PROFESSEURS HONORAIRES
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M
me
Nicole L
E
D
OUARIN
, membre de l’Institut
(Académie des Sciences)
Embryologie cellulaire et moléculaire, 1988-2000
Les recherches effectuées au cours de l’année académique 2001-2002 ont
concerné les thèmes suivants :
I. Neurogenèse
a) Neurogenèse et développement des organes axiaux
b) La crête neurale et la genèse de la tête des vertébrés
c) Différenciation des cellules de la crête neurale
d) Étude du gène Dlx5 dans l’ossification du crâne des vertébrés
II. Hématopoïèse et immunité
a) Mise en évidence d’une fonction hématopoïétique du placenta murin
b) Mise en évidence d’un nouveau marqueur des progéniteurs hématopoïé-
tiques chez la souris
c) Phénomènes de régulation dans l’induction de la tolérance
d) Localisation chromosomique de divers gènes dans le génome du poulet
I. N
EUROGENÈSE ET DÉVELOPPEMENT DES ORGANES AXIAUX
a) Neurogenèse et développement des organes axiaux
Chercheurs : N. Le Douarin, M.-A. Teillet, J.-B. Charrier
Ingénieur d’étude : F. Lapointe
ITA : B. Schuler
Collaborations : D. Dhouailly et I. Olivera-Martinez (Université de Grenoble,
UMR CNRS 5538), D. Duprez et F. Edom-Vovard (Université Paris 6, UMR
CNRS 5538), I. Palmeirim, C. Freitas et S. Rodrigues (Institut Gulbenkian de
Ciencia, Oeiras, Portugal)
Nous avons poursuivi nos investigations sur la genèse des organes axiaux de
l’embryon des Vertébrés et leur rôle au cours du développement.
Ces organes consistent dans la corde dorsale et une bande médioventrale de
cellules du tube neural appelée plaque du plancher (ou floor plate).
Nous avions précédemment montré que ces deux structures sont issues de
l’activité prolifératrice du territoire « organisateur » situé au niveau du nœ ud de
Hensen.
La plaque du plancher comme la notocorde sécrète une glycoprotéine à forte
activité morphogénétique appelée Sonic hedgehog (SHH) dont nous avons, au
cours de l’année 2001, démontré l’activité anti-apoptotique.
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Dans un deuxième temps, nous avons démontré la nature composite de la
plaque du plancher.
1. Rôle anti-apoptotique de Sonic Hedgehog dans le développement précoce du
système nerveux
L’apoptose, ou mort cellulaire programmée, est un phénomène naturel qu’on
observe dans la plupart des organes embryonnaires dans des zones précises et à
des stades précis du développement. C’est ainsi que des plages discrètes d’apop-
tose apparaissent dans les régions dorso-latérales et ventro-latérales du tube ner-
veux à 2-3 jours d’incubation chez l’embryon de poulet. Dans des expériences
précédentes (Catala et al., 1996), nous avons montré que les cellules du plancher
du tube nerveux, comme celles de la notocorde proviennent du nœ ud de Hensen,
l’organisateur aviaire. Les cellules de la floor plate se séparent progressivement
de celles de la notocorde et s’insèrent au milieu de la plaque neurale lors de la
régression du nœ ud. On peut empêcher le mouvement rostro-caudal du nœ ud de
Hensen et la mise en place de la notocorde et de la floor plate en excisant la
partie la plus caudale du nœ ud au stade de 5-6 somites. On observe dans ces
conditions une apoptose massive dans la paroi du tube nerveux qui se développe
postérieurement au nœ ud. Cette apoptose qui se généralise aux tissus avoisinants
aboutit rapidement à la troncation de l’embryon. Nous avons montré que la greffe
d’un fragment de notocorde ou de floor plate au voisinage du tube nerveux
pouvait inhiber l’apoptose de ces tissus. Ces deux structures issues du nœ ud de
Hensen secrètent une protéine dite morphogène, Sonic Hedgehog (SHH). La
greffe de fibroblastes génétiquement modifiés pour produire SHH mime l’effet
de la notocorde et de la floor plate, montrant que SHH est suffisant pour neutrali-
ser la mort cellulaire programmée dans le tube nerveux et contribue ainsi à la
morphogenèse du système nerveux.
Publication : Charrier, J.-B., Lapointe, F., Le Douarin, N. and Teillet M.-A.
(2001). Anti-apoptotic role of Sonic Hedgehog protein at the early stages of
nervous system organogenesis. Development 128, 4011-4020.
