. Cette réunion a
permis de définir le mandat, les grandes orientations des réflexions et
les domaines d'action prioritaires de ce groupe.
Ainsi, son mandat est de :
~ définir les orientations des réflexions à mener ;
~ élaborer un calendrier de travail ;
~ définir une stratégie d'approche vis-à-vis d'un certain nombre de
partenaires clés intéressés par le processus NEPAD/TICAD.
Ses grandes orientations de réflexion sont :
~ réfléchir sur un schéma de coordination entre le NEPAD et la
TICAD;
~ réfléchir autour des domaines d'action prioritaires qui pourraient
montrer que la TICAD est utile au NEPAD ;
~ réfléchir sur la meilleure stratégie pour le Cameroun d'assurer
un leadership dans tel ou tel domaine dans la préparation de la
TICAD III.
Les domaines d'action prioritaires retenus comme les axes de
recherche de ce groupe de travail mixte sont:
~ les leçons que l'Afrique pourrait tirer de l'expérience asiatique
de développement ;
~ les infrastructures routières et les télécommunications;
~ les Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ;
~ la délocalisation des entreprises japonaises dans les sous-régions
d'Afrique pour faciliter l'insertion de ces dernières dans l'économie mondiale ;
~ l'expérience de gouvernance économique et politique des pays
d'Asie.
221
ANNEXES
LE DOCUMENT DU NEPAD
NOUVEAU PARTENARIAT
POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE
(NOPADA)
OCTOBRE 2001
Sigles et acronymes
AGOA
APD
CAO
CEA
CEDEAO
CEl
CGIAR
DSRP
EBA
FAO
Loi américaine sur la croissance et le commerce en Afrique
Aide publique au développement
Comité d'aide au développement
Commission économique des Nations unies pour l'Afrique
Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
Commission internationale de l'électrotechnique
Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale
Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté
"Tout sauf les armes ..
Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et
l'agriculture
FARA
Forum pour la recherche agricole en Afrique
Fonds pour l'environnement mondial
FEM
Forum international d'accréditation
FIA
Fonds monétaire international
FMI
Association internationale de développement
IDA
Initiative mondiale pour la salubrité de l'environnement
IMSE
ISO
Organisation internationale de normalisation
NOPADA Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique
Organisation de coopération et de développement
OCDE
économiques
Organisation mondiale du commerce
OMC
Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
OMPI
Organisation mondiale de la santé
OMS
Obstacles techniques au commerce
OTC
Organisation de l'unité africaine
OUA
Produit intérieur brut
PIE
Produit national brut
PNB
Initiative pour l'allégement de la dette des pays pauvres très
PPTE
endettés
Communauté de développement de l'Afrique australe
SADC
Système d'informations géographiques
SIG
Système généralisé de préférences
SGP
Technologies de l'information et de la communication
TIC
Union africaine
UA
UNESCO Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science
et la culture
227
Table des matières
1. Introduction
231
II. L'Afrique dans le monde d'aujourd'hui:
entre pauvreté et prospérité
232
L'appauvrissement historique d'un continent
L'Afrique et la révolution mondiale
234
236
III. La nouvelle volonté politique des dirigeants africains
239
IV. L'appel aux peuples africains
241
V. Progranune d'action: stratégie africaine pour assurer un développement durable au XXl c siècle
242
A. Conditions requises pour réaliser un développement durable..
Al. Initiative pour la paix, la sécurité, la démocratie et la bonne
gouvernance.........................................................................
Ci) Initiative pour la paix et la sécurité
(ii) Initiative pour la démocratie et la bonne gouvernance
A2. Initiative pour la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises
Approches sous-régionales et régionales au développement...
244
B. Priorités sectorielles
BI. Combler l'écart dans le domaine des infrastructures
Ci) Tous les secteurs des infrastnJctures
(iD Combler l'écart numérique: investir dans les technologies
cie l'information et de la communication
(iiD Énergie
(iv) Transports
Cv) Eau et assainissement
B2. Initiative de la mise en valeur des ressources humaines, y
compris l'inversion de la tendance à la fuite des cerveaux ..
Ci) Réduction de la pauvreté
(iD Combler l'écart dans le domaine cie l'éducation
(iH) Inversion cie la tendance à la fuite cles cerveaux
250
250
250
229
244
245
246
247
248
251
253
254
255
256
256
256
257
Alillexes: le doel/Illelll dl/ NEPAD
(iv) Santé
Agriculture
Initiative pour l'environnement
Culture
Tribunes sur la science et la technologie ..
258
260
261
262
263
C. Mobilisation des ressources
Cl. Initiative en faveur des flux de capitaux
(0 Augmenter la mobilisation des ressources internes
(ii) Initiative au sujet de la dette
(iii) Initiative pour transformer l'ADP
(iv) Initiative pour les apports de capitaux privés
264
264
264
264
265
266
B3.
B4.
B5.
B6.
C2. Initiative pour l'accès aux marchés
Diversification de la production
(ii) Agriculture
(iii) Industries extractives
(iv) Manufacture
(v) Tourisme
(vi) Services
(vii) Promotion du secteur privé
(viii) Promotion des exportations de l'Afrique
(ix) Élémination des barrières non tarifaires
(i)
VI. Un nouveau partenariat mondial
267
267
268
269
269
271
272
272
273
275
275
Instaurer de nouvelles relations avec les pays industrialisés et les
organisations multilatérales
277
34
VII. Mise en œuvre du Nouveau Partenariat pour le Développement
de l'Afrique
(i) Agriculture
(ii) Promotion du secteur privé
OH) Infrastnlctures et intégration régionale
VIII. Conclusion
279
280
280
281
282
230
Nouveau partenariat
pour le développement de l'Afrique
(NOPADA)
1.
INTllODLJCTION
1. Le présent Nouveau Partenariat pour le développement de
l'Afrique (NOPADA) est une promesse faite par des dirigeants africains,
fondée sur une vision commune ainsi qu'une conviction ferme et
partagée qu'i! leur incombe d'urgence d'éradiquer la pauvreté, de
placer leurs pays, individuellement et collectivement, sur la voie d'une
croissance et d'un développement durables, tout en participant
activement à l'économie et à la vie politique mondiales. Il est ancré
dans la détermination des Africains de s'extirper eux-mêmes, ainsi que
leur continent, du malaise du sous-développement et de l'exclusion
d'une planète en cours de mondialisation.
2. La pauvreté et le retard de l'Afrique contrastent vivement avec la
prospérité du monde développé. La marginalisation continue de
l'Afrique du processus de mondialisation et l'exclusion sociale de la
vaste majorité de ses peuples constituent une grave menace pour la
stabilité mondiale.
3. Depuis les années 70, lorsque les pays d'Afrique sont devenus
membres des institutions de la communauté internationale, le binôme
crédit-aide est resté la base logique du développement de l'Afrique. Le
crédit s'est traduit par l'impasse de la dette qui, de versements en
rééchelonnements, continue d'entraver la croissance des pays d'Afrique.
L'on est parvenu au bout de cette option. Quant à l'autre élément du
binôme, l'aide, l'on a aussi observé la réduction de l'aide privée et le
plafonnement de l'aide publique, contrairement aux objectifs des
années 70.
4. En Afrique, 340 millions de personnes, soit la moitié de la
population, vivent avec moins d'l dollar EU par jour. Le taux de
mortalité des enfants de moins de cinq ans y est de 140 pour 1 000 et
l'espérance de vie à la naissance de seulement 54 ans. 58 pour cent
seulement de la population a accès à de l'eau potable. Le taux d'alphabétisation des personnes de plus de 15 ans est de 41 pour cent. Il n'y
231
Annexes: le aOClllllellt dll NEPAD
a que 18 lignes téléphoniques pour 1 000 personnes en Afrique, par rapport
à 146 dans le monde entier et 567 dans les pays à revenus élevés.
5. Le NOPADA exige le revirement de cette situation anormale en
changeant les relations qui la soutiennent. Les Africains ne demandent
ni une perpétuation de la dépendance par le biais de l'aide, ni des
concessions marginales.
6. Nous sommes convaincus qu'une occasion historique se présente
de mettre fin au fléau du sous-développement qui afflige l'Afrique. Les
ressources, y compris le capital, la technologie et les compétences
humaines, requises pour lancer une guerre mondiale contre la pauvreté
et le sous-développement, sont abondantes et à notre portée. Pour
mobiliser ces ressources et les utiliser correctement, ce qui est requis
est un leadership courageux, imaginatif et vraiment résolu à déployer
des efforts soutenus afin d'améliorer les conditions de vie et d'éradiquer
la pauvreté, ainsi qu'un nouveau partenariat mondial fondé sur la
responsabilité conjointe et l'intérêt mutuel.
7. Sur tout le continent, les Africains déclarent qu'ils ne se laisseront
plus conditionner par les circonstances. Nous déterminerons notre propre
destinée et nous ferons appel au reste du monde pour compléter nos
efforts. Des signes de progrès et d'espoir sont déjà apparents. Le
nombre de régimes démocratiques qui se sont engagés à protéger les
droits de l'homme, à axer le développement sur l'individu et à promouvoir des économies de marché est en train de s'accroître. Les Africains
ont commencé à manifester leur refus d'accepter un leadership économique et politique médiocre. Mais ces progrès sont inégaux et inadéquats
et doivent être accélérés davantage.
8. Le NOPADA cherche à consolider et à accélérer ces gains. C'est
un appel pour une nouvelle relation de partenariat entre l'Afrique et la
communauté internationale, et en particulier les pays fortement industrialisés, afin de franchir l'abîme du développement qui s'est élargi au
fil de siècles de relations inégales.
II.
L'AFllIQlIE DANS LE MONDE D'Al:,10lIHD'11l1I :
ENlllE PAUVRETI' ET PROSPI::RITI~
9. La place de l'Afrique dans la communauté mondiale est définie
par le fait que le continent est une base de ressources indispensables
qui sert toute l'humanité depuis bien des siècles.
10. Ces ressources peuvent être décomposées en éléments constitutifs de la façon suivante :
232
NOU1 'eal/ Purtel/ariat pour le Dél'efoppel1lellt de l'A./i-ùj1le (NOPADA)
- riche complexe cie dépôts de minerais, de pétrole et de gaz, sa
flore et sa faune et son vaste habitat naturel encore intact, qui
fournissent la base de l'exploitation minière, de l'agriculture et du
tourisme (Composante 1) ;
- le poumon écologique que fournissent les forêts tropicales du
continent, et la présence minime d'émissions et d'effluents nuisibles
à l'environnement - une commodité publique mondiale qui
bénéficie à toute l'humanité (Composante II) ;
- les sites paléontologiques et archéologiques qui contiennent des
preuves de l'évolution de la terre, de la vie et des espèces humaines,
les habitats naturels qui renferment une grande variété de flore et
de faune et les espaces libres inhabités qui sont une caractéristique
du continent (Composante III) ;
-la richesse de la culture africaine et sa contribution à la variété des
cultures de l'univers (Composante IV).
Il. La première de ces composantes, la Composante 1, est celle avec
laquelle le monde est le plus familier. La deuxième, la Composante II,
n'a attiré l'attention que récemment, l'humanité commençant à saisir
l'importance cmciale du problème de l'environnement. La troisième, la
Composante III, est aussi en train de prendre de l'importance, n'étant
plus un sujet de préoccupation pour une discipline scientifique seulement ou d'intérêt uniquement pour les musées et leurs conservateurs.
La quatrième de ces composantes, la Composante IV représente la
créativité des Africains qui demeure considérablement sous-exploitée et
sous-développée.
12. L'Afrique a un rôle très important à jouer en ce qui concerne le
problème cmcial de la protection de l'environnement. Les ressources
africaines comprennent des forêts tropicales, l'atmosphère pratiquement
dépourvue de gaz carbonique au-dessus du continent et la présence
minime d'effluents toxiques dans les rivières et les sols qui interagissent
avec l'océan Atlantique et l'océan Indien, la Méditerranée et la mer
Rouge. Le NOPADA comprendra une stratégie visant à entretenir ces
ressources et à les utiliser pour le développement du continent africain
et le commerce par celui-ci, tout en les conservant pour toute
l'humanité.
13. Il est évident que, si on ne donne pas aux communautés vivant
à proximité des forêts tropicales d'autres moyens de gagner leur vie,
elles contribueront à la destmction des forêts. Comme la conservation
du patrimoine environnemental est dans l'intérêt cie l'humanité, il est
impératif que l'Afrique soit placée sur une voie de développement qui
ne le mette pas en danger.
233
Anllexes: le doellment dll NEPAD
14. La science moderne reconnaît que l'Afrique est le berceau de
l'humanité. Dans le cadre du processus de reconstruction de l'identité
et de la confiance en eux-mêmes des peuples d'Afrique, il est
nécessaire que les Africains eux-mêmes comprennent et apprécient
cette contribution à l'existence humaine. Le statut de l'Afrique comme
berceau de l'humanité devrait être chéri par le monde entier en tant
qu'origine de tous ses peuples. En conséquence, le NOPADA doit
conserver le patrimoine commun et l'utiliser pour établir les fondations
d'une compréhension universelle du besoin historique de mettre fin au
sous-développement et à la marginalisation du continent.
15. L'Afrique a aussi un rôle majeur à jouer pour maintenir un lien
solide entre les êtres humains et la nature. Les progrès technologiques
tendent à mettre en évidence le rôle des êtres humains en tant que
facteurs de production, qui rivalisent pour une place dans le processus
de production avec les outils contemporains ou futurs. Les espaces
libres inhabités, la flore et la faune, ainsi que les diverses espèces
animales qui sont uniques à l'Afrique, offrent une rare chance à
l'humanité de maintenir son lien avec la nature. L'Afrique est exceptionnellement bien placée pour offrir ce patrimoine à l'humanité.
16. L'Afrique a déjà contribué considérablement à la culture
mondiale par le biais de la littérature, de la musique, des arts visuels et
d'autres formes culturelles, mais son vrai potentiel demeure inexploité
à cause de son intégration limitée à l'économie mondiale. Le NOPADA
permettra à l'Afrique d'accroître sa contribution à la science, à la culture
et à la technologie.
17. En ce nouveau millénaire, où l'humanité est en train de chercher
une nouvelle façon de construire un monde meilleur, il est essentiel
que nous combinions ces attributs aux forces de la volonté humaine
pour placer le continent sur un piédestal de partenariat égal afin de
faire progresser la civilisation humaine.
L'appauvrissement historique d'un continent
18. L'appauvrissement du continent africain a été principalement
accentué par l'héritage du colonialisme, de la guerre froide, des
rouages du système économique international et des insuffisances et
faiblesses des politiques menées dans de nombreux pays après
l'indépendance.
19. Depuis des siècles, l'Afrique est intégrée dans l'économie
mondiale principalement en tant que fournisseur de main-d'œuvre et
de matières premières bon marché. Ceci a nécessairement signifié une
hémorragie des ressources de l'Afrique plutôt que leur utilisation pour
234
NOIll'mlt Partenariat pOlir le Dt>l'eloppemellt cie l'Aji-iqlte (NOPADA)
le développement du continent. L'Afrique a raté à cette époque
l'occasion d'utiliser les minerais et les matières premières pour
développer des industries de transformation ainsi qu'une base humaine
très qualifiée afin de soutenir la croissance et le développement. Par
conséquent, l'Afrique demeure le continent le plus pauvre alors qu'elle
est l'une des régions les plus richement dotées du monde.
20. Dans d'autres pays et d'autres continents, le contraire s'est
produit. Une richesse a été injectée sous la forme d'investissements qui
ont créé de plus grands volumes de richesses grâce à l'exportation des
produits porteurs de valeur ajoutée. Il est temps que les ressources
africaines soient exploitées pour développer la création de richesses sur
le continent pour le bien-être de ses populations.
21. Le colonialisme a ébranlé les structures, institutions et valeurs
préexistantes ou les a asservies aux besoins économiques et politiques
des puissances impériales. Il a aussi retardé le développement d'une
classe animée d'un esprit d'entreprise ainsi que d'une classe moyenne
dotée de compétences et de capacités de gestion.
