mai 2009
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Médecine
& enfance
EXAMEN THIERRY
Thierry, dix ans, consulte pour une éruption cutanée non prurigineuse des poignets progressant depuis deux
semaines.
L’éruption a une disposition linéaire en bande et est constituée de petites papules hyperkéra-
tosiques rosées de 1 à 2 mm de diamètre
(voir photos ci-dessous)
. Le reste de l’examen est normal, sans adé-
nopathies et sans fièvre. L’enfant n’a aucun antécédent particulier. Il n’utilise pas de topique cutané et
ne prend pas de traitement par voie générale. Il n’y a pas de notion de lésions similaires dans son entou-
rage.
Quel est votre diagnostic ?
COUP DŒIL
J.C. Lips, F. Maiz,
service de pédiatrie,
centre hospitalier
Sud francilien, Evry
Photos : A. Leblanc
Rubrique dirigée
par A. Mosca,
alexis.mosca@
ch-sud-francilien.fr
EXAMEN DJIBRIL
Djibril, quinze ans, est adressé aux urgences pour l’aggravation d’un exanthème apparu quelques jours plus
tôt et laissant place progressivement à une desquamation généralisée (voir photos ci-dessous).
Il souffre d’une
encéphalopathie avec tétraparésie spastique sévère, associée à une épilepsie traitée par carbamazépine
(Tégrétol
®
) depuis un mois. A l’examen, on retrouve une desquamation diffuse non prurigineuse de
l’ensemble de l’épiderme associée à une érythrodermie. Il est apyrétique, son examen neurologique est
stable par rapport à son état de base, et le reste de l’examen est normal.
Quel est votre diagnostic ?
Voir les diagnostics page suivante
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DIAGNOSTIC DJIBRIL
Il s’agit d’un DRESS syndrome (drug reac-
tion with eosinophilia and systemic symp-
toms) dû à la carbamazépine.
Le DRESS syndrome correspond à une
réaction aiguë, sévère et spécifique à un
médicament. La réaction est indépen-
dante de la dose et de la concentration
du médicament, et survient toujours de
façon retardée (de une à huit semaines)
après son introduction. La liste des mo-
lécules incriminées n’est pas exhaustive,
mais les plus fréquemment retrouvées
restent les anticonvulsivants. C’est un
syndrome rare, qui touche 1/5000 à
10000 patients traités par antiépilep-
tiques. Récemment, l’implication de la
réactivation du virus HHV6 a été évo-
quée dans le déclenchement d’un
DRESS et comme facteur de mauvais
pronostic.
Cliniquement, la présentation est poly-
morphe, avec une éruption maculopapu-
leuse et une érythrodermie évoluant vers
une dermatite exfoliative et une atteinte
des muqueuses. Ces lésions s’accompa-
gnent d’adénopathies périphériques et
d’une atteinte systémique (hépatique,
rénale, cardiaque, pulmonaire, etc.).
Biologiquement, on recherche une hy-
peréosinophilie. Il est également inté-
ressant de réaliser une sérologie virale
HHV6 pour son intérêt diagnostique et
pronostique.
Le diagnostic positif est établi selon des
critères cliniques et biologiques
(cf. ta-
bleau)
.
Le traitement repose sur l’arrêt du mé-
dicament incriminé dès la suspicion de
son implication. L’application d’émol-
lients locaux peut aider à la cicatrisa-
tion des lésions. Des traitements par
corticoïdes, Ig polyvalentes et antivi-
raux sont à l’étude.
L’évolution se fait vers la guérison en
plusieurs semaines. La précocité de l’ar-
rêt du médicament responsable est es-
sentielle, car c’est un syndrome qui res-
te potentiellement dangereux avec
10 % de mortalité, principalement par
hépatite fulminante, myocardite ou in-
suffisance rénale aiguë.
La difficulté est ensuite de traiter l’épi-
lepsie de ces enfants, car la survenue
d’un DRESS contre-indique toutes les
amines aromatiques (Gardénal
®
, Tri-
leptal
®
, phénytoïne, etc.).
DIAGNOSTIC THIERRY
Il s’agit d’un lichen striatus.
