UNIVERSITÉ DE NANTES FACULTÉ DE MÉDECINE MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MÉDICALES UNITÉ D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL MÉMOIRE RÉALISÉ dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE, d’IMAGERIE et de MORPHOGENÈSE 2013-2014 UNIVERSITÉ DE NANTES RAMEAUX COMMUNICANTS DU NERF PHRÉNIQUE Par Stan CARRIER LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. O. HAMEL Enseignants : Pr. R. ROBERT Pr. O. ARMSTRONG Pr. A. HAMEL Dr. S. PLOTEAU Référent : Pr. O. HAMEL Laboratoire : S. LAGIER Y. BLIN REMERCIEMENTS Je remercie le Professeur Olivier HAMEL, référent, d’avoir prêté attention à ce projet. Je remercie également l’ensemble des Professeurs du Master 1 pour l’enseignement de l’Anatomie, apportant d’une part des notions affinant ma connaissance dans ce domaine et d’autre part des notions pédagogiques intéressantes permettant de la transmettre. Je remercie les Laborantins Stéphane LAGIER et Yvan BLIN pour leur aide précieuse au Laboratoire d’Anatomie et pour leur bonne humeur qui contribue à faire de ces séances de dissection un plaisir. Je remercie l’école d’ostéopathie IdHEO de Nantes de m’avoir donné l’opportunité de suivre ce Master. SOMMAIRE REMERCIEMENTS LISTE DES FIGURES 1. INTRODUCTION …………………………………………………………………………………………………………..… p. 1 1.1. Présentation générale …………………………………………………………………………………….……… p. 1 1.2. Définition ………………………………………………………………………………………………………..……… p. 1 1.3. Rappels embryologique, anatomique et physiologique ………………………………………… p. 2 1.3.1. Développement du diaphragme et migration du nerf phrénique ………………… p. 2 1.3.2. Rappels anatomique et biomécanique ………………………………………………………… p. 2 1.3.3. Fonctions du diaphragme……………………………………………………………………..……… p. 6 2. MATÉRIEL ET MÉTHODE ……………………………………………………………………………………..……… p. 8 2.1. Design de l'étude …………………………………………………………………………………………..…………… p. 8 2.2. Matériel ……………………………………………………………………………………………………………………… p. 8 2.3. Protocole ……………………………………………………………………………………………………………….…… p. 9 3. RÉSULTATS …………………………………………………………………………………………………………………… p. 11 4. DISCUSSION ………………………………………………………………………………………………………………… p. 19 4.1. Etat des connaissances actuelles et confrontation avec les données récentes ….…… p. 19 4.2. Limites de l’étude ………………………………………………………………………………………….………… p. 23 5. CONCLUSION ……………………………………………………………………………………………………….……… p. 25 RÉFÉRENCES ………………………………………………………………………………………………………………… p. 26 LISTE DES FIGURES Figure 1 : Schéma représentant le réflexe sensori-moteur de la respiration et les influences nerveuses et chimiques sur les centres respiratoires du tronc cérébral (selon Marieb). Figure 2 : Trajet et rapports des nerfs phréniques (selon Netter). Figure 3 : Niveaux d‘incisions, costotomie, sternotomie et retrait des clavicules de la pièce anatomique n°1. Figure 4 : Niveaux d’incisions de la pièce anatomique n°2. Remarque : Ces figures ont été dessinées, de façon à les adapter au sujet et par soucis de respect des droits d’auteur. Pièce anatomique n°1 : IMAGE 1 : Passage intra-thoracique du nerf phrénique droit entre péricarde et plèvre médiastinale. IMAGES 2 et 3 : Séparation du diaphragme et du péritoine. IMAGE 4 : Rameaux communicants du nerf phrénique avec le plexus cervical. IMAGE 5 : Rameaux communicants entre plexus cervical, nerf vague et chaîne orthosympathique cervicale. Pièce anatomique n°2 : IMAGE 6 : Vue inféro-latérale du sphincter inférieur de l’œsophage. IMAGE 7 : Rameaux communicants du nerf phrénique avec les glandes surrénales. IMAGE 8 : Rameaux communicants du nerf phrénique avec le plexus cœliaque. 1. INTRODUCTION 1.1. Présentation générale Le nerf phrénique assure la commande motrice du diaphragme. Ces deux éléments anatomiques sont complexes de par leur structure, leurs connexions et leurs fonctions. Grâce aux influx rythmiques circulant au sein du nerf phrénique, le diaphragme se contracte 15 fois par minute, 900 fois par heure, 21600 fois par jour... Un muscle particulièrement fin mais extrêmement sollicité. Sollicité par ses mouvements permanents, cela lui permet d'assurer de nombreuses fonctions. Nous comprenons donc que pour assurer sa course, le diaphragme doit absolument être libre de toute contrainte. Mais il n'agit pas seul. L'organisme met tout en œuvre pour que ce mouvement et ces fonctions se réalisent de façon optimale. En effet, comme tout élément anatomique, le diaphragme interagit avec d'autres structures. Comment se font ces interactions ? L'étude embryologique et anatomique du diaphragme certes, mais aussi les différentes connexions nerveuses, vasculaires, myofasciales, permettent de mieux comprendre les fonctions du diaphragme dans un intérêt global. Nous nous intéresserons, au cours de cette étude, aux connexions nerveuses du diaphragme. Deux pièces de dissection anatomique ont été abordées afin de repérer les rameaux communicants du nerf phrénique. Confronté avec certaines données récentes de la littérature, l’étude de ces rameaux communicants contribue à une meilleure compréhension de certains mécanismes liés au diaphragme. Problématique : Quels sont les rameaux communicants du nerf phrénique pouvant influer sur le mouvement du diaphragme et donc sur ses fonctions ? Mots clés : diaphragme, nerf phrénique, rameaux communicants, boucle réflexe, coordination, système nerveux végétatif, globalité. 1.2. Définition • Rameau communicant d’un nerf : c'est une connexion nerveuse d’un nerf par rapport à un autre permettant le partage d'informations afférentes et/ou efférentes. On préfèrera ce terme à celui d' « anastomose », réservé pour les systèmes vasculaire et lymphatique. 