22. Au moment des indépendances, presque tous les nouveaux
États se caractérisaient par une pénurie de professionnels qualifiés et
par une faible classe capitaliste, ce qui a abouti à un affaiblissement du
processus d'accumulation. L'Afrique post-coloniale a hérité d'États
faibles et d'économies en dysfonctionnement. Cette situation a encore
été aggravée par un leadership médiocre, la corruption et la mauvaise
gouvernance dans de nombreux pays. Ces deux facteurs, ainsi que les
divisions causées par la guerre froide, ont entravé l'avènement de
gouvernements responsables sur le continent.
23. Un grand nombre de gouvernements africains n'ont pas habilité
leurs peuples à engager des initiatives de développement afin de
réaliser leur potentiel créatif. Aujourd'hui, la faiblesse de l'État demeure
une contrainte majeure au développement durable dans un certain
nombre de pays. En fait, l'un des défis majeurs pour l'Afrique est de
renforcer la capacité à gouverner et de mettre au point des politiques
à long terme. Dans le même temps, il est également urgent de réaliser
des réformes et des programmes d'une portée considérable dans de
nombreux États africains.
24. Les programmes d'ajustement structurels n'ont fourni qu'une
solution partielle. lis ont promu des réformes tendant à éliminer de
graves distorsions des prix mais n'ont pas accordé suffisamment
d'attention à la prestation de services sociaux. En conséquence, ces
programmes n'ont permis qu'à un petit nombre de pays d'atteindre un
niveau de croissance plus élevé durable.
235
Al1l1exes: le docl/mel1t du NEPAD
25. En fait, l'expérience de l'Afrique montre clairement que le taux
d'accumulation au cours de la période post-coloniale n'a pas été suffisant pour reconstruire les sociétés à la suite du sous-développement
colonial ou pour maintenir l'amélioration du niveau de vie. Ceci a eu
des effets corrosifs supplémentaires sur le processus politique et a
accru le népotisme et la corruption.
26. L'effet net de ces processus a été la perpétuation d'un cercle
vicieux, dans lequel le déclin économique, la capacité réduite et la
gouvernance médiocre se renforcent, confirmant le rôle périphérique et
de moins en moins important de l'Afrique dans l'économie mondiale.
Au fil des siècles, l'Afrique a été définie, par nécessité, comme le
continent marginalisé.
27. Le NOPADA cherche à tirer parti des réalisations du passé et à
les célébrer ainsi qu'à réfléchir sur les leçons tirées d'une expérience
douloureuse afin de mettre sur pied un partenariat qui soit à la fois
crédible et réalisable. Ce faisant, nous enjoignons aux peuples et aux
gouvernements d'Afrique de comprendre que le développement est un
processus de responsabilisation et d'autosuffisance. En conséquence,
les Africains ne doivent pas être les pupilles de gardiens bienveillants,
mais plutôt les architectes d'une amélioration soutenue de leurs
conditions de vie.
L'Afrique et la révolution mondiale
28. Le monde s'est engagé dans le nouveau millénaire au beau
milieu d'une révolution économique, Cette révolution pourrait fournir
à la fois le contexte et les moyens de la modernisation de l'Afrique.
Tandis que la mondialisation a augmenté le coût de l'incapacité de
l'Afrique à faire concurrence, nous soutenons que les avantages d'une
intégration gérée efficacement présentent les meilleures perspectives
pour une prospérité économique et une réduction de la pauvreté dans
l'avenir,
29. La révolution économique actuelle a été rendue possible, en partie,
par les progrès dans le domaine des technologies de l'information et de
la communication (TIC) qui ont réduit le coût et augmenté la vitesse
des communications à travers le globe, abolissant les anciennes barrières
du temps et de l'espace, et ayant donc une incidence sur tous les
domaines de la vie sociale et économique. Cette révolution a permis
l'intégration des systèmes nationaux de production et de finance et se
reflète dans la croissance incroyable de l'échelle des flux transfrontaliers de biens, de services et de capitaux.
30. L'intégration des systèmes nationaux de production a rendu
possible le " découpage en tranches de la chaîne des valeurs .. dans un
236
NOlll'eall Partenariat pour le Dél'eloppemellt de l'A/rüple (lVOPADA)
grand nombre de processus de production du secteur industriel et du
secteur des selVices. Simultanément, la plus grande mobilité des
finances signifie que les empnmteurs, publics ou privés, doivent
rivaliser les uns avec les autres pour trouver des capitaux sur des
marchés mondiaux plutôt que nationaux. Ces deux processus ont accru
les coûts pour les pays qui sont incapables d'une concurrence réelle.
L'Afrique a, dans une large mesure, supporté ces coûts de façon disproportionnée.
31. Si aucune partie du monde n'a échappé aux effets de la
mondialisation, les contributions des diverses régions et nations ont
nettement différé. Les nations fortement industrialisées ont été le
moteur de ces progrès majeurs. Celles-ci mises à part, seuls quelques
pays dans le monde en développement jouent un rôle important dans
l'économie mondiale. Un grand nombre de pays en développement, en
particulier en Afrique, y contribue, en général passivement, essentiellement sur la base de leur patrimoine environnemental et naturel.
32. C'est dans la répartition des profits que le déséquilibre mondial
est le plus flagrant. D'une part, les occasions d'accroître la richesse,
d'acquérir des connaissances et des compétences et d'améliorer l'accès
aux marchandises et aux selVices - en bref, d'améliorer la qualité de la
vie - se sont accrues. Dans certaines parties du monde, la recherche
d'un plus grand accès à l'économie mondiale a offert la possibilité de
sortir des millions de personnes de la misère.
33. D'autre part, une plus grande intégration a aussi conduit à
marginaliser davantage les pays qui sont incapables d'une concurrence
réelle. En l'absence de règles mondiales justes et équitables, la mondialisation a accru la capacité des plus forts à promouvoir leurs intérêts au
détriment des plus faibles, surtout dans le domaine du commerce, des
finances et de la technologie. Elle a limité la capacité des pays en
développement à contrôler leur propre développement. Les conditions
de ceux qui sont marginalisés dans ce processus ont empiré en termes
réels. Une fissure entre l'inclusion et l'exclusion a émergé au sein des
nations et entre elles.
34. L'incapacité de l'Afrique à exploiter les processus de mondialisation résulte en partie d'obstacles structurels à la croissance et au
développement que sont les sorties de ressources et les termes défavorables de l'échange. NOLIS reconnaissons en même temps que les
échecs des leaderships politiques et économiques dans de nombreux
pays africains empêchent la mobilisation cohérente des ressources dans
des domaines d'activité de plus en plus indispensables pour attirer et
faciliter les investissements locaux et étrangers.
237
Annexes: /e docl/ment dl/ NEPAD
35. Le faible niveau d'activité économique signifie que les
instruments nécessaires à l'injection véritable de fonds privés et à la
prise de risques ne sont pas disponibles, ce qui résulte en un déclin
supplémentaire. Dans un cycle qui se perpétue indéfiniment, la
capacité de l'Afrique à répondre à la mondialisation est affaiblie, ce qui
conduit à une marginalisation supplémentaire. La polarisation. croissante de la richesse et de la pauvreté est l'un des nombreux processus
qui ont accompagné la mondialisation et qui menacent sa viabilité.
36. La fin du siècle dernier a vu un effondrement financier majeur
dans une grande partie du monde en développement qui n'a pas
seulement menacé la stabilité du système financier mondial mais
l'économie mondiale dans son ensemble. L'un des effets immédiats de
la crise financière a été d'exacerber les niveaux existants de pauvreté
structurelle profonde dans laquelle vit environ la moitié de la
population mondiale, avec moins de 2 dollars EU par jour, et un
cinquième de la population, avec moins de 1 dollar EU par jour.
37. Il existe également des dynamiques plus lentes qui présentent
des risques à plus long terme. Il s'agit notamment de l'accroissement
rapide du nombre de personnes socialement exclues dans diverses
zones du globe, ce qui contribue d'une part à l'instabilité politique, à
la guerre civile et aux conflits militaires et, d'autre part, à un nouveau
mode de migration massive. L'expansion de la production industrielle
et l'accroissement de la pauvreté contribuent à la dégradation environnementale de nos océans, de l'atmosphère et de la végétation naturelle.
Si ces problèmes ne sont pas abordés, ils déclencheront des processus
qui échapperont de plus en plus au contrôle des gouvernements, à la
fois dans les pays développés et en développement.
38. Les moyens de retourner ce scénario lugubre ne sont pas encore
hors de notre portée. L'amélioration du niveau de vie des marginalisés
offre un énorme potentiel de croissance pour toute l'économie internationale, grâce à la création de nouveaux marchés et à l'exploitation
d'une capacité économique accrue. Ceci résultera en une plus grande
stabilité à l'échelle mondiale, accompagnée par le bien-être social et
l'exubérance culturelle qui prospèrent dans des conditions de certitude.
39. L'impératif du développement ne pose donc pas seulement un
défi de conscience morale, il est fondamental à la viabilité du processus
de mondialisation. Nous admettons sans hésiter que la mondialisation
est un produit des progrès scientifiques et technologiques qui ont été
imposés, en grande partie, par le marché, Cependant, les gouvernements, particulièrement dans le monde développé, ont, en partenariat
avec le secteur privé, joué un rôle important dans la détermination de
sa forme et de son contenu.
NOl/I'eali Parfellilriaf pOlir le Dél'eloppemem de l'A{riqlle (NOPADA)
40. L'argument en faveur d'un rôle pour les autorités nationales et les
institutions privées dans l'orientation du programme de la mondialisation sur une voie durable dont les avantages sont donc répartis plus
équitablement, reste fort. L'expérience montre qu'en dépit des
occasions sans précédent offertes par la mondialisation à quelques pays
auparavant pauvres, rien d'inhérent au processus ne réduit automatiquement la pauvreté et l'inégalité.
41. Ce qui est nécessaire est un engagement de la part des gouvernements, du secteur privé et d'autres institutions de la société civile, à
une intégration authentique de toutes les nations dans l'économie et
dans la vie politique mondiales. Cela exige la reconnaissance de l'interdépendance mondiale en ce qui concerne l'offre et la demande, la base
environnementale qui soutient la planète, la migration transfrontalière,
une architecture financière mondiale qui récompense une bonne
gestion socioéconomique et une gouvernance mondiale qui reconnaisse
un partenariat entre tous les peuples. Nous soutenons que la communauté internationale a la capacité de créer des conditions justes et
équitables dans lesquelles l'Afrique puisse participer réellement à
l'économie et à la vie politique mondiales.
III.
LA NOlIVELI.E VOLONTI:: POLlTIQlIE DES DI/W;EANTS AFRICAINS
42. Le NOPA DA reconnaît que, dans le passé, des tentatives visant
à formuler des programmes de développement au niveau du continent
ont été faites. Pour des raisons diverses, à la fois internes et externes,
y compris un leadership et un degré de participation douteux des
Africains eux-mêmes, ces programmes n'ont pas été couronnés de
succès. Cependant, de nouvelles circonstances, qui se prêtent à une
mise oeuvre pratique intégrée, existent aujourd'hui.
43. La nouvelle phase de mondialisation a coïncidé avec une restructuration des relations internationales à la suite de la guerre froide. Celleci est associée à l'émergence de nouveaux concepts de sécurité et
d'intérêt personnel, qui comprennent le droit au développement et à
l'éradication de la pauvreté. La démocratie et la légitimité de l'État ont
été redéfinies afin d'y inclure, comme éléments centraux, un gouvernement responsable, une culture des droits de l'homme et la participation du peuple.
44. Fait révélateur, de plus en plus de dirigeants sont élus par la
voie démocratique. Par leurs actions, ils ont déclaré que les espoirs des
peuples d'Afrique pour une vie meilleure ne peuvent plus reposer sur
la magnanimité d'autrui.
239
Arll1exes: le document du NEPAD
45. Sur le continent, la démocratie continue à se propager, soutenue
par l'Union africaine qui s'est montrée résolue à s'occuper des conflits
et à censurer toute déviation par rapport à la norme. Ces efforts sont
renforcés par des voix qui se font entendre au sein de la société civile
et qui incluent des associations de femmes, la jeunesse et des médias
indépendants. De plus, les gouvernements africains sont beaucoup plus
résolus à atteindre les objectifs de coopération et d'intégration
économiques au niveau régional et continental. Cela sert à la fois à
consolider le redressement économique et à renforcer les avantages de
l'interdépendance mutuelle.
46. Le changement des conditions en Afrique a déjà été reconnu par
des gouvernements du monde entier. La Déclaration du millénaire des
Nations-Unies, adoptée en septembre 2000, confirme l'empressement
de la communauté mondiale à soutenir les efforts de l'Afrique visant à
aborder le sous-développement et la marginalisation. La Déclaration
souligne son soutien à la prévention des conflits et à la création de
conditions de stabilité et de démocratie sur le continent ainsi qu'aux
défis clés de l'éradication de la pauvreté et des maladies. La Déclaration
attire également l'attention sur l'engagement de la communauté mondiale
à accroître le flux de ressources vers l'Afrique, en améliorant les relations
dans le domaine de l'aide, du commerce et de la dette entre l'Afrique
et le reste du monde, et en augmentant le flux de capitaux privés vers
le continent. Il est maintenant important de traduire ces engagements
en réalités.
47. Le NOPADA est axé sur la nécessité d'en assurer la propriété et
la gestion aux Africains. Grâce au présent programme, les dirigeants de
l'Afrique établissent l'ordre du jour du renouveau du continent. Cet
ordre du jour se fonde sur les priorités nationales et régionales et les
plans de développement qui doivent être mis au point au moyen d'un
processus de démocratie directe et participative. Nous estimons que si
ces plans donnent leurs mandats aux dirigeants africains, leur rôle est
de les exprimer et d'en diriger la mise en application pour le compte
de leurs peuples.
48. Ce programme constitue un nouveau cadre d'interaction avec le
reste du monde, notamment avec les pays industrialisés et les
organisations multilatérales. Il est fondé sur un ordre du jour dont ont
décidé les Africains de leur propre initiative et de leur propre gré, afin
de déterminer eux-mêmes leur destin.
49. Pour réaliser ces objectifs, les dirigeants africains devront assumer
en commun un certain nombre de responsabilités:
- Consolider les mécanismes de prévention, de gestion et de résolution des conflits aux niveaux régional et continental et faire en
240
NOIll'eUII Pa l'tenu riat pOlir le Dél'eloppement de l'Afrique (NOPADA)
-
-
-
-
-
sorte que ces mécanismes soient utilisés pour restaurer et maintenir
la paix;
Promouvoir et protéger la démocratie et les droits de l'homme
dans leur pays et leur région en établissant des normes claires de
responsabilité, de transparence et de démocratie directe aux
niveaux local et national;
Restaurer et maintenir la stabilité macro-économique, en particulier
en mettant au point des normes et cibles appropriées en matière
de politiques monétaires et budgétaires et en instaurant des cadres
institutionnels adéquats pour en assurer la réalisation;
Instaurer des cadres juridiques et réglementaires transparents à
l'intention des marchés financiers, pour assurer l'audit des compagnies privées comme du secteur public
Revitaliser et élargir la prestation des services d'enseignement, de
formation technique et de santé, en accordant une forte priorité à
la lutte contre le VIH//SIDA, le paludisme et autres maladies
contagieuses;
Promouvoir le rôle des femmes dans le développement socioéconomique en renforçant leurs capacités dans les domaines de
l'éducation et de la formation, en développant des activités
lucratives grâce à un accès plus facile au crédit et en assurant leur
participation à la vie politique et économique des pays d'Afrique;
Renforcer la capacité des États d'Afrique d'instituer et de faire
respecter la législation et de maintenir l'ordre;
Promouvoir le développement des infrastructures, de l'agriculture
et de sa diversification vers les agro-industries et les manufactures
au service des marchés locaux comme de l'exportation.
