DOSSIER THÉMATIQUE Prise en charge de l’infertilité après cancer du sein Management of infertility after breast cancer Christine Rousset-Jablonski*, Anne de La Rochefordière**, Pascale This*** L a fertilité après cancer est devenue une préoccupation majeure en raison des progrès importants réalisés dans le traitement des cancers survenant chez des patientes jeunes permettant une survie prolongée. La fertilité est définie par l’aptitude à concevoir. Après traitement d’un cancer du sein, en cas de chimiothérapie, une insuffisance ovarienne chimioinduite peut expliquer l’infertilité. Cependant, il est important de replacer la notion de fertilité au sein du couple. Les 2 membres du couple, homme et femme, doivent être associés à égalité dans la recherche de l’étiologie (1). L’étiologie de l’infertilité peut en effet concerner l’un ou l’autre membre du couple, ou les 2. Prise en charge d’un désir de grossesse après cancer du sein Pouvoir envisager un traitement d’infertilité après cancer du sein implique de pouvoir envisager une grossesse. Ainsi, toutes les précautions nécessaires à la programmation d’une grossesse après cancer du sein doivent être prises. Une grossesse ne pourra s’envisager qu’après un certain délai écoulé après le cancer. sein sont arbitraires plutôt que bien déterminés par un consensus. Il faut tenir compte du type de cancer traité, de son pronostic, de l’âge de la patiente, et du risque de récidive, en prenant en compte le traitement réalisé. Après un carcinome in situ, le délai à respecter varie selon les équipes de 1 à 2 ans. En cas de cancer infiltrant sans atteinte ganglionnaire, le délai de prudence est plutôt de 2 à 3 ans. En cas d’atteinte ganglionnaire, le délai proposé est souvent plus long. En cas de cancer infiltrant RH+, la durée recommandée de l’hormonothérapie par tamoxifène (traitement de référence chez les femmes non ménopausées) est de 5 ans. Certaines patientes peuvent être amenées à envisager une grossesse avant la fin des cinq années de traitement, notamment lorsqu’elles atteignent un âge où la réserve ovarienne diminue plus rapidement (38 à 40 ans). Dans ces situations, il est important d’informer la patiente sur le fait que réduire la durée de ce traitement entraînerait une diminution de son bénéfice en termes de réduction du risque de récidive et de mortalité (3). La décision d’arrêter le tamoxifène avant ce délai de 5 ans appartient donc à la patiente et son conjoint, guidés par ces informations et par une concertation pluridisciplinaire. Un délai d’un minimum de 3 mois doit être respecté entre l’arrêt du tamoxifène et la conception (recommandation du Centre de référence sur les agents tératogènes [CRAT]). Délai à respecter avant de commencer une grossesse “Feu vert” oncologique Un certain délai est souvent recommandé avant de commencer une grossesse, compte tenu du risque de récidive suivant la prise en charge d’un cancer du sein. Le risque de récidive est élevé dans les 4 à 5 ans qui suivent le diagnostic chez les femmes jeunes, avec un risque particulièrement élevé dans les 2 à 3 ans pour les tumeurs triple-négatives (2). Les délais “d’autorisation” d’une grossesse après cancer du Une grossesse ne peut être envisagée chez une patiente métastatique ou en récidive de cancer du sein. Ainsi, avant d’autoriser une grossesse après cancer du sein, un bilan mammaire et d’extension doit être réalisé (tableau I). Le dossier doit être discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) avec le résultat de ce bilan afin de valider * Unité de génétique constitutionnelle, institut Curie, Paris, et service de gynécologie-endocrinologie, hôpital Hôtel-Dieu, Paris. ** Département de radiothé rapie, institut Curie, Paris. *** Pôle de sénologie et unité de génétique constitutionnelle, institut Curie, Paris. La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012 | 33 Mots-clés Infertilité Insuffisance ovarienne Stimulation Décision médicale partagée Highlights The infertility investigations should concerns both partners, and should include an assessment of ovarian reserve associated to a semen analysis and an hysterography. Any ART after breast cancer should be preceded by breast and general imaging and should be a multidisciplinary decision. Before an ART after breast cancer, couples should always be informed honestly about their chances to achieve a pregnancy, and about the