La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne Quelles ambitions, quelles stratégies ?

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Université Lyon 2
Institut d’Etudes Politiques de Lyon
La coopération policière dans l’Union Euro
Méditerranéenne
Quelles ambitions, quelles stratégies ?
François Bargel
Séminaire de Filali Osman, Docteur en Droit, Maître de
Conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon/Université
Lumière Lyon 2, Ancien conseiller de Gouvernement .
Mémoire soutenu le 2 Septembre 2008
soutenu en présence de : Sylvia Chiffoleau chercheur au CNRS et enseignante vacataire à l’Institut
d’Etudes Politiques de Lyon
Table des matières
Dédicace . .
Remerciements . .
Introduction . .
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée . .
A. La Réforme du Secteur de la Sécurité, concept directeur de l’action de l’Union. . .
B. L’expertise de l’Union Européenne en matière de coopération policière . .
1. Les prémices de l’action de l’Union : l’administration de la ville de Mostar et
l’Albanie . .
2. La Mission de Police de l’Union Européenne en Bosnie Herzégovine . .
3. Le développement de missions au Proche Orient . .
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels . .
A. L’Union Européenne, un acteur Majeur mais segmenté . .
1. Deux visions pour un même programme : la dyarchie au sein des directions de
l’Union . .
2. Des Actions mises en œuvre par différents services . .
B. La concurrence d’autres acteurs internationaux . .
1. Les Etats-Nations : le rôle de la France . .
2. Les Organisations internationales : Interpol et l’ONU DC . .
3. Les initiatives des Forces de police à Statut militaire : la FIEP . .
III) La coopération policière en Turquie et au Liban . .
A. La Turquie : un Etat aux portes de l’Union ? . .
1. La République de Turquie : l’ombre des généraux . .
2. Etat des lieux des forces de sécurité Turques . .
3. L’action de l’Union dans le cadre de la Réforme du Secteur de la Sécurité en
Turquie . .
B. Le Liban : un Etat face à la confessionnalisation de son administration . .
1. Le Liban et la Syrie : « deux Etats un seul peuple » ? . .
2. Etat des lieux des pouvoir judiciaires policiers et de l’administration pénitentiaire
libanaise. . .
3. Etat des lieux des Forces de sécurité libanaises: . .
4. Que fait l’Union au Liban ? . .
5. Le rôle de la France au Liban . .
Conclusion . .
Annexes . .
Adaptation d'une chronologie parue sur le Monde.fr et titrée « Le Liban l’incessant
jeu des alliances » . .
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■Compte-rendu de l’Interview de Mr Pierre Antonmattei le 22/05/2008, à Paris . .
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■ Interview du Contrôleur Général de la Police Nationale Jean Eric Lacour, Sous
Directeur de la Coopération Technique et Institutionnelle, le mardi 8 Avril 2008, à
Nanterre. . .
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Situation politique du Liban, 2006 (Le Monde.fr) . .
Interviews . .
■ Compte-rendu de l’interview du Commissaire Divisionnaire Matthieu Clouzeau,
Adjoint au Sous Directeur de la Coopération Technique et Institutionnelle, le mardi 8
Avril 2008, à Nanterre. . .
Le projet euro-méditerranéen quelle place pour la société civile ? . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Articles de Journaux . .
Articles de Journaux Scientifiques et Thèses . .
Communication officielle . .
Ressources Numériques . .
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Dédicace
Dédicace
A mes parents,
A Mr Cinq qui m’a redonné l’envie d’étudier,
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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Remerciements
Je tiens à remercier les membres du Services de Coopération Technique et Institutionnelle de la
Police, Monsieur Lacour et Monsieur Clouzeau qui m’ont accordé un peu de leur précieux temps
et m’ont permis de découvrir le rôle de la France à l’étranger en matière de coopération policière.
Un grand Merci à Monsieur Antonmattei, Directeur du programme Euromed du CEPOL, qui
m’a permis de comprendre les mécanismes et l’importance de la formation et de la coopération
entre les Etats membres et l’Union dans la coopération policière.
Le Colonel Dominique Lapprand du Centre de Prospective de la Gendarmerie Nationale m’a
permis d’avoir une vision d’ensemble des actions de l’Union Européenne dans le domaine de la
coopération policière, je l’en remercie.
Merci à Monsieur Jean Marie Fiquet, Adjoint chargé des Relations internationales à l’ENSP
pour ses conseils et ses commentaires avisés sur mon mémoire.
Je remercie le Colonel Alain Cousin et son épouse pour leur amical soutien.
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Bargel François - 2008
Introduction
Introduction
La fin de la guerre froide et l’explosion du Bloc soviétique ont permis à certains analystes tels
que Francis Fukuyama de parler de « la fin de l’histoire », l’idéologie libérale ne connaissant
plus d’opposition organisée aussi bien politiquement qu’idéologiquement.