1 1.3. Rappels embryologique, anatomique et physiologique 1.3.1. Développement du diaphragme et migration du nerf phrénique Le diaphragme est composé de quatre structures embryonnaires (Larsen, 2003) : 1) le septum transversum sépare, dans la partie ventrale, les cavités péricardique primitive supérieurement et péritonéale inférieurement. La partie dorsale reste en communication : canaux péricardo-péritonéaux. Le septum transversum constitue le futur centre phrénique. À la 4ème semaine, le septum transversum se situe en face des somites cervicaux supérieurs. Les nerfs issus de C3C4C5 croissent dans ce septum. Entre la 4 ème et la 5ème semaine : la translocation caudale du septum transversum vers les somites thoraciques entraîne un allongement des nerfs phréniques. 2) les membranes pleuro-péritonéales ferment la partie dorsale entre la 5ème et la 7ème semaine. Ces 2 premiers éléments vont se rejoindre, certains myoblastes du septum transversum vont migrer vers les membranes pleuro-péritonéales, poussant les branches du nerf phrénique à les accompagner. D'où l'innervation du péricarde, de la plèvre et du péritoine par le nerf phrénique. 3) le mésoderme para-axial de la paroi du tronc constitue le pourtour extérieur du diaphragme. Notons qu'il est innervé par les nerfs spinaux T7 à T12 ; 4) le mésenchyme œsophagien quant à lui est associé à l'intestin antérieur des niveaux L1 à L3. Ce mésenchyme se condense pour former les piliers du diaphragme. Nous voyons donc que le diaphragme est issu de différents tissus, eux-mêmes avec une innervation qui leur est propre. 1.3.2. Rappels anatomique et biomécanique Ce paragraphe insiste surtout sur la description du nerf phrénique. Cela permettra de mieux repérer ses rameaux communicants, décrits plus tard. Nous insisterons également sur les fonctions du diaphragme. Ces fonctions peuvent être influencées par de nombreux paramètres que nous prendrons en compte dans cette étude. 2 Tout d'abord, voici un bref rappel sur le diaphragme. D'un point de vue anatomique et physiologique, nous distinguons deux portions principalement : • La portion "horizontale", ou contingent sterno-costal, que l'on appelle diaphragme costal. Il est composé du centre tendineux et des fibres musculaires le joignant aux 6 dernières côtes et au sternum dans sa partie xiphoïdienne. La foliole droite du centre tendineux laisse passage à la veine cave inférieure grâce à un orifice fibreux, inextensible, en regard de la 9 ème vertèbre thoracique. Dans cet orifice, passe également le nerf phrénique droit. À noter que le nerf phrénique gauche passe par un orifice propre au niveau de la foliole gauche, juste en arrière de la pointe du cœur ; • La portion "verticale", ou contingent vertébral, que l'on appelle diaphragme crural. Il est composé des piliers du diaphragme et de l'orifice œsophagien. Le pilier droit s'insère sur le flanc droit des 3 à 4 premiers corps vertébraux lombaires, et le pilier gauche sur le flanc gauche des 2 premiers corps vertébraux lombaires. Ces piliers délimitent l'orifice aortique en avant du corps de la 12ème vertèbre thoracique. L'orifice œsophagien est en regard de la 10ème vertèbre thoracique. Cet orifice, musculaire, émet des fibres vers l'angle duodéno-jéjunal ; ces fibres constituent le muscle de Treitz, lien intéressant entre diaphragme et mésentère. Dans cette relation viscéro-somatique, notons que les nerfs splanchniques (grand, petit et imus) traversent le diaphragme entre les piliers principal et accessoire. Le diaphragme en mouvement : Lors de l’inspiration le diaphragme s’abaisse, poussant les organes abdominaux vers le bas et l’avant. A noter que la coupole gauche est plus mobile que la droite et que dans une même coupole, le mouvement est plus ample postérieurement qu'antérieurement ; le déplacement moyen des deux coupoles est de 3 à 6 cm. La pression intra-abdominale augmentant, le centre phrénique s’appuie sur les viscères et devient fixe, alors que le pourtour costal continue de se mobiliser en élevant les côtes vers le haut, l’avant ("bras de pompe" des côtes supérieures et moyennes) et latéralement ("anse de sceau" des côtes moyennes et inférieures). Le point d’appui et de pivot du centre phrénique se fait en regard du ligament phréno-péricardique (Paoletti, 2011). L'innervation motrice du diaphragme est assurée par le nerf phrénique. Son innervation sensitive est assurée par les 6 derniers nerfs intercostaux. L'innervation orthosympathique est vasomotrice et intervient dans le tonus musculaire. 3 Le nerf phrénique : C'est le nerf moteur du diaphragme. Il est issu des racines C4 principalement, C3 et C5. Ses neurones reçoivent les influx des centres nerveux situés dans le tronc cérébral : le centre respiratoire pontin interagit avec les centres respiratoires sous-jacents afin de les réguler. Au niveau du bulbe rachidien, le groupe respiratoire ventral contient des centres générateurs du rythme respiratoire dont les influx sont envoyés vers les neurones du phrénique ; le groupe respiratoire dorsal intègre les influx sensoriels périphériques et modifie le rythme établi par le groupe ventral (Marieb, 2010). Ces influx afférents ont donc une influence sur le mouvement du diaphragme. Ils proviennent de différentes parties du corps (cf figure 1). Outre ces éléments, il faut noter que les rameaux communicants du nerf phrénique s'intègreront dans cette boucle réflexe et influenceront également l’activité diaphragmatique. Afférences Figure 1 : Schéma représentant le réflexe sensori-moteur de la respiration et les influences nerveuses et chimiques sur les centres respiratoires du tronc cérébral (selon Marieb). 