uncertainty on the effect of ovarian stimulation on the recurrence risk. Keywords Infertility Ovarian insufficiency Points forts » Le bilan d’infertilité doit concerner les 2 membres du couple et comprend une évaluation de la réserve ovarienne, associée au minimum à un spermogramme en première intention, et une hystérographie. » Toute assistance médicale à la procréation (AMP) après cancer du sein doit être précédée d’un bilan mammaire et d’extension complet, ainsi que d’une discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire. » Avant une décision d’AMP après cancer du sein, les couples doivent systématiquement être informés loyalement sur leurs chances d’aboutir à une grossesse, et sur les incertitudes concernant l’effet d’une stimulation ovarienne sur le risque de récidive. l’autorisation de grossesse. Une fois le “feu vert” donné, la patiente pourra arrêter sa contraception. Prise en charge d’un couple infertile : le bilan d’infertilité Délai avant le bilan d’infertilité La réalisation d’un bilan d’infertilité ne se conçoit qu’après un certain délai passé sans survenue de grossesse au sein d’un couple ayant des rapports réguliers. Pour un couple sans antécédent particulier, ce bilan est recommandé après un délai de 1 an de rapports sans grossesse. Ce bilan est conseillé après un délai de 6 mois sans grossesse lorsque la femme a plus de 35 ans (4). Dans un contexte d’antécédent de cancer du sein avec chimiothérapie ayant potentiellement altéré la réserve ovarienne, il semble raisonnable de proposer un délai de 6 mois sans grossesse, après lequel il faudra envisager un bilan d’infertilité. Stimulation Évaluation de la réserve ovarienne La fécondabilité (probabilité de concevoir au cours d’un cycle) est évaluée à 25 % par cycle en moyenne Tableau I. Bilans à réaliser et précautions à respecter avant la prise en charge d’une infertilité après cancer du sein. Bilan complet avant grossesse (à renouveler si la grossesse tarde à venir) Bilan mammaire : mammographie ± échographie mammaire Bilan d’extension : – CA 15-3 – TDM thoraco-abdomino-pelvienne – scintigraphie osseuse Échographie cardiaque En cas d’antécédent de chimiothérapie par anthracyclines, pour évaluation de la fraction d’éjection ventriculaire IRM mammaire et échographie pelvienne En cas de prédisposition familiale avec ou sans mutation de BRCA1/2 Discussion du dossier en RCP ”Feu vert“ oncologique pour la grossesse Validation de la prise en charge en assistance médicale à la procréation En cours de grossesse Examen clinique régulier Mammographie + échographie mammaire Idéalement mensuel, au cours des consultations de suivi obstétrical En cas de signe d’appel clinique 34 | La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012 avec une grande variabilité en fonction de l’âge et de la réserve ovarienne (5). L’altération de la fonction ovarienne par la chimiothérapie varie en fonction de l’âge de la patiente, de sa réserve ovarienne au moment du traitement, du type et des doses de chimiothérapies utilisées. Il est donc important de pouvoir évaluer la réserve ovarienne des patientes après chimiothérapie. Certains signes cliniques sont évocateurs d’une diminution de la réserve ovarienne (raccourcissement des cycles, spanioménorrhée associée à des bouffées de chaleur), mais surviennent tardivement dans le processus de diminution de réserve ovarienne (6). Des examens complémentaires sont donc utiles à l’évaluation de la réserve ovarienne (tableau II) : ➤ Les dosages couplés de FSH et d’estradiol au 3e jour du cycle. Une FSH élevée (> 8) ou un estradiol élevé associé à une FSH normale sont des marqueurs d’insuffisance ovarienne (7). ➤ Le dosage de l'hormone antimüllérienne (AMH), produite par les follicules préantraux et antraux est un marqueur de réserve ovarienne, qui présente l’avantage de pouvoir être dosé à tout moment du cycle, et qui est mieux corrélé au compte de follicules antraux que les dosages d’estradiol et de FSH au 3e jour du cycle (8). Il présente cependant des difficultés d’interprétation, notamment en cas de syndrome des ovaires polykystiques (taux faussement élevé), ou en cas d’hypogonadisme hypogonadotrope (taux abaissé pour certains auteurs) [9]. De plus, sa valeur prédictive sur la probabilité d’obtention de grossesse spontanée est mal connue. ➤ Le compte des follicules antraux par échographie pelvienne (qui correspond au pool