“ A De quoi sera fait le futur des MICI ?

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ÉDITORIAL
De quoi sera fait le futur
des MICI ?
What does the future hold in IBD?
“
A
Laurent
Peyrin-Biroulet
Service d’hépato-gastroentérologie,
CHU de Nancy.
fin de changer l’histoire naturelle des maladies inflammatoires
chroniques intestinales (MICI) et d’améliorer le quotidien
de nos patients, il va falloir viser de nouveaux objectifs
thérapeutiques tels que l’indice de Lémann, qui mesure la destruction
de la paroi intestinale (abcès, sténoses, fistules) dans la maladie
de Crohn. Le meilleur moyen d’y arriver est d’appliquer la stratégie
du “treat-to-target” (recommandations STRIDE [Selecting Therapeutic
Targets in Inflammatory Bowel Disease] de l’International Organization
for the Study of Inflammatory Bowel Disease), qui consiste à
surveiller de façon rapprochée le patient (symptômes) et son intestin
(endoscopie) afin d’obtenir une rémission complète.
La principale limite de cette stratégie est l’absence d’études contrôlées
ayant démontré son efficacité, même si les preuves indirectes
de la nécessité d’obtenir une rémission complète se sont accumulées
ces dernières années. Les recommandations STRIDE n’ont pas retenu
les marqueurs fécaux comme cible thérapeutique, puisque le seuil à ne
pas dépasser n’est pas connu (250 μg/g pour la calprotectine fécale ?)
et que, là encore, des études d’intervention sont devenues
indispensables. En ce qui concerne l’utilisation des biothérapies en
pratique clinique, 2 questions se posent quotidiennement : faut-il
doser les anti-TNF ? Par quelle biothérapie commencer, étant donné
l’enrichissement de notre arsenal thérapeutique ? Le dosage
des anti-TNF semble intéressant en cas de non-réponse primaire,
de perte de réponse secondaire et avant de réduire la posologie
de l’anti-TNF. Il n’y a pas d’indication à ce jour qui justifie de réaliser un
tel dosage à chaque perfusion ou à chaque injection chez un patient qui
est en rémission. Cinq biothérapies (l’infliximab, l’adalimumab,
le golimumab, le védolizumab et l’ustékinumab) peuvent actuellement
être utilisées en France chez les patients atteints de MICI. Comment
choisir ? Il s’agit ici d’un problème de riches qui est tout à l’avantage
de nos patients. En dehors des conditions de remboursement (ces
5 molécules ont ou auront la même autorisation de mise sur
le marché), il faut prendre en compte la voie d’administration
(sous-cutanée ou intraveineuse), qui est importante en termes
de satisfaction et de préférence des patients alors que l’observance n’est
pas influencée par ce paramètre. Il faut également prendre en compte
l’efficacité et la tolérance de chaque molécule. Les études comparant
ces biothérapies n’étant pas encore achevées et étant donné les limites
des méta-analyses, il est important de regarder le niveau de preuve
dans chaque indication. Par exemple, seuls les anti-TNF ont une
efficacité démontrée dans les fistules anopérinéales, et seul l’infliximab
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ÉDITORIAL
L’auteur déclare avoir des liens
d’intérêts avec MSD, Abbvie,
Takeda, Janssen, Norgine,
Ferring, Pfizer, Biogaran.
peut être utilisé en cas de poussée sévère de rectocolite hémorragique
ayant conduit à une hospitalisation. Leur coût respectif, qui a été
fortement impacté par l’arrivée des biosimilaires, sera un autre paramètre
à prendre en compte au moment de choisir la biothérapie
la plus adaptée à chaque patient. L’étude I-CARE, pilotée par le Groupe
d’étude thérapeutique des affections inflammatoires du tube digestif
et soutenue par l’European Crohn’s and Colitis Organisation, qui va
inclure prospectivement près de 20 000 patients ayant une MICI à travers
toute l’Europe (plus de 1 000 patients l’ont déjà été !) va nous apporter
des réponses dans ce domaine en permettant une comparaison directe
entre les biothérapies sur une grande base de données. Après l’étude
CESAME pour les thiopurines, les résultats de l’étude I-CARE pour les
biothérapies devraient également changer notre pratique. Même à l’ère
des biothérapies, il ne faut pas oublier de vieux médicaments presque
gratuits comme la ciclosporine ! Les données à long terme de 2 essais
contrôlés (CYSIF et CONSTRUCT) n’ont pas montré de différence entre
la ciclosporine et l’infliximab. Alors que faut-il faire ? En cas d’exposition
préalable aux thiopurines, il faut privilégier l’infliximab. Sinon, c’est au
cas par cas, sachant que le principal message à retenir pour la pratique
est qu’il faut agir vite et surveiller ces patients “comme le lait sur le feu”
en prenant une décision de changement ou d’optimisation thérapeutique
tous les 3 à 5 jours, si l’état général du patient le permet. En cas d’état
général altéré, il faut privilégier une colectomie. La prévalence des
carences nutritionnelles telles que la carence martiale est élevée chez
les patients atteints de MICI. Il faut donc les dépister systématiquement,
les traiter et effectuer une surveillance régulière afin de détecter une
rechute précoce.
”
Bonne lecture !
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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XIX - n° 4 - juillet-août 2016 | 175
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