Chapitre 9
Couplage des événements biologiques et géologiques
au cours du temps
Les fossiles sont la preuve d’espèces animales et végétales du passé aujourd’hui disparues.
Certains sont mieux connus que d’autres : Mammouth, Tyrannosaure, Dodo…
Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, la notion d’espèce disparue a eu le plus grand mal à
s’imposer. Cependant, les 3,8 GA de l’histoire de la vie ont été émaillés de crises globales,
responsables de la disparition d’un grand nombre d’espèces.
Crise : période "courte" des temps géologiques au cours de laquelle un grand nombre d'espèces
différentes occupant des milieux différents disparaissent à l'échelle mondiale.
I la crise KT, un événement biologique et géologique majeur
A des modifications exceptionnelles de la biosphère
1 la biosphère avant la crise
Le climat du Jurassique au Crétacé est doux, donc favorable au développement de la
biosphère tant sur le milieu continental qu’en milieu aquatique :
- les Foraminifères (protozoaires unicellulaires) et les Coccolithophoridés sont très abondants
et constituent le plancton, premier maillon des chaînes trophiques et principal élément
constitutif de la craie (Crétacé)
- de véritables forêts sont formées par la prolifération de Fougères, de Bennettitales et de
Gymnospermes (Conifères)
- les invertébrés sont toujours très nombreux avec des Coraux, des Oursins, des Mollusques (en
particulier les Rudistes (bivalves) et surtout les Ammonites et Bélemnites, Céphalopodes
caractéristiques des milieux pélagiques, de haute mer), des Crustacés et Insectes
- les vertébrés sont également en plein essor : les Actinoptérigiens et Chondrichtyens, les
Lissamphibiens, les Lépidosauromorphes Ichtyosaures marins sont présents mais ce sont
vériablement les Archosauriens et leurs Dinosaures notamment qui dominent par leur
omniprésence au sein de toutes les niches écologiques : Dinosaures phytophages et zoophages en
milieu terrestre, Ptérosaures aériens. L’ère secondaire est également appelée « ère des
Reptiles » tellement leur domination est importante.
2 la biosphère après la crise
Il n’y a pas que les Dinosaures qui ont disparu, mais avec eux 75% des espèces à la surface
de la planète :
- presque tout le plancton
- presque tous les habitants des fonds marins, incluant les Rudistes, des Mollusques bivalves
très florissant
- plusieurs organismes du necton (organismes qui nagent) comme les Ammonites, des Mollusques
nectoniques
- une grande partie de la végétation terrestre
Seuls sont passé à travers la crise :
- les petits Mammifères terrestres
- les insectes
- quelques reptiles comme les Tortues, Lézards, Serpents, Crocodiles
- les plantes terrestres
- les Poissons d’eau douce, d’eau saumâtre et les espèces vivant en eau profonde (benthique)
- quelques Coraux
Dans les niches écologiques laissées libres on voit apparaître et proliférer :
- les Oiseaux
- les premiers Primates
- des Foraminifères (Globigérines)
- les Baleines
Les modifications affectent tous les milieux, tous les groupes, à l’échelle planétaire :
notion de crise.
B des explications à cette crise
1 la chute d’une météorite
Il y a 65 MA, un astéroïde de 10 à 20 km de diamètre (+ grand que l’Everest) a percuté la
Terre au niveau de la presqu’île du Yucatan, à Chicxulub au Mexique.
Cratère du Chicxulub
:
dépression circulaire
limitée par une bordure abrupte connue dans le
golfe du Mexique grâce aux campagnes de
prospection pétrolière et notamment des
mesures gravimétriques.
Cratère d’impact : dépression circulaire limitée
par une bordure abrupte présentant un certain
nombre de témoignages de la pression et de la
forte température subies lors de la chute de
l'astéroïde
.
La vitesse de percussion fut estimée à 25 km/s (=90000 km/h), dégageant
instantanément une énergie de 10
24
Joules, soit l’équivalent de 5 milliards de bombes
d’Hiroshima. En moins d’une seconde, il a traversé l’atmosphère en la volatilisant sur des
centaines de km. Le cratère d’impact mesure 200 km de diamètre et a dû atteindre 30 km de
profondeur. Il a ensuite subi l’érosion et a été comblé par 900 m de sédiments. De l’impact
s’ensuivit un jaillissement de matière jusqu’à 60 ou 70 km de hauteur. La température de
l’atmosphère fut portée à 400 °C sur l’ensemble de la Terre. Le méthane, issu de la
décomposition des plantes jusqu‘alors enfoui dans les couches internes, fut éjecté dans
l’atmosphère en s’enflammant. Des incendies gigantesques embrasèrent la planète. L’impact
étant à l’équateur, le nuage de poussières fut réparti par les vents sur les deux hémisphères.