IV.
1: APPEL AliX PEliPLES AFRICAINS
50. La réussite du projet de Renaissance africaine, qui devrait
permettre à notre continent, marginalisé pendant des siècles, d'occuper
la place qui lui revient dans le monde, dépend de l'avènement d'une
économie africaine forte et compétitive, en ce moment où l'économie
mondiale est soumise à une plus grande libéralisation et faire face à
une compétitivité accrue.
51. Le NOPADA ne réussira que si les peuples africains, unis dans
leur diversité, se l'approprient.
52. L'Afrique, appauvrie par l'esclavage, la corruption et la mauvaise
gestion économique, décolle dans des circonstances difficiles.
Toutefois, si ses énormes ressources naturelles et humaines sont
mobilisées et utilisées de manière appropriée, il y a lieu de s'attendre
à une croiss3nce équitable et durable sur le continent, ainsi qu'à une
accélération de l'intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale.
241
Annexes,' le docl/ment dit NEPAD
53. C'est la raison pour laquelle nos peuples, en dépit des difficultés
actuelles, doivent reprendre confiance en leur génie et en leur capacité
à surmonter les obstacles et doivent participer à l'édification de la nouvelle
Afrique. La présente initiative est l'expression de l'engagement des
dirigeants africains à traduire en actions concrètes les aspirations
profondes des peuples africains.
54. Toutefois, le succès des efforts de nos dirigeants dépend de
l'engagement de nos peuples à prendre en main leur propre destin.
55. Aussi, les dirigeants politiques africains lancent-ils à tous les
peuples du continent, dans toute leur diversité, un appel pour qu'ils
prennent conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de
se mobiliser pour mettre un terme à la marginalisation continue de
l'Afrique et promouvoir son développement en réduisant le fossé qui le
sépare du monde développé.
56. En conséquence, nous demandons aux peuples africains de se
préparer à relever le défi de la mobilisation de l'appui à la mise en
oeuvre de l'initiative en mettant sur pied, à tous les niveaux, des
mécanismes leur permettant de s'organiser, de se mobiliser et d'agir.
57. Les dirigeants du continent sont conscients du fait que le vrai
génie d'un peuple se mesure à sa capacité à mener une réflexion
audacieuse et innovatrice, et à sa détermination à appuyer les efforts de
développement.
58. Nous devons poursuivre la mise en œuvre de l'ambitieux programme de promotion d'économies stables et robustes, et d'édification
de sociétés démocratiques. A cet égard, les dirigeants africains sont
convaincus que le continent dont le processus de développement a
toujours été caractérisé par de faux départs et des échecs, sera
couronné de succès avec la présente Initiative.
V.
PHOc;HAMME D'ACTION: STHATÙ;lI' AFllICAINE POl III ASSI IRE" liN D(~VELOP­
PEMI'NT DllllABI.E Ali XXI C SI[':CLI~
59. Dans son approche et sa stratégie, le NOPADA diffère de tous
les plans et initiatives antérieurs visant à promouvoir le développement
du continent, bien que les problèmes qu'elle cherche à résoudre
demeurent sensiblement les mêmes.
60. Le NOPADA se veut une vision à long terme du programme de
développement de l'Afrique par les africains eux-mêmes.
242
NOIl1'eau Partenariat pOlir le n'I'eloppemellt de l'Ajdtjlle (NOPADA)
61. Le Programme d'action est axé sur neuf domaines prioritaires
présentés de la même manière que dans la stratégie proposée. Il
identifie les activités à entreprendre à court terme, bien que ces
activités soient de plus longue portée.
62. Bien que le financement à long terme soit prévu dans le cadre
de l'initiative, il faudrait cependant, dans l'immédiat, exécuter rapidement les projets visant à éradiquer la pauvreté sur le continent et à
placer les pays africains, individuellement et collectivement, sur la voie
d'une croissance et d'un développement durables pour mettre ainsi un
terme à la marginalisation de l'Afrique dans le contexte de la
mondialisation.
63. Bien qu'il existe d'autres priorités urgentes, celles qui ont été
retenues dans le Programme d'action auront un effet catalyseur pour les
interventions futures dans les autres domaines prioritaires.
64. Les taux de croissance revêtent certes une importance, mais ils
ne permettent pas à eux seuls aux pays africains de réaliser l'objectif de
la réduction de la pauvreté. Le défi à relever par l'Afrique consiste donc
à se doter de la capacité de maintenir la croissance aux niveaux requis
pour réduire la pauvreté et promouvoir un développement durable. A
cette fin, d'autres facteurs sont à prendre en considération, notamment
le développement des infrastructures, l'accumulation du capital, les
ressources humaines, les institutions, la diversification structurelle, la
compétitivité, la santé et la salubrité de l'environnement.
65. L'objectif du NOPADA est d'imprimer un nouvel élan au développement du continent en comblant l'écart actuel dans les secteurs
prioritaires, afin de permettre à l'Afrique de rattraper son retard par
rapport aux régions développées du monde.
66. La vision à long terme nécessite des investissements massifs et
importants pour combler l'écart actuel. A cet égard, le défi à relever par
l'Afrique consiste à mobiliser les ressources nécessaires dans les meilleurs
conditions possibles. Nous lançons donc un appel à nos partenaires de
développement pour qu'ils nous apportent une assistance dans nos
efforts.
67. Objectifs à long terme
- Éradiquer la pauvreté en Afrique et placer les pays africains,
individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et
d'un développement durables pour mettre ainsi un terme à la
marginalisation de l'Afrique dans le contexte de la mondialisation;
- Promouvoir le rôle des femmes dans toutes les activités.
243
Annexes . le document du NEPAD
68. Buts
- Parvenir à une croissance annuelle moyenne du produit intérieur
brut (PIB) de plus de 7 % et s'y maintenir pendant les 15 prochaines
années;
- Faire en sorte que le continent réalise les objectifs convenus en
matière de développement international, à savoir:
• Réduire de moitié, de 1990 à 2015, le pourcentage de gens
vivant dans des conditions d'extrême pauvreté;
• Assurer la scolarisation de tous les enfants en âge de fréquenter
les écoles primaires d'ici 2015 ;
• Progresser vers l'égalité entre les sexes et habiliter les femmes en
supprimant les disparités entre les sexes dans les inscriptions à
l'enseignement primaire et secondaire d'ici 2005 ;
• Réduire les taux de mortalité infantile et post-infantile de deux
tiers de 1990 à 2015 ;
• Réduire les taux de mortalité liée à la maternité des trois quarts
de 1990 à 2015 ;
• Assurer que tous ceux qui en ont besoin aient accès à des
services de santé génésique d'ici 2015 ;
• Mettre en œuvre dès 2005 des stratégies régionales de développement durable pour que les pertes de ressources écologiques
aient été compensées d'ici 2015.
69. Les résultats attendus de cette stratégie sont les suivants:
- Croissance économique, développement et augmentation des
emplois;
- Réduction de la pauvreté et des inégalités;
- Diversification des activités de production, amélioration de la
compétitivité sur le plan international et augmentation des
exportations;
- Meilleure intégration de l'Afrique.
70. Conscients qu'à moins que ne soient prises des mesures novatrices et radicales, l'Afrique ne réalisera ni les objectifs de développement
international ni un taux de croissance annuelle du PIB de 7 %, les chefs
d'État africains proposent le programme ci-après. Ce programme, qui se
fonde sur des thèmes clés, est étayé par un programme d'action
détaillé.
A. Conditions requises pour réaliser un développement durable
Al. Initiative pour la paix, la sécurité, la démocratie et la
bonne gouvernance
71. L'expérience a appris aux dirigeants africains que la paix, la
sécurité, la démocratie, une bonne gouvernance, le respect des droits
244
NOlll 'i!{111 Parfi!llariat pOlir le Dé1'eloppi!lI1i!nt de l'Afi'üJlli! (NOPADA)
de l'homme et une saine gestion économique sont les conditions
préalables indispensables au développement durable. Ils s'engagent à
promouvoir ces principes, individuellement et collectivement, dans leur
pays, leur région et le continent.
(i) Initiative pour la paix et la sécurité
72. L'Initiative pour la paix et la sécurité consiste en trois éléments:
- La promotion de conditions à long terme qui favorisent le développement et la sécurité;
- La consolidation des capacités d'alerte rapide des institutions
africaines et l'amélioration de leur capacité à prévenir, gérer et
résoudre les conflits;
- L'institutionnalisation des engagements envers les valeurs
essentielles du NOPADA par le biais de ses dirigeants.
73. Des conditions à long terme permettant d'assurer la paix et la
sécurité en Afrique nécessitent des mesures pour réussir à combattre les
vulnérabilités politiques et sociales qui sont à l'origine des conflits.
Celles-ci sont abordées dans les Initiatives de gouvernance politique et
économique, les Initiatives sur les flux de capitaux et l'accès au marché
et celle sur la mise en valeur des ressources humaines.
74. Les efforts visant à consolider la capacité de l'Afrique à gérer
tous les aspects d'un conHit doivent mettre l'accent sur les moyens
nécessaires pour renforcer les institutions régionales et continentales
existantes dans quatre domaines clés:
-la prévention, la gestion et la résolution des conflits;
- La recherche de la paix, le maintien de la paix et l'imposition de
la paix;
- La réconciliation, le relèvement et la reconstruction suite à un
conflit;
- La lutte contre la prolifération illicite des armes légères et des
mines terrestres.
75. Dans les six mois suivant la mise en place du NOPADA, ses
dirigeants étudieront les recommandations décrivant les mesures
détaillées, assorties de leurs coûts, qui sont requises dans chacun des
quatre domaines susmentionnés. Ce travail portera aussi sur les mesures
requises des partenaires, ainsi que sur la nature et les sources du financement de ces activités.
76. Le Forum prévu des chefs d'État servira de tribune où les
dirigeants du NOPADA chercheront à améliorer la capacité des mécanismes africains à promouvoir la paix et la sécurité sur le continent, à
partager les expériences et à mobiliser une action collective. Le Forum
245
Annexes: le document du NEPAD
veillera à ce que les principes et les engagements implicites dans
l'Initiative soient respectés.
77. Compte tenu de cette exigence, les africains doivent tout mettre
en œuvre pour trouver des solutions durables aux conflits actuels,
renforcer leur sécurité intérieure et promouvoir la paix entre les pays.
78. Lors du Sommet de Lusaka, l'Union africaine a décidé de
prendre des mesures énergiques pour réactiver les organes chargés de
la prévention et du règlement des conflits.
(ü) Initiative pour la démocratie et la bonne gouvernance
79. Il est maintenant généralement accepté que le développement
ne peut se réaliser en l'absence d'une démocratie véritable, du respect
des droits de l'homme, de la paix et de la bonne gouvernance. Avec le
NOPADA, le continent prend l'engagement de respecter les normes
mondiales en matière de démocratie, dont les principales composantes
sont le pluralisme politique, l'existence de plusieurs partis politiques et
de plusieurs syndicats, l'organisation périodique d'élections démocratiques libres, justes et transparentes afin de permettre aux populations
de choisir librement leurs dirigeants.
80. L'objectif de l'initiative pour la démocratie et la gouvernance est
de contribuer à renforcer le cadre politique et administratif des pays participants, en accord avec les principes de démocratie, de transparence, de
responsabilité, d'intégrité, de respect des droits de l'homme et de la
primauté du droit. Elle est renforcée par l'initiative pour la gouvernance
économique qu'elle soutient et avec laquelle elle partage des caractéristiques clés. Ensemble, elles doivent contribuer à utiliser l'énergie du
continent pour progresser sur la voie du développement et de l'éradication de la pauvreté.
81. L'Initiative est composée des éléments suivants:
- Une série d'engagements par les pays participants à instituer ou
consolider les pratiques et les processus fondamentaux de bonne
gouvernance;
- La promesse faite par les pays participants de jouer un rôle déterminant en soutien aux initiatives qui encouragent une bonne
gouvernance;
- L'institutionnalisation des engagements par les dirigeants du
NOPADA pour assurer que les valeurs fondamentales de l'initiative
soient respectées.
82. Les États membres du NOPADA vont aussi prendre plusieurs
engagements pour satisfaire aux normes fondamentales de bonne gouver246
NO/ll'eall Pa rtenarillt pOlir le Dét'doppement de l'AFiqlle (NOPADA)
nance et de conduite démocratique tout en s'aidant les uns les autres.
Les États participants recevront un appui pour entreprendre les
réformes institutionnelles souhaitées lorsque cela s'avérera nécessaire.
Dans les six mois suivant l'institutionnalisation du NOPADA, ses dirigeants étudieront des recommandations portant sur le déploiement
d'outils de diagnostic et d'évaluation appropriés, pour faciliter le respect
des objectifs partagés de bonne gouvernance, afin d'identifier les
faiblesses institutionnelles et de chercher des ressources et des compétences pour combattre ces faiblesses.
83. Afin de renforcer la gouvernance politique et de consolider la
capacité à respecter ces engagements, les dirigeants du NOPADA
engageront un processus d'initiatives ciblées de renforcement des
capacités. Ces réformes institutionnelles se concentreront sur:
- Une réforme de la fonction publique et de l'administration;
- Le renforcement du contrôle parlementaire;
- La promotion de la démocratie directe et participative;
- Une lutte efficace contre la corruption et les détournements de
fonds;
- La réforme du régime judiciaire.
84. Les pays participants joueront un rôle déterminant en appuyant
et en mettant sur pied des institutions et des initiatives qui protègent ces
engagements. Ils s'efforceront de créer et de renforcer des structures
nationales, régionales et continentales qui soutiennent une bonne
gouvernance.
85. Le Forum des chefs d'État du NOPADA servira de mécanisme
grâce auquel les dirigeants du NOPADA pourront suivre et évaluer les
progrès réalisés par les pays africains dans la réalisation des objectifs
convenus dans le domaine de la bonne gouvernance et des réformes
sociales. Le Forum constituera également une tribune dans laquelle les
pays partageront leurs expériences afin de favoriser la bonne
gouvernance et les pratiques démocratiques.
A2. Initiative pour la gouvernance économique et la
gouvernance des entreprises
86. Le renforcement des capacités de l'État est un aspect crucial de
la création d'un environnement propice au développement. L'État a un
rôle important à jouer dans la promotion d'une croissance et d'un
développement durables et dans la mise en œuvre des programmes de
réduction de la pauvreté. Toutefois, la réalité est que de nombreux
gouvernements ne sont pas en mesure de jouer un tel rôle. En conséquence, un bon nombre de pays ne disposent pas des cadres d'orientation
247
Anllexes: le document du NEPAD
et de réglementation nécessaires pour une croissance axée sur le
secteur privé, Ils ne disposent pas non plus de la capacité à mettre en
oeuvre les programmes, même lorsque les ressources financières
requises sont disponibles.
87. C'est pour cette raison qu'il convient d'accorder la priorité au
renforcement ciblé des capacités. Les programmes à mettre en œuvre
dans tous les domaines doivent être précédés par une évaluation des
capacités en place, et suivis par la fourniture d'un appui approprié dans
ce domaine.
88. Objectif
Promouvoir des programmes concrets, assortis d'un échéancier,
visant à améliorer la qualité de la gestion économique et des finances
publiques ainsi que la gouvernance des entreprises dans tous les pays
participants.
89. Actions
- Une équipe spéciale des ministères des Finances et des banques
centrales sera chargée d'examiner les pratiques de gouvernance
économique et de gouvernance des entreprises dans les différents
pays et régions. Au bout de six mois, cette équipe devra soumettre
à l'examen du Comité des chefs d'État chargé de la mise en oeuvre
des recommandations sur les normes et les codes de bonne
pratique appropriés.
- Le Comité des chefs d'État chargé de la mise en œuvre soumettra
ses recommandations aux États africains pour qu'ils les mettent en
application.