Néanmoins, de nouvelles menaces longtemps sous-estimées semblent poindre à
1
l’horizon : de l’hyper terrorisme qui a frappé successivement New York, Londres et Madrid,
au crime organisé dénoncé par le Figaro du 28 Janvier 2005 (« L’Union est débordée
2
par le Crime organisé » ) tout pousse à considérer que l’histoire continue à s’écrire sous
nos yeux. C’est l’analyse développée par Moisés Naim dans son article Les 5 guerres
3
de la Mondialisation publié par le très sérieux magazine américain « Foreign Policy ».
L’auteur affirme que le Crime Organisé est une menace de première importance pour les
Etats, car elle est renforcée par le processus de la Mondialisation. Il affirme ainsi que
ceux-ci se retrouvent confrontés, outre la lutte contre l’hyper terrorisme, à cinq guerres
contre les organisations criminelles internationales dans lesquelles ils seraient très mal
engagés. Il s’agit de la lutte contre le trafic de drogue, d’armes, la contrefaçon, les migrations
clandestines ainsi que le blanchiment d’argent. L’auteur prend l’exemple de la lutte contre
le terrorisme pour illustrer les difficultés qu’ont les Etats pour combattre les organisations
transnationales et décentralisées comme les mafias. Les dirigeants européens en ont
parfaitement conscience lorsqu’ils affirment qu’« aucun pays n'est […] en mesure de faire
4
face, seul, aux problèmes complexes de notre temps ». En effet le crime organisé profite
au mieux des opportunités offertes par les nouvelles technologies. De plus, les archaïsmes
administratifs, liés à une conception désuète de la souveraineté (L’Europe dispose, par
5
exemple, de plus d’une trentaine d’institutions pour la gestion de ses frontières ), leur
permettent de passer entre les mailles des filets tendus par les autorités Cette approche
est d’autant plus intéressante que l’Union Européenne se considère comme une «cible
6
7
de premier ordre pour la criminalité organisée ». Et Javier Solana affirme en effet dans
l’exposé de sa stratégie de sécurité que « la menace intérieure qui pèse sur notre sécurité
comporte une dimension extérieure importante: le trafic transfrontalier de drogue, la traite
des femmes, l’immigration clandestine et le trafic d’armes représentent une grande partie
des activités des groupes criminels. La criminalité organisée peut avoir des liens avec
le terrorisme. Ces activités criminelles sont souvent associées à des États faibles ou en
1
François Heisbourg, Hyperterrorisme, la nouvelle guerre, Paris, Odile Jacob « Avec les attentats du 11 septembre, le monde
a vécu pour la première fois une attaque de destruction de masse opérée non par un Etat mais par un groupe non-gouvernemental :
c'est ce que j'ai qualifié "d'hyperterrorisme" le jour même des attentats, afin de marquer la différence d'échelle, la césure, par rapport
aux manifestations passées du terrorisme »
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Le Figaro, 28 janvier 2005
“The Five Wars of Globalization” Foreign Policy, p. 29 à 37 January/February 2003
Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003, p.1
Il s’agit d’un domaine intergouvernemental (IIIème Pilier du traité de Maastricht) et non pas communautaire
Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003, p.4
Haut représentant pour la Politique Européenne de Sécurité et de Défense de l’Union Européenne
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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
8
déliquescence ». Ce texte identifie les principales menaces auxquelles est confrontée
l’Union et souligne l’une des causes de celles-ci : la faiblesse des Etats limitrophes. L’objectif
de l’Union serait donc de promouvoir le renforcement des Etats riverains tout en les poussant
à accomplir les réformes nécessaires à la construction d’un Etat de droit. Mais les Etats
sont ils réellement menacés par le crime organisé ? Quelle est la réalité de ces menaces
notamment en Europe ? Et quelles sont les réponses envisagées par les Etats membres de
l’Union? Pour mieux comprendre l’ampleur de ces problèmes, nous allons brièvement
prendre en compte séparément chacune des guerres de la Mondialisation et identifier leurs
implications pour l’Europe.
Les Nations Unies estimaient en 1999 que le trafic de drogue rapportait environ
400 Milliards de dollars, soit une somme équivalente à la taille de l’économie espagnole
de l’époque. Ces chiffres comparés aux dépenses des Etats-Unis pour la guerre contre
la drogue (35 milliards de dollars chaque année) démontrent le déficit de financement
des Etats dans leur lutte contre le crime lorsqu’ils sont désorganisés. On peut ici citer
la chronique d’Alexander Adler dans le Figaro : « […] La vérité toute simple est que les
forces de répression locale, depuis le Pérou jusqu'à la Birmanie, sont de plus en plus
difficilement en mesure de lutter contre une criminalité politico-militaire dont le budget,
alimenté par la cocaïne, est largement équivalent à celui d'un État et dont la puissance de
feu, à tout le moins la puissance de nuire, équivaut à celle d'une armée régulière. […]Chez
les cultivateurs pathans comme chez les cocaleros de Bolivie, les offres de reconstruction
fondées sur le passage à des cultures alternatives et à de maigres subventions de
Washington ou du gouvernement local ne tiennent pas le coup. L'intérêt économique pur
du petit agriculteur bolivien ou colombien, c'est de continuer à fournir les cartels