des follicules stimulables par la FSH) est proportionnel au nombre total de follicules restants, avec une très bonne corrélation avec l’âge (r = –0,68, p = 0,001) [10]. Un compte folliculaire inférieur à 7 fait suspecter fortement une diminution de la réserve ovarienne. Ce compte est réalisé au cours d’une échographie pelvienne par voie endovaginale, et est classiquement réalisé en début de phase folliculaire. L’évaluation de la réserve ovarienne se fait par intégration de l’ensemble de ces paramètres. Elle est indispensable dans le contexte d’antécédent de chimiothérapie, et peut donner des indications sur la probabilité de réponse ovarienne attendue DOSSIER THÉMATIQUE à la stimulation. Cependant, la valeur prédictive sur la fertilité spontanée de ces marqueurs après chimiothérapie est mal connue. Bilan d’infertilité du couple En plus des examens en vue de l’évaluation de la réserve ovarienne, d’autres examens complémentaires sont nécessaires (tableau II) [1]. En effet, les causes masculines pures et mixtes concernent respectivement environ 20 % et 30 % des cas d’infertilité. Pour les causes féminines, les troubles de l’ovulation (indépendants d’une diminution de la réserve ovarienne), les causes tubaires et l’endométriose représentent respectivement 15, 20 et 10 % des cas d’infertilité. Prise en charge d’une infertilité après cancer du sein Après réalisation du bilan d’infertilité, les différentes options de prise en charge doivent être évoquées avec le couple. Il faut envisager en première intention, le cas échéant, toutes les possibilités de traitement d’infertilité autre que l’assistance médicale à la procréation (AMP) à proprement parler. Ainsi, le traitement d’une hyperprolactinémie, la réalisation d’un drilling ovarien dans un contexte de syndrome des ovaires polykystiques, d’une plastie tubaire, etc. doivent être évoqués dans les situations le permettant. En cas d’indication de fécondation in vitro (FIV), on peut évoquer la possibilité de FIV en cycle spontané. Lorsque ces alternatives ne sont pas possibles, la question d’une stimulation ovarienne peut se poser. Peut-on envisager une stimulation ovarienne après cancer du sein ? Avec les protocoles classiques, l’hyperstimulation ovarienne provoquée en cours d’AMP entraîne une augmentation importante des taux d’estradiol et pourrait de ce fait être délétère chez les patientes ayant été prises en charge pour un cancer du sein. Ainsi, la pratique de stimulation après cancer du sein ne fait pas l’objet de consensus, et il n’existe actuellement aucun élément permettant de prouver l’innocuité des stimulations ovariennes après cancer du sein. On peut avancer différents arguments pour ou contre leur réalisation. Tableau II. Examens à réaliser dans le cadre d’un bilan d’infertilité. Type d’examen Objectifs de l’examen Examens complémentaires à réaliser en première intention Dosage de FSH et d’estradiol au 3e jour du cycle Évaluation de la réserve ovarienne Dosage de l'hormone antumüllérienne (AMH) Évaluation de la réserve ovarienne Compte des follicules antraux Évaluation de la réserve ovarienne Spermogramme avec spermocytogramme Hystérographie Appréciation de la taille et morphologie de la cavité utérine, aspect et perméabilité tubaire, brassage péritonéal Examen à réaliser en deuxième intention, selon le contexte, les antécédents et les résultats du bilan de première intention Test post-coïtal Test de migration survie et spermoculture Cœlioscopie Hystéroscopie En vue d’une assistance médicale à la procréation Exploration de la cavité péritonéale, perméabilité tubaire Exploration de la cavité utérine ◆ Arguments pour leur réalisation ➤ La plupart des études ne retrouvent pas de lien entre AMP et risque de cancer du sein chez les femmes indemnes : une méta-analyse (11) reprenant les données de 15 études (11 cohortes, 4 cas-contrôle) n’a pas retrouvé d’association significative entre FIV et risque de cancer du sein. Un total de 60 050 femmes avaient été traitées par induction de l’ovulation ou FIV. Le risque relatif (RR) de cancer du sein n’était pas augmenté significativement après AMP, ni après FIV (RR : 1,06 ; p = 0,337 et RR : 0,88 ; p = 0,231 respectivement). Une étude de cohorte (12) portant sur 54 362 femmes n’a pas retrouvé de lien entre AMP et cancer du sein, quels que soient le nombre de cycles et l’âge. ➤ La grossesse constitue un état prolongé