- Le Comité des chefs d'État chargé de la mise en œuvre accordera
un rang élevé de priorité à la gestion des finances publiques. Les
pays mettront en place un programme visant à améliorer la gestion
des finances publiques, fixeront des objectifs et conviendront des
mécanismes de suivi.
- Le Comité des chefs d'État chargé de la mise en œuvre mobilisera
des ressources pour consolider les capacités afin de permettre à
tous les pays de respecter les normes minimales et les codes de
bonne pratique convenus mutuellement.
Approches sous-régionales et régionales au développement
90. La plupart des pays d'Afrique sont petits en termes de population comme de revenus par habitant. Leurs marchés étant restreints,
ils n'offrent pas de perspectives intéressantes de rendement aux investisseurs potentiels, tandis que la diversification de la production et des
exportations y est retardée. Les possibilités d'investissements consacrés
248
N01/l'eaU Partenariat pour le Délleloppemem de l'Afrique (NOPADA)
aux infrastructures essentielles dont la viabilité dépend d'économies
d'échelle y sont donc limitées.
91. Cette conjoncture économique montre que les pays d'Afrique
ont besoin de mettre leurs ressources en commun et de favoriser la
coopération et l'intégration économique régionales du continent pour
améliorer leur compétitivité sur le plan international. Il faut consolider
les cinq groupements économiques régionaux du continent: Afrique de
l'Ouest, Afrique du Nord, Afrique centrale, Afrique de l'Est et Afrique
australe.
92. Le NOPADA met l'accent sur la prestation de services publics
régionaux (transports, énergie, eau, informatique et télématique, éradication des maladies, protection de l'environnement et mise en place de
capacités régionales de recherche) et sur la promotion du commerce et
des investissements intra-africains. Il s'agira avant tout de rationaliser le
cadre institutionnel de l'intégration économique en repérant des projets
communs qui soient compatibles avec les programmes intégrés de
développement nationaux et régionaux et d'harmoniser les politiques
et pratiques en matière d'économie et d'investissements. Il faut assurer
la coordination des politiques sectorielles nationales et suivre
soigneusement les décisions régionales.
93. Le NOPADA donnera la priorité à la consolidation des capacités
pour améliorer l'efficacité des structures régionales existantes et rationaliser les organisations régionales existantes. La Banque africaine de
développement doit jouer un rôle de pointe dans le financement des
études, programmes et projets régionaux.
94. Les secteurs couverts par le plan actuel et considérés comme des
domaines prioritaires sont les suivants
i)
ii)
iii)
iv)
y)
vi)
vii)
Infrastructures
Ressources humaines, y compris l'éducation, le développement
des compétences et l'inversion de la tendance à la fuite des
cerveaux;
Santé;
Technologies de l'information et de la communication;
Agricu!ture ;
Énergie;
Accès des exportations africaines aux marchés des pays développés.
95. Toutefois, pour chaque secteur, l'objectif est de combler l'écart
actuel entre l'Afrique et les pays développés afin d'améliorer la compétitivité du continent et de permettre à l'Afrique de participer aux processus
de mondialisation. La situation particulière des États insulaires et sans
littoral d'Afrique devra être prise en compte dans ce contexte.
249
Annexes: le document du NEPAD
B. Priorités sectorielles
BI. Combler l'écart dans le domaine des infrastructures
(1) Tous les secteurs des infrastructures
96. Les infrastructures concernées sont les routes, les autoroutes, les
aéroports, les ports maritimes, les chemins de fers, les voies navigables
et les installations de télécommunications. Toutefois, l'accent sera mis
uniquement sur les infrastructures à caractère régional ou continental.
97. Les infrastructures sont des paramètres essentiels de la croissance
économique, ce pourquoi il faut trouver des moyens de placer l'Afrique
au même niveau que les pays développés en termes d'accumulation de
capital, matériel et humain.
98. Si l'Afrique était dotée des mêmes infrastructures de base que les
pays développés, elle serait mieux en mesure de se consacrer à la
production et à l'amélioration de la productivité pour faire face à la
concurrence internationale. Les insuffisances structurelles des infrastructures handicapent sérieusement la croissance économique et la
réduction de la pauvreté. Améliorer les infrastructures, y compris le
coût et la fiabilité des services, serait dans l'intérêt de l'Afrique comme
de la communauté internationale, qui pourrait obtenir des biens et
services africains à meilleur marché.
99. Dans de nombreux pays d'Afrique, les colonisateurs n'ont construit d'infrastructures que pour pouvoir exporter les matières premières
africaines et importer en Afrique les produits de leurs industries.
100. Il convient cependant de reconnaître que pour améliorer les
infrastructures africaines, il faudra absolument des financements privés
étrangers pour compléter les deux principales méthodes de financement que sont le crédit et l'aide.
101. L'initiative dans le domaine des infrastructures comprend des
éléments communs à tous les secteurs ainsi que des éléments spécifiques
à chacun d'entre eux.
102. Objectifs
- Améliorer l'accès aux infrastructures et les rendre plus abordables
et fiables à la fois pour les entreprises et pour les ménages;
- Améliorer la coopération et le commerce au niveau régional grâce
à de meilleures connexions transfrontalières des infrastructures;
- Accroître les investissements consacrés aux infrastructures en
réduisant les risques auxquels les investissements privés doivent
250
NO/Il'eau Parlenarial pOlir le Dél'eloppemenl de l'AFique (NOPADA)
faire face, en particulier en matière de politiques et de réglementations;
- Édifier les bases de compétences adéquates en technologies et en
ingénierie pour installer, exploiter et entretenir en Afrique des
réseaux d'infrastructures" en dur ".
103. Actions
- Avec l'assistance des institutions spécialisées dans chaque secteur,
mettre en place des cadres politiques et législatifs pour encourager
la concurrence. Dans le même temps, créer de nouveaux cadres
de réglementation et consolider la capacité de formation de
personnes responsables de la réglementation afin de promouvoir
l'harmonisation des politiques et des réglementations pour faciliter
les connexions transfrontalières et l'élargissement du marché;
- Accroître les investissements consacrés aux infrastructures, en
particulier pour leur rénovation, et améliorer les pratiques
d'entretien qui assureront la viabilité des réseaux d'infrastructures;
- Commencer à développer des institutions de formation et des
réseaux pour encourager la formation de techniciens et d'ingénieurs de haut niveau dans les secteurs des infrastructures;
- Promouvoir la participation des communautés et des utilisateurs à
la construction, l'entretien et la gestion des infrastructures, en
particulier dans les régions urbaines et rurales pauvres, en
collaboration avec les Initiatives de gouvernance du NOPADA ;
- Collaborer avec la Banque africaine de développement et d'autres
institutions africaines de financement du développement pour
mobiliser un financement durable, en particulier au moyen de
processus multilatéraux et des institutions et gouvernements
donateurs, afin d'obtenir des dons et des fonds consentis à des
conditions de faveur, pour atténuer les risques à moyen terme;
- Promouvoir des partenariats entre les secteurs public et privé qui
serviront de véhicule pour attirer les investisseurs privés et
concentrer le financement public sur les besoins urgents des
pauvres, en consolidant les capacités de mise en oeuvre et de
contrôle des accords de ce type.
- Outre ces aspects communs, les stratégies suivantes sont spécifiques à chaque secteur pour les différents types d'infrastructures:
(ü) Combler l'écart numérique: investir dans les technologies
de l'information et de la communication
104. Les technologies de l'information et de la communication
(TIO, fondées sur l'interaction entre les ordinateurs, les télécommunications et les médias classiques, revêtent une importance cruciale pour
l'économie de demain, fondée sur les connaissances. Les progrès
251
Annexes: le document du NEPAD
rapides réalisés dans le domaine technologique et la baisse du coût du
matériel TIC offrent de nouvelles perspectives aux pays africains pour
ce qui est de l'accélération de leur croissance et de leur développement
économiques. La mise en place d'un Marché commun et d'un Union
africaine peut être facilitée, dans une très grande mesure, par la
révolution des technologies de l'information. En plus de promouvoir le
commerce intra-régional, l'utilisation des TIC peut accélérer l'intégration
de l'Afrique dans l'économie mondiale.
105. L'utilisation généralisée des TIC sur le continent peut présenter
des avantages comparatifs sans précédent, comme suit:
- Elle peut imprimer un nouvel élan au processus de démocratisation et à la bonne gouvernance ;
- Elle peut faciliter l'intégration de l'Afrique dans la nouvelle société
de l'information, sur la base de sa diversité culturelle;
- Elle peut donner lieu à diverses applications dans des domaines
tels que la télédétection, la planification de l'agriculture et des
infrastructures;
- Elle facilite la complémentarité entre les outils existants de
promotion de la formation d'une masse critique de professionnels
à l'utilisation des TIC;
- Elle facilite, dans le domaine de la recherche, la mise en place de
programmes africains et de programmes d'échange dans le domaine
technologique, avec un accent particulier sur la lutte contre l'analphabétisme ;
- Elle permet d'identifier et d'exploiter les opportunités en matière
de commerce, d'investissement et de finance ;
- Elle permet de mettre en place des programmes régionaux d'apprentissage à distance et d'éducation à la santé pour améliorer la
situation dans les secteurs de la santé et de l'éducation;
- Dans la gestion des conflits et la lutte contre les pandémies, elle
facilite la mise en place d'un système efficace d'alerte précoce en
fournissant les outils nécessaires à la surveillance constante des
foyers de tension ou d'épidémie.
106. Les infrastructures des technologies de l'information et de la
communication en Afrique sont insuffisantes, de même que les cadres
politiques et réglementaires et les ressources humaines requises dans
ce domaine. De ce fait, l'accès à des services abordables en fait de
téléphone, de radio-télédiffusion, d'ordinateurs et de l'Internet est
inadéquat. La densité de lignes téléphoniques y reste inférieure à une
ligne pour 100 personnes. Les coûts des services sont élevés puisqu'une
connexion coûte en moyenne en Afrique 20 % du PŒ par habitant par
rapport à une moyenne mondiale de 9 % et à 1 % dans les pays à
revenus élevés. L'Afrique n'a pas encore pu tirer parti de l'outil que
252
NOl/l'eau Pm1el1aria( pour le Dél'l!loppe1nel1f de l'AJi1que (NOPADA)
constitue informatique et télématique pour améliorer les conditions de
vie des populations et créer de nouvelles possibilités d'affaires. Les
liaisons entre les pays du continent et avec les marchés mondiaux en
souffrent. Quoique de nombreux pays d'Afrique aient engagé des
réformes politiques dans ce domaine, ni la pénétration des services, ni
leur qualité, ni leurs tarifs ne se sont encore améliorés.
107. Objectifs
- Doubler la densité des lignes téléphoniques pour parvenir à deux
lignes pour 100 personnes d'ici l'an 2005, avec un niveau d'accès
adéquat pour les ménages;
- Diminuer le coût et améliorer la fiabilité des services;
- Préparer tous les pays d'Afrique à utiliser les communications
électroniques;
- Constituer une pépinière de jeunes et d'étudiants compétents dans
le domaine de l'informatique et de la télématique pour en tirer des
ingénieurs stagiaires en informatique et télématique, des programmeurs et des créateurs de logiciels;
- Mettre au point des logiciels à contenu local fondés en particulier
sur l'héritage culturel de l'Afrique.
lOS. Actions
- Collaborer avec les institutions régionales comme l'Union panafricaine des télécommunications (UPAT) et Africa Connection pour
concevoir une politique et une législation modèle pour la réforme
des télécommunications, ainsi que des protocoles et des références
permettant d'évaluer la préparation à l'utilisation des communications électroniques;
- Collaborer avec les institutions régionales pour consolider les
capacités de réglementation;
- Mettre sur pied un réseau d'institutions de formation et de recherche
pour consolider la base de compétences de haut niveau ;
- Promouvoir et accélérer les projets existants visant à connecter les
écoles et les clubs de jeunes;
- Collaborer avec les institutions de financement du développement
en Afrique, les initiatives multilatérales (GS DotForce, Équipe
spéciale des Nations-Unies) et les bailleurs de fonds bilatéraux
pour mettre sur pied des mécanismes financiers visant à atténuer
et à réduire les risques dans ce secteur.
(ill) Énergie
109. Objectifs
L'énergie joue un rôle crucial dans le processus de développement,
d'abord en tant que nécessité domestique, mais aussi en tant que
facteur de production dont le coût affecte directement le prix des autres
253
Annexes: le dacU/lw/ll du NEPAD
biens et services, ainsi que la compétitivité des entreprises. Compte
tenu de la répartition inégale des ressources énergétiques sur le
continent, il est recommandé que la recherche de sources suffisantes et
abordables d'énergie soit axée sur la rationalisation de la distribution
territoriale des ressources énergétiques existantes, mais mal réparties.
En outre, l'Afrique doit tout mettre en oeuvre pour développer ses
abondantes ressources d'énergie solaire.
- Accroître l'accès à un approvisionnement commercial en énergie,
fiable et abordable, de 10 à 35 % ou plus de la population d'Afrique
en 20 ans;
- Améliorer la fiabilité et réduire le coût de l'approvisionnement en
énergie pour les activités de production afin de permettre une
croissance économique de 6 % par an ;
- Renverser la tendance de dégradation de l'environnement
associée à l'utilisation des combustibles traditionnels dans les
régions rurales;
- Exploiter le potentiel hydro-électrique des bassins fluviaux
d'Afrique;
- Intégrer les réseaux de transport d'énergie électrique et les gazoducs
pour faciliter les flux transfrontaliers d'énergie;
- Réformer et harmoniser les réglementations et la législation de
continent sur le pétrole.
110. Actions
- Établir un Forum africain pour la réglementation des entreprises
d'utilité publique et des associations régionales de réglementation;
- Mettre sur pied une équipe spéciale qui aura pour tâche de recommander des priorités et des stratégies de mise en œuvre pour les
projets régionaux, y compris la génération d'énergie hydroélectrique, les réseaux de transport d'énergie électrique et les
gazoducs;
- Mettre sur pied une équipe spéciale pour accélérer le développement de l'approvisionnement en énergie pour les logements des
groupes sociaux à faibles revenus;
- Élargir la portée du programme de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADO) pour la conservation de
l'énergie de la biomasse au reste du continent.
(Iv) Transports
111. Objectifs
- Réduire les délais de la circulation transfrontalière des personnes,
des biens et des services;
- Réduire l'attente et les temps morts dans les ports;
- Promouvoir l'activité économique et le commerce transfrontalier des
marchandises sur la base de meilleurs liens de transport terrestre;
254
Noul'eau Partenariat pOlir le Dêl'e!oppemellf de l'A}i"ique (NOPADA)
- Accroître les liaisons de transport aérien des passagers et du fret
entre les sous-régions d'Afrique.
112. Actions
- Mettre sur pied des équipes spéciales dans le domaine des douanes
et de l'immigration afin d'harmoniser les passages de frontières et
les procédures de délivrance des visas;
- Mettre en place et favoriser des partenariats entre les secteurs
public et privé pour l'octroi de concessions pour la construction,
l'aménagement et l'entretien des ports, des réseaux routiers, des
réseaux ferroviaires et de transport maritime j
- Promouvoir l'harmonisation des normes et des réglementations
selon les modes de transport et l'utilisation accrue de services de
transport multimodal j
- Collaborer avec les organisations régionales pour mettre en place
des couloirs de développement du transport ;
- Promouvoir des partenariats entre les secteurs public et privé pour
la rationalisation de l'industrie du transport aérien et le renforcement
des capacités dans le domaine du contrôle du trafic aérien.
(v) Eau et assainissement
113. Objectifs
- Assurer un accès durable à un approvisionnement en eau pure et
potable et à un assainissement adéquats, particulièrement pour les
pauvres j
- Planifier et gérer les ressources en eau pour en faire la base de la
coopération et du développement aux niveaux national et régional;
- Examiner systématiquement et préserver les écosystèmes, la
diversité biologique et la faune;
- Assurer la coopération sur les fleuves que se partagent plusieurs
États membres;
- Aborder la menace du changement climatique de façon efficace j
- Accroître l'agriculture irriguée et pluviale pour améliorer la
production et la sécurité alimentaire.