4 Trajet et rapports des nerfs phréniques : Au cou, le nerf phrénique a un rapport intime avec la gaine aponévrotique du muscle scalène antérieur que le nerf contourne de dehors en dedans pour devenir antérieur à lui. Le tendon intermédiaire du muscle omo-hyoïdien croise en avant le nerf. L’aponévrose cervicale moyenne recouvre le nerf à ce niveau. Cette région antérieure constitue la voie d’abord du nerf phrénique. Il passe ensuite en arrière de la clavicule à environ trois centimètres en dehors de l'articulation sterno-claviculaire. Le nerf phrénique, à l'entrée du thorax par l'orifice supérieur du thorax, passe entre artère et veine subclavière, il est toujours en dehors du nerf vague, il est alors situé au-dessus du dôme pleural. Dans le thorax, le nerf phrénique droit passe sur le côté postéro-latéral du tronc brachio-céphalique droit puis se retrouve plaqué contre la face latérale de la veine cave supérieure. Puis il passe en avant du pédicule pulmonaire droit et descend verticalement le long de la face latérale du péricarde et en dedans de la plèvre médiastinale droite avant d'atteindre le diaphragme au niveau de l'orifice de la veine cave inférieure. Quant au nerf phrénique gauche, il est un peu plus long que le droit. Après avoir surcroisé le nerf vague gauche dans le quadrilatère de Bourgery, il croise la face antérieure de la portion horizontale de la crosse de l'aorte. Plus bas, il descend sur la face latérale du péricarde obliquement en avant et à gauche (suit l'axe du cœur), passe en avant du pédicule pulmonaire gauche et atteint le diaphragme en arrière de la pointe du cœur où il le traverse par un orifice propre. Le nerf phrénique se termine en rameaux phrénico-abdominaux antérieur, latéral et postérieur. Latéralement sous le diaphragme, et au-dessus de la glande surrénale homolatérale, ces rameaux forment le ganglion phrénique inférieur, en relation avec le ganglion cœliaque homolatéral. On reconnaît certaines branches collatérales sensitives du nerf phrénique au niveau de la plèvre, du péricarde, du péritoine, de la capsule hépatique (de Glisson). Le nerf phrénique donne également des rameaux thymiques (Kamina, 2006). 5 Crânial Droite C3 C4 C5 Figure 2 : Trajet et rapports des nerfs phréniques (selon Netter). 1.3.3. Fonctions du diaphragme • Respiration : c'est la principale fonction du diaphragme. A l'inspiration, la contraction du diaphragme permet une augmentation du volume de la cage thoracique. Cela entraîne une diminution de la pression intra pulmonaire qui devient inférieure à la pression atmosphérique (extérieure). Il en résulte une entrée d'air dans les poumons. Le relâchement du diaphragme entraîne l'inverse, de manière passive : c'est l'expiration. 6 • Brassage des viscères abdominaux : Du fait de la descente du diaphragme, le volume de la cavité abdominale diminue et la pression augmente. Les viscères subissent l'effet Turgor, effet qui consiste à prendre un maximum de place dans un minimum de volume. Cela est permis grâce aux glissements des viscères les uns par rapport aux autres sous l'action des séreuses. • Pompe vasculaire et lymphatique : sous l'effet des variations de pressions intra-cavitaires, cela comprime ou relâche plus ou moins les vaisseaux, permettant de potentialiser la circulation. • Séparation des cavités thoraciques et abdominaux : du grec, dia- signifie « à travers », et phragme « cloison ». Il existe quelques orifices et hiatus permettant le passage de certains éléments à travers le diaphragme. • Régulation des pressions intra-cavitaires : pression négative de la cavité thoracique susdiaphragmatique, pression positive de la cavité abdominale sous-diaphragmatique. • Posture, maintien du rachis thoraco-lombaire : par ce qui précède, le diaphragme agit comme une structure gonflable. L'insertion des piliers maintient également le rachis lombaire. • Effort de soulèvement : l'apnée inspiratoire permet de potentialiser la "structure gonflable" et donc d'être plus efficace et moins traumatique pour le dos notamment, par exemple lors du port de charge lourde. • Effort de poussée : par le jeu des pressions et de coordination avec le sphincter anal, cette manœuvre tend à pousser le contenu rectal pour faciliter l’excrétion des déchets. Il en est de même pour le système urinaire. • Effort de toux : par le jeu des pressions et de coordination avec le larynx, cette manœuvre tend à éjecter le mucus en dehors des voies trachéo-bronchiques, par des secousses expiratoires. • Déglutition : L’intervention des muscles du pharynx est coordonnée avec le sphincter inférieur de l'œsophage (SIO) qui se relâche lors du passage du bol alimentaire. • Vomissement : alors que les piliers du diaphragme se relâchent pour ouvrir le SIO, le diaphragme costal se contracte, permettant l'augmentation de la pression abdominale afin de rejeter le contenu gastrique. D'où la "double physiologie" du diaphragme crural et costal (Pickering et al., 2002) 7 • Anti-reflux gastro-œsophagien : le SIO a un tonus de base et reste la majeure partie du temps fermé, d'autant plus lors du brassage des aliments dans l'estomac, évitant le reflux des aliments et de l'acidité de l'estomac vers l'œsophage. • Parole : en freinant son relâchement à l'expiration, le diaphragme régule le débit de l'air expiré lors de la parole. Cela est coordonné avec le larynx et le système manducateur. • Rôle énergétique, par deux aspects : Son rôle dans la circulation permet en outre d'assurer le métabolisme énergétique de l'ensemble des tissus ; Dans les sports intensifs (arts martiaux …), il est un muscle puissant et donne de l’impulsivité. Nous voyons que le diaphragme possède de nombreuses fonctions. Cependant, il ne peut pas agir seul. Il se combine avec d'autres paramètres du corps. C'est donc par ses connexions anatomiques que nous comprenons son mécanisme. Pour assurer ces nombreuses fonctions, le diaphragme doit agir de manière coordonnée avec d'autres structures. Il va de soi qu'il existe un partage d'informations pour assurer cette coordination. D'où l'intérêt d'étudier les rameaux communicants du nerf phrénique. 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES 2.1. Design de l'étude Suite à une recherche bibliographique sur les connaissances actuelles et sur les données récentes concernant les connexions nerveuses du diaphragme, j'ai tenté de mettre en évidence certains rameaux communicants du nerf phrénique. Les travaux ont été réalisés au Laboratoire d'Anatomie de la Faculté de Médecine de Nantes dans le cadre du Certificat d’Anatomie, d’Imagerie et de Morphogenèse du Master 1 Sciences Biologiques et Médicales. Les séances de dissection anatomique se sont déroulées de janvier à juin 2014. 