Infections au cours des greffes d’organes solides : et de l’infectiologue

Le Courrier de la Transplantation - Vol. XVI - n° 2 - avril-mai-juin 2016
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Éditorial
Le point de vue du transplanteur
Pr Faouzi Saliba
Centre hépatobiliaire, hôpital Paul-Brousse, AP-HP, Villejuif;
université Paris-Sud, UMR-S785, Villejuif ; Inserm, unité 785,Villejuif.
Linfection est longtemps restée la principale cause
de décès après une transplantation d’organe, à
court et moyen termes. Elle constituait un véritable
frein à l’amélioration de la survie des patients après
la greffe. Linfection est en outre, quelle que soit sa
nature – bactérienne, virale, fongique, parasitaire –,
souvent associée à un dysfonctionnement aigu
ou chronique du greffon.
Des progrès importants dans la sélection des patients
candidats à la greffe, dans la sélection des donneurs et
dans la technique chirurgicale elle-même (réduction
du besoin de transfusions sanguines), ainsi qu’une
meilleure connaissance des risques et des compli-
cations de la greffe, ont été à l’origine d’une meilleure
maîtrise de ce risque et d’une nette réduction de
l’incidence de ces infections. Mais, en somme, c’est
l’amélioration des outils de diagnostic précoce
de l’infection et la prophylaxie anti microbienne
instaurée chez les patients à risque qui ont nettement
amélioré le pronostic. Parallèlement, les traitements
immuno suppresseurs postgreffe ont subi d’impor-
tantes modifications au cours des dernières années :
l’arrêt précoce des corticoïdes, la minimisation,
voire l’épargne des inhibiteurs de la calcineurine
(ciclosporine et tacro limus), la baisse de l’incidence
du rejet et l’opti misation de son traitement ont permis
de réduire les consé quences de ces traitements,
notamment les risques cardiovasculaires, rénaux,
infectieux et de cancer de novo. Plus récemment,
l’apport des nouvelles molécules antivirales dans
le traitement et la prévention de la récidive du virus
de l’hépatite B sur le greffon et, de façon parallèle, dans
le traitement et l’éradication du virus de l’hépatite C
a permis une amélioration considérable de la survie
du patient et du greffon.
Des problématiques plus spécifiques sont apparues au
cours de cette dernière décennie, qui seront particu-
lièrement évoquées dans ce numéro : la transmission
de microbes pathogènes du donneur au receveur, les
bactéries hautement résistantes responsables de cer-
taines épidémies et altérant la survie, la transmis sion
par le donneur ou l’acquisition d’une hépa tite virale E et
l’émergence d’espèces fongiques rares (Zygomycètes,
Fusarium, Scedosporium, etc.).
Les études sur le microbiote intestinal chez le patient
transplanté semblent apporter une autre vision. Ainsi,
les modifications fréquentes du microbiote pourraient
interférer avec les traitements immunosuppresseurs,
augmentant le risque de rejet aigu et les complications
infectieuses.
Avec l’apport de nouvelles molécules anti microbiennes
et les diverses stratégies et recommandations
préventives et thérapeutiques établies par les sociétés
savantes, la prise en charge de ces patients nécessite
une étroite collaboration entre l’infectiologue, le réani-
mateur et le transplanteur.
Ce numéro rapporte enfin les actualités sur les
princi pales infections qui continuent à poser un
véritable défi touchant de près la survie du greffon
et du patient.
Infections au cours
des greffes d’organes solides :
les points de vue du transplanteur
et de l’infectiologue
Infections in solid organ transplant
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Le point de vue de l’infectiologue
Pr Olivier Lortholary
Université Paris Descartes, Centre d’infectiologie Necker-Pasteur, IHU Imagine,
hôpital universitaire Necker− Enfants-malades, Centrenational de référence mycoses invasives et antifongiques,
unité de mycologie moléculaire, CNRS URA 3012, Institut Pasteur, Paris.
Les infections sont une complication fréquente et
potentiellement sévère au cours des greffes d’organes
en raison, d’une part, de l’utilisation de traitements
immunosuppresseurs, et ce dès l’induc tion de la greffe,
mais aussi lors d’épisodes de rejets. Elles représentent la
première cause de mortalité dans ce contexte, et plusieurs
d’entre elles ont aussi un effet sur la survie du greffon.