d’hyperestrogénie. On peut supposer que l’hyperestrogénie transitoire induite par la stimulation ovarienne ait un effet mineur comparé à cette hyperestrogénie d’une durée de 9 mois. Ainsi, en cas d’autorisation de grossesse, une contre-indication à une stimulation peut sembler injustifiée. ◆ Arguments contre leur réalisation ➤ Certaines études suggèrent un effet de l’âge au moment des stimulations sur le risque de cancer du sein chez les femmes indemnes, avec notamment une augmentation du risque chez les femmes de plus de 40 ans (Standardized Incidence Ratio [SIR] : 1,9 ; IC 95 : 0,97-3,30) [cohorte rétrospective] (13). D’autres études ont rapporté une augmentation du risque liée au nombre de cycles : si ≥ 4 cycles, le SIR est égal à 2,0 (IC95 : 1,15-3,27) [13] (cohorte Références bibliographiques 1. Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Management of the infertile couple. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2010;39:S1, S113-8. 2. Dent R, Trudeau M, Pritchard KI, et al. Triple-negative breast cancer: clinical features and patterns of recurrence. Clin Cancer Res 2007;13:4429-34. 3. Davies C, Godwin J, Gray R et al. Relevance of breast cancer hormone receptors and other factors to the efficacy of adjuvant tamoxifen: patient-level meta-analysis of randomised trials. Lancet 2011;378:771-84. 4. Communiqué de presse du Collège national des gynécologues obstétriciens français, Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale et Société française de gynécologie du 4 décembre 2008. 5. Leridon H. Can assisted reproduction technology compensate for the natural decline in fertility with age? A model assessment. Hum Reprod 2004;19:1548-53. 6. Brodin T, Bergh T, Berglund L, Hadziosmanovic N, Holte J. Menstrual cycle length is an age-independent marker of female fertility: results from 6 271 treatment cycles of in vitro fertilization. Fertil Steril 2008;90:1656-61. 7. Sowers MR, Zheng H, McConnell D et al. Follicle stimulating hormone and its rate of change in defining menopause transition stages. J Clin Endocrinol Metab 2008;93:395864. La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012 | 35 DOSSIER THÉMATIQUE Références bibliographiques 8. de Vet A, Laven JS, de Jong FH, Themmen AP, Fauser BC. Antimullerian hormone serum levels: a putative marker for ovarian aging. Fertil Steril 2002;77:357-62. 9. Tran ND, Cedars MI, Rosen MP. The role of anti-mullerian hormone (AMH) in assessing ovarian reserve. J Clin Endocrinol Metab;96:3609-14. 10. Scheffer GJ, Broekmans FJ, Looman CW et al. The number of antral follicles in normal women with proven fertility is the best reflection of reproductive age. Hum Reprod 2003;18:700-6. 11. Salhab M, Al Sarakbi W, Mokbel K. In vitro fertilization and breast cancer risk: a review. Int J Fertil Womens Med 2005;50:259-66. 12. Jensen A, Sharif H, Svare EI, Frederiksen K, Kjaer SK. Risk of breast cancer after exposure to fertility drugs: results from a large Danish cohort study. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2007;16:1400-7. 13. Pappo I, Lerner -Geva L , Halevy A et al. The possible association between IVF and breast cancer incidence. Ann Surg Oncol 2008;15:1048-55. 14. Burkman RT, Tang MT, Malone KE et al. Infertility drugs and the risk of breast cancer: findings from the National Institute of Child Health and Human Development Women's Contraceptive and Reproductive Experiences Study. Fertil Steril 2003;79:844-51. 15. Azim AA, Costantini-Ferrando M, Oktay K. Safety of fertility preservation by ovarian stimulation with letrozole and gonadotropins in patients with breast cancer: a prospective controlled study. J Clin Oncol 2008;26:2630-5. 16. Rodriguez-Wallberg KA, Oktay K. Fertility preservation in women with breast cancer. Clin Obstet Gynecol;53:753-62. 17. Seifer DB, MacLaughlin DT, Christian BP, Feng B, Shelden RM. Early follicular serum mullerian-inhibiting substance levels are associated with ovarian response during assisted reproductive technology cycles. Fertil Steril 2002;77:468-71. 18. Eldar-Geva T, Ben-Chetrit A, Spitz IM et al. Dynamic assays of inhibin B, anti-Mullerian hormone and estradiol following FSH stimulation and ovarian ultrasonography as predictors of IVF outcome. Hum Reprod 2005;20:3178-83. 