Diversification alimentaire : les recommandations 2017

RECOMMANDATIONS
Rubrique dirigée par C. Copin
Médecine
& enfance
La diversification alimentaire est
nécessaire pour satisfaire les be-
soins nutritionnels et permettre
le développement ; elle réalise la transi-
tion entre lalimentation lactée et la
nourriture familiale. Cette période,
marquée par une croissance et un déve-
loppement rapides, comporte un risque
de carence et de déséquilibre au mo-
ment où d’importants changements in-
terviennent dans l’alimentation avec la
découverte de nouveaux mets, goûts et
façons de manger. Le manque de don-
nées scientifiques est illustré par la
grande variété des modes de diversifica-
tion selon les pays.
LA DIVERSIFICATION CHEZ
LES ENFANTS EUROPÉENS
Les études montrent que les enfants eu-
ropéens n’ont pas de risque de carence
en macronutriments lors de la diversifi-
cation. Ils reçoivent souvent trop de
protéines, d’énergie, de NaCl et de po-
tassium, alors que les AGPILC n-3
(acides gras polyinsaturés à longue
chaîne de la série oméga-3 : EPA et
DHA), la vitamine D et l’iode peuvent
faire défaut chez certains enfants.
ÂGE DE LA
DIVERSIFICATION
La diversification inclut tous les solides
et liquides autres que le lait de re ou
les préparations infantiles. Les fonctions
gastro-intestinales et rénales sont suffi-
samment matures pour permettre une
diversification alimentaire à partir de
4 mois révolus (17 semaines). Les com-
pétences motrices sont adéquates entre
4 et 6 mois pour mener à bien la diversi-
fication. La diversification ne doit pas
être commencée avant 4 mois révolus ni
après 6 mois. Il est important, pour des
raisons de développement et nutrition-
nelles, de donner des aliments appro-
priés à l’âge, avec une consistance adap-
tée et par une méthode convenant à l’âge
et au développement. Entre 4 et 6 mois,
l’enfant est capable d’ingérer des purées
présenes à la cuillère. Après 9 mois,
l’enfant est capable de boire et de man-
ger seul en adaptant les aliments et les
outils (boire au verre, manger des petits
morceaux, utiliser une cuillère).
Il peut y avoir un risque de difficultés ali-
mentaires et de réduction de la variété
des aliments acceptés en cas d’introduc-
tion des solides au-delà de 9-10 mois.
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les recommandations 2017
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Fewtrell M., Bronsky J., Campoy C. et al. :
« Complementary feeding : a position paper by
the ESPGHAN committee on nutrition »,
J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr., 2017 ; 64 : 119-32.
Synthèse par O. Mouterde, gastroentérologie
et nutrition pédiatriques, CHU de Rouen, et
Université de Sherbrooke, Canada
La diversification est une étape importante de la vie, lors de laquelle, chaque
année, plus de 700000 enfants en France découvrent le goût, la texture et la
qualité de multiples aliments avec l’aide de leurs parents. Les enjeux sont ma-
jeurs en termes d’apports nutritionnels, du fait du risque de carences pouvant
retentir sur la croissance, le développement et même la santé ultérieure. Ils
sont majeurs également en ce qui concerne la relation à l’alimentation, rare-
ment abordée dans les recommandations des sociétés savantes. L’Espghan
(European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition)
vient de mettre à jour ses recommandations, les précédentes datant de 2008.
Par le passé, un certain nombre de conseils péremptoires sans grand support
scientifique ont été donnés, puis remis en question ici ou selon l’interpréta-
tion des données de la littérature. Ces nouvelles recommandations euro-
péennes sont minimalistes, se limitant aux données suffisamment étayées et
soulignant les lacunes de nos connaissances.
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Il peut y avoir un risque accru d’allergie
en cas d’introduction de l’alimentation
solide avant 4 mois. Il n’y a par contre
pas d’argument pour retarder la diversi-
fication au-delà de 4 mois, que l’enfant
soit à risque allergique ou non.
