Utiliser des activités basées sur des affirmations
pseudoscientifiques pour enseigner la pensée critique
Aimee Adam
1
et
Todd
M.
Manson
1
1
1 School of
Social Sciences, Indiana University
Southeast, New
Albany,
IN, USA
Auteur à joindre pour la correspondance :
Aimee Adam, School of Social Sciences, Indiana University Southeast, 4201 Grant
Abstract
In two studies, we assessed the
effectiveness
of a classroom
activity
designed to increase students’
ability
to
think
critically.
This
activity involved watching
and
discussing
an
infomercial
that contained
pseudoscientific
claims,
thus incorporating course material on good research design and critical
thinking.
In Study 1, we used a
pretestposttest
design. After the
activity,
students
were
significantly
more
likely
to correctly
identify flaws
in a
series of
claims. In Study
2, we compared the
effectiveness
of this
activity
to
a traditional course.
Participation in
the
activity
was more
effective
at
i
ncreasing
students’
ability
to
critically
evaluate
claims
t
han
the
course
.
These
results suggest that short-term interventions to increase critical
thinking
can be
successful
and can be made
interesting
f
or
students.
Keywords
critical
thinking,
pseudoscience
activity,
active
l
earning
Résumé
Lors de deux expériences, nous avons évalué l’efficacité d’une activité en classe, élaborée pour améliorer les
compétences en pensée critique de nos élèves. Pendant cette activité, ils regardaient des publicités contenant des
affirmations pseudoscientifiques, puis en discutaient. Ceci permettait donc de mettre en jeu la pensée critique et
de comprendre l’élaboration de protocoles de recherche en cours. Lors de l’Expérience 1, nous avons utilisé un
protocole prétest-posttest. Après l’activité, les étudiants identifiaient avec beaucoup plus de facilité les défauts ou
les failles dans une série d’affirmations. Dans l’Expérience 2, nous avons comparé l’efficacité de cette activité
avec celle d’un cours magistral traditionnel. La participation à l’exercice en cours permettait aux élèves de
développer plus de sens critique. Ces résultats suggèrent que des interventions courtes peuvent augmenter de
manière efficace les compétences en pensée critique et devenir intéressantes pour les étudiants.
Mots-clés
pensée critique, activité basée sur des affirmations pseudoscientifiques, apprentissage actif
1
Adam, A. & Manson, T.M. (2014). Using a pseudoscience activity to teach critical thinking. Teaching of
Psychology 42, 130-134.
La pensée critique est définie comme l’évaluation engagée, efficace et critique de ses propres croyances,
ainsi que celles des autres (pour une revue de la littérature à ce sujet, voir Behar-Horenstein & Niu, 2011). En
développant ses capacités de réflexion critique, il est possible d’évaluer des affirmations ou des arguments
permettant ainsi que des conclusions logiques puissent être tirées (Bensley, 1998; Halpern, 1998). Cette
compétence est essentielle en psychologie mais aussi dans le quotidien. Enseigner cette compétence est
primordial, ce qui explique la multiplication de recherches récentes, plus ou moins concluantes, qui tentent de
trouver des interventions qui permettraient de la développer (Abrami et al., 2008). En général, la discipline de la
psychologie semble améliorer ces compétences de manière efficace. Par exemple, des étudiants en master de
psychologie identifiaient plus d’informations erronées ou de défauts dans une série d’affirmations (tels que
l’appui sur des preuves purement anecdotiques, la confusion entre corrélation et causalité et la présence de
variables indépendantes ou parasites) que les élèves en master de sciences naturelles, ou encore les licenciés en
psychologie (Lawson, 1999). De la même façon, le nombre de cours de psychologie auxquels un étudiant s’est
inscrit est corrélé à sa capacité à analyser des arguments (Bensley, Crowe, Bernhardt, Buckner, & Allman, 2010).
Certains chercheurs ont utilides techniques similaires à celles de Lawson (1999) pour évaluer l’efficacité de
leurs cours dans l’amélioration de la pensée critique. Après avoir participé à ces cours, spécialement élaborés dans
ce but, les étudiants savaient évaluer des arguments plus justement (Bensley et al., 2010; Blessing & Blessing,
2010), identifier des preuves non-scientifiques (McLean & Miller, 2010; Penningroth, Despain, & Gray, 2007)
expliquer les défauts dans des affirmations et proposer des explications alternatives (Wesp & Montgomery, 1998).
Ils avaient également moins tendance à avoir des croyances paranormales (McLean & Miller, 2010) que ceux qui
suivaient des cours la pensée critique n’était pas au cœur des objectifs. De manière générale, les études
récentes démontrent que des interventions longues (pendant tout un semestre ou pour un projet en cours
important) qui mettent l’accent sur un aspect de la psychologie ont généralement augmenté la capacité des
étudiants à évaluer des affirmations avec succès. Cependant, ces interventions nécessitent un temps de classe
important que certains enseignants ne peuvent pas leur allouer, et il peut donc être difficile de conceptualiser des
activités qui encouragent la pensée critique. L’article que vous allez lire décrit des activités d’apprentissage actif
courtes comprenant une discussion autour de données pseudoscientifiques issues de publicités. Cet exercice aide
les étudiants à évaluer les affirmations qu’elles présentent et à identifier leurs erreurs scientifiques majeures.
