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Décembre 2008
FICHE D’ACTUALITÉ
Fiche n° 5
La situation de l’épidémie de VIH/sida
La découverte en 1983 du virus du sida (Virus de l’immunodéficience humaine ou VIH) par
deux chercheurs français de l’Institut Pasteur, Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier vient
d’être couronnée par l’attribution du prix Nobel de médecine 2008. Vingt-cinq ans après cette
découverte majeure, où en est l’épidémie de VIH/sida ?
Épidémie dans le monde
Dans son bilan pour 2007, l’ONUSIDA estime le
nombre de personnes infectées par le VIH dans le
monde à 33 millions, avec 2,7 millions de nouvelles infections et 2 millions de décès dans l’année.
L’Afrique sub-saharienne est de loin la région du
monde la plus touchée (22 millions de personnes
infectées), suivie par l’Asie du Sud et du Sud-Est
(4,2 millions). Le poids de l’épidémie dans un pays
s’exprime par la proportion de personnes infectées
dans l’ensemble de la population (ou prévalence). Elle
varie fortement d’un pays à l’autre (figure 1), le maximum étant atteint en Afrique australe : plus de 15 % !
Au niveau mondial, la prévalence du VIH parmi les
personnes âgées de 15 à 49 ans semble stagner
depuis 2002. Toutefois, en raison de la croissance
démographique, le nombre absolu de personnes
vivant avec le virus continue d’augmenter.
Figure 1. Carte du monde des prévalences du VIH, 2007
Prévalence chez les adultes (%)
0,5 – < 1,0
15,0 – 28,0
0,1 – < 0,5
5,0 – < 15,0
< 0,1
1,0 – < 5,0
Pas de données disponibles
Source : Rapport sur l’épidémie mondiale de sida 2008, Onusida, 2008.
Ined 2008
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Une infection qui concerne surtout
les jeunes mais aussi les enfants
Le VIH peut se transmettre par voie sexuelle, par
voie sanguine ou de la mère à l’enfant (in utero, lors
de l’accouchement ou par allaitement). Le principal
mode étant la contamination sexuelle, l’infection à
VIH touche majoritairement les jeunes : 45 % des
nouvelles infections dans le monde concernent des
jeunes de 15 à 24 ans.
Les régions les plus concernées par la transmission
de la mère à l’enfant sont les régions à forte fécondité. Le taux de transmission varie de 30 % à 45 %.
Il peut être ramené à moins de 2 % lorsque la mère
et l’enfant reçoivent un traitement antirétroviral pendant la grossesse et qu’on renonce à l’allaitement
au sein.
Une révolution : l’avènement des traitements
antirétroviraux
Depuis 1996, on dispose de combinaisons de traitements antirétroviraux
(trithérapies ou multithérapies) qui
empêchent la multiplication du virus
et restaurent le système immunitaire
(dont les cellules sont détruites par le
virus), l’organisme pouvant à nouveau
se défendre contre les infections.
Au Nord, le nombre de décès lié au
sida a chuté de moitié dès l’utilisation
de ces traitements. Dans les pays
en développement, où vivent plus de
90 % des personnes infectées par le
VIH, l’accès à ces traitements était
encore récemment très limité. Grâce
à la mobilisation des associations de
patients et à la mise sur le marché de médicaments
génériques, leur coût a considérablement baissé.
Grâce à différents fonds publics et privés, le nombre de patients recevant des antirétroviraux dans le
monde approche désormais les 3 millions.
Impact des traitements
antirétroviraux sur la mortalité
La baisse de la mortalité est dès à présent visible
dans certains pays. Dans une étude au Malawi, par
exemple, la mortalité générale des adultes a baissé
de 10 % huit mois seulement après l’introduction des
antirétroviraux et alors qu’un tiers seulement des
patients en bénéficiaient. L’élargissement de l’accès
aux traitements antirétroviraux s’avère donc déterminant pour les pays fortement touchés par l’épidémie.
Impact économique et social des
traitements
En réduisant de façon spectaculaire la morbidité et la
mortalité liées au VIH/sida, les traitements transforment l’infection à VIH en une maladie chronique. Le
poids du sida sur la société en est fortement allégé.
Les personnes traitées peuvent reprendre leur activité professionnelle, élever leurs enfants, prendre
en charge leurs parents âgés. Les enfants traités
peuvent retourner à l’école. Le nombre d’orphelins
diminue.
Impact des traitements
sur l’épidémie
Cet allongement de la durée de vie
induit par les antirétroviraux devrait
accroître mécaniquement la prévalence du VIH, à mesure que vieillissent
les personnes vivant avec le VIH/sida.
Ce phénomène devra être pris en
compte dans les programmes de prévention et de prise en charge.