Une diversification entre 4 et 6 mois n’in-
fluence pas la croissance et l’adiposité ul-
rieure. Avant 4 mois, il existe un risque
d’augmentation de l’adiposité ultérieure.
DIVERSIFICATION
ET ALLAITEMENT
L’allaitement maternel exclusif semble
pouvoir apporter les nutriments néces-
saires jusqu’à environ 6 mois, mais cela
peut varier selon les enfants et les
res. Certains enfants peuvent avoir
besoin d’un complément de calories et
de fer dès 4 mois. Un clampage tardif du
cordon peut améliorer le statut martial
et procurer un stock de fer suffisant jus-
qu’à 6 mois en allaitement maternel.
L’allaitement prolongé est associé dans
les pays développés à un risque duit
d’infections gastro-intestinales et res-
piratoires, et dhospitalisations pour
infection.
Un allaitement exclusif dau moins
4 mois est recommandé, voire 6 mois
en exclusif ou accompagné par la di-
versification.
Même si cela serait probablement perti-
nent, il n’y a pas de recommandations
différentes pour la diversification d’un
enfant allaité ou non allaité.
INTRODUCTION
DE LARACHIDE
Chez les enfants à haut risque d’allergie
à l’arachide (eczéma sévère, allergie à
l’œuf), l’introduction de l’arachide est
conseillée entre 4 et 11 mois après une
évaluation par un professionnel entraî-
dans ce domaine.
Il n’y a pas d’arguments pour conseiller
l’introduction de l’arachide chez tous
les enfants dès 6 mois, bien quil ne
semble pas y avoir de risque particulier
d’allergie à l’arachide dans ce cas, cer-
taines études montrant même une dimi-
nution du nombre d’enfants allergiques
à l’arachide après une introduction pré-
coce sous une forme adaptée à l’âge.
INTRODUCTION DU GLUTEN
Le gluten peut être introduit dans l’ali-
mentation à tout moment entre 4 et
12 mois, en butant par de petites quan-
tis pendant les premières semaines
d’introduction et jusqu’à 1 à 2 ans. L’allai-
tement maternel ne semble pas diminuer
le risque de développer une maladie cœ-
liaque, qu’il soit mené avant ou pendant
l’introduction du gluten. Avec ou sans al-
laitement maternel, lintroduction du
gluten après 3
mois
n’influence pas la sur-
venue d’un diabète de type 1.
APPORT EN PROTÉINES
Un apport en protéines excessif est sus-
ceptible d’augmenter le risque de sur-
poids et d’obésité, en particulier chez les
sujets prédisposés. Les protéines ne de-
vraient pas représenter plus de 15 % de
l’énergie ingérée. La consommation de
grands volumes de lait de vache est asso-
ciée à une charge importante en pro-
téines et en graisses sans apport de fer.
Les préparations à teneur réduite en pro-
ines semblent diminuer le risque de
surpoids. La qualité des protéines pour
éviter les carences en certains acides
aminés doit être cependant validée.
NDR : La relation entre obésité et charge
en protéines dans la petite enfance est dis-
cutée. Lexcès de protéines aurait par
ailleurs linconvénient de solliciter la
fonction rénale, sans qu’il soit prouvé que
cela ait des conséquences chez lenfant
normal. Les études montrent de fait un
excès majeur de protéines dans l’alimen-
tation des nourrissons et des jeunes en-
fants par rapport aux recommandations.
Cet excès, au moins inutile et au pire no-
cif, mérite d’être combattu.
