LA STRUCTURE ONTOLOGIQUE DE L’HOMME : DU DUALISME CORPS ESPRIT :

Annales FLSH N° 19 (2015)
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LA STRUCTURE ONTOLOGIQUE DE L’HOMME :
DU DUALISME CORPS
ET AME A LA TRILOGIE CORPS, AME ET
ESPRIT :
Une réflexion anthropologico-métaphysique
Par
PALUKU MALONGA Eugène et
MUSAMBAY RAMAZANI Lucien
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ABSTRACT:
The ontological structure of man is the basis for various
religious and philosophical controversies from antiquity to the
present day. Ancient philosophers, medieval, modern and
postmodern have continued to philosophize on this issue. Despite
various opinions on the body; mind and spirit report, our
fundamental objective is to try overcoming dualism (body- soul) to
the trilogy (body, soul and spirit) by placing us in the Edith Stein
perspective. In other words; man is not only and soul, it body, mind
and spirit. These three components create a network of energy
exchange and interact for the maintenance, development and
fulfillment of the human being.
De la phénoménologie du problème
La structure ontologique de l’homme pose toujours des
problèmes d’ordre anthropologique, religieux et métaphysique. Les
débats philosophiques sur le corps, l’âme et l’esprit présents dans
l’histoire de la philosophie et de la religion depuis l’Antiquité
jusqu’à nos jours en sont la preuve.
Bien des penseurs ont réfléchi sur le rapport entre ces 3
réalités existentielles et leur destinée. Parmi les philosophes et pères
de l’Eglise qui ont fait du dualisme (corps et âme), soit la trilogie
(corps, âme et esprit) l’un des thèmes de leur réflexion, nous
pouvons citer : Aristote, Platon, Plotin, Saint Augustin, Saint
Thomas d’Aquin, R. Descartes, Malebranche, Henri Bergson,
Merleau Ponty, Hurssel, Edith Stein,…
L’époque médiévale caractérisée principalement par le rapport
entre la foi et la raison, ne peut jamais se dérober face à cette
problématique. Les philosophes scolastiques y ont pensé et ont tenté
de trouver le rapport longtemps discuté en philosophie et en
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Assistants de Recherche au CRIDE de l’Université de Kisangani
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religion, du corps et de l’âme ; de l’âme au corps, du corps à l’âme
et à l’esprit. Aujourd’hui, plus qu’hier, la question se pose avec
acuité : « la structure ontologique de l’homme est-elle elle corps,
âme et esprit ? ».
Toutefois, les réponses proposées ont laissé l’homme inassouvi
et le problème demeure. Certains, affirment que dans le dualisme
(corps et âme) ou dans la trilogie (corps-âme et esprit) Chaque
composante peut exister indépendamment.
A travers, cet article, nous essayons de livrer une flexion qui
pourra nous permettre de relancer ce débat et de proposer notre
lecture.
Partant de l’hypothèse selon laquelle l’homme est constitué du
corps et de l’âme, notre objectif fondamental est de vouloir dépasser
ce dualisme, en intégrant une troisième composante ; l’esprit, à la
suite d’Edith Stein.
En effet, quelle est la considération phénoménologique du
cops et de l’âme et leur destinée ? L’homme est-il une double
substance : le corps et l’âme, dont l’une, le corps enchaînerait l’âme
et la desservirait ? L’âme peut-elle se passer du corps dans l’acte
d’exister de l’homme ? Le corps et l’âme peuvent-ils exister sans
l’esprit ? En parlant de l’être humain, il existe combien de sortes de
corps ? Quelle est la considération phénoménologique du corps et de
l’âme ? Quel rapport peut-on établir entre le corps, âme et esprit ?
Autant de questions qui hantent notre esprit et qui nous aideront à
analyser la structure ontologique de l’homme.