2. Double origine de la floor plate chez lembryon doiseau
En analysant les caractéristiques moléculaires de la floor plate chez des
embryons de poulet chimères dans lesquels soit le nœ ud de Hensen, soit la
plaque neurale postérieure au nœ ud a été remplacé par la structure équivalente
prise chez un embryon de caille, nous avons observé que la floor plate est
composée de deux régions distinctes : a) une aire médiane (medial floor plate
ou MFP) formée de cellules du même type que celles du nœ ud de Hensen
exprimant Shh,HNF3βet Netrine1 et n’exprimant à aucun moment des gènes
propres à l’ectoderme neural comme Sox1 ; b) des régions latérales (lateral floor
plate ou LFP) formées de cellules du même type que celles de la plaque neurale
et exprimant Sox1 et d’autres gènes neuraux comme Nkx2.2. Les caractéristiques
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de la LFP apparaissent progressivement dans le tissu neural proche des cellules
issues du nœ ud de Hensen. Ces caractéristiques de la LFP sont l’expression
transitoire de HNF3b et une expression permanente de Shh et de Netrine1 en
plus de l’expression de Nkx2.2. Bien que les cellules de la MFP aient, dans le
développement normal, une origine distincte de celles de la LFP, il est cependant
possible d’induire une floor plate complète (MFP+LFP) dans la paroi latérale du
tube nerveux par l’action à un stade précoce d’un fragment de notocorde ou de
MFP. Dans les mêmes conditions, des cellules modifiées génétiquement pour
produire SHH induisent seulement une LFP. Ces résultats montrent que l’induc-
tion d’une floor plate met en jeu des facteurs produits par les tissus dérivésdu
ud de Hensen autres que SHH, ce facteur étant seulement capable d’induire
une floor plate latérale. La même structure composite de la plaque du plancher
a été trouvée chez le poisson Zebrafish. Seule la région latérale de cette structure
dépend de l’activité du gène Shh.
Publication : Charrier, J.-B., Lapointe, F., Le Douarin, N. and Teillet M.-A. (2002).
Dual origin of the floor plate in the avian embryo. Development 129, 4785-4796.
b) La crête neurale et la genèse de la tête des vertébrés
Chercheurs : N. Le Douarin, G. Couly (Professeur de Chirurgie), H. Etchevers
(Chercheur post-doctoral), S. Creuzet (chercheur post-doctoral), S. Bennaceur
(PH, Chirurgien Hôpital Robert Debré, étudiant en thèse), B. Ruhin (Chef de
clinique en chirurgie maxillo-faciale, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, étudiante en
thèse), L. Benouaiche (Interne en chirurgie, Hôpital d’Amiens, étudiante en DEA)
ITA : C. Vincent, A. Lehmann, M. Bontoux
Le squelette de la face chez les vertébrés se différencie à partir de cellules
mésenchymateuses qui ont pour origine la crête neurale diencéphalique, mésencé-
phalique et rhombencéphalique antérieure. Ces cellules colonisent le bourgeon
nasofrontal et les arcs branchiaux. Ces cellules n’expriment aucun gène Hox et
sont donc considérées comme étant Hox-négatives. Le problème posé par la
morphogenèse des différentes pièces du squelette facial a été posé. Contrairement
à une opinion répandue dans la littérature, les cellules des crêtes neurales elles-
mêmes ne possèdent pas l’information nécessaire pour spécifier la forme et la
position de chacun des os de la face. Nous avons exploré le rôle éventuel de
l’ectoderme, du mésoderme céphaliques et de l’endoderme de l’intestin antérieur
dans ce processus.
1. Spécification des différents éléments du squelette facial par lendoderme de
lintestin antérieur
Nous avons testé la capacité de l’endoderme à spécifier le squelette facial par
des expériences de microchirurgie, en pratiquant des ablations ou des greffes de
régions définies de l’endoderme chez l’embryon d’oiseau au stade neurula.
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L’ablation de régions précises de l’intestin antérieur empêche la formation
sélective des différentes composantes de la capsule nasale et de la mâchoire
inférieure. Réciproquement, la greffe de ces régions d’endoderme prélevées chez
un embryon de caille et placées sur la voie de migration des cellules de la crête
neurale qui n’expriment pas les gènes Hox chez un embryon de poulet de même
stade, induit la formation surnuméraire des structures squelettiques correspon-
dantes. Seules les cellules de la crête neurale qui n’expriment pas les gènes
Hox peuvent répondre aux signaux inducteurs produits localement par l’intestin
antérieur pour former les pièces du squelette facial et mandibulaire : elles se
comportent alors comme un groupe d’équivalence au sein duquel des portions
issues des différents niveaux de ce territoire crête neurale sont également capables
de générer les éléments divers de la face et de la mâchoire. En présence de ces
mêmes fragments d’endoderme, les cellules de la crête neurale qui expriment les
gènes Hox sont incapables de répondre à l’information portée par le foregut et
ne forment alors que des nodules cartilagineux non « patternés ». De plus, le
positionnement du greffon endodermique lors de l’implantation confère aux
pièces squelettiques générées leur orientation par rapport aux axes de coordon-
nées de l’embryon hôte.