8 2.2. Matériel Voici une liste du matériel utilisé au Laboratoire d'Anatomie lors des séances de dissection : • Un porte-lame de 23 pour les incisions ; • deux pinces à dissection, une plate et une à pointe fine suivant la précision des éléments à disséquer ; • une paire de ciseaux de dissection pour écarter certains éléments ou séparer différentes couches tissulaires, très peu pour couper des éléments ; • un costotome, pour effectuer les volets costaux ; • une scie pour préparer les pièces anatomiques et pour réaliser une sternotomie (pièce n°1) ; • des faraboeufs pour récliner certains éléments lors des prises photographiques ; • du fil pour ligaturer certains vaisseaux ; • un bac formolé contenant la pièce anatomique à travailler, conservée dans une chambre froide où la température est maintenue à environ 5°C. Caractéristiques des pièces de dissection anatomique : Pièce n°1 : Homme, octogénaire, sujet formolé. Temps passé sur cette pièce : 69,5 heures. Pièce n°2 : Homme, octogénaire, sujet frais. Temps passé sur cette pièce : 50 heures. 2.3. Protocole Deux pièces anatomiques ont été abordées pour la dissection du nerf phrénique et ses rameaux communicants. La difficulté de ce sujet repose principalement sur le fait de disséquer non seulement le nerf phrénique, mais aussi les nerfs alentours pour mettre en évidence les rameaux communicants entre ces deux éléments. Le repérage d'un nerf est parfois difficile par rapport à un vaisseau (pouvant être injecté), il faut pouvoir malgré tout les distinguer. La couleur d'un nerf est blanche nacrée, et sa texture est plus dense qu'une veine ou une artère. Les rameaux communicants nerveux sont plus difficiles à distinguer du fait de leur petite taille et donc de leur ressemblance avec des vaisseaux de petite taille également. Il faut alors savoir d'où proviennent ces rameaux nerveux et d'où proviennent ces petits vaisseaux pour les distinguer. 9 Pièce anatomique n°1 : La première pièce a permis de visualiser l'ensemble du nerf phrénique, du cou jusqu'à la région sousdiaphragmatique. Ce premier sujet était formolé. Une sternotomie et une costotomie ont été réalisées afin de réaliser un volet costal, bilatéralement. Ceci a permis de visualiser le nerf phrénique et ses collatérales dans son trajet thoracique. Les clavicules ont été retirées afin d'aborder le nerf phrénique au niveau de l'orifice supérieur du thorax (OST) et du cou. En ce qui concerne la région sousdiaphragmatique, seules les connexions nerveuses entre diaphragme et péritoine ont été abordées sur cette pièce. Crânial Droite Figure 3 : Niveaux d‘incisions (en bleu), costotomie, sternotomie (en noir) et retrait des clavicules (flèches bleues) de la pièce anatomique n°1. 10 Pièce anatomique n°2 : Une deuxième pièce a permis d'aborder essentiellement les rameaux communicants du nerf phrénique de la région sous-diaphragmatique. Ceci afin de mieux comprendre les liens entre le diaphragme, le système neuro-végétatif et le système mésentérique. La forme des coupoles a été préservée en laissant intacte la cage thoracique. Les glandes surrénales ont été conservées dans un premier temps pour mettre en évidence les liens entre ces glandes et les branches inférieures du nerf phrénique. Dans un second temps, les glandes surrénales ont été retirées pour mieux visualiser les plexus nerveux cœliaque, aortico-rénal, mésentériques supérieur et inférieur de la région pré aortique. Crânial Droite Figure 4 : Niveaux d’incisions (en bleu) de la pièce anatomique n°2. 3. RÉSULTATS La première pièce anatomique a permis de mettre en évidence d'une part les branches collatérales du nerf phrénique droit au niveau de la plèvre médiastinale, du péricarde fibreux, de la loge thymique et du péritoine de la région sous-diaphragmatique (Images 1 à 3). D’autre part, une dissection plus focalisée sur la région du cou à droite montre certains rameaux communicants du nerf phrénique avec le plexus cervical, lui-même en communication avec le plexus brachial, le nerf vague et la chaîne orthosympathique cervicale (Images 4 et 5). 11 IMAGE 1 : Passage intra-thoracique du nerf phrénique droit entre péricarde et plèvre médiastinale. Le nerf phrénique a un rapport intime avec la plèvre médiastinale et le péricarde où il donne des branches collatérales pour leur innervation sensitive. D’autre part, le nerf phrénique donne des rameaux vers la loge thymique (Kamina, 2006). IMAGE 1 Ant. Caudal Rameaux vers la loge thymique Péricarde Nerf phrénique droit Plèvre médiastinale 12 IMAGES 2 et 3 : Séparation du diaphragme et du péritoine. Il est difficile de séparer le diaphragme et le péritoine sans léser les connexions nerveuses entre ces deux éléments. Ces connexions sont parfois difficiles à distinguer des fibres conjonctives (Image 2), mais sur l’image 3, nous visualisons bien ces branches, proches de la région rétro-xyphoïdienne. Ce sont des branches collatérales du nerf phrénique assurant l’innervation sensitive du péritoine sousdiaphragmatique. Notons que dans la région rétro-xyphoïdienne, les branches antérieures des nerfs phréniques droit et gauche communiquent. IMAGE 2 Diaphragme (récliné vers le haut) Crânial Gauche Péritoine sousConnexions diaphragmatique nerveuses provenant du nerf phrénique (récliné vers le bas) IMAGE 3 13 IMAGE 4 : Rameaux communicants du nerf phrénique avec le plexus cervical. Entre les rameaux ventraux du plexus cervical, il existe des anses* qui permettent la communication entre les différents nerfs du plexus cervical. Entre C1 et C2, nous avons l’anse de l’atlas ; entre C2 et C3, l’anse de l’axis ; entre C3 et C4, l’anse de C3 … Il existe également un rameau