Forum Med Suisse 2010;10(4):66 66
curriculum
épidémiques [9]. Rien qu’en Angleterre et au Pays de
Galles 650000 cas de gastroentérite à norovirus se dé-
clarent chaque année [10]. Aux Etats-Unis, ce chiffre
est estimé à 2,3 millions. Des études ont montré que
93% de 233 épidémies de gastroentérite entre 1997 et
2000 aux Etats-Unis et 85% de 3714 épidémies entre
1995 et 2000 en Europe
étaient dues aux noro-
virus [6, 11]. En Suisse
allemande uniquement
73 épidémies ont été
recensées entre 2001 et
2003 [12].Les épidé-
mies d’infections à norovirus éclosent de préférence là
où des personnes vivent très proches les unes des
autres et le virus peut rapidement se transmettre par
les vomissements et les diarrhées. En Suisse, 34% ont
été enregistrées dans des homes pour personnes âgées
et 25% dans des hôpitaux [12].
La grande contagiosité et l’insensibilité des norovirus
aux influences extérieures sont d’importantes condi-
tions pour une dissémination efficace de ces patho-
gènes. Des études récentes confirment l’observation cli-
nique que la dose infectieuse minimale est très faible.
10% des volontaires sains sont infectés avec une dose
inoculée de 103génomes viraux, et 70% avec 108[13].
Quelque 100 millions de particules virales sont élimi-
nées dans chaque gramme de selles [14]. Dans les ins-
titutions communautaires, la transmission d’homme à
homme est de loin la plus importante voie d’infection.
La principale est la transmission fécale-orale, soit di-
rectementd’homme àhomme ou indirectement par des
surfaces ou objets contaminés [15]. Le vomissement
produit des gouttelettes qui seront transportées sur de
longues distances. Dans les cas sporadiques ou épidé-
miques hors institution, les aliments ou l’eau potable
contaminée sont une cause fréquente [16]. Dans les
pays industrialisés, la moitié de ces cas environ est
associée à des personnes malades travaillant dans le
secteur alimentaire. Huîtres et moules sont des causes
d’épidémie bien documentées dans la littérature [17,
18]. Les huîtres filtrent d’importantes quantités d’eau
avec pour conséquence une accumulation de norovirus.
Des pluies importantes avec de grandes quantités d’eau
de surface s’écoulant dans la mer peuvent être à l’ori-
gine de la contamination des ostréicultures [17]. Une
étude sur des huîtres importées en Suisse a montré la
présence de norovirus dans 8 échantillons sur 87
(9,4%) [19].
Les épidémies à norovirus ont un caractère saisonnier
très marqué, surtout pendant les mois d’hiver et au
printemps. Une explication pourrait être la relation
complexe entre environnement et hôte d’une part et
immunité focale (d’une population contre telle ou telle
souche de norovirus) de l’autre. Des températures
basses, un rayonnement ultraviolet plus faible en hiver
de même que la vie plus à l’étroit de la population pen-
dant la saison froide augmentent le potentiel de conta-
mination. Ces facteurs peuvent quant à eux déclencher
une épidémie saisonnière qui avec la contamination de
la population provoque une immunité focale avec flé-
chissement progressif de l’épidémie au printemps.
C’est à ce moment que la pression de sélection est la
plus élevée pour le virus et en été arrivent de nouvelles
variantes génotypiquement différentes [20]. Il s’est
avéré que l’augmentation des épidémies à norovirus
dans le monde entier est fonction de la dissémination
épidémique de nouvelles variantes [21].
Pathogenèse et réponse immunitaire
Nous savons depuis les années 1970 que certains fac-
teurs de l’hôte jouent un rôle dans l’infection à noro-
virus. Des études chez des sujets sains ont montré que
certains ne développeront pas d’infection.
Des études récentes montrent que les norovirus se lient
aux cellules épithéliales gastro-intestinales par des sé-
quences polysaccharidiques spécifiques d’antigènes
de groupe sanguin [22].
Les antigènes des sys-
tèmes A, B, O et Lewis
sont des récepteurs de
ce virus. Les entérocytes
matures des sommets
des villosités intestinales
expriment dans une
importante mesure ces
antigènes sanguins et servent donc de cellules cibles
préférentielles aux norovirus [23].
La protection de certaines personnes est mise en rela-
tion avec l’absence de récepteur au norovirus. Les dif-
férentes souches de norovirus utilisent cependant diffé-
rents antigènes de groupe sanguin comme récepteurs,
ce qui fait qu’aucune protection n’est garantie contre
toutes les souches.
Les norovirus se sont parfaitement adaptés à leur hôte
dans leur évolution. Leur cycle de vie est relativement
simple. Ils se répliquent dans les entérocytes, provo-
quent une maladie de brève durée et sont éliminés en
grande quantité pour infecter leur prochaine victime.
Pour se multiplier dans la cellule infectée, le virus se sert
d’une propre polymérase d’ARN qui contrairement àde
nombreuses autres polymérases n’a pas de fonction
correctrice, ce qui fait que les mutations sont fréquentes
et que la diversité antigénique est grande [24]. Il n’est
donc pas étonnant que les norovirus n’induisent pas de
réponse immunitaire importante et prolongée. Les per-
sonnes ayant contracté une infection peuvent ainsi re-
tomber malades la saison suivante.
Manifestation clinique
L’ infection à norovirus se manifeste par un épisode gé-
néralement violent et autolimité de gastroentérite chez
des personnes par ailleurs en parfaite santé (fig. 1 x).
Après une période d’incubation de 6 à 48 heures sur-
viennent nausée (95%), vomissements (81%), crampes
abdominales (83%) et diarrhée aqueuse (83%). Les
diarrhées sans vomissement ou les vomissements uni-
quement touchent un patient sur 5 environ (19 et 17%
resp.). La diarrhée sanguinolente ne se voit pratique-
ment jamais et doit faire penser à une autre étiologie.
Le vomissement produit des
gouttelettes qui seront
transportées sur de longues
distances
Lesnorovirus n’induisent
pas de réponse immunitaire
importante et prolongée
car pour se multiplier
ils se servent d’une propre
polymérase d’ARN