Puis survint la crise chimique : dioxyde d’azote + eau = acide nitrique. Les pluies acides
tombèrent partout. Une brume d’aérosols sulfuriques plana pendant une décennie.
Les Dinosaures qui dépendaient d’une nourriture abondante auraient disparu en peu de
temps de même que le plancton qui dépend de la photosynthèse. Les spores et les graines des
plantes terrestres ont sans doute pu patienter et attendre quelques années le retour d’un climat
favorable. Les petits Mammifères ont dû trouver leur nourriture parmi les graines.
L’iridium de la météorite aurait été distribué avec les poussières à l’échelle du globe puis
déposé lors des retombées. On retrouve effectivement cet iridium un peu partout dans les
sédiments de cet âge.
Depuis, plusieurs observations sont venues s’ajouter à l’argument de l’iridium : présence
de quartz de haute température et de sphérules de verre typiques des impacts météoritiques,
présence anormale de carbone dans les roches de cette époque indique qu’il y a eu de grands
incendies, magnétites nickélifères.
Une équipe française a découvert des magnétites nickélifères qui ne peuvent se former
qu’en présence de dioxygène et d’une grande quantité de nickel, pratiquement absentes à la
surface de la planète. Ces magnétites nickélifères se forment lors du contact d’une météorite
riche en nickel avec l’atmosphère oxygénée de la Terre.
2 un volcanisme hyperactif
A la fin du Crétacé, il y a eu sur le continent Indien, pendant sa migration vers le Nord, un
volcanisme exceptionnellement intense lié à un point chaud. On a appelé les dépôts des laves en
résultant : les trapps du Deccan (trapps = escalier, empilement de coulées de laves formant les
falaises en escalier du plateau du Deccan dans le sud de l’Inde). Sur plus de 2 millions de km², il
y a environ 2500m de laves. Un tel volcanisme a dû être associé à des émissions très
importantes de CO
2
et/ou de SO
4
dans l’atmosphère, causant une intensification de l’effet de
serre ; d’où une augmentation de la température, des changements climatiques très importants,
des pluies acides causées par des émissions d’hydrogène sulfureux par les volcans, des
modifications probables des eaux océaniques… La vie de la planète aurait été profondément
affectée.
Comme pour la chute de la météorite, aucun doute que ce volcanisme a eu lieu, mais est-il
responsable de l’extinction de masse ?
3 une grande régression marine
Au Crétacé, les dorsales s’emballent globalement et le volume qu’elles occupent au fond
des océans augmente. Le niveau de l’eau monte : il y a transgression. La surface des plateaux
continentaux disponibles pour la biosphère marine augmente, donc la compétition entre espèces
diminue, ce qui favorise la biodiversité.
Comme 90% de la biosphère marine vit sur les plateaux,
on assiste à une explosion de la biodiversité marine.
A la limite KT, la mer recule (régression), la biosphère qui s’était développée est mise à
mal : c’est la crise.
4 la conjonction des deux grandes hypothèses
Une synthèse raisonnable des diverses données accumulées sur les événements
exceptionnels de la limite Crétacé Tertiaire consiste à proposer que la crise biologique majeure
est le résultat de la superposition de plusieurs événements néfastes, contribuant plus ou moins
fortement à la disparition de nombreuses espèces animales et végétales.
Superposition de plusieurs phénomènes permettant d’expliquer les caractéristiques
des extinctions majeures à la limite K-T.
Source : Lethiers, F. 1998, Evolution de la biosphère et événements géologiques, Gordon and Breach Sc. Pub,
321 pp.
Au final, il y a rupture des chaînes trophiques par ralentissement de la photosynthèse.
Seuls les petits animaux à température constante auraient résisté à cette variation brutale et
prolongée du climat.
II les crises biologiques, repères dans l’histoire de la Terre
A les 5 crises majeures
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