114. Actions
- Accélérer les travaux des projets sur les ressources en eau à
objectifs multiples, comme par exemple l'étude du Secrétariat de
la SADC de l'exploitation du fleuve Congo et l'initiative du Bassin
du Nil ;
- Mettre sur pied une équipe spéciale pour planifier les effets néfastes
de l'impact du changement climatique sur l'Afrique j
- S'associer à l'initiative mondiale pour l'assainissement de l'environnement afin de promouvoir des méthodes et des projets sanitaires
d'élimination des déchets;
255
Annexes: le document du NEPAD
- Appuyer le Programme Habitat des Nations-Unies sur la
conservation des ressources en eau dans les villes africaines.
D2. Initiative pour la flÙse en valeur des ressources
humaines, y compris l'inversion de la tendance à la
fuite des cerveaux
(1) Réduction de la pauvreté
115. Objectifs
- Fournir un leadership déterminé en accordant la priorité à la
réduction de la pauvreté dans toutes les composantes du NOPADA
et dans les politiques macroéconomiques et sectorielles des gouvernements nationaux;
- Mettre particulièrement l'accent sur la réduction de la pauvreté
chez les femmes ;
- Assurer une responsabilisation des pauvres dans les stratégies de
réduction de la pauvreté;
- Appuyer les initiatives visant à combattre la pauvreté au niveau
multilatéral, comme le Cadre global pour le développement de la
Banque mondiale et le Document de stratégie pour la réduction de
la pauvreté liée à l'Initiative d'allégement de la dette pour les pays
pauvres très endettés (PPTE).
116. Actions
- Exiger que les programmes nationaux préparés pour les initiatives
dans le cadre du présent programme d'action évaluent la situation
avant et après leur mise en œuvre, et mesurent leur impact sur la
réduction de la pauvreté;
- Travailler avec la Banque mondiale, le FMI, la BAD et les institutions des Nations-Unies pour accélérer la mise en œuvre et
l'adoption du Cadre global de développement, de la Stratégie pour
la réduction de la pauvreté et des initiatives apparentées;
- Mettre sur pied une équipe spéciale sur la question de l'égalité des
sexes pour assurer que les stratégies de réduction de la pauvreté
du NOPADA abordent les problèmes spécifiques aux femmes
pauvres;
- Mettre sur pied une équipe spéciale afin d'accélérer l'adoption de
processus décentralisés de participation pour la construction des
infrastructures et la prestation des services sociaux.
(li) Combler l'écart dans le domaine de l'éducation
117. Objectifs
- Collaborer avec les bailleurs de fonds et les institutions multilatérales pour assurer que l'objectif international du développement,
visant à parvenir à une éducation primaire universelle d'ici l'an
2015, soit réalisé;
256
Noltl'etllt Ptll1elltlritlf pour le Dél'eloppemellf de l'Afrique (NOPADA)
- S'efforcer d'améliorer l'élaboration et la réforme des programmes,
la qualité de l'enseignement et l'accès à l'informatique et à la
télématique;
- Élargir l'accès à l'enseignement secondaire et améliorer la pertinence de celui-ci par rapport au monde du travail ;
- Favoriser la mise en place de réseaux d'établissements spécialisés
de recherche et d'enseignement supérieur.
118. Actions
- Examiner les initiatives actuelles conjointement avec l'organisation
des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture
(UNESCO) et les autres principaux bailleurs de fonds;
- Examiner les niveaux des dépenses effectuées dans le domaine de
l'éducation par les pays d'Afrique et prendre l'initiative d'un
processus de mise au point de normes relatives aux dépenses
gouvernementales dans le domaine de l'éducation;
- Mettre sur pied une équipe spéciale pour accélérer l'introduction
de l'informatique et de la télématique dans les écoles primaires;
- Mettre sur pied une équipe spéciale pour examiner les capacités
de recherche dont le continent a besoin dans chaque région et
présenter des propositions à ce sujet.
119. Les principaux problèmes qui se posent à l'éducation en
Afrique proviennent de l'insuffisance des installations et des systèmes
de formation de la vaste majorité des Africains. Ceux d'entre eux qui
ont eu la possibilité de fréquenter des établissements d'enseignements
ailleurs ont démontré qu'ils étaient capables de réussir.
120. Le plan soutient la consolidation immédiate des établissements
d'enseignement supérieur dans toute l'Afrique, en créant, suivant les
besoins des universités spécialisées, des programmes de coopération
avec des enseignants africains. Il faut aussi insister sur la nécessité de
mettre en place des instituts technologiques.
(li) inversion de la tendance à la fuite des cenreaux
121. Objectifs:
- Inverser la tendance à la fuite des cerveaux pour en faire une
tendance au "gain des cerveaux· en Afrique;
- Renforcer et retenir sur le continent les capacités humaines
nécessaires au développement de l'Afrique;
- Élaborer des stratégies pour l'utilisation du savoir-faire et des compétences des Africains de la diaspora dans le domaine scientifique et
technologique en vue du développement de l'Afrique.
257
Annexes: le docl/ment du NEPAD
122. Actions
- Créer en Afrique un environnement politique, social et économique propice à la réduction de la fuite des cerveaux et au flux
des investissements dont le continent a tant besoin;
- Mettre en place une base de données fiable sur la fuite des
cerveaux pour déterminer l'ampleur du problème et promouvoir la
coordination et la collaboration entre les experts des pays d'origine
et ceux de la diaspora;
- Établir des réseaux scientifiques et techniques pour favoriser le
rapatriement des connaissances scientifiques dans les pays
d'origine et promouvoir la coopération entre les experts des pays
d'origine et ceux de la diaspora;
- Veiller à ce que l'expertise des africains installés dans les pays
développés soit utilisée dans le cadre de l'exécution de certains
des projets prévus dans le NüPADA.
(iv) Santé
123. Objectifs
- Renforcer les programmes de lutte contre les maladies
transmissibles afin qu'ils soient à la hauteur de la tâche d'alléger le
fardeau des maladies;
- Disposer d'un système de soins de santé solide qui réponde aux
besoins et qui appuie efficacement la lutte contre les maladies;
- Assurer l'appui nécessaire au développement durable d'un système
de soins de santé efficace ;
- Habiliter les peuples d'Afrique à agir pour améliorer leur propre
santé et assurer l'éducation sanitaire en Afrique;
- Réussir à avoir un impact sur le fardeau de maladies qui pèse sur
les personnes les plus pauvres en Afrique.
124. Actions
- Renforcer la participation de l'Afrique aux processus visant
l'obtention de médicaments à des prix abordables, notamment
ceux auxquels sont engagées les compagnies pharmaceutiques
internationales et la société civile internationale et examiner les
possibilités d'utiliser d'autres systèmes d'approvisionnement pour
les médicaments et les fournitures essentiels;
- Mobiliser les ressources requises pour intervenir de façon efficace
contre les maladies et mettre en place de solides systèmes
sanitaires;
- Mener campagne en faveur d'un appui financier international
accru pour lutter contre le VlH/SIDA et les autres maladies
transmissibles;
258
NOlll'ean Partenariat pour le Dél'eloppement de l'Afrique (NOPADA)
- Collaborer avec d'autres organisations internationales comme
l'OMS et les bailleurs de fonds afin de s'assurer que l'appui au
continent est accru pour atteindre au moins 10 milliards de dollars
EU par an;
- Encourager les pays africains à accorder la priorité aux soins de
santé dans leurs propres budgets et à accroître progressivement
ces budgets pour parvenir à un niveau déterminé d'un commun
accord;
- Mobiliser conjointement des ressources pour consolider les
capacités afin de permettre à tous les pays d'Afrique d'améliorer
les infrastructures et la gestion des soins de santé.
125. L'Afrique est le domaine privilégié de graves maladies endémiques. Bactéries et parasites, portés par des insectes, des personnes
en déplacement et autres vecteurs, y prospèrent, notamment grâce à la
faiblesse des politiques écologiques et aux mauvaises conditions de vie
des populations. Un des principaux obstacles aux efforts de
développement en Afrique est la lourde incidence des maladies transmissibles, en particulier le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme. A
moins que l'on ne mette un frein à ces épidémies pour ultérieurement
les éradiquer, il restera impossible de véritablement mettre en valeur les
ressources humaines du continent.
126. Dans le domaine de la santé, l'Afrique soutient fort mal la
comparaison avec le reste de la communauté internationale. En 1997,
les taux de mortalité des enfants et des adolescents y étaient respectivement de 105 et 169 pour mille par rapport à 6 et 7 pour mille dans
les pays développés. L'espérance de vie y est de 48,9 ans par rapport
à 77,7 dans les pays développés, Il n'y a que 16 médecins pour 100000
habitants par rapport à 253 dans les pays industrialisés. La pauvreté,
que reflète le très faible niveau de revenus par habitant, est un des
principaux facteurs empêchant les populations de surmonter leurs
problèmes de santé.
127. La nutrition affecte aussi la situation sanitaire. La consommation quotidienne moyenne de calorie va de 2 384 dans les pays à
faibles revenus à 2 846 dans les pays à revenus moyens et 3 390 dans
les pays de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE).
128. La santé, que l'OMS définit comme étant un état complet de
bien-être physique et mental, contribue à l'augmentation de la productivité et par conséquent à la croissance économique. Les effets les plus
évidents de l'amélioration de la santé de la force de travail sont la
diminution des journées de travail perdues pour cause de maladie, le
relèvement de la productivité et la possibilité d'avoir des emplois mieux
259
Annexes . le document du NEPAD
payés. En fin du compte, améliorer la santé et la nutrition contribue
directement à relever le bien-être des populations, à arrêter la
propagation des maladies, à diminuer les taux de mortalité infantile, à
prolonger l'espérance de vie et à améliorer les capacités d'étude des
jeunes scolarisés. On peut donc nettement établir le lien entre
l'amélioration de la situation sanitaire et la lutte contre la pauvreté.
B3. Agriculture
129. La majeure partie des populations d'Afrique vit dans les régions
rurales. Néanmoins, les systèmes agraires sont généralement faibles et
improductifs. Comme ils sont associés à des handicaps extérieurs tels
que l'incertitude climatique, les déformations de la politique économique et les changements des prix mondiaux, ces systèmes ont entravé
l'approvisionnement agricole et l'accroissement des revenus dans les
régions rurales, ce qui a conduit à la pauvreté.
130. La nécessité pressante de parvenir à la sécurité alimentaire dans
les pays d'Afrique impose que la question des systèmes agricoles
inadéquats soit abordée pour que la production alimentaire puisse être
accrue et les niveaux nutritionnels améliorés.
131. L'amélioration de la performance agricole est une condition
préalable au développement économique du continent. L'accroissement
du pouvoir d'achat des populations rurales qui en résultera conduira
également à une augmentation réelle de la demande de produits
industriels africains. La dynamique induite constituerait une source
significative de croissance économique.
132. L'accroissement de la productivité agricole repose sur l'élimination d'un certain nombre de contraintes structurelles qui affectent le
secteur. Une contrainte clé est l'incertitude climatique, qui augmente le
facteur de risque auquel une agriculture intensive, fondée sur l'afflux
significatif d'investissements privés, doit faire face. En conséquence, les
gouvernements doivent appuyer la mise en place d'infrastructures
d'irrigation et mettre en valeur des terres irrigables lorsque les
entreprises privées y rechignent. L'amélioration de l'infrastructure rurale
(routes, électrification des zones rurales, etc.) est également essentielle.
133. L'environnement institutionnel de l'agriculture a aussi un effet
significatif sur la productivité et la performance de ce secteur dans le
domaine de l'approvisionnement. Un appui institutionnel sous la forme
de centres et d'instituts de recherche, la fourniture de services de
vulgarisation et d'appui ainsi que des foires commerciales agricoles
stimuleront la production d'excédents commercialisables. Le cadre des
réglementations relatives à l'agriculture doit également être pris en
260
NOU1'eau Partenariat pour le Déwloppemel1f de l'Afrique (NOPADA)
considération, avec notamment l'encouragement des dirigeants des
communautés locales dans les régions rurales et la participation de ces
communautés à la formulation des politiques et à la prestation des
services.
134. Depuis quelques temps, les bailleurs de fonds bilatéraux et les
institutions multilatérales n'accordent que peu d'attention au secteur
agricole et aux régions rurales, dans lesquelles vivent 70 % des pauvres
d'Afrique. Par exemple, dans le portefeuille de la Banque mondiale, les
crédits destinés à l'agriculture s'élevaient à 39 % en 1978 mais étaient
tombés à un niveau de 12 % en 1996 et à un niveau de 7 % en l'an
2000. La communauté des bailleurs de fonds dans son ensemble doit
renverser cette tendance négative.
B4. Initiative pour l'environnement
135. L'on sait qu'un environnement sain et productif est une condition préalable indispensable à la réussite du NOPADA. L'on sait aussi
que tous les aspects indispensables à l'entretien de cette base écologique sont nombreux et complexes et qu'il faudra une combinaison
systématique d'initiatives pour mettre au point un programme cohérent
de protection de l'environnement. Il faudra faire des choix et établir
l'ordre de priorités des premières interventions.
136. L'on sait de plus que l'objectif qui doit être au cœur de l'initiative
en matière d'environnement doit être de lutter contre la pauvreté et de
contribuer au développement socio-économique de l'Afrique. L'expérience
a montré que nombre de mesures prises pour protéger l'environnement
peuvent beaucoup contribuer à créer des emplois, à responsabiliser les
populations et à leur offrir cohésion sociale et dignité tout en
combattant la pauvreté.
137. Il convient de mentionner aussi que l'Afrique va accueillir le
Sommet mondial sur le développement durable en septembre 2002. La
gestion de l'environnement est à la base de toute une gamme de sujets
que le sommet examinera et nous pensons que cela relève particulièrement le statut des délibérations en matière d'environnement dans le
cadre du NOPADA.
138. L'on visera dans ce cadre huit interventions prioritaires:
- Lutter contre la désertification. L'on envisage des interventions
modèles de remise en état des terres dégradées visant les facteurs
qui en ont provoqué la dégradation. Nombre de ces activités
seront à forte intensité de travail, à savoir des programmes de
travaux publics qui contribueront à répondre aux besoins de
développement social du continent.
261
Allnexes; le docl/ment du NEPAD
- Protection des zones humides. Multiplier des interventions
modèles africaines de protection des zones humides dont les
bénéfices socio-écologiques offrent un excellent rendement.
- Espèces exotiques envahissantes. Il faudra établir des partenariats
pour empêcher l'implantation d'espèces exotiques envahissantes
ou lutter contre elles. Ces partenariats seront indispensables tant
pour assurer l'intégrité des écosystèmes naturels que pour protéger
l'économie. D'importantes initiatives à forte intensité de travail
pourront être envisagées.
- Gestion des côtes. Pour protéger les ressources côtières et en
assurer la meilleure exploitation possible, l'on suggère encore une
fois des interventions modèles qui pourront être suivies d'un
programme plus vaste.
- Réchauffement planétaire. L'accent sera mis tout d'abord sur le
suivi et la réglementation de l'impact des changements climatiques
en même temps que des contributions qui y sont apportées. Des
mesures à forte intensité de travail sont indispensables pour une
lutte intégrée contre les incendies.
- Zones transfrontières de protection de l'environnement. Il s'agirait
de tirer parti des initiatives naissantes de partenariats entre les pays
pour protéger l'environnement, favoriser le tourisme et par conséquent créer des emplois et les protéger.
- Gouvernance écologique. 11 s'agit de répondre aux besoins en
termes d'institutions, de législations, de planification, de formation
et de renforcement des capacités indispensables à la réalisation de
toutes les actions susmentionnées.
- Financement. Il faudra assurer au travail de financement un cadre
soigneusement structuré et équitable.
