Figure 2. Cancers controlatéraux après traitement conservateur du sein par chirurgie
et radiothérapie : résultats des principales études publiées.
20 | La Lettre du Sénologue • No 60 - avril-mai-juin 2013
Prise en charge du cancer du sein chez les femmes présentant un risque
génétique ou une mutation de
BRCA1
ou de
BRCA2
: place du traitement
conservateur avec radiothérapie
DOSSIER
Prise en charge des seins
d’une “femme mutée”
les patientes avec mutation ou avec un risque élevé
et leurs témoins.
En 2005, les groupes de T. Helleday (11) et de
A. Ashworth (12) ont montré, dans des études
in vitro, que les cellules défi cientes en BRCA1 ou
BRCA2, dans lesquelles la réparation des cassures
double-brin (CDB) par recombinaison homologue
était compromise, étaient hypersensibles à l’inhibi-
tion de l’activité PARP (poly[ADP-ribose] polymé-
rase). Le mécanisme actuellement proposé à la base
de cette toxicité repose sur le blocage de la voie de
réparation des cassures simple-brin (CSB) dû à l’inhi-
bition de PARP, qui conduit à la formation de CDB
lors de la progression des fourches de réplication.
Dans des cellules normales ou hétérozygotes pour
BRCA1 ou BRCA2, le système de réparation des CDB
peut réparer ces lésions létales, mais il est inopérant
dans les cellules tumorales qui sont mutées pour les
2 allèles de BRCA1 ou BRCA2. L’olaparib a fait l’objet
d’une étude de phase I incluant 60 patients porteurs
de tumeurs solides, dont 23 présentant une muta-
tion de BRCA1 ou de BRCA2 (13). La dose maximale
tolérée d’olaparib était de 400 mg par voie orale
2 fois par jour. Le taux de réponse objective était de
49 % chez les patients dont les tumeurs présentaient
une mutation de BRCA1 ou de BRCA2 ; cela a motivé
une étude de phase II incluant des patientes ayant un
cancer du sein triple-négatif ou un cancer de l’ovaire
localement avancé ou métastatique (14). Au total,
91 patientes ont été incluses (65 patientes atteintes
d’un cancer de l’ovaire et 26 d’un cancer du sein).
Les patientes ont été stratifi ées selon leur statut
BRCA1 ou BRCA2. Ainsi, 90 patientes ont été trai-
tées par olaparib (400 mg × 2/j ; cycle de 28 jours)
jusqu’à progression de la maladie. Quel que soit le
statut BRCA des patientes atteintes d’un cancer
du sein, aucune réponse objective n’a été mise en
évidence. Les principaux effets indésirables étaient
la fatigue (50 %), les nausées (62 %), les vomisse-
ments (35 %) et la diminution de l’appétit (27 %).
Il est donc nécessaire d’identifier d’autres bio-
marqueurs prédictifs de la réponse aux inhibiteurs
de PARP. L’identifi cation de mutations germinales,
telles que BRCA1 ou BRCA2, constitue une première
approche (15). Du fait des altérations des méca-
nismes de réparation liées aux mutations de BRCA1
ou de BRCA2 les rendant potentiellement radiosen-
sibles (16), les patientes traitées par radiothérapie
pour un cancer du sein avec une mutation de BRCA1
ou de BRCA2 pourraient bénéfi cier d’un traitement
combiné avec un inhibiteur de PARP.
Conclusion
L’indication d’un traitement conservateur du sein,
par une chirurgie conservatrice associée à une irra-
diation mammaire, est toujours diffi cile à poser chez
des femmes, souvent très jeunes, qui ont un cancer
du sein dans un contexte familial à risque : les déci-
sions de la patiente seront différentes selon que la
présence d’une mutation est connue au moment du
diagnostic, qu’elle est connue dans la famille mais pas
chez la personne concernée, ou qu’elle est inconnue.
Les données de la littérature suggèrent que la toxi-
cité aiguë et à long terme de la radiothérapie n’est
pas augmentée chez les femmes porteuses d’une
mutation.
Elles montrent également dans leur majorité qu’une
mutation n’est pas un facteur de risque de récidive
mammaire homolatérale, au moins dans les 10 pre-
mières années, alors que le risque de cancer contro-
latéral multiplié par 3 ou 4.
Compte tenu des facteurs de risque de récidive asso-
ciés au phénotype tumoral BRCA1 muté, un risque
accru de récidive était attendu chez les femmes por-
teuses de cette mutation, ce qui n’a pas été observé.
Ces constatations suggèrent que ces tumeurs sont
particulièrement sensibles à l’irradiation, peut-être
à cause du défi cit des capacités de réparation des
lésions de l’ADN induites par cette irradiation.
Les résultats de ces études suggèrent donc qu’un
traitement conservateur du sein doit être proposé
aux femmes porteuses d’une mutation de BRCA1 ou
de BRCA2, et qu’une mastectomie du sein concerné
ne doit pas être la règle.
De nouvelles options thérapeutiques, comme l’asso-
ciation de nouvelles molécules de type anti-PARP
avec une radiothérapie, peuvent être proposées à
nos patientes. ■
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