
36 | La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012
DOSSIER THÉMATIQUE Grossesse et cancer du sein
rétrospective), si ≥ 6 cycles, le RR se situe entre 2,7
et 3,8 (cas-contrôle) [14].
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Autoriser une grossesse ne serait pas un argu-
ment suffisant pour autoriser une stimulation. En
effet, la grossesse est un état complexe de tolérance
immunitaire que l’hyperestrogénie ne résume pas.
Dans le but de diminuer l’hyperestrogénie induite par
la stimulation, différents protocoles de stimulation,
notamment par tamoxifène et par létrozole (15, 16),
sont actuellement proposés en préservation de la
fertilité et peuvent également être évoqués, bien que
n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché, en
stimulation de l’ovulation en France.
Évaluer les chances de réussite
en cas d’AMP
Il est important d’évaluer et d’informer de façon loyale
les couples sur les chances de réussite d’une AMP.
Théoriquement, en dehors d’une élévation franche
de la FSH, aucun marqueur ne doit être utilisé à lui
seul pour récuser une indication de prise en charge
en AMP (1). Il est recommandé de prendre la décision
en fonction d’un faisceau d’arguments. Il y a une forte
diminution des chances de grossesse et surtout de
grossesse avec naissance vivante chez les femmes
âgées de plus de 40 ans qui ont recours à une AMP
et ces chances deviennent quasi nulles à partir de 43
ans (1). Il est donc recommandé de ne pas proposer de
prise en charge médicale d’infécondité à une patiente
au-delà de 43 ans, les techniques d’AMP ne permet-
tant pas de compenser la diminution de fertilité liée à
l’âge (1). Lorsque les autres marqueurs sont normaux
(âge < 35 ans, état du cycle, FSH basale), l’AMH ou
le comptage folliculaire sont utiles (1).
En FIV, le taux d’AMH est proportionnel au nombre
d’ovocytes obtenus (17) et au succès de la FIV (18).
Une étude prospective réalisée à partir de 132
ponctions d’ovocytes (19) a retrouvé que 97 %
des mauvaises répondeuses (moins de 4 ovocytes
recueillis) avaient une AMH < 1,26 ng/ml, et que
88 % des très mauvaises répondeuses (moins de
2 ovocytes recueillis) avaient une AMH < 0,5 ng/ml.
Pour un taux d’AMH > 0,5 ng/ml, il n’y avait pas
de corrélation entre le taux d’AMH et le taux de
grossesse. Ainsi, en cas d’AMH basse, le couple devra
être informé de ces données.
En pratique
Une prise en charge en AMP devra être validée par
les équipes d’oncologie et d’AMP, après réalisation
d’un bilan complet (qui devra être renouvelé si la
grossesse tarde à survenir) [tableau I]. La patiente
devra également être surveillée en cours de gros-
sesse (tableau I).
Dans tous les cas, une décision d’AMP avec stimu-
lation se fera dans le cadre d’une décision médicale
partagée, après avoir informé les couples :
– des chances de grossesse, en prenant en compte
les marqueurs de réserve ovarienne ;
– des risques et incertitudes, de l’absence de données
sur l’effet des stimulations hormonales sur le risque
de récidive ;
– des données sur le pronostic de la maladie
mammaire selon le type de cancer et les traite-
ments reçus.
En cas de stimulation, certaines précautions devront
être respectées comme limiter le nombre de tenta-
tives, et surtout rediscuter après chaque tentative,
selon la réponse ovarienne, la qualité embryonnaire,
de l’intérêt ou non de poursuivre les traitements. Il
est important aussi que ces patientes soient prises
en charge par des équipes sensibilisées, et qu’elles
fassent si possible l’objet d’un enregistrement,
afin de pouvoir disposer de données plus solides
à l’avenir.
Place du don d’ovocytes
Le don d’ovocytes est une alternative à discuter avec
le couple, et doit être évoqué en cas d’insuffisance
ovarienne. En cas de don, la stimulation ovarienne
est effectuée chez la donneuse. Chez la receveuse,
le transfert d’embryon obtenu à partir d’ovocytes
de la donneuse pourra se faire au cours d’un cycle
spontané ou en cas d’insuffisance ovarienne sévère et
nécessiter un court traitement hormonal de substi-
tution jusqu’au relais placentaire. Il doit donc égale-
ment faire l’objet d’un accord en RCP. Cependant,
cette technique implique un renoncement pour la
femme à une grossesse avec ses propres ovocytes.
De plus, les délais de prise en charge sont longs en
France compte tenu du faible nombre de donneuses.
Une prise en charge à l’étranger est possible mais
coûteuse et à la charge des couples. ■
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