Comparées aux cours magistraux et à la simple lecture (Yoder & Hochevar, 2005), les techniques d’apprentissage
actif, dans lesquelles les étudiants produisent eux-mêmes des connaissances, peuvent mieux aider les étudiants à
améliorer leurs résultats aux examens. Nous avons conçu cette activité pour qu’elle soit à la fois intéressante et
facilement reproductible par d’autres enseignants. Dans cet article, deux expériences évaluent son efficacité, l’une
utilisant un protocole prétest-posttest et l’autre comparant l’activité à un cours magistral traditionnel traitant du
même sujet.
Expérience 1
Lors de cette première expérience quasi expérimentale, les participants ont lire quatre déclarations
erronées, indiquer à quel point ils étaient d’accord avec ces affirmations et évaluer la valeur des preuves avancées
pour chacune d’entre elles. Nous avons fait l’hypothèse qu’après cette activité, les participants (a) seraient moins
souvent d’accord avec les affirmations erronées et (b) en identifieraient correctement les erreurs.
Méthode
Participants
Soixante-six étudiants, dont 40 femmes, se sont inscrits dans l’un des deux cours d’introduction à la
psychologie enseignés par les auteurs de cette étude. La majorité d’entre eux étaient blancs.
Mesure
Nous avons effectué nos mesures en nous basant sur le travail de Lawson (1999). Nous avons mesuré la
pensée critique en utilisant un prétest et un posttest, pour lesquels les participants évaluaient une série de quatre
affirmations erronées, élaborées par les chercheurs. Chaque assertion venait d’une source différente : un parent,
un scientifique, une publicité et un enseignant. Ceci encourageait les étudiants à transférer leurs compétences en
pensée critique à des situations du quotidien (Halpern, 1998). Les affirmations sont détaillées dans l’Appendice.
Les participants devaient lire chaque déclaration et indiquaient leur degré de consensus sur une échelle allant de 1
(Pas du tout d’accord) à 7 (Tout à fait d’accord). Ils devaient ensuite lister toutes les raisons pour lesquelles les
preuves avancées n’étaient pas convaincantes, remettant en cause leur validité. Nous avons écrit ces affirmations
pour qu’elles comprennent un ou deux des défauts suivants : un appui trop important sur des preuves empiriques,
une trop grande place laissée au hasard, des échantillons trop restreints, aucun groupe de contrôle, la confusion
entre corrélation et lien de causalité, des différences entre les participants d’un même groupe, l’effet placébo,
l’effet-expérimentateur, des effets de l’ordre
i
et des effets de la pratique
ii
. Nous avons cole nombre d’erreurs
correctement identifiées par chaque participant, sans savoir si les données étaient issues d’un prétest ou d’un
posttest. Nous nous sommes entraînés pour ce codage de données avec les résultats d’une troisième classe, pour
discuter de nos résultats avant de coder ceux des deux classes de l’étude. Puis, nous avons calculé la fidélité inter-
cotateurs en faisant une corrélation entre les scores, codés séparément, de nos participants lors des deux tests. La
fidélité pour le prétest était de 0.87 et de 0.90 pour le posttest. Nous avons ensuite fait la moyenne du nombre
d’erreurs identifiées correctement par chaque participant.
Protocole
Un cours de 75 minutes était prévu pour
cette activité basée sur des affirmations
pseudoscientifiques. Nous l’avons mise
en place lors des deux premières
semaines du semestre, avant que son
contenu puisse être abordé en cours.
Nous n’avons demandé aucune
préparation particulière aux étudiants. Le
comité d’examen institutionnel de
l’université a approuvé notre méthode et
nos outils. Les participants ont reçu une fiche explicative et ont ensuite complété le prétest. Après que les prétests
ont été ramassés, la classe a visionné une publicité de 2 minutes pour des bracelets iRenew, trouvée sur Youtube.