L’histoire naturelle de certaines infections est également
modifiée au cours de la transplan tation. Les traitements
immuno suppresseurs agissent en inhibant des voies
impor tantes de l’immu nité cellulaire impliquées dans
la recon naissance des pathogènes, dans la présentation
d’antigènes microbiens, l’axe Th1 et Th17 mais aussi le
“killing” des micro-organismes. Ceux-ci confèrent un pro-
fil d’infec tions particulier comportant par exemple des
micro- organismes tels Listeria, les myco bactéries, les infec-
tions à herpèsvirus, la pneumo cystose ou la cryptococ-
cose. La présence associée d’une neutro pénie ou d’une
hypogamma globulinémie élargit le spectre des micro-
organismes impliqués. Interviennent éga lement dans le
risque infectieux des patients transplantés le type d’organe
transplanté, la procé dure chirurgicale, l’âge, l’état général
et nutri tionnel, la fonction rénale, une co- infection virale
chronique (virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’hépatite C
[VHC] et virus de limmuno déficience humaine [VIH])
avec ou sans cirrhose, les antécédents infec tieux ou de
coloni sation avant la transplan tation, la présence de maté-
riel étranger, les statuts sérologiques du donneur et du
receveur (en parti culier cytomégalo virus [CMV] et virus
d’Epstein-Barr [EBV]). Ces infections sur viennent parfois
tôt dans la phase postopératoire et se présentent sous
la forme d’une infection du site opératoire, ou alors elles
corres pondent à une contami nation liée aux procé dures
de soins, à une réactivation d’une infec tion jusqu’alors
latente chez le receveur, mais aussi parfois chez le don-
neur, à une infection du greffon ou une contami nation du
liquide de conser vation. Plus tardivement, les infections
peuvent être acquises hors de l’hôpital : des recomman-
dations de prévention sont alors données, à l’occasion
de voyages ou non. La préven tion repose aussi sur des
chimio prophylaxies ciblées sur les micro-organismes
les plus fréquents et sur le bon contrôle du statut vacci-
nal. Enfin, très récemment, une susceptibilité génétique
particulière de certains patients a été mise en évidence.
Linfectiologue intervient de manière conjointe au
transplanteur dans différentes étapes de la préven-
tion ou de la prise en charge diagnos tique et/ou théra-
peutique des infections et dans la gestion pratique de
l’immunosuppression. Ainsi, des consultations ciblées,
parfois transdisciplinaires, peuvent être envi sagées avant
la transplantation, impliquant le futur receveur (VIH+ et
optimisation du traitement anti rétroviral, statut tubercu-
leux, portage de bactéries multi résistantes [BMR], allergie
à telle famille d’anti bactériens, par exemple), mais aussi
le donneur en cas de procédure impliquant un donneur
vivant (antécédent infectieux, voyage en zone d’endé-
mie, par exemple). Le recours aux consultations avant
des voyages internationaux devrait être systé matique,
notamment chez les transplantés rénaux et hépa tiques,
les plus à même de voyager. Le choix de l’outil microbio-
logique permettant le diagnostic ainsi que l’optimisation
du traitement anti- infectieux à l’échelon individuel et le
bon usage des anti- infectieux à l’échelon collectif sont
des exemples concrets d’une bonne collabo ration entre
infectiologues et transplanteurs.
C’est tout le mérite de ce numéro de La Lettre de
l’Infectiologue et du Courrier de la Transplantation
que d’illustrer ces concepts en traitant des infections
fongiques, des diarrhées infectieuses, de la réacti-
vation ou de la primo-infection par l’EBV ou le CMV,
de l’hépatite E et, de manière originale, de souligner
dans ce contexte le rôle du microbiote intestinal.
F. Saliba déclare
avoir des liens d’intérêts
avec AbbVie, Astellas, Basilea,
Baxter, Gilead, MSD, Novartis
et Vital Therapies.
O. Lortholary déclare
avoir desliens d’intérêts
avecGilead, Pfizer, MSD,
Astellas et Basilea.
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