Thérapeutique
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În
Cas clinique
Le diagnostic d’hypersensibilité médicamenteuse
(Drug Reaction with Eosinophilia and
Systemic Symptoms
[DRESS]) secondaire à la prise d’Augmentin® avec atteinte hépa-
tique sans insuffisance hépatocellulaire a été posé. La ferritine très élevée, associée aux
triglycérides et LDH élevés, était en faveur d’un syndrome d’activation macrophagique
(SAM) concomitant.
Du fait de l’atteinte hépatique et de la suspicion de SAM associé, malgré l’arrêt de
l’Augmentin® 1mois auparavant, un traitement par prednisone à 1mg/kg/j per os a
été instauré. Une amélioration rapide des symptômes cutanés a été notée, avec une
diminution de moitié du taux des transaminases au bout de15jours, puis une norma-
lisation de la CRP et de la ferritine au bout de 8semaines. La corticothérapie a été
poursuivie pendant 7mois avec une décroissance très progressive. À l’arrêt du traite-
ment, les ASAT étaient à 2×N, les ALAT à 1,2×N et la bilirubine totale était normale.
Discussion
Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, ou syndrome DRESS, est une réac-
tion médicamenteuse idiosyncratique grave, potentiellement létale par l’atteinte d’un
ou de plusieurs organes ; il survient de manière retardée, entre1 et 8semaines après
l’introduction d’un médicament. À l’éruption cutanée plus ou moins sévère peuvent être
associées la fièvre, des anomalies hématologiques (éosinophilie, atypies lymphocytaires),
des adénopathies périphériques, de même qu’une atteinte d’organe, unique ou multiple
(hépatite, néphrite interstitielle, myocardite, pneumopathie interstitielle, etc.). Malgré
l’arrêt du médicament responsable, les symptômes peuvent persister ou s’aggraver.
Les médicaments le plus souvent responsables sont les antiépileptiques, certains anti-
biotiques (minocycline, sulfonamides, rifampicine), les antiviraux (abacavir, névirapine),
les anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’allopurinol, la sulfasalazine, la dapsone, les
antithyroïdiens de synthèse, le ranélate de strontium
(1,2)
.
Le tableau est variable pour chaque patient. L’atteinte cutanée serait constante.
Elle associe classiquement une éruption maculopapuleuse érythémateuse diffuse
(figures1et2, p. 37)
et un œdème du visage et des extrémités. Elle peut être moins
prononcée et peu visible chez les patients à la peau foncée. L’hyperéosinophilie tran-
sitoire n’est présente que dans60 à90 % des cas. Les adénopathies ne sont présentes
que dans environ 50 % des cas. La fièvre est habituelle
(1)
.
En revanche, le syndrome DRESS implique systématiquement l’atteinte d’un organe
interne. Dans90 à 100 % des cas, il s’agit d’une atteinte hépatique, se manifestant par
une augmentation des transaminases, modérée à sévère (>5 à 10×N), associée dans
1/3 des cas à une hépatomégalie, avec, dans de rares cas, une hépatite fulminante. Un
syndrome d’activation macrophagique peut lui être associé, probablement déclenché par
l’orage cytokinique inhérent au syndrome DRESS
(1)
. Des critères d’inclusion
(tableau,
p.37)
et un score diagnostique ont été proposés, qui reprennent ces principaux items
(3)
.
Les corticoïdes à administration systémique constituent le traitement de choix dans les
formes les plus graves, chez les patients ayant une atteinte d’organe sévère. Lebénéfice
sur l’hyperéosinophilie et sa toxicité tissulaire serait en relation avec l’inhibition de
l’interleukine5 (cytokine médiatrice de la réaction allergique). Les corticoïdes réduisent
ainsi les symptômes systémiques secondaires à la réaction d’hyper sensibilité retardée
du syndrome DRESS. La mortalité varie, en fonction des séries, de1à10 %
(1,2)
. Elle
est associée à la sévérité de l’atteinte hépatique et/ou myocardique mais ne semble
pas être influencée par l’administration des corticoïdes
(2)
. Lerôle pronostique péjoratif
de l’hypovitaminoseD a également été suggéré
(1)
.
En pratique, l’arrêt du médicament incriminé est obligatoire dès qu’une réaction
d’hyper sensibilité cutanée est suspectée. Le dépistage systématique d’une éventuelle
atteinte hépatique ou cardiaque est indispensable afin, si nécessaire, de commencer
une corticothérapie systémique, qui doit être diminuée très progressivement.
II
Références bibliographiques
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