Hormis l’introduction et la conclusion, notre réflexion sera
structurée sur les points suivants :
1. De la considération phénoménologique du corps et de l’âme ;
2. De la destinée du corps et de l’âme ;
- L’émanation de l’âme
- La transmigration de l’âme
3. Le rapport entre corps, âme et esprit
4. De l’eschatologie du corps, âme et esprit
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I. DE LA CONSIDERATION PHENOMENOLOGIQUE DU CORPS
ET DE L’AME
En parlant de l’homme, on distingue généralement deux sortes
de corps : le corps pneumatique, par opposition au corps psychique
ou animal. Ce dernier est réduit aux seules possibilités et lois de la
nature, et vouée à la mort.
L’âme est immatérielle. Considérée comme principe de vie.
C’est le principe par lequel l’homme vit, sent, peut se mouvoir et
comprendre. Aristote parlait de sortes d’âmes : l’âme végétative
caractérisée par la reproduction et la nutrition, l’âme sensitive qui
instruit aussi bien les sens externes ‘vue, ouïe, odorat,…) que les
sens internes (imagination, mémoire,…) et l’âme intellective qui
appartient en propre à l’homme.
Concernant l’origine de l’âme intellective ou raisonnable, trois
explications ont été données par les différents courants de pensées.
La première explication sur l’origine de l’âme, est celle du «
traducianisme », qui soutient que l’âme est une semence matérielle
ou spirituelle des parents. La deuxième explication est celle de
« l’émanatisme ». Pour celle-ci, l’âme est une émanation de la
substance divine par division ou par communication .La troisième
explication est celle du « créationnisme ». Selon cette dernière,
l’âme est créée par Dieu.
En effet, le corps et l’âme sont deux éléments essentiels
interdépendants dans leur existence. On ne peut en aucun cas les
séparer. A ce propos, le théologien François Varillon (1989, p.720)
dira : « le corps n’est pas en nous un élément tout extérieur dont
l’âme pourrait se passer. Le corps fait partie essentiellement de
notre être. Le corps et l’âme sont aussi liés l’un à l’autre dans l’acte
même d’exister que le son et le sens dans l’acte de parler.De même
que la parole est indivisiblement au son et au sens, de même, tout
aussi indivisiblement l’existence humaine est corps et âme ».
Toutefois, chacun de ces deux éléments a ses caractéristiques
propres. Le corps reconnu comme matière est un élément que nous
pouvons juger de récepteur. Pour Platon, le corps est à considérer
comme « le tombeau de l’âme ». La phénoménologie nous pousse à
affirmer, comme le souligne Henri Bergson, l’expression « corps et
âme » ou encore « corps et esprit » ne peut être étudiée qu’en
considérant la relation entre le cerveau et la moire. Le corps est
l’intermédiaire qui met notre esprit en relation avec d’autres êtres.
Cette relation n’est qu’au niveau phénoménologique. C’est en ce
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sens qu’on dira que le corps est l’instrument de notre action,
pourquoi pas l’outil de sélection de notre pensée.
En fait, la perceptibilité du corps est une qualité, si l’on peut
l’exprimer ainsi, d’un être toujours en relation. Ceci nous fait
comprendre sa matérialité et elle se distingue de l’âme qui est
immatérielle. Et, comme le dit Platon dans le Phèdre, « c’est à
l’ensemble formé d’une âme qui est un assemblage, qu’on a donné le
nom du vivant ». Ainsi, la différence entre le corps et l’âme n’est
pas à rejeter. L’âme est distincte du corps. C’est elle qui contient le
corps, comme l’enfant vient des parents. C’est à ce niveau que Plotin
parlait de l’âme incarnée ou de l’état de l’âme incarné. Cette âme
dans le monde sensible est alourdie d’annexes, de la perception, de
l’imagination, du sentiment, d’émotion comme l’affirme Platon dans
« Théétète ». C’est par là que l’âme devient mauvaise. Dans la
même perspective, la corporéité limite l’âme. A ce sujet, Plotin dira
que le mal n’a pas d’existence pour soi. C’est le contraire ou manque
du Beau, du Bien, incompréhension du Bien, c’est une force
cosmique qui limite l’harmonie de l’univers comme l’ombre résiste à
répandre la lumière.