APPORTS EN LIPIDES
Entre 6 et 12 mois, les apports en lipides
devraient représenter 40 % des calories
sans dépasser 50 %. En deçà de 40 %, il
sera difficile pour l’enfant d’ingérer des
calories en quantité suffisante ; au-delà
de 50 %, la variété de lalimentation
risque de se trouver réduite, mais il n’est
pas prouvé qu’un apport excessif en li-
pides entraîne un surpoids ultérieur,
contrairement à un apport total excessif
en calories. L’EFSA (European Food Sa-
fety Authority) conseille d’apporter 4 %
de lénergie sous forme dacide lino-
ique (acide gras essentiel oméga-6),
0,5 % sous forme d’acide alpha-linolé-
nique (acide gras essentiel oméga-3) et
100 mg/j de DHA (AGPILC oméga-3 ou
acide docosahexaénoïque). Les AGPILC
font partie des carences possibles des
nourrissons dans les pays développés.
NDR : Le règlement européen 2016 rend
obligatoire la présence de DHA dans les
préparations, avec une date d’effet pour
les industriels fixée au 22 février 2020*.
APPORT EN FER
Le lait de vache est très pauvre en fer.
Les besoins sont importants à l’âge de la
diversification, pendant laquelle des ali-
ments riches en fer doivent être préfé-
rés, en particulier chez l’enfant allaité.
Les enfants à risque sont les anciens
prématurés et hypotrophes.
L’apport en fer dépend de la population,
des facteurs culturels et des aliments
disponibles. Il peut se faire sous forme
d’aliments naturellement riches en fer,
comme la viande (dont le fer est mieux
assimilé que celui des végétaux, y com-
pris les céréales), d’aliments et de pré-
parations enrichis en fer ou de supplé-
ments sous forme médicamenteuse.
L’absorption du fer est facilie par la
présence d’acide ascorbique ou citrique
et de gétaux fermentés, et diminuée
par les tanins, les phytates, les polyphé-
nols, les fibres, le calcium et le lait de
vache. Les besoins se situent entre 6 et
11 mg/j de 6 à 12 mois.
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& enfance
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* « Règlement délégué (Union européenne) 2016/127 de la com-
mission complétant le règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement
européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences spéci-
fiques en matière de composition et d’information applicables
aux préparations pour nourrissons et aux préparations de suite
et les exigences portant sur les informations relatives à l’alimen-
tation des nourrissons et des enfants en bas âge », Journal offi-
ciel de l’Union européenne, 2 février 2016.
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DIVERSIFICATION,
DÉVELOPPEMENT
COGNITIF ET DEVENIR
CARDIOVASCULAIRE
Il n’existe pas de dones suffisantes
pour donner des recommandations, en
dehors de la lutte contre les carences.
Les études sur l’influence de la teneur en
fer ou en AGPILC sur le développement
ont donné des résultats discordants. Un
apport suffisant d’AGPILC améliore le
statut en cet acide gras et l’acuité visuel-
le à court terme. Un allaitement exclusif
de 6 mois versus 4 ne semble pas appor-
ter d’avantages en termes de développe-
ment. Plusieurs études montrent que les
enfants dont les parents respectent glo-
balement les recommandations nutri-
tionnelles (entre autres : allaitement
maternel, fruits, cuisine maison chez le
jeune enfant) avaient un quotient de dé-
veloppement supérieur aux enfants re-
cevant à la demande biscuits, sodas,
chips, chocolat et bonbons.
TYPE D’ALIMENTS
La diversification doit prendre en comp-
te les traditions et types d’alimentation
d’une population.
Il n’est pas possible d’influencer les pré-
férences innées pour le sucré et le salé, et
le dégoût de l’amer. Ces préférences peu-
vent être modulées par l’exposition in
utero et par l’intermédiaire du lait ma-
ternel. Les parents peuvent influencer
par la suite le développement de ces
goûts en proposant des aliments sans
sucre ni sel ajous et en introduisant
progressivement différentes saveurs
dont les gumes verts amers. Ces ali-
ments doivent non seulement être intro-
duits entre 4 et 6 mois, mais proposés
ensuite régulièrement même en cas de
réticence initiale (on parle de huit à dix
fois avant que l’aliment peu apprécsoit
accepté définitivement). Les jus de fruits
et boissons sucrées sont à éviter. Le dé-
veloppement des caries est favorisé par
l’ingestion de saccharose, en particulier
sous forme de grignotage ou au coucher.