Cette publicité décrit les bénéfices de ce bracelet, qui donnerait plus d’énergie, de force et d’équilibre en utilisant
les fréquences naturelles du corps. Elle comportait des anecdotes de consommateurs, des témoignages
« d’experts » et des démonstrations d’équilibre effectuées dans un centre commercial. En effet, les clients
devaient tenir leurs mains serrés dans leur dos, puis l’expérimentateur exerçait une pression sur leurs mains, leur
faisant perdre l’équilibre. Les participants affirmaient avoir plus d’équilibre lorsqu’ils portaient le bracelet. Les
étudiants ont regardé cette publicité deux fois, et nous leur avons demandé leur avis concernant les affirmations et
les preuves présentées. Nous avons divisé les élèves en groupes en leur demandant (a) d’identifier les déclarations
de la publicité, (b) d’identifier les preuves apportées pour les soutenir et (c) de les évaluer. Enfin, les groupes ont
discuté d’une manière de tester eux-mêmes la validité des propos tenus. Après environ 10 minutes, les groupes
ont partagé leurs idées avec le reste de la classe. La classe a identifié et discuté des erreurs suivantes (qui sont
fréquentes en pseudoscience) : les effets de l’ordre, les effets placébos, l’utilisation abusive des preuves
anecdotiques, des échantillons trop réduits, une méconnaissance des explications alternatives et l’effet-
expérimentateur. Les participants ont également dû évaluer la source dont émanaient les preuves et les assertions.
Nous avons facilité la mise en place de ces discussions en leur fournissant la terminologie précise correspondant à
leurs observations, et en leur assurant que les deux classes avaient identifié les mêmes erreurs avec succès. Après
ce dialogue, les participants ont effectué un posttest de manière individuelle. Il était constitué des quatre scénarios
vus précédemment, et nous avons demandé aux participants de réévaluer les affirmations une nouvelle fois. Ils ont
ensuite évalué l’activité qu’on leur avait proposée.
Résultats
Nous avons effectué 4 tests de Student sur échantillons appareillés pour analyser les différences
concernant le nombre d’accords pour chaque affirmation. Chacun des 4 tests avait un résultat significatif qui
confirmait notre hypothèse (voir le Tableau 2). Les participants avaient moins tendance à être d’accord avec les
déclarations erronées après l’activité en classe. En utilisant cette méthode d’analyse, nous avons comparé le
nombre total d’erreurs repérées pour les quatre affirmations du prétest et du posttest (cf. Tableau 2 pour voir les
différences concernant le nombre de défauts repérés pour chaque scénario).
Comme dans nos hypothèses, les participants ont identifié un nombre bien plus important d’erreurs après
l’activité en classe, M=5.72, ETY=2.73, comparé à leurs évaluations pré-activité, M = 4.00, ETY = 2.23, t(65) =
6.86, p < .001,d = 0.84. Après le posttest, les participants ont évalué l’activité en notant s’ils l’avaient trouvée
agréable, s’ils pensaient qu’elle avait permis de développer leurs capacités de pensée critique et si elle était
adaptée au cours. Nous leur avons proposé une échelle Likert en 5 points. Les deux tiers des participants (65%)
l’ont considérée agréable (en lui donnant en score de 4 ou 5). De la même façon, 72% d’entre eux l’ont considérée
utile dans le développement de leurs compétences en pensée critique.
Discussion
De manière générale, après l’activité
proposée, les élèves parvenaient à mieux
identifier les erreurs scientifiques des
déclarations issues de publicités, et cette
compétence constitue un des aspects
majeurs de la pensée critique. Cette étude
suggère que les interventions brèves
peuvent améliorer la pensée critique de
manière aussi efficace que les interventions plus chronophages. Cependant, une limite de cette étude est son
protocole prétest-posttest. Bien que nous ayons démontré que les étudiants ont identifié plus d’erreurs lors du
posttest, nous ne savions pas si la méthode d’apprentissage actif aurait été plus efficace qu’une autre méthode
pédagogique. Nous avons donc mis en place l’Expérience 2 pour répondre à cette question.
Expérience 2
Lors de cette deuxième étude, nous avons effectué une expérience quasi expérimentale 2 (condition :
activité basée sur des données pseudoscientifiques vs. cours magistral) X 2 (temps : prétest vs. posttest) qui
comparait les améliorations en pensée critique après la mise en place d’une activité ou d’un cours magistral
traditionnel. Nous avons à nouveau mesuré le degré d’accord pour chaque affirmation et le nombre d’erreurs
identifiées correctement. Notre hypothèse était qu’il y aurait un effet significatif important du temps sur le degré
d’accord, c’est-à-dire que les participants seraient moins d’accord avec les informations erronées lors du posttest.
Nous avions également une hypothèse selon laquelle il y aurait un effet d’interaction significatif entre le temps et
la condition. En effet, selon nous, les participants aux activités de groupe seraient moins d’accord avec ces
informations fausses. Nous pensions également qu’il y aurait un effet signicatif du temps et une interaction
importante entre le temps et la condition en rapport avec le nombre d’erreurs identifiées. Les participants des
activités de groupe identifieraient donc plus d’erreurs.
Méthode
Participants
Les étudiants inscrits dans l’un de nos quatre cours d’introduction à la psychologie ont participé à cette
expérience. Chaque auteur était l’enseignant de l’un de ces cours ; un troisième professeur donnait les deux cours
restants. Les participants avaient entre 18 et 43 ans (M=20.41, ETY=4.32). Environ la moitié d’entre eux étaient
des hommes (47%).
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