C’est une dermatose bénigne de l’en-
fant, rare, d’étiologie inconnue. Elle at-
teint le plus souvent les enfants entre
deux et quinze ans (âge moyen : trois
ans). L’atopie pourrait en être un fac-
teur prédisposant.
L’éruption est constituée de petites pa-
pules hyperkératosiques rosées ou brun
pâle dont la topographie est caractéris-
tique : les lésions sont disposées en ban-
de unique, suivant les lignes de migra-
tion embryonnaire de Blaschko
(cf. sché-
ma)
. Elles siègent préférentiellement au
niveau des membres, mais se trouvent
parfois au niveau du tronc ou du visage.
L’atteinte est le plus souvent unilatéra-
le, mais les atteintes bilatérales sont
possibles. L’atteinte unguéale est pos-
sible mais rare, formant alors des sillons
ou des dépressions de la tablette.
L’éruption progresse en quelques se-
maines, puis disparaît en un an environ.
L’évolution vers une hypopigmentation
n’est pas rare, surtout sur les peaux fon-
cées.
Le diagnostic est essentiellement cli-
nique. La biopsie cutanée peut être utile
en cas de doute diagnostique. Les dia-
gnostics différentiels sont le lichen niti-
dus linéaire (rare) et surtout l’hamarto-
me épidermique verruqueux inflamma-
toire.
Le traitement n’est utile que pour des
raisons esthétiques. Il comprend des
corticoïdes topiques de classe II ou III,
mais leur efficacité n’a pas été démon-
trée pour la prévention de l’hypopig-
mentation séquellaire. Les topiques à
base de tacrolimus ou de pimécrolimus
sont à l’étude. Le plus important est de
rassurer les parents en leur expliquant
l’absence de risque de contagion ou de
généralisation.
Pour en savoir plus
Sur le DRESS syndrome :
AUTRET-LECA E. et al. : « Le DRESS syndrome, une réaction
d’hypersensibilité aux médicaments qui reste mal connue des
pédiatres », Arch. Pédiatr., 2007 ; 14 : 1439-41.
BOCQUET H., BAGOT M., ROUJEAU J.C. : « Drug-induced
pseudolymphoma and drug hypersensitivity syndrome (Drug Ra-
sh with Eosinophilia and Systemic Symptoms : DRESS) », Semin.
Cutan. Med. Surg., 1996 ; 15 : 250-7.
BOSDURE E. et al. : « Oxcarbazépine et syndrome DRESS : un
cas pédiatrique révélé par une hépatite fulminante », Arch. Pé-
diatr., 2004 ; 11 : 1073-1077.
ESHKI M. et al. : « Twelve year analysis of severe cases of drug
reaction with eosinophilia and systemic symptoms », Arch. Der-
matol., 2009 ; 145 : 67-72.
TOHYAMA M. et al. : « Association of human herpesvirus 6 reac-
tivation with the flaring and severity of drug-induced hypersensi-
tivity syndrome », Br. J. Dermatol., 2007 ; 157 : 934-40.
Sur le lichen striatus :
HAUBER K., ROSE C., BRÖCKER E.B. et al. : « Lichen striatus : cli-
nical features and follow-up in 12 patients », Eur. J. Dermatol.,
2000 ; 10 : 536-9.
GOSKOWICZ M.O., EICHENFIELD L.F. : « Onychodystrophy with
lichen striatus », Pediatr. Dermatol., 1994 ; 11 : 282-3.
PATRIZI A., NERI I., FIORENTINI C. et al. : « Lichen striatus : clini-
cal and laboratory features of 115 children », Pediatr. Dermatol.,
2004 ; 21 : 197-204.
Médecine
& enfance
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Critères diagnostiques du DRESS
(d’après Bocquet et al.)
DRESS : association de trois critères, un de
chaque catégorie
Eruption cutanée médicamenteuse
Anomalies hématologiques :
– hyperéosinophilie : éosinophiles > 1,5 109/l
– ou présence de lymphocytes atypiques
Participation systémique :
– adénopathies > 2 cm de diamètre
– ou hépatite (augmentation des
transaminases > 2 N)
– ou néphrite interstitielle
– ou pneumopathie interstitielle
– ou cardite
Lignes de Blaschko des membres
supérieurs
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