La chronicisation de la maladie et la
possibilité de disposer d’un traitement
peuvent laisser craindre un relâchement des comportements de prévention, tant chez les personnes infectées
que chez celles qui se croient ou se
savent non infectées. De plus, comme
les personnes infectées vivent plus
longtemps, elles risquent, à comportement égal, de
contaminer plus de monde. Heureusement, les traitements antirétroviraux, en diminuant le nombre de
virus dans l’organisme, réduisent fortement la probabilité de la transmission sexuelle.
Les traitements antirétroviraux
ont-ils une efficacité indéfinie ?
Pour autant, les traitements antirétroviraux n’enrayent pas totalement la multiplication des virus
dans l’organisme. Avec le temps, les virus évoluent
et peuvent y devenir résistants. Ce risque s’élève
si les médicaments sont pris de manière irrégulière.
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De plus, ces traitements ne sont pas dénués d’effets secondaires. Dans ces deux cas, résistance ou
toxicité, un changement de traitement peut s’avérer
nécessaire. Les pays du Nord y font face grâce à
un éventail de traitements plus large et de mieux
en mieux tolérés. Cependant, les plus récents sont
souvent chers et font défaut dans les pays en développement.
De nouvelles orientations pour
la prévention ?
Trois études cliniques menées en Afrique du Sud, au
Kenya et en Ouganda ont montré que la circoncision
réduisait d’environ 50 % le risque de transmission
sexuelle du VIH. Mais il est difficile d’en tirer des
conclusions pratiques. La circoncision masculine
n’est pas acceptée dans toutes les cultures et certains
redoutent que les hommes circoncis n’acquièrent un
faux sentiment de sécurité qui les amène à moins se
protéger. De plus, si la circoncision masculine réduit
le risque de transmission de la femme vers l’homme,
elle ne réduit en rien le risque de transmission de
l’homme vers la femme. En mars 2007, l’OMS et
l’ONUSIDA ont reconnu avec prudence que la circoncision est une « mesure efficace de prévention ».
Ils recommandent « d’élargir l’accès aux services de
circoncision masculine » dans les pays à forte prévalence, en rappelant qu’elle ne peut se substituer aux
autres méthodes de prévention.
D’autres méthodes sont à l’étude : des traitements
locaux à base d’antirétroviraux, susceptibles d’être
appliqués localement par la femme avant les rapports
sexuels ; des traitements antirétroviraux préventifs
pour réduire le risque d’infection en cas d’exposition
au virus.
Enfin, la recherche sur les vaccins, initiée depuis vingt
ans, semble piétiner. Les prototypes vaccinaux se
sont jusqu’ici révélés inefficaces sur la transmission.
Il est clair désormais que prévention et traitements
sont indissociables. L’information du public, l’accès
aux méthodes de prévention, au dépistage et aux
traitements sont les meilleurs moyens d’enrayer
l’épidémie.
Pour en savoir plus
ONUSIDA, Rapport sur l’épidémie mondiale de
sida 2008, n° ONUSIDA/08.25F/JC1510F, août
2008, 362 p.,
http://www.unaids.org/en/KnowledgeCentre/
HIVData/GlobalReport/2008/2008_Global_
report.asp
Institut national de veille sanitaire, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 46-47 du 27
novembre 2007,
http://www.invs.sante.fr/publications/default.htm
ANRS Information/TranscriptaseS , n° 138, numéro
spécial consacré à la conférence mondiale sur le
sida à Mexico en 2008,
http://www.pistes.fr/transcriptases/
Jahn A., Floyd S., Crampin A. C. et al., 2008,
« Population-level effect of HIV on adult mortality
and early evidence of reversal after introduction
of antiretroviral therapy in Malawi », Lancet,
vol. 371, no 9 624 (Mai 10), p. 1603-1611,
doi:S0140-6736(08)60693-5.
Walensky R. P., Wood R., Weinstein M. C. et
al., 2008, « Scaling up antiretroviral therapy in
South Africa: the impact of speed on survival »,
The Journal of Infectious Diseases, vol. 197, no 9
(Mai 1), p. 1324-1332, doi:10.1086/587184.
Vernazza P., Hirschel B., Bernasconi E., Flepp
M., « Les personnes séropositives ne souffrant
d’aucune autre MST et suivant un traitement
antirétroviral efficace ne transmettent pas le
VIH par voie sexuelle », Bulletin des médecins
suisses, 2008, 89, p. 165-169.
Auvert B., Taljaard D., Lagarde E. et al.,
« Randomized, controlled intervention trial of
malecircumcision for reduction of HIV infection risk: the ANRS 1265 Trial », PLoS Med,
vol. 2(11), 2005, p. 298.
Joseph Larmarange (IRD, Ceped),
Sophie Le Cœur (Ined, Ceped)
Ined, 133 bd Davout 75980 Paris Cedex 20
. Tél. : 33 (0)1 56 06 20 00 . www.ined.fr
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