139. L'initiative pour l'environnement offre le net avantage de
regrouper de nombreuses initiatives qui peuvent être engagées dans
des délais relativement courts et dont le rendement par rapport aux
investissements est exceptionnel en termes de création d'une base
socio-écologique permettant au NOPADA de prospérer.
B5. Culture
140. La culture fait partie intégrante des efforts de développement
du continent. C'est pourquoi il est indispensable de protéger et d'utiliser
correctement le savoir autochtone qui représente une dimension
importante de la culture du continent et d'en faire bénéficier toute
l'humanité. Le NOPADA consacrera une attention toute particulière à la
protection et au développement du savoir traditionnel. C'est-à-dire aux
oeuvres littéraires et artistiques nourries de tradition comme aux
travaux scientifiques, performances, inventions, découvertes, conceptions,
marques, appellations et symboles, informations encore non divulguées
262
NOill'ell1l Partenariat pour le Dél'eloppemew de l'Afrique (NOPADA)
et toutes autres innovations et créations fondées sur la tradition et des
activités intellectuelles dans les domaines industriel, scientifique, littéraire
ou artistique. Ce concept englobe aussi le patrimoine génétique et les
connaissances médicales traditionnelles qui y sont associées.
141. Les dirigeants du NOPADA prendront d'urgence des mesures
pour faire en sorte que le savoir autochtone de l'Afrique soit protégé
par des législations appropriées. Ils favoriseront aussi sa protection au
niveau international en travaillant pour ce faire en étroite collaboration
avec l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
DG. Tribunes sur la science et la technologie
142. Objectifs
- Promouvoir une coopération et une amélioration des connexions
transfrontalières en utilisant les connaissances dont disposent les
centres d'excellence existants pour tout le continent;
- Développer et adapter la capacité de collecte et d'analyse de
l'information pour appuyer les activités de production et les
exportations de l'Afrique;
- Générer une masse critique de compétences technologiques dans
des domaines ciblés qui présentent un potentiel de croissance
élevé, en particulier la biotechnologie et les sciences de la Terre;
- Assimiler et adapter les technologies existantes pour diversifier la
production des industries manufacturières.
143. Actions
- Établir une coopération régionale pour la mise au point et la
diffusion de normes pour les produits, ainsi que pour les systèmes
d'information géographique (SIG) ;
- Mettre au point des réseaux entre les centres d'excellence
existants, en particulier au moyen de l'internet, d'échanges de
personnel et de programmes de formation transfrontaliers et
fournir une assistance aux scientifiques et aux chercheurs réfugiés
- Collaborer avec L'UNESCO et l'Organisation des Nations-Unies
pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ainsi que d'autres
organisations internationales pour exploiter la biotechnologie afin
de développer le potentiel commercial de la riche diversité
biologique et de la base de connaissances autochtones de
l'Afrique, en améliorant la productivité agricole et en développant
la production pharmaceutique;
- Développer la recherche dans le domaine des sciences de la terre
pour accroître l'exploitation des richesses en minerais de l'Afrique;
- Mettre en place et développer une base de compétences dans le
domaine des techniques de fabrication des produits et du contrôle
de la qualité pour appuyer la diversification des industries de
transformation.
263
Annexes: le document du NEPAD
C. Mobilisation des ressources
Cl. Initiative en faveur des flux de capitaux
144. Pour réaliser la croissance annuelle d'environ 7 % par an envisagée dans les objectifs internationaux de développement et surtout
pour diminuer de moitié l'incidence de la pauvreté en Afrique d'ici l'an
2015, le continent a besoin de combler un déficit annuel de 12 % de
son PŒ, soit 64 milliards de dollars EU. Il faudra pour ce faire
augmenter l'épargne domestique et améliorer la perception des recettes
fiscales. Cependant, la majeure partie de ces ressources devra être
obtenue de l'extérieur du continent. Selon le NOPADA, ce sont avant
tout la réduction de la dette et l'APD qui apporteront les ressources
extérieures requises à court et moyen terme, tandis que les apports de
capitaux privés doivent être envisagés plutôt à long terme. Un principe
fondamental en matière de flux de capitaux est que l'augmentation des
apports de capitaux est inséparable de l'amélioration de la gouvernance.
C'est pourquoi la participation aux initiatives en matière de gouvernance économique et politique est une condition préalable indispensable à la participation à l'initiative relative aux flux de capitaux.
(i) Augmenter la mobilisation des ressources internes
145. Pour relever la croissance et réduire plus efficacement la
pauvreté, l'Afrique a besoin de mobiliser des ressources supplémentaires. Dans les pays, les ressources proviennent de l'épargne
domestique des entreprises et des ménages qui devaient être nettement
augmentée. Il faudrait aussi augmenter les revenus fiscaux pour
augmenter les recettes publiques tout en rationalisant les dépenses des
pouvoirs publics. Les pays d'Afrique perdent une importante partie de
l'épargne locale du fait de la fuite des capitaux. C'est une tendance qui
ne pourra être renversée que si les ressortissants pensent qu'ils ont
intérêt à conserver leurs richesses en Afrique. C'est pourquoi il faut
aussi d'urgence créer des conditions favorables aux investissements du
secteur privé, local et étranger.
(U) Initiative au sujet de la dette
146. Le NOPADA vise à obtenir un allégement de la dette qui aille
au-delà des niveaux actuels (fondés sur le concept de • viabilité .. de la
dette) l ~squels imposent encore des paiements au titre du service de la
dette qui contribuent pour beaucoup au déficit. A long terme, l'objectif
du NOPADA est de lier l'allégement de la dette aux résultats mesurés
des activités de réduction de la pauvreté. En attendant, les plafonds du
service de la dette devraient être fixés au prorata des recettes
budgétaires, avec des plafonds différents pour les pays de l'Association
264
NOl/l'eaU Partenariat pOl/r le Dél'eloppemellf de l'A.Ji"ique (NOPADA)
internationale de développement (IDA) et les autres. Pour obtenir le
maximum d'engagements à des conditions de faveur - allégement de
la dette plus APD - dont l'Afrique a besoin, les dirigeants du NOPADA
négocieront avec les gouvernements créanciers. Les pays devraient
s'adresser aux mécanismes existants d'allégement de la dette - PPTE et
Club de Paris - avant d'essayer d'obtenir de l'aide par le biais du
NOPADA. L'Initiative au sujet de la dette exigera des pays d'adopter des
stratégies convenues de réduction de la pauvreté, des stratégies au sujet
de la dette, ainsi que leur participation à l'initiative en matière de saine
gestion économique, afin que ces pays soient en mesure d'absorber ces
ressources supplémentaires. En plus d'essayer d'alléger plus encore b
dette au moyen de la stratégie transitoire susdite, les dirigeants du
NOPADA mettront en place un forum qui permette aux pays d'Afrique
d'avoir des échanges d'expériences et de se mobiliser pour améliorer
les stratégies d'allégement de la dette.
147. Actions
- Les chefs d'État du NOPADA vont essayer de négocier avec la
communauté internationale un accord pour obtenir un allégement
plus important de la dette en faveur des pays participant au
NOPADA, sur la base des principes illustrés plus hauts;
- Les dirigeants du NOPADA vont mettre en place un forum où les
pays d'Afrique pourront procéder à des échanges d'expérience et
se mobiliser pour améliorer les stratégies d'allégement de la dette.
Ils y auront des échanges de vue sur la révision et l'amélioration
du processus de PPTE.
(iii) Initiative pour transformer l'APD
148. Le NOPADA vise à obtenir une augmentation des apports
d'APD à moyen terme et d'en transformer le système d'acheminement
afin que ces ressources puissent être utilisées de manière plus efficace
par les pays d'Afrique qui en bénéficient. Le NOPADA créera un Forum
sur l'APD où les pays d'Afrique pourront mettre au point une prise de
position commune sur la transformation de l'APD, avoir des pourparlers
avec le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE et d'autres
bailleurs de fonds pour rédiger une charte qui serve de base au
partenariat pour le développement. Aux termes de cette charte, la
participation à l'initiative en faveur d'une saine gestion économique
sera une condition préalable mur améliorer la capacité des pays d'Afrique
à tirer parti de l'augmentation des apports d'APD ; la charte proposera
un mécanisme complémentaire indépendant d'évaluation, chargé d'assurer
le suivi de la performance des bailleurs de fonds. Le NOPADA appuiera
la mise en place d'un Groupe d'étude sur le Document de stratégie
pour la réduction de la pauvreté (DRSP) qui travaillera de concert avec
la Banque mondiale et le FMI au sujet de ce processus.
265
Annexes: le document du NEPAD
149. Actions
- Créer, en contrepartie au CAO de l'OCDE, un Forum de l'APD qui
permette aux pays d'Afrique de mettre au point une prise de
position commune sur la transformation de l'APD ;
- Par le biais du Forum sur l'APD, négocier avec les institutions
donatrices l'institution d'une charte du partenariat pour le développement dans laquelle seraient inscrits tous les principes décrits
plus haut;
- Appuyer les efforts de la CEA pour la mise en place d'un groupe
d'étude sur le DRSP ;
- Mettre en place un mécanisme indépendant chargé d'évaluer les
performances des bâilleurs de fonds et des pays bénéficiaires.
(iv) Initiative pour les apports de capitaux privés
150. Le NOPADA vise à augmenter les apports de capitaux privés
venant de l'extérieur de l'Afrique, pour en faire un moyen durable
essentiel à long terme afin de combler les déficits.
151.
La première des priorités sera de s'attaquer à la perception de l'Afrique
par les investisseurs comme étant un continent à " haut risque .. du
fait de l'insécurité des droits de propriété et des insuffisances des
réglementations et des marchés. Plusieurs éléments du NOPADA
vont contribuer à diminuer ces risques progressivement, notamment
les initiatives relatives au maintien de la paix et de la sécurité, à la
bonne gouvernance politique et économique, à l'amélioration des
infrastructures et à la réduction de la pauvreté. Parmi les
mécanismes transitoires destinés à minimiser les risques devraient
figurer des plans de garantie des crédits et la consolidation des
cadres réglementaires et législatifs relatifs aux investissements.
- La priorité suivante sera de mettre en œuvre un programme de
renforcement des capacités en partenariat public/privé par le
truchement de la Banque africaine de développement et des banques
régionales de développement, afin d'aider les pouvoirs publics,
aux niveaux local et national, à structurer et réglementer les
transactions concernant les infrastructures et les services sociaux.
- La troisième priorité sera de promouvoir l'amélioration des marchés
financiers domestiques, leur harmonisation et leur intégration pardelà les frontières, grâce à une Equipe de travail chargée de l'intégration des marchés financiers qui commencera par mettre l'accent
sur la législation et la réglementation des régimes financiers.
152. Actions
- Mettre en place une équipe de travail chargée de l'audit des
législations et réglementations portant sur les investissements afin
d'en réduire les risques et d'en assurer l'harmonisation en Afrique;
266
NOl/l'eau Partenariat pOl/r le Dél'eloppemel/f de l'Ajhqlle (NOPADA)
- Effectuer une étude d'évaluation des besoins et de faisabilité à
propos des instruments financiers en vue de minimiser les risques
associés à la conduite des affaires en Afrique;
- Engager une initiative pour améliorer les capacités des pays de
mettre en place des partenariats entre secteur privé et pouvoirs
publics;
- Créer une Équipe de travail sur l'intégration des marchés financiers
qui permettra d'accélérer ladite intégration en mettant en place des
cadres législatifs et réglementaires compétitifs sur le plan international et en créant une plate-forme unique pour les affaires en
Afrique;
- Il va néanmoins être aussi important, en particulier à court et
moyen termes, d'obtenir des ressources supplémentaires en APO
et la réduction de la dette. Plus d'APO serait nécessaire pour
permettre aux pays les moins avancés d'atteindre les objectifs
internationaux de développement, en particulier en matière
d'enseignement primaire, de santé et d'éradication de la pauvreté.
Réduire plus encore la dette est aussi crucial. L'Initiative améliorée
pour alléger l'endettement des pays pauvres très endettés (PPTE)
impose encore à de nombreux pays en bénéficiant un très lourd
fardeau d'endettement, compte tenu de la nécessité de consacrer
plus de ressources à la réduction de la pauvreté. De plus, certains
pays qui ne bénéficient pas de cette Initiative auraient besoin que
leur dette soit réduite pour pouvoir consacrer des ressources à la
lutte contre la pauvreté.
C2. Initiative pour l'accès aux marchés
Diversification de la production
153. Les économies africaines sont vulnérables parce qu'elles
dépendent de produits primaires et de secteurs fondés sur les
ressources et que leurs exportations sont peu nombreuses. Il faudrait
d'urgence diversifier la production et cela devrait logiquement se faire
pour commencer à partir de la base de la production africaine actuelle,
à savoir les ressources naturelles du continent. Il faut augmenter la
valeur ajoutée dans les agro-industries et dans l'enrichissement des
minerais et développer plus avant la production de biens d'équipement, grâce à une stratégie de diversification économique fondée sur
des liaisons intersectorielles. Il faut appuyer les entreprises privées,
aussi bien les micro-entreprises du secteur informel que les petites et
moyennes manufactures, principaux moteurs de croissance et de
développement. Les pouvoirs publics doivent supprimer les obstacles
aux affaires et encourager les talents créatifs des entrepreneurs africains.
(i)
267
Annexes: le cloclImellf clu NEPAD
(H) Agriculture
154. Objectifs
- Améliorer la productivité de l'agriculture en accordant une
attention particulière aux petits exploitants et aux agricultrices;
- Assurer la sécurité alimentaire pour tous et accroître l'accès des
pauvres à une alimentation et à une nutrition adéquates;
- Promouvoir des mesures pour lutter contre la dégradation des
ressources naturelles et encourager des méthodes de production
qui soient écologiquement durables;
- Intégrer les pauvres ruraux à l'économie de marché et leur fournir
un meilleur accès aux marchés à l'exportation;
- Transformer l'Afrique en exportateur net de produits agricoles;
- Jouer un rôle stratégique prédominant dans le domaine des
sciences agricoles et du développement de la technologie.
155. Actions
Au niveau de l'Afrique :
- Relever la sécurité de l'approvisionnement en eau pour l'agriculture en mettant sur pied des dispositifs d'irrigation à petite
échelle, en améliorant la gestion des ressources en eau au niveau
local et en accroissant l'échange de l'information et du savoir-faire
technique avec la communauté internationale;
- Améliorer la sécurité du régime foncier, traditionnel et moderne, et
promouvoir les réformes foncières nécessaires;
- Encourager la sécurité alimentaire au niveau régional, sousrégional, national et au niveau des ménages en assurant et gérant
l'accroissement de la production, du transport, du stockage et de
la commercialisation des cultures alimentaires, de là production
animale et de la pêche. Accorder, ce faisant, une attention particulière aux besoins des pauvres, et mettre sur pied des systèmes
d'alerte précoce pour surveiller la sécheresse et la production
agricole;
- Améliorer les mécanismes de crédit et de financement agricole
ainsi que l'accès au crédit des petits exploitants et des agricultrices;
- Réduire la prépondérance des dépenses publiques dans les zones
urbaines en Afrique en transférant des ressource des activités
urbaines aux activités rurales.
Au niveau international :
- Mettre au point de nouveaux systèmes de partenariat pour des
projets agricoles particuliers de grande envergure afin de combattre
la saturation des bailleurs de fonds;
- Obtenir l'aide de pays en développement pour permettre à
l'Afrique de mener et de développer ses propres capacités de
recherche-développement dans le domaine de l'agriculture
268
Noul'eau Partenariat pour le Dél'eloppemel7t de l'Afrique (NOPADA)
- Promouvoir l'accès des produits alimentaires et agricoles d'Afrique
et, en particulier, des produits transformés aux marchés internationaux en améliorant la qualité de ces produits pour qu'ils répondent
aux normes de ces marchés;
- Soutenir la création de réseaux africains avec des partenaires extérieurs dans les domaines de la technologie et du savoir-faire agricoles,
des services de vulgarisation et des infrastructures rurales;
- Appuyer les investissements dans la recherche dans les domaines
des cultures à grand rendement et des méthodes de conservation
et de stockage durables;
- Fournir un appui afin de consolider les capacités nationales et
régionales dans le domaine des négociations commerciales
multilatérales, y compris les réglementations sanitaires et les autres
réglementations sur la commercialisation des produits agricoles.