communicant entre le rameau ventral de C4 et celui de C5, permettant ainsi une connexion nerveuse entre les plexus cervical et brachial (Cette image ne permet pas de visualiser le plexus brachial). Ici, nous voyons émerger le nerf phrénique de l’anse de C3. Les racines C3 et C4 innervent certains muscles du cou (notamment le muscle trapèze). Cette communication entre tous ces rameaux cervicaux s’avère intéressante pour la coordination du diaphragme avec les muscles respirateurs accessoires. Ces rameaux communicants présentent d’autres intérêts, discutés en partie 4. IMAGE 4 Crânial Droite Veine jugulaire interne droite Angle mandibulaire (C1) (C2) Muscle splénius (coupé et récliné) Nerf à destination du muscle trapèze Muscle scalène antérieur (coupé) Tendon du muscle sterno-cléido-occipitomastoïdien (coupé) Chaîne orthosympathique cervicale droite (C3) Anses du plexus cervical et rameaux communicants (C4) Nerf vague droit (X) Nerf phrénique droit Nerfs supra-claviculaires droits Artère carotide commune droite 14 * Ne pas confondre avec l’anse cervicale, discutée en partie 4. IMAGE 5 : Rameaux communicants entre plexus cervical, nerf vague et chaîne orthosympathique cervicale. Après avoir dégagé la veine jugulaire interne droite et récliné l’artère carotide interne droite, nous pouvons visualiser un rameau communicant entre le rameau ventral de C1 et le nerf vague droit. Il existe aussi des rameaux communicants décrits entre les rameaux ventraux du plexus cervical et le ganglion orthosympathique cervical supérieur, ainsi que la chaîne orthosympathique cervicale (difficilement distinguable sur cette image). Crânial Droite IMAGE 5 Rameaux communicants (C1) (C2) Nerf vague droit (X) Chaîne orthosympathique cervicale 15 La deuxième pièce anatomique a eu pour but de repérer les rameaux reliant le nerf phrénique aux nerfs splanchniques thoraciques par l'intermédiaire des ganglions cœliaque, mésentérique supérieur et aortico-rénal (Image 8). Il existe également des rameaux communicants avec les glandes surrénales (Image 7). Outre les rameaux du système orthosympathique, notons que les ganglions du plexus cœliaque cités ci-dessus contiennent également des rameaux du nerf vague (parasympathique). Les rameaux communicants avec le plexus cœliaque suggèrent une meilleure compréhension des liens du diaphragme avec le système neuro-végétatif et avec le système mésentérique. IMAGE 6 : Vue inféro-latérale du sphincter inférieur de l’œsophage. Le nerf vague et le nerf phrénique se trouvent très proches au niveau du sphincter inférieur de l’œsophage, bien qu’à priori, il n’y ait pas de rameau communicant direct entre ces deux nerfs. IMAGE 6 Ant. Gauche Jonction œso-cardio-tubérositaire Nerf vague droit (X) Sphincter inférieur de l’œsophage Rameaux provenant du nerf phrénique gauche et du plexus phrénique inférieur gauche Glande surrénale gauche Tronc cœliaque et plexus cœliaque 16 IMAGE 7 : Rameaux communicants du nerf phrénique avec les glandes surrénales. Il est difficile de dissocier le nerf phrénique des vaisseaux phréniques dans la mesure où ils sont fortement liés. Les rameaux communicants entre plexus phrénique inférieur et plexus aortico-rénal peuvent être repérés. Ce lien entre nerf phrénique et glande surrénale montre l’importance du système orthosympathique au profit du diaphragme. IMAGE 7 Ant. Droite Foliole droite du centre phrénique Branche inféro-latérale droite du nerf phrénique droit Plexus phrénique inférieur droit Rameaux communicants avec l’innervation de la glande surrénale droite Veine cave inférieure (coupée et ligaturée) Artère hépatique commune Artère splénique Artère mésentérique supérieure Ganglion aortico-rénal droit Veine cave inférieure (coupée et réclinée) 17 IMAGE 8 : Rameaux communicants du nerf phrénique avec le plexus cœliaque. Les fibres nerveuses du plexus cœliaque sont mêlées à du tissu fibro-adipeux. Nous repérons certains ganglions qui forment ce plexus ainsi que les rameaux qui les relient. Par contre, les rameaux qui arrivent au plexus sont fins et difficiles à disséquer. Les piliers du diaphragme sont partiellement visibles, mais le trajet des nerfs splanchniques thoraciques n’est pas analysable. Les connexions entre nerfs phréniques, nerfs splanchniques thoraciques et plexus cœliaque mériteraient une dissection extrêmement fine. IMAGE 8 Ant. Droite Ganglion cœliaque gauche Artère splénique Ganglion mésentérique supérieur Artère mésentérique supérieur Ganglion aortico-rénal droit Ganglion aortico-rénal gauche Rameau communicant du nerf phrénique droit Nerf grand splanchnique thoracique droit Plexus inter-mésentérique Plexus mésentérique inférieur Artère mésentérique inférieur Artères iliaques communes 18 4. DISCUSSION 4.1. Etat des connaissances actuelles et confrontation avec les données récentes Nous savons tous que le diaphragme joue un rôle essentiel dans la respiration. Mais comme on peut le constater, ses fonctions ne se limitent pas à cela. Récemment, les anatomistes et physiologistes s'intéressent plus précisément aux autres rôles du diaphragme. En confrontant ces études avec les travaux de dissection sur les rameaux communicants du nerf phrénique, cela ouvre à différentes perspectives, permettant de mieux comprendre les fonctions du diaphragme et ses connexions nerveuses. Le diaphragme crural dans la déglutition, le vomissement et le RGO, implication du nerf vague : Pickering et Jones ont publié un article en 2002 décrivant la double physiologie du diaphragme par ses deux contingents. L'un ayant une origine pariétale (diaphragme costal), l'autre une origine mésentérique œsophagienne (diaphragme crural). Les auteurs accentuent le rôle du diaphragme crural dans la déglutition, l'effort de vomissement et le mécanisme d'anti-reflux gastro-œsophagien. Lors de la déglutition, les activités nerveuses divergeraient entre les deux contingents. L'inhibition du diaphragme