A en croire Platon, le monde matériel est caractérisé par la
dispersion. Mais cela ne veut pas dire que la réalité matérielle est
mauvaise. Seulement, elle est loin d’être parfaite. Il y a donc
possibilité de la purifier. Cette purification ne parviendra que par
l’émanation. D’où la couverte de l’exercice contemplatif. C’est
dans ce sens que Platon dans « Théétète » (1968 p.176B) clare :
« cette découverte de la totalité intelligible et la beauté originelle est
l’assimilation à Dieu par laquelle nous devenons consciemment juste
et saint. C’est le résultat de la fuite de ce monde matériel vers un
autre ». C’est à ce titre qu’il considère qu’il y a deux mondes
distincts (un monde sensible, matériel ou monde des apparences et
un monde des idées ou monde intelligible). C’est pourquoi, Platon
invite ses interlocuteurs à la contemplation du monde des idées qui
est le véritable monde, monde du « Bien », de la « justice » et de la
véritable « Beauté ». C’est ainsi que le Platonisme est
appelé « Théorie des idées ». Et, dans sa philosophie, Platon pense
que l’âme connait le monde véritable pour y avoir séjourné avant sa
chute dans le corps et celle ci doit faire un effort pour se rappeler
ce qu’elle avait contemplé dans le monde des idées. C’est ce qu’on
appelle « Théorie de la réminiscence ». Pour Platon, c’est l’âme qui
constitue l’être profond de l’homme, le corps est une enveloppe ou
une simple carapace matérielle qui empêche l’âme de s’élever vers le
monde véritable. Il prône ainsi un dualisme anthropologique, c-à-d
l’homme est composé de deux parties distinctes et dépendantes l’une
de l’autre : le corps et l’âme.
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Cette pensée platonicienne était reprise par Saint Augustin. Ce
dernier, dans son anthropologie, n’a pas manqué de parler de ces
deux réalités, l’esprit et la matière que nous avons voulu distancier
de l’âme et du corps. Saint Augustin souligne dans ses
« Confessions » l’avantage de l’âme et du corps. C’est cette dernière
qui permet à l’homme d’atteindre l’Etre Absolu. C’est dans ce sens
qu’on peut parler du devenir de l’homme.
II. DE LA DESTINEE DU CORPS ET DE L’AME
La destinée du corps et de l’âme est l’une des préoccupations
majeures qu’on retrouve dans l’histoire de la philosophie et de
religions à travers toutes les cultures du monde. Dans son livre sur
l’âme : « De quantitate animae », RATRAMNE (1972 p.246-247)
montre que « l’âme n’est ni localisée et ni circonscrite ». Ici,
Ratramne niait contre Paschase, que le corps du Christ soit
matériellement présent sur l’autel, il y est à titre spirituel. Toutefois,
peut-on penser à la pluralité et à l’unité absolue des âmes ? Cette
question si délicate a pu être l’objet de débats houleux chez les
penseurs scolastiques. Certains repousseront avec toute énergie la
pluralité des âmes. Et d’autres encore pensaient que les âmes
particulières participent d’une Ame universelle, comme d’une
espèce subsistante.
Quelle est, en somme, la destinée du corps et de l’âme ? Une
question anthropologique et métaphysique qui mérite une réflexion
approfondie.
En effet, le dualisme corps et âme est indivisible en l’homme.
Parler de l’homme, cela sous-entend la présence du corps et de
l’âme. Le corps est la composante destructible. Mais il n’est pas
totalement voué à la destruction, il peut être sauvé. Il est donc clair
qu’en habitant le corps ou la matière, Plotin parlait de l’incarnation
de l’âme comme dans une chute, par laquelle l’âme abandonne son
état pur pour chercher son union avec le corps. Ce dernier est
dépourvu d’âme. C’est pourquoi, comme renchérit Platon (1968
p.35) : « Toute âme prend soin de tout ce qui est dépourvu d’âme et,
d’autre part, circule dans l’univers entier en s’y présentant tantôt
sous une forme, tantôt sous une autre ». Mais cet état n’est pas son
originalité. L’âme doit finalement rejoindre son état original par un
mouvement que Platon appelle « épistrophè ».
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