(ID) Industries extractives
156. Objectifs
- Améliorer la qualité des informations sur les ressources minières;
- Mettre en place un cadre réglementaire favorable au développement des industries extractives;
- Instituer des pratiques exemplaires pour assurer l'efficacité de l'extraction des ressources minières et de minerais de qualité supérieure.
157. Actions
Au niveau de l'Afrique :
- Harmoniser les politiques et réglementations pour se conformer
aux niveaux minimums convenus en matière d'exploitation;
- Harmoniser les engagements en vue de diminuer constamment la
perception de risques associés aux investissements en Afrique;
- Harmoniser les sources d'information sur les opportunités d'investissements ;
- Collaborer plus intensément pour le partage des connaissances sur
les ressources naturelles et les moyens d'en augmenter la valeur
ajoutée;
- Respecter les conditions d'apports en valeur ajoutée (enrichissement) dans les investissements destinés au secteur minier en
Afrique;
- Créer une École africaine des mines (qui offre enseignement,
formation et qualification à tous les niveaux). Ceci pourrait se faire
en assurant la collaboration entre des écoles existantes.
(iv) Manufacture
158. O/<jectijs
Relever la production, la compétitivité et la diversification du
secteur domestique privé, en particulier dans les sous-secteurs de
269
Annexes: le documelll du NEPAD
l'agro-industrie, des mines et des manufactures, là où s'offrent des
possibilités d'exportations et de création d'emplois;
- Créer dans les pays d'Afrique des offices nationaux des normes;
- Harmoniser les réglementations techniques des pays d'Afrique.
159. Actions
Au niveau de l'Mrlque :
- Créer de nouvelles industries ou moderniser celles qui existent
dans les pays d'Afrique qui jouissent d'avantages comparatifs,
notamment pour les agro-industries, la production d'énergie et les
industries dépendant des ressources minières;
- Devenir membres des organes normatifs internationaux pertinents.
Une participation active de l'Afrique lui permettrait d'y mieux faire
entendre sa voix et d'assurer une contribution véritable des
industries africaines à la formulation des normes internationales.
Cela assurerait aussi le transfert des copyrights des normes internationales aux offices nationaux des normes;
- Mettre en place des institutions nationales de métrologie en liaison
avec le système international de métrologie. Ceci resterait toujours
la responsabilité des pouvoirs publics;
- Faire en sorte que des laboratoires d'essais et des organismes de
délivrance de certificats soient mis en place pour faire respecter les
réglementations techniques nationales pertinentes. Ces institutions
devraient être mises en place le plus rapidement possible là où il
n'en existe pas encore;
- Mettre en place une infrastructure d'agrément semblable à l'Organisation internationale de normalisation (50) qui soit acceptée par
la communauté internationale. Une telle infrastructure pourrait être
nationale dans les pays où l'industrie est suffisamment solide pour
s'en charger ou bien l'on pourrait envisager des structures régionales. Il faudrait consacrer des fonds adéquats pour devenir
membres des structures internationales telles que le Forum
d'accréditation internationale et la Commission internationale de
l'électrotechnique (CIE).
- Faire assurer la reconnaissance réciproque des résultats des essais
et des certificats délivrés par les principaux partenaires commerciaux de l'Afrique. En général, cela n'est possible que si l'on a mis
en place des cadres normatifs, des réglementations techniques, des
mesures de métrologie et d'agrément et que l'on peut démontrer
qu'ils remplissent les critères internationaux.
Au niveau international :
- Faciliter, en créant divers rùécanismes dont des associations d'hommes
d'affaires, les échanges d'informations entre les entreprises
d'Afrique et celles de l'extérieur du continent pour viser la mise en
place de co-entreprises et d'accords de sous-traitance;
270
NOlll't!all Partenariat pour ft! Dél't!loppement de f'Ajî"iqlle (NOPADA)
- Aider à consolider les institutions africaines de formation en
matière de développement industriel, en particulier en favorisant
l'établissement de réseaux avec des partenaires internationaux;
- Promouvoir les transferts de technologies nouvelles et appropriées
vers les pays d'Afrique;
- Mettre au point et faire accepter des pratiques exemplaires en
matière de réglementations techniques qui remplissent les critères
de l'Accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur
les obstacles techniques au commerce (OTC) tout en répondant
aux besoins de l'Afrique. Les réglementations techniques des pays
développés sont marquées par le passé et souvent inutilement
compliquées pour de nombreux pays d'Afrique;
- Créer des offices des normes offrant aux industries et aux pouvoirs
publics les informations requises sur les normes nationales,
régionales et internationales pour faciliter l'accès aux marchés. Ces
centres devraient être reliés aux autres institutions semblables
existantes aux niveaux national, régional et international et
pourraient aussi servir de points d'information nationale pour
l'Accord de l'OMC sur les OTC ;
- Assurer la formulation de normes nationales et régionales appropriées en instituant des comités techniques qui représentent de
façon appropriée les parties prenantes du pays et faire en sorte
que ces comités soient gérés conformément aux directives de l'ISO
et aux exigences de l'Accord de l'OMC sur les OTe.
(v) Touris~e
160. Objectifs
- Repérer aux niveaux national et sous-régional les projets-clés
pouvant avoir d'importants effets de percolation et contribuer à
l'intégration économique interrégionale;
- Mettre au point une stratégie régionale de marketing;
- Créer une capacité de recherche sur le tourisme et les statistiques
touristiques;
- Promouvoir les partenariats semblables à ceux formés dans le
cadre d'organes sous-régionaux tels que l'Organisation régionale
du tourisme en Afrique australe (RETOSA), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et la SADe.
161. Actions
Au niveau de l'Mrique :
- Forger des relations de coopération qui permettent de tirer parti
d'un partage des connaissances tout en offrant une base aux autres
pays souhaitant s'engager dans des activités relevant du tourisme;
- Offrir aux peuples d'Afrique la possibilité de participer activement
à des projets durables de tourisme au niveau des communautés;
271
Annexes: le document du NEPAD
- Donner la priorité à la sécurité et à la sûreté des consommateurs;
- Commercialiser les produits touristiques africains, comme le
tourisme d'aventure, l'écotourisme et le tourisme culturel;
- Assurer une meilleure coordination des initiatives régionales de
tourisme en Afrique poix multiplier les produits et en assurer la
diversité;
- Tirer le meilleur parti possible de la forte demande inter-régionale
d'activités touristiques en concevant des campagnes de marketing
spécialisées et taillées sur mesure pour les consommateurs.
(vi) Services
162. Les services peuvent constituer des activités très importantes
pour les pays africains, en particulier ceux qui sont bien équipés dans
le domaine des TIC (téléservices).
(vU) Promotion du secteur privé
163. Objectifs
- Créer un environnement sain et favorable aux activités du secteur
privé, en mettant surtout l'accent sur les entrepreneurs locaux;
- Favoriser les investissements étrangers directs et les échanges
commerciaux, en mettant l'accent sur les exportations;
- Développer les micro-entreprises, les petites et moyennes
entreprises, en particulier dans le secteur informel.
164. Actions
Au niveau de l'Afrique:
- Prendre des mesures pour améliorer les capacités du secteur privé
dans les domaines de l'esprit d'entreprise, de la gestion et des
techniques en appuyant l'acquisition de technologies, les
améliorations de la production, la formation et le développement
des compétences;
- Consolider les chambres de commerce, les associations
commerciales et professionnelles ainsi que leurs réseaux
régionaux;
- Organiser le dialogue entre pouvoirs publics et secteur privé pour
mettre au point une vision commune de stratégie du développement économique et supprimer les obstacles au développement
du secteur privé;
- Renforcer et encourager la croissance des micro-industries, des
petites et moyennes industries, grâce à un soutien technique
adéquat des institutions de service et de la société civile et
améliorer leur accès à des capitaux en consolidant les programmes
de microfinancement, tout particulièrement en faveur des femmes
entrepreneurs.
272
NOl/l'eau Partenariut pour le Développement de l'Afn'que (NOPADA)
Au niveau international:
- Promouvoir des programmes de développement de l'esprit d'entreprise pour assister des entreprises africaines;
- Offrir une assistance technique pour contribuer à la mise en place
de réglementations appropriées et à la promotion de petites et
moyennes entreprises et de micro-entreprises et de programmes
de microfinancement pour le secteur privé africain,
(viü) Promotion des exportations de l'Afrique
165, Objectifs
- Améliorer les procédures douanières et les programmes de
drawback;
- S'attaquer aux barrières au commerce international en relevant les
normes;
- Augmenter le commerce intra-régional en favorisant les contacts
entres les entreprises africaines de part et d'autre des frontières;
- Changer l'image négative de l'Afrique en apportant des solutions
aux conflits et en faisant le marketing du continent;
- Remédier aux pénuries de compétences à court terme en donnant
des encouragements appropriés et en assurant la formation au
niveau des entreprises.
166. Actions
Au niveau de l'Afrique :
- Promouvoir le commerce intra-africain afin que les pays d'Afrique
se procurent sur le continent des importations qui provenaient
jusqu'à présent du reste du monde;
- Créer des mécanismes et institutions de marketing pour mettre au
point des stratégies de commercialisation des produits africains ;
- Faire connaître les sociétés africaines d'importation et d'exportation et leurs produits, notamment grâce à des foires expositions
commerciales;
- Réduire les coûts des opérations et des transactions;
- Promouvoir et améliorer les accords commerciaux reglonaux,
libéraliser plus avant le commerce interrégional et harmoniser les
règles d'origine, les tarifs douaniers et les normes des produits;
- Réduire les droits de douane sur les exportations.
Au niveau international :
- Négocier des mesures et accords de facilitation pour améliorer
l'accès des produits africains aux marchés du monde entier;
- Encourager les investissements étrangers directs;
- Aider à consolider les capacités du secteur privé tout en renforçant
les capacités nationales et sous-régionales en matière de négociations commerciales, de mise en application des règles de l'OMC et
273
Annexes: le documunt du NEPAD
pour identifier et exploiter les nouvelles possibilités d'échanges
commerciaux issues du système commercial multilatéral;
- Les chefs d'État doivent assurer une participation active aux
échanges commerciaux mondiaux, gérés sous les auspices de
l'OMC depuis 1995. Si un nouveau cycle de négociations
commerciales multilatérales commence, il devra tenir compte des
préoccupations, besoins et intérêts du continent africain et les
inscrire dans les règles futures de l'OMC.
167. La participation au système commercial mondial permettra:
- d'assurer aux exportations de l'Afrique un accès aux marchés
ouvert, prévisible et diversifié sur le plan géographique;
- d'offrir une tribune où les pays en développement puissent
collectivement exiger des pays développés des ajustements
structurels dans les industries pour lesquelles le monde en
développement dispose actuellement d'un avantage comparatif
naturel;
- de faire de la transparence et de la prévisibilité des conditions
préalables indispensables à l'augmentation des investissements, ce
qui permettrait d'améliorer les capacités d'offre et de multiplier les
bénéfices provenant des accès existants aux marchés;
- d'apporter une assistance et un appui techniques pour améliorer
les capacités institutionnelles des États africains à tirer parti de
l'OMC et à conduire des négociations commerciales multilatérales.
168. En plus d'un soutien d'ordre général à l'OMC, les chefs d'État
africains doivent déterminer des domaines stratégiques d'intervention et
consolider, avec l'aide de la communauté internationale, la contribution
du commerce au redressement du continent. 11 s'agirait notamment:
- de repérer les domaines d'exportation essentiels dans lesquels
l'offre est gravement entravée;
- de diversifier la production et les exportations en particulier dans
les domaines existants et potentiels dans lesquels le continent a un
avantage comparatif, compte tenu de la nécessité de relever la
valeur ajoutée de la production;
- d'évaluer les possibilités de libéraliser plus avant le secteur des
manufactures, vu que les marchés donnent essentiellement accès
aux secteurs à faible valeur ajoutée et entravent les activités à forte
valeur ajoutée dont le potentiel est le plus important pour la
croissance économique;
- de raviver l'action politique des pays d'Afrique afin d'intensifier et
d'approfondir les diverses initiatives d'intégration prises dans tout
le continent, ce pourquoi il faudrait envisager les possibilités
suivantes: Cl) un régime continental discrétionnaire de préférences
commerciales pour le commerce intra-africain ; (2) l'alignement des
politiques commerciales et industrielles nationales et régionales
274
NOl/I'eall Partenariat pOl/r le Dél'e/oppement de l'Afriql/e (NOPADA)
pour augmenter les possibilités d'échanges intra-industries
indispensables à la durabilité des accords économiques régionaux.
169. Les chefs d'État doivent agir pour :
- obtenir et stabiliser le traitement préférentiel consenti par les
principaux partenaires des pays développés (comme le Système
généralisé de préférence (SGP), l'Accord de Cotonou, l'Initiative
Tout sauf des armes et l'AGOA, Loi américaine sur la croissance et
le commerce en Afrique) ;
- faire en sorte que la libéralisation multilatérale future n'affecte pas
les marges préférentielles offertes par ces arrangements;
- repérer leurs faiblesses en termes de conception et mise en
application et y remédier.
(ix) Élimination des barrières non tarifaires
170. Les dirigeants africains sont persuadés qu'il serait crucial
d'améliorer l'accès aux marchés des pays industrialisés des produits
pour lesquels l'Afrique est compétitive. Malgré les nettes améliorations
en fait de diminution des droits de douanes ces dernières années, il
subsiste d'importantes exonérations tarifaires et des barrières non
tarifaires qui constituent des obstacles majeurs. Tout progrès dans ce
domaine améliorerait énormément la croissance économique et la
diversification de la production et des exportations de l'Afrique. On
réduirait ainsi la dépendance vis-à-vis de l'APD et les projets d'infrastructures seraient rendus plus viables du fait de l'accélération de
l'activité économique.
VI.
LIN NOLIVEAli l'AHTENAHIAT MONDIAL
171. L'Afrique reconnaît l'injustice historique séculaire et le besoin
d'y remédier. Cependant, le partenariat enjoint que des efforts
combinés améliorent la qualité de la vie des peuples d'Afrique aussi
rapidement que possible. L'Afrique et ses partenaires partagent des
responsabilités dans ce domaine dont ils peuvent retirer des bénéfices
mutuels.
172. La révolution technologique mondiale nécessite une base
croissante de ressources, une sphère de marchés de plus en plus
grande, de nouvelles frontières d'efforts scientifiques, une capacité
collective de sagesse humaine et un système écologique bien géré.
Nous sommes conscients qu'une grande partie des ressources minérales
et des autres ressources matérielles de l'Afrique sont des intrants
essentiels dans les processus de production des pays développés.
275
Annexes: le document du NEPAD
173. En plus de cette base de ressources indispensables, l'Afrique
offre un marché vaste et croissant aux producteurs de par le monde.
Une Afrique se développant, avec des effectifs accrus de travailleurs
employés et qualifiés et une classe moyenne en plein essor,
constituerait un marché en pleine expansion pour les produits
manufacturés, les produits intermédiaires et les services au niveau
mondial.
174. En même temps, l'Afrique offre de grandes occasions d'investissements. Le NOPADA crée des possibilités d'efforts internationaux
conjoints pour le développement des infrastructures, en particulier pour
l'informatique et la télématique et pour les transports.
175. L'Afrique fournit également des perspectives de partenariats
créatifs entre les secteurs public et privé dans le domaine de l'enrichissement des minerais, des industries agricoles, du tourisme, du
développement des ressources humaines et pour relever les défis de la
rénovation urbaine et du développement rural.