crural permettrait donc le passage du bol alimentaire. Lors du vomissement, le diaphragme crural se relâche également pour permettre l'éjection alors que le diaphragme costal se contracte pour augmenter la pression abdominale afin que le contenu gastrique puisse sortir. Bien que le mécanisme d'inhibition de la région crurale soit encore peu clair, les chercheurs mettent en avant une très probable intervention du nerf vague. A noter que les récepteurs proprioceptifs seraient peu nombreux dans le diaphragme mais la plupart se trouveraient dans la région crurale. Les afférences du nerf phrénique sont encore en cours de recherche. Dans le reflux gastro-œsophagien (RGO), il a été mis en évidence le rôle de la partie crurale. Elle interviendrait donc comme un sphincter externe au niveau de l'orifice de l'œsophage. Pickering et Jones mentionnent qu'une myotomie crurale chez le chien entraînerait une augmentation des RGO. Seul le sphincter interne (lisse) de l'œsophage ne suffit pas. Niedringhaus M. et al. (2008), et Young R.L. et al., (2010), confirment le rôle du diaphragme crural dans la déglutition : de cette région, des afférences provenant du nerf vague enverraient l'information au noyau dorsal du nerf vague. Ce site enverrait ensuite une information efférente qui inhiberait les fibres du diaphragme crural ; simultanément, le sphincter inférieur de l'œsophage serait aussi inhibé : cela permettrait le passage du bolus alimentaire. 19 Diaphragme, mésentère et rachis lombaire : Pilard met en avant les relations qu’il peut y avoir entre le diaphragme et le mésentère, ainsi que les relations avec le rachis lombaire. Selon l'auteur, les colopathies impliqueraient nécessairement le diaphragme. D’autre part, les lombalgies seraient, d’après Pilard, à 80% en lien avec des dysfonctions du diaphragme, notamment au niveau de ses piliers. Il explique l’impact négatif des neurotransmetteurs des plexus en regard (ganglions phréniques, cœliaques, mésentériques supérieurs, aortico-rénaux) entraînant une contracture réflexe des lombaires au niveau des piliers. Ce lien expliquerait aussi les troubles fonctionnels viscéraux ; sans compter le passage des nerfs splanchniques entre piliers principaux et accessoires pouvant être impliqués dans le conflit (Pilard, 2012). Ce lien entre diaphragme et mésentère est intéressant à rapprocher des chaînes physiologiques décrites par Léopold Busquet (2008) : Une congestion dans l’étage sus-mésocolique induirait un refus du diaphragme de s’appuyer sur les viscères. Le diaphragme, plus ou moins inhibé, se trouverait alors en dysfonction d’expiration, le reste en inspiration, avec sollicitation des muscles périphériques lors de l’inspiration (muscles intercostaux externes). Réflexion : La deuxième pièce anatomique a permis de visualiser les connexions nerveuses entre diaphragme et étage sus-mésocolique. Certains rameaux communicants entre nerf phrénique et les différents plexus ont pu être repérés (Image 8). Ces plexus contiennent des informations du système neurovégétatif. Cependant, rien ne nous dit que le nerf phrénique partage des informations de l'un ou l'autre des deux contingents orthosympathique ou parasympathique. Néanmoins, les rameaux communicants du nerf phrénique avec les nerfs des glandes surrénales permettent de souligner la forte implication du contingent orthosympathique (Image 7). Bien que les auteurs insistent sur de possibles connexions avec le nerf vague, le nerf phrénique semble éloigné du nerf vague tout au long de son trajet (Image 6). Cependant, n'ignorons pas que le nerf vague intervient dans la plupart des boucles réflexes pour assurer les fonctions du système viscéral. La très probable intervention du nerf vague dans l’activité du diaphragme selon certains auteurs pourrait alors mettre en jeu une boucle réflexe impliquant le nerf phrénique et le nerf vague, dont l'intégration central de ces deux éléments serait en communication, et non une communication via des rameaux communicants périphériques. 20 Diaphragme et posture : Pavel Vostatek (2013) : Le diaphragme interviendrait dans la relation entre la respiration et la posture. Cette étude a été faite sous IRM, comparant des sujets sains et des sujets lombalgiques. Chez un sujet sain, le changement de posture n'interfère que peu la respiration, celle-ci reste lente, profonde et harmonieuse. Ce fait est notamment très important pour maintenir la pression intra-abdominale, permettant la stabilisation du rachis lombaire. Par contre, l'étude montre que chez le sujet lombalgique, le changement de posture fixe le diaphragme en position plus basse, donc plus horizontale, obligeant le sujet à ventiler plus rapidement. De plus, la respiration n'est pas synchrone. Ces patients utilisent différents mécanismes pour compenser l'insuffisance des muscles profonds. Kolar (2010) suggère qu'il y a moins de contraction du diaphragme dans la partie postérieure chez le patient lombalgique alors que la posture en demande davantage au niveau des lobes pulmonaires inférieurs. Réflexion : Le sujet lombalgique fait intervenir deux types de mécanisme de protection : d’une part ses muscles autour de la zone algique se contractent, mais cela peut s’avérer insuffisant ; l’immobilisation lombaire est alors assurée d’autre part par une augmentation de la pression intra-abdominale (structure gonflable). La contractilité musculaire sollicite davantage le système orthosympathique. Plusieurs groupes musculaires peuvent se retrouver plus ou moins contracturés. Le maintien postérieur est assuré principalement par les muscles érecteurs du rachis et par les muscles profonds du rachis lombaire (multifides). Antérieurement, nous avons les muscles psoas, mais aussi les piliers du diaphragme. Nous en revenons aux liens entre ces piliers et le système orthosympathique viscéral (nerfs splanchniques thoraciques, plexus cœliaque, glandes surrénales). Nous en déduisons les possibles dysfonctions diaphragmatiques chez le patient lombalgique et les possibles troubles viscéraux associés (ballonnement, constipation, colopathie, etc.). Nerf d’Arnold et diaphragme : Outre le fait que les muscles sous-occipitaux jouent un rôle prépondérant dans la posture (mécanisme oculo-céphalo-gyre), une étude menée par Kwan CS et al. sur le hoquet (2012) montre qu’il existerait des relations entre les muscles sous-occipitaux et le diaphragme, d'une part via le noyau rétro-ambigu et d'autre part via le nerf d'Arnold (nerf grand-occipital, issu de C2): le relâchement des muscles sousoccipitaux contrôlerait donc le hoquet. Il est intéressant de savoir que ces petits muscles ont une propriété proprioceptive aussi importante que celle des muscles les plus larges comme le gluteus maximus. 