19. G n o t h C , S c h u r i n g A N , Friol K,Tigges J, Mallmann P, Godehardt E. Relevance of anti-Mullerian hormone measurement in a routine IVF program. Hum Reprod 2008;23:1359-65. Grossesse et cancer du sein rétrospective), si ≥ 6 cycles, le RR se situe entre 2,7 et 3,8 (cas-contrôle) [14]. ➤ Autoriser une grossesse ne serait pas un argument suffisant pour autoriser une stimulation. En effet, la grossesse est un état complexe de tolérance immunitaire que l’hyperestrogénie ne résume pas. Dans le but de diminuer l’hyperestrogénie induite par la stimulation, différents protocoles de stimulation, notamment par tamoxifène et par létrozole (15, 16), sont actuellement proposés en préservation de la fertilité et peuvent également être évoqués, bien que n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché, en stimulation de l’ovulation en France. Évaluer les chances de réussite en cas d’AMP Il est important d’évaluer et d’informer de façon loyale les couples sur les chances de réussite d’une AMP. Théoriquement, en dehors d’une élévation franche de la FSH, aucun marqueur ne doit être utilisé à lui seul pour récuser une indication de prise en charge en AMP (1). Il est recommandé de prendre la décision en fonction d’un faisceau d’arguments. Il y a une forte diminution des chances de grossesse et surtout de grossesse avec naissance vivante chez les femmes âgées de plus de 40 ans qui ont recours à une AMP et ces chances deviennent quasi nulles à partir de 43 ans (1). Il est donc recommandé de ne pas proposer de prise en charge médicale d’infécondité à une patiente au-delà de 43 ans, les techniques d’AMP ne permettant pas de compenser la diminution de fertilité liée à l’âge (1). Lorsque les autres marqueurs sont normaux (âge < 35 ans, état du cycle, FSH basale), l’AMH ou le comptage folliculaire sont utiles (1). En FIV, le taux d’AMH est proportionnel au nombre d’ovocytes obtenus (17) et au succès de la FIV (18). Une étude prospective réalisée à partir de 132 ponctions d’ovocytes (19) a retrouvé que 97 % des mauvaises répondeuses (moins de 4 ovocytes recueillis) avaient une AMH < 1,26 ng/ml, et que 88 % des très mauvaises répondeuses (moins de 2 ovocytes recueillis) avaient une AMH < 0,5 ng/ml. Pour un taux d’AMH > 0,5 ng/ml, il n’y avait pas de corrélation entre le taux d’AMH et le taux de grossesse. Ainsi, en cas d’AMH basse, le couple devra être informé de ces données. 36 | La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012 En pratique Une prise en charge en AMP devra être validée par les équipes d’oncologie et d’AMP, après réalisation d’un bilan complet (qui devra être renouvelé si la grossesse tarde à survenir) [tableau I]. La patiente devra également être surveillée en cours de grossesse (tableau I). Dans tous les cas, une décision d’AMP avec stimulation se fera dans le cadre d’une décision médicale partagée, après avoir informé les couples : – des chances de grossesse, en prenant en compte les marqueurs de réserve ovarienne ; – des risques et incertitudes, de l’absence de données sur l’effet des stimulations hormonales sur le risque de récidive ; – des données sur le pronostic de la maladie mammaire selon le type de cancer et les traitements reçus. En cas de stimulation, certaines précautions devront être respectées comme limiter le nombre de tentatives, et surtout rediscuter après chaque tentative, selon la réponse ovarienne, la qualité embryonnaire, de l’intérêt ou non de poursuivre les traitements. Il est important aussi que ces patientes soient prises en charge par des équipes sensibilisées, et qu’elles fassent si possible l’objet d’un enregistrement, afin de pouvoir disposer de données plus solides à l’avenir. Place du don d’ovocytes Le don d’ovocytes est une alternative à discuter avec le couple, et doit être évoqué en cas d’insuffisance ovarienne. En cas de don, la stimulation ovarienne est effectuée chez la donneuse. Chez la receveuse, le transfert d’embryon obtenu à partir d’ovocytes de la donneuse pourra se faire au cours d’un cycle spontané ou en cas d’insuffisance ovarienne sévère et nécessiter un court traitement hormonal de substitution jusqu’au relais placentaire. Il doit donc également faire l’objet d’un accord en RCP. Cependant, cette technique implique un renoncement pour la femme à une grossesse avec ses propres ovocytes. De plus, les délais de prise en charge sont longs en France compte tenu du faible nombre de donneuses. Une prise en charge à l’étranger est possible mais coûteuse et à la charge des couples. ■