176. En outre, la biodiversité de l'Afrique, y compris la richesse de
sa flore et de sa faune et les forêts tropicales, est une ressource
mondiale importante pour lutter contre la dégradation de l'environnement causée par l'appauvrissement de la couche d'ozone et le
changement climatique ainsi que par la pollution de l'air et de l'eau par
les émissions industrielles et les effluents toxiques.
177. L'expansion des possibilités dans le domaine de l'éducation et
dans d'autres domaines en Afrique accroîtrait la contribution du
continent à la science, à la technologie et à la culture au niveau
mondial, au profit de toute l'humanité. Après tout, la science moderne
reconnaît que l'Afrique est le berceau de l'humanité. Les fossiles, les
objets fabriqués, les oeuvres artistiques et les vestiges d'anciens villages
humains peuvent être trouvés d'un bout à l'autre de l'Afrique et y
fournissent une preuve matérielle de l'émergence de l'homo sapiens et
de l'évolution de l'humanité.
178. Dans le cadre du processus de reconstruction de l'identité des
peuples d'Afrique et de leur confiance en eux-mêmes, il est nécessaire
que cela soit compris et apprécié par les Africains eux-mêmes. Dans le
même esprit, le statut de l'Afrique en tant que lieu de naissance de
l'humanité devrait être chéri par le monde entier en tant qu'origine de
tous ses peuples.
179. Le riche héritage culturel de l'Afrique se reflète dans l'artisanat
du passé, dans sa littérature, ses philosophies, son art et sa musique.
Tout cela devrait servir à la fois à consolider la fierté des Africains au
276
NOlll!eali Partenariat POUl" le Déuefoppemellt de l'Afrique (NOPADA)
sujet de leur propre humanité et à confirmer l'humanité commune des
peuples du monde.
180. L'un des fondements du NOPADA est l'expansion des frontières
démocratiques et l'approfondissement de la culture des droits de
l'homme. Une Afrique démocratique deviendra l'un des piliers de la
démocratie, des droits de l'homme et de la tolérance au niveau
mondial. Les ressources mondiales actuellement consacrées à la
résolution de conflits civils et inter-états pourraient ainsi servir àfinancer
des projets plus gratifiants.
181. Le contraire d'une telle initiative, l'effondrement de davantage
d'Etats africains, est une menace non seulement pour les Africains mais
aussi pour la paix et la sécurité mondiales. En ce qui concerne les pays
industrialisés, le développement en Afrique réduira les niveaux
d'exclusion sociale mondiale et minimisera une source potentielle
majeure d'instabilité sociale au niveau mondial.
182. L'Afrique s'engage à développer et consolider les partenariats
Sud-Sud.
- Instaurer de nouvelles relations avec les pays
industrialisés et les organisations multilatérales
183. Un élément critique pour que les africains puissent prendre la
responsabilité de l'avenir du continent est la nécessité de négocier de
nouvelles relations avec ses partenaires pour le développement. La
façon dont l'aide au développement est acheminée est extrêmement
problématique pour les pays en développement. La nécessité de
négocier séparément avec les bailleurs de fonds appuyant le même
secteur ou programme et de leur rendre compte individuellement est
aussi gênante qu'inefficace. Les conditions imposées à l'aide au
développement suscitent des inefficacités supplémentaires. L'on
souhaite établir une nouvelle relation dont le point de départ soit les
programmes nationaux. Une telle relation établirait des cibles de
performances et des normes dont conviendraient ensemble bailleur de
fonds et bénéficiaire. On pourrait citer de nombreux exemples
démontrant clairement que l'échec d'un projet n'est pas seulement dû
à une mauvaise performance du bénéficiaire mais aussi à de mauvais
conseils des bailleurs de fonds.
184. Les divers partenariats entre l'Afrique et les pays industrialisés
d'une part et les institutions multilatérales d'autre part devront être
maintenus. Les partenariats dont il est question sont notamment: le
277
Annexes: le document du NEPAD
Nouvel Ordre du jour des Nations-Unies pour le développement de
l'Afrique dans les années 90; le Plan d'action Union européenne Afrique du Caire; le Partenariat stratégique de la Banque mondiale
pour l'Afrique; le Document de stratégie pour la réduction de la
pauvreté du Fonds monétaire international (FMI) ; le Plan d'action de
Tokyo sur l'initiative du Japon; la Loi américaine sur la croissance et le
commerce en Afrique et le tout récent Nouveau contrat mondial de la
Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique (CEA).
L'objectif sera une rationalisation qui assure que chaque partenariat
rapporte de véritables avantages.
185. Les dirigeants africains envisagent les responsabilités et
obligations suivantes pour les pays développés et les institutions
multilatérales:
- Apporter un soutien matériel aux mécanismes et processus de
prévention, de gestion et de résolution des conflits en Afrique,
ainsi qu'aux initiatives de maintien de la paix;
- Accélérer la réduction de la dette des pays pauvres très endettés,
en conjonction avec les programmes les plus efficaces de lutte
contre la pauvreté pour lesquels le Partenariat stratégique pour
l'Afrique et le Document de stratégie pour la réduction de la
pauvreté constituent des bases importantes;
- Améliorer les stratégies d'allégement de la dette pour les pays a
revenus moyens;
- Renverser la tendance à la diminution des apports d'APD à
l'Afrique et aux autres pays en développemeit en réalisant la cible
d'une APD équivalent à 0,7 % du produit national brut (PNB) de
chacun des pays développés dans un délai à court terme dont il
faudrait convenir. Cette aide accrue devrait servir à compléter les
fonds libérés par la réduction de la dette pour accélérer la lutte
contre la pauvreté;
- Traduire en engagements concrets les stratégies internationales
adoptées en matière d'éducation et de santé;
- Faciliter l'instauration de partenariats entre les États, les sociétés
pharmaceutiques internationales et les organisations de la société
civile pour faciliter et accélérer l'accès des Africains souffrant de
maladies infectieuses aux médicaments idoines;
- Assurer aux produits des pays en développement l'accès aux
marchés des pays développés au moyen d'initiatives bilatérales et
négocier en faveur des pays d'Afrique des conditions plus équitables dans le cadre des accords multilatéraux de l'üMC ;
- S'efforcer avec les dirigeants africains d'encourager les investissements du secteur privé des pays développés en Afrique,
notamment par la mise en place de mécanismes d'assurance et
278
N01l1'eall Partenariat pOlir le Dél'eloppement de l'Afrique (NOPADA)
-
-
-
-
-
d'instruments financiers qui contribuent à diminuer les primes de
risque en matière d'investissement en Afrique;
Relever les normes de protection des consommateurs eu égard aux
exportations des pays développés vers les pays en développement
aux mêmes niveaux que ceux qui s'appliquent sur les marchés
domestiques des pays développés;
Faire en sorte que la Banque mondiale et les autres institutions
multilatérales de financement du développement apportent des
investissements aux projets cruciaux d'infrastructures économiques,
pour faciliter et appuyer la participation du secteur privé;
Offrir un soutien technique pour accélérer la mise en œuvre du
programme d'action, notamment la consolidation des capacités de
l'Afrique pour la planification et la gestion du développement, les
réglementations en matière de finances et d'infrastructures, la
comptabilité et l'audit ainsi que la conception, la construction et la
gestion des infrastructures;
Appuyer les réformes à la gouvernance des institutions financières
multilatérales pour qu'elles tiennent mieux compte des besoins et
des préoccupations des pays d'Afrique en particulier;
Mettre en place des mécanismes coordonnés de lutte contre la
corruption et s'engager à rendre à l'Afrique tous les gains provenant de ces pratiques.
VII.
MISE EN ŒlIVHE Dli NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE
L'AFRIQUE
186. Conscients de la nécessité d'établir un ordre des priorités, les
Présidents qui ont pris l'initiative proposent de réaliser le plus rapidement possible, en collaboration avec les partenaires en développement,
les programmes suivants:
- Maladies transmissibles - VIH/SIDA, paludisme et tuberculose;
- Technologie de l'information et de la communication;
- Réduction de la dette;
- Accès aux marchés.
187. Diverses institutions internationales de partenariat ont déjà
engagé des travaux sur tous ces programmes, mais il faut y consolider
la participation et le leadership de l'Afrique pour en assurer une
meilleure réalisation. Nous estimons que tous ces aspects pourraient
permettre d'accélérer la régénération du continent. (Des propositions
détaillées sur chaque programme ont été regroupées en annexe).
279
Annexes: le docume1lf du NEPAD
Projets
188. Tout en étant conscients des dangers qu'aborder le développement au moyen de projets risque de poser, les initiateurs du
NOPADA proposent un certain nombre de projets indispensables au
développement régional intégré que conçoit le NOPADA. Ces projets
devraient non seulement consolider les programmes nationaux et
régionaux de développement mais aussi contribuer énormément au
démarrage rapide de la revitalisation du continent.
189. Les projets présentés ci-après ne servent que d'illustration.
Une liste détaillée de projets se trouve sur le cybersite du NOPADA
(www.marstrategy.com)
(1) Agriculture
190. Élargir la portée et les opérations du plan d'action pour la
gestion intégrée des terres et des ressources en eau de l'Afrique:
Ce projet porte sur la maintenance et la revalorisation des fragiles
ressources naturelles agricoles de l'Afrique. De nombreux gouvernements africains ont déjà engagé des initiatives dans le cadre de ce
programme. Les partenaires sont notamment le fonds pour l'environnement mondial (FEM), la Banque mondiale, la Banque africaine de
développement, la FAO et des bailleurs de fonds bilatéraux.
191. Consolider et renouveler les capacités des systèmes de recherche et
de vulgarisation agricole en Afrique: Ce projet porte sur la revalorisation des infrastructures et des institutions de soutien à l'agriculture en
Afrique. Les innovations technologiques et leur diffusion offrent
d'immenses possibilités d'accélération de la production et de la
productivité agricole, mais le continent n'a pas suffisamment de
capacités de recherche pour faire d'importants progrès. Les principaux
acteurs de ce projet sont le Forum pour la recherche agricole en
Afrique, la Banque mondiale, la FAO et le Groupe consultatif pour la
recherche agricole internationale (CG AR).
(il) Promotion du secteur privé
192. L'expérience acquise de par le monde indique qu'un des
meilleurs moyens de promouvoir les entreprises dans les domaines
fortement novateurs est de créer des Pépinières d'entreprises. Le projet
formulera les directives et politiques requises pour la mise en place de
ces pépinières dans chaque pays, en tirant parti de l'expérience et des
pratiques exemplaires internationales, mais en les adaptant aux besoins
et à la conjoncture de l'Afrique.
280
Nall1'eult Pm1enuriut pour le Dé/'elappement de l'Afrique (NOPADA)
(üi) Infrastructures et intégration régionale
193. L'on a identifié, dans le processus de mise en place du
NOPADA, de nombreux projets d'énergie, de transport et d'adduction
d'eau cruciaux pour le développement intégré de l'Afrique. Il faudrait
des fonds pour ces projets qui en sont à divers stades de mise au point.
Il faudra ensuite en accélérer l'exécution en collaboration avec la
Banque africaine de développement, la Banque mondiale et d'autres
institutions multilatérales.
194. Les Présidents qui ont lancé l'initiative estiment qu'à moins que
l'on ne s'occupe des infrastructures sur la base d'une planification
tenant compte du développement régional intégré, le renouveau
continent ne pourra jamais démarrer. L'on exhorte donc la communauté
internationale à s'associer à l'Afrique pour accélérer la mise en place de
ces infrastructures. (Voir le détail des projets d'infrastructures sur le
cybersite du NOPADA : www.mapstrategy.com).
Évaluation des besoins
195. Pour déterminer les mesures à prendre dans les secteurs
prioritaires, il faudra faire une étude d'évaluation des besoins, allant du
niveau national, au niveau sous-régional et continental. Il s'agira
d'évaluer les besoins dans les cinq secteurs prioritaires en termes de
structures et d'effectifs.
196. L'évaluation des besoins sectoriels sous-régionaux se fera sur la
base de l'évaluation des besoins nationaux. L'on propose que les
experts et ministres de chaque sous-secteur se réunissent dans l'une des
capitales de la sous-région. Pour chaque secteur, il faudra réunir les
données de chaque pays et s'en servir afin de mettre au point le plan
sectoriel sous-régional. Lorsque les besoins sectoriels sous-régionaux
auront été évalués dans les cinq secteurs, ils pourront être regroupés
pour évaluer les besoins d'ensemble de la sous-région.
197. Il convient de souligner qu'il ne s'agit pas simplement
d'additionner les besoins sous-régionaux sectoriels, il faut commencer
par avoir une perspective sous-régionale pour aboutir à au moins deux
nouveaux éléments:
- Les besoins spécifiques de la sous-région perçus comme un espace
unique en réunissant tous les pays; les routes et voies ferrées par
exemple ne devraient pas être conçues dans une perspective
nationale mais plutôt sous-régionale;
- Les besoins devraient être rationalisés sur une base sous-régionale;
par exemple les universités devraient être réparties dans une
perspective territoriale sous-régionale.
- Finalement, les besoins du continent seront évalués dans les cinq
secteurs considérés comme prioritaires en fonction des plans sous281
Annexes,' le docume11f du NEPAD
régionaux d'ensemble. On trouvera des détails sur le cybersite du
NOPADA.
Mécanisme directeur du Nouveau Partenariat pour le
développement de l'Afrique
198. Les chefs d'État initiateurs indiqueront à l'Union africaine quel
serait le mécanisme approprié de mise en œuvre du NOPADA.
199. Ce mécanisme aura besoin d'un soutien technique de base en
matière de recherche et de formulation de politiques.
Comité des chefs d'État chargé de la mise en œuvre
200. Un Comité des chefs d'État chargé de la mise en œuvre,
composé des cinq chefs d'État initiateurs du NOPADA, plus dix autres
Cà raison de deux par région), sera mis sur pied pour veiller à la mise
en œuvre de l'Initiative.
201. Le Comité des chefs d'État chargé de la mise en œuvre aura les
fonctions suivantes:
- Déterminer quelles sont les questions stratégiques qui doivent faire
l'objet de recherche, de planification et de direction au niveau du
continent;
- Mettre en place les mécanismes d'évaluation rétrospective des
progrès accomplis en vue de la réalisation des cibles convenues
d'un commun accord et du respect des normes acceptées par tous;
- Examiner les progrès accomplis dans l'exécution des décisions
prises afin de prendre les mesures idoines pour surmonter tout
problème ou rattraper tout retard.
VIII.
CONCLUSION
202. Le NOPADA a pour objectif de consolider la démocratie et la
saine gestion économique du continent. Les dirigeants africains s'y
engagent envers les peuples d'Afrique et le reste du monde à œuvrer
de concert pour reconstruire le continent, Ils promettent de promouvoir
la paix et la stabilité, la démocratie, une saine gestion économique et
un développement axé six les êtres humains et s'engagent à être mutuellement responsables en vertu des accords contenus dans le programme.
203. En proposant cette association, l'Afrique reconnaît qu'elle
détient la clé de son propre développement. Nous proclamons que le
NOPADA offre aux pays développés du monde une occasion historique
d'établir avec l'Afrique un véritable partenariat fondé sur des intérêts
mutuels, des engagements communs et des accords contraignants.
282
NOUl'eall Partenariat pOlir le Dél'eloppement de l'Afrique (NOPADA)
204. L'adoption de la stratégie de développement esquissée à grand
trait ci-dessus ainsi que d'un programme d'action détaillé marquera le
début d'une nouvelle phase de partenariat et de coopération entre
l'Afrique et le monde développé.
205. En réalisant les promesses qui y sont contenues, le présent
programme devra permettre à l'enfant africain émacié d'espérer qu'en
vérité le xx,C siècle sera bel et bien le siècle de la renaissance de
l'Afrique.
Abuja (Nigeria), octobre 2001
283
Achevé d'imprimer en France
le 28 novembre 2002 sur les presses de
~
Imprimerie O. Guéniot à Langres - Saints-Geosmes
Dépôt légal: décembre 2002 - N° d'imprimeur: 4898
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