21 D’autre part, des liens intéressants ont été mis en avant par Kemp (2012) sur l’innervation de la duremère crânienne. La partie inférieure de la tente du cervelet serait innervée par une branche du nerf d’Arnold, communicante avec le nerf vague (X) et le nerf hypoglosse (XII) (rameaux méningés). La partie supérieure serait innervée par le nerf récurrent d’Arnold, anastomotique avec le nerf tentoriel, issu du nerf ophtalmique (V1). Ces points restent à approfondir et nécessitent d’autres recherches. Nerf phrénique et plexus cervical : Une étude sur l'anatomie de l'anse cervicale a permis de mettre en évidence des liens entre le nerf phrénique et certains rameaux du plexus cervical, ce dernier formant avec le nerf hypoglosse (XII) l'anse cervicale (Bannaheka, 2008). Il existe également des rameaux communicants entre nerf vague (X) et nerf accessoire spinal (XIspinal) à ce niveau. Le lien entre le nerf cervical transverse issu des rameaux (C2C3) du plexus cervical et le nerf mandibulaire (V 3) mis en évidence par Lin et al. (2013) renforce la relation entre ce complexe cervical et le nerf trijumeau. Concernant notre étude, cela en est-il de même pour les nerfs supra-claviculaires (issus de C4) mis en évidence (Image 4) ? Même si des rameaux communicants du nerf phrénique dans cette région ont été repérés, ceux-là peuvent-ils contribuer à former un lien, même indirect, avec le nerf trijumeau ? Une étude expérimentale menée sur des rats (Rice et al., 2011) montre qu'une synchronisation des informations entre nerf hypoglosse (XII), nerfs intercostaux et nerf phrénique est nécessaire pour assurer une bonne ventilation. Par exemple à l'inspiration, alors que le diaphragme descend, le muscle génioglosse (innervé par le nerf hypoglosse) s'antériorise, le pharynx se dilate, assurant une entrée d'air correcte. Ces connexions entre nerf phrénique, nerf hypoglosse (XII), nerf vague (X), nerf accessoire (XI) et nerf trijumeau (V) offrent des liens intéressants dans les troubles de la déglutition, les troubles occlusaux mais aussi dans l'apnée du sommeil. Nerf phrénique et plexus brachial : Il existerait une relation entre le diaphragme et les membres supérieurs, expliquée par le développement embryonnaire (T. Hirasawa et al., 2013). Chez le mammifère, d'une part, le diaphragme et les membres supérieurs partageraient une même population de cellules musculaires ; et d'autre part, certains axones du nerf phrénique proviendraient du plexus brachial. Il est intéressant d'accentuer cette connexion nerveuse dans les douleurs projetées de l'épaule. Par exemple une douleur hépatique peut retentir au niveau de l'épaule droite : la douleur engendrée au niveau de la capsule hépatique (de Glisson) est transmise via le nerf phrénique droit ; 22 Le nerf phrénique droit, par des rameaux communicants avec le plexus brachial homolatéral, partage des niveaux métamériques similaires, ce qui explique les douleurs projetées à l'épaule droite. L'activité EMG du diaphragme lors de mouvements répétés des bras montre une activité phasique synchrone avec l'inspiration mais aussi avec les mouvements du bras. Ces données suggèrent que la contraction du diaphragme peut être en rapport avec le contrôle du tronc et des membres supérieurs (Hodges et al., 2000). Diaphragme et liens vasculaires : On parle souvent du diaphragme en tant que « pompe veineuse ». Il est intéressant de savoir que le phoque voit le passage de la veine cave à travers le diaphragme comme un véritable sphincter (tout comme l'œsophage): fonction archaïque de retour veineux du diaphragme que souligne Pickering et al., 2002 (mentionné au début). Nous avons vu que le nerf phrénique et l'arbre vasculaire qui perfuse le diaphragme sont très proches d’un point de vue spatial (Pièce anatomique n°2). Dans une publication de 2012 par Correa et al., l’auteur explique cette proximité spatiale et fonctionnelle. Via les informations partagées avec le système propriocepteur du diaphragme et le système orthosympathique (vasodilatateur des artères phréniques), le nerf phrénique (moteur) participe à cette boucle réflexe permettant au diaphragme de s'adapter à toute situation (effort...) et d'être suppléé en sang en conséquence. Ces quelques extraits bibliographiques montrent l'importance des connexions anatomiques du diaphragme. Une revue de littérature de 2013 propose une synthèse de ces connexions (Bordoni et Zanier, 2013). 4.2. Limites de l'étude Il aurait été intéressant d’approfondir l’étude des rameaux communicants du nerf phrénique avec le plexus cervical. Il existerait une relation très proche entre le diaphragme et les muscles respirateurs accessoires tels que muscles sterno-cléido-occipito-mastoïdien (SCOM), scalènes, muscle subclavier (cela concerne les rameaux ventraux du plexus cervical). D'après la littérature, le nerf phrénique communique également avec les nerfs des muscles sous-occipitaux, dit "Verniers" (rameaux dorsaux du plexus cervical) tels que le nerf d'Arnold. 