Les aliments doivent avoir une texture
appropriée à lâge. Il faut décourager
l’utilisation trop prolone d’aliments
mixés au-delà de 8 à 10 mois.
Les aliments industriels ont lintérêt
d’une composition contrôlée et sûre en
ce qui concerne les contaminants. Ils
ont par contre une moindre variété (pas
d’aliments spécifiques de la culture) et
proposent rarement des légumes amers
au profit de gumes plutôt sucrés, ce
qui risque de diminuer la diversité des
aliments acceptés.
Le miel doit être évité jusqu’à 1 an du
fait du risque de botulisme. Le fenouil
sous forme d’huile ou de tisane est dé-
conseillé jusqu’à 4 ans. Les boissons à
base de riz sont déconseillées chez le
nourrisson et le jeune enfant du fait de
leur teneur en arsenic.
ALIMENTATION
VÉGÉTARIENNE
Une alimentation végétarienne avec des
compléments appropriés peut permettre
une croissance et un développement
normaux, en avertissant les parents du
risque et sous surveillance étroite. Une
surveillance continue, médicale et diété-
tique, est en effet nécessaire pour assu-
rer des apports nutritionnels adéquats :
vitamine B12, fer, vitamine A, folate,
zinc, protéines, calcium, DHA, énergie
en cas d’alimentation végétalienne ; fer,
zinc, vitamine D, DHA et protéines en
cas d’alimentation lacto- ou lacto-ovo vé-
gétarienne. Ne pas respecter cela peut
avoir des conséquences sévères, incluant
retard cognitif irréversible et décès.
LAIT DE VACHE
Le lait de vache est trop riche en pro-
téines et en graisses, et pauvre en fer. Il
ne devrait pas être utilisé avant 1 an,
sauf en petites quantités dans le cadre
de la diversification.
Peut-être par le biais de la sécrétion
d’IgF1 induite par le lait de vache, le
poids est augmenté de façon durable
lors d’une alimentation à base de ce lait
par rapport aux enfants allaités.
NDR : Les instances européennes ne privi-
gient pas les pparations spécifiques
pour les jeunes enfants laits de crois-
sance »), avec comme argument que les
laits de suite peuvent être utilisés au-delà
de 1 an. Ces recommandations plaident
pour une alimentation enrichie en fer,
entre autres par des laits enrichis. Il s’agit
d’un des arguments utilisés en France
pour conseiller des laitages spécifiques
pour les 1-3 ans (avec une moindre quan-
tité de protéines, un meilleur apport lipi-
dique et la présence de vitamine D).
MANIÈRE DE DONNER
À MANGER
Les parents déterminent lhoraire, la
disponibilité entre les repas, le contenu
et la relation à l’alimentation, ce qui va
influencer les préférences et la gula-
tion de l’appétit. Il n’y a pas d’éléments
probants pour conseiller une thode
d’alimentation (biberon, cuillère, auto-
alimentation avec les doigts) ; cette évo-
lution doit suivre le développement de
l’enfant.
Les enfants devraient boire au verre
plutôt qu’au biberon au-delà de 1 an.
Les parents doivent être encouragés à
être réactifs et à savoir reconnaître les
manifestations de faim et de satiété.
L’alimentation superflue ou comme ré-
compense doit être évitée.
DES RECHERCHES
À POURSUIVRE
Des éléments restent mal connus : la di-
versification spécifique de l’enfant sous
allaitement artificiel ; les besoins en fer
selon les différentes sources ; les
sources de protéines et leurs consé-
quences sur la croissance et la composi-
tion corporelle ; la quantité de gluten à
introduire selon l’âge ; la dose et la date
d’introduction des allergènes alimen-
taires ; l’influence de la manière de don-
ner à manger et de lattitude des pa-
rents vis-à-vis de l’alimentation.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport
avec la rédaction de cet article.
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