Nos travaux démontrent que l’endoderme détient l’information nécessaire à
l’organisation morphologique et spatiale du squelette facial et mandibulaire : il
instruit les cellules de la crête neurale tant pour la taille, la forme que la polarité
de chaque composante squelettique qu’elle soit cartilage ou os de membrane.
Publication : Couly, G., Creuzet, S., Bennaceur, S., Vincent, C., and Le Douarin,
N.M. (2002). Interactions between Hox-negative cephalic neural crest cells and
the foregut endoderm in patterning the facial skeleton in the vertebrate head.
Development 129, 1061-1073.
2. Les gènes Hox exercent un rôle inhibiteur sur le développement du squelette
facial dérivéde la crête neurale
Les cellules de la crête neurale diencéphalique, mésencéphalique et métencé-
phalique sont dotées de capacités squelettogéniques et dérivent du bourrelet neu-
ral qui n’exprime pas les gènes Hox. Afin d’examiner l’influence de l’expression
des gènes Hox sur la morphogenèse du squelette crânien et facial, l’expression
des gènes Hoxa2,Hoxa3 et Hoxb4 — dont l’activation caractérise les arcs bran-
chiaux plus postérieurs —, combinée à l’expression de la protéine fluorescente
GFP, a été sélectivement ciblée dans le bourrelet neural Hox-négatif, par électro-
poration in ovo avant la migration des cellules de la crête neurale chez l’em-
bryon d’oiseau.
L’expression du gène Hoxa2 inhibe la formation de la totalité du squelette
facial. Chez les embryons dont on a réséqué la totalité de la crête squelettogé-
nique Hox-négative comme chez ceux où le gène Hoxa2 est exprimé dans la
crête neurale antérieure, aucune structure faciale ne se différencie : les embryons
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présentent un déficit de structure nasofrontale et se développent sans mâchoire
ni supérieure ni inférieure.
Les embryons soumis à l’expression forcée des gènes Hoxa3 ou Hoxb4 dans
les cellules de la crête neurale diencéphalique montrent des déficits sévères des
structures cartilagineuses de la face, mais partiels et distincts : l’expression forcée
du gène Hoxa3 dans les cellules de la crête neurale diencéphalique permet
le développement d’un septum nasal mais conduit à une absence complète du
1
er
arc branchial à l’origine de la mâchoire inférieure, la sur-expression du gène
Hoxb4 entraîne l’absence de bec supérieur par agénésie de la capsule nasale,
et l’hypoplasie du 1
er
arc branchial où seules les structures proximales de la
mâchoire inférieure sont préservées. L’action combinée des gènes Hoxa3 et
Hoxb4 transfectés simultanément conduit à l’absence totale des structures
faciales, semblable à celle obtenue en présence du gène Hoxa2. Toutefois, aucun
de ces gènes n’affecte la différenciation des dérivés neuraux de la crête.
Ces résultats suggèrent qu’au cours de l’évolution, l’inactivation des gènes
Hox à la partie antérieure des embryons dans le groupe des cordésaété essen-
tielle pour le développement de la face, des mâchoires et du crâne, et pour celui
du cerveau chez les vertébrés.
Publication : Creuzet, S., Couly, G., Bennaceur, S., Vincent, C., and Le Douarin,
N.M. (2002). Negative effect of Hox gene expression on the development of the
neural crest-derived facial skeleton. Development 129, 4301-4313.
3. Contributions de la crête neurale au système vasculaire
En employant la technique des chimères caille-poulet, les mouvements des
cellules de la crête neurale issues des bourrelets neuraux céphaliques chez l’em-
bryon d’oiseau ont été cartographiés. Afin de pouvoir corréler cette cartographie
de la crête neurale avec les déficiences dues à des défauts de migration cellulaire,
des ablations ont été effectuées aux différents niveaux du futur cerveau. Les
ablations de la crête neurale diencéphalique et mésencéphalique empêchent la
morphogenèse normale de la tête au niveau rostral. Ces ablations engendrent une
mort cellulaire importante au niveau du prosencéphale, lui-même laissé intact
par l’opération. Il manque donc des tissus qui ne sont pas directement dérivés
de la crête neurale dont certains muscles, l’adénohypophyse et le prosencéphale.
Sans la crête neurale, les méninges ne se développent pas et le prosencéphale
meurt avant sa vascularisation, qui se produit normalement plus tard. Cette année,
nous avons démontré que les vaisseaux du prosencéphale sont constitués ultérieu-
rement de péricytes, de muscle lisse et de tissu conjonctif dérivésdelacrête
neurale alors que les composants des vaisseaux du cerveau postérieur sont uni-
quement dérivésdumésoderme. Ainsi, deux secteurs vasculaires se dessinent
d’une manière ségrégée dans les différentes parties du cerveau embryonnaire.
Les artères dérivées des arcs branchiaux se ramifient uniquement dans ce secteur,
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