23 Notons également, d'après ces études, les rameaux communicants avec l'anse cervicale, anse qui se détache du nerf hypoglosse. Cette anse cervicale, située sur le flan antéro-latéral de la veine jugulaire interne, relie le nerf hypoglosse avec les 2ème et 3ème rameaux ventraux du plexus cervical, mais aussi avec des rameaux du nerf vague (X) et du nerf accessoire spinal (XI spinal). Ces connexions suggèreraient une meilleure compréhension des fonctions du diaphragme notamment dans la déglutition, la parole, la posture (système oculo-céphalo-gyre, système oclusal). L’abord du nerf phrénique au niveau du cou mériterait également de préciser les rameaux communicants avec les ganglions orthosympathiques cervicaux. L’implication du ganglion cervical inférieur, dit cervico-thoracique (ou encore ganglion stellaire), avec le nerf phrénique serait importante à prendre en compte au niveau de l’orifice supérieur du thorax. Une autre limite concerne l’abord du nerf phrénique sous-diaphragmatique, où peu de rameaux ont finalement été mis en évidence alors qu’il y en aurait de nombreux, mais tellement fins, en rapport avec les différents ganglions du plexus cœliaque. Par ailleurs, l’analyse des relations directes entre nerf phrénique d’une part, et nerfs splanchniques thoraciques (orthosympathique) et nerf vague (parasympathique) d’autre part, n’est pas concluante. Bien que le nerf phrénique semble fortement en lien avec le système neuro-végétatif, rien ne permet de conclure sur une prédominance ortho ou parasympathique. Le repérage anatomique et la distinction des différents rameaux en lien avec le plexus cœliaque demandent une technique de dissection très fine. 24 5. CONCLUSION Le nerf phrénique est une structure complexe. Son étude nécessite de l’aborder non pas seulement comme une structure ayant un simple trajet linéaire, mais plutôt comme une structure multidimensionnelle. De ce point de vue plus global, la difficulté réside dans le fait d’identifier l’ensemble des connexions en rapport avec le nerf phrénique. Ces connexions sont nécessaires aux multiples fonctions que doit assurer le diaphragme, sous la commande du nerf phrénique. Les efforts, la digestion, la gestion des émotions… autant d’influences qui peuvent perturber la mécanique du diaphragme. Le corps, doté d’une forte capacité d’autorégulation, doit être en mesure de s’adapter à toutes ces situations. Le diaphragme est un bon exemple d’autorégulation mais aussi d’interactions avec différentes parties du corps. Ces interactions se font par l’intermédiaire de connexions anatomiques d’ordre mécanique, vasculaire, lymphatique et neurologique. La coordination de tous ces éléments est nécessaire pour un fonctionnement optimal du diaphragme. Les rameaux communicants du nerf phrénique contribuent à mettre en relation différentes structures du corps. Dès sa naissance à la sortie de la moelle épinière cervicale, le nerf phrénique partage des informations via des rameaux communicants. Les connexions nerveuses se font jusqu’à sa terminaison dans la région sous-diaphragmatique. Nous comprenons alors comment une structure, même à distance du diaphragme, peut agir sur celui-ci. Par exemple, nous comprenons comment une douleur d’épaule peut venir d’un trouble hépatique, ou comment une lombalgie peut être associée à des troubles viscéraux, etc. Certains liens suscitent toutefois de nombreux débats, telle que l’implication du nerf vague dans l’activité du diaphragme ou encore les communications avec certains nerfs crâniens. Mais ces recherches ouvrent des portes vers la compréhension de certains mécanismes en rapport avec les fonctions du diaphragme comme par exemple la déglutition, le vomissement, l’apnée du sommeil, etc. Les données actuelles sont d’accord sur le fait que le système phrénique a un rapport intime avec le système neuro-végétatif. Même si nous ne pouvons conclure sur une participation prédominante de l’un ou l’autre des deux contingents (ortho ou parasympathique), les liens avec le système orthosympathique semble être davantage mis en avant : rameaux communicants avec la chaîne et les ganglions sympathiques cervicaux, avec l’innervation des glandes surrénales, avec les nerfs splanchniques thoraciques via le plexus cœliaque, forte régulation du diamètre vasculaire, etc. L’influence des rameaux communicants est certes intéressante à étudier, mais il est primordial d’investiguer les communications entre les noyaux des nerfs au niveau central. L’ensemble participe aux boucles réflexes qui régulent les fonctions du diaphragme. 25 RÉFÉRENCES Banneheka S. Morphological study of the ansa cervicalis and the phrenic nerve. Anat Sci Int. 2008 Mar;83(1):31-44. doi: 10.1111/j.1447-073X.2007.00201.x. Bordoni B, Zanier E. Anatomic connections of the diaphragm: influence of respiration on the body system. Journal of Multidisciplinary Healthcare., 24 july 2013, 6: 281-291 Busquet Léopold, Busquet-Vanderheyden Michèle Les chaînes physiologiques: Tome 7, La chaîne viscérale thorax-gorge-bouche Editions Busquet, 1 oct. 2008 - 303 pages Correa D, Segal SS. Neurovascular proximity in the diaphragm muscle of adult mice. Microcirculation. 2012 May;19(4):306-15. doi: 10.1111/j.1549-8719.2012.00163.x. Hirasawa T, Kuratani S. A new scenario of the evolutionary derivation of the mammalian diaphragm from shoulder muscles. J Anat. 2013 May;222(5):504-17. doi: 10.1111/joa.12037. Epub 2013 Mar 1. 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L’autre pièce anatomique a permis de mettre en évidence certains rameaux communicants du nerf phrénique dans la région sous-diaphragmatique. Il existe à ce niveau des liens avec le plexus cœliaque et avec les glandes surrénales, suggérant une relation proche du diaphragme avec le système neuro-végétatif et le système mésentérique. Confronté avec les données récentes de la littérature, l’étude des rameaux communicants du nerf phrénique contribue à une meilleure compréhension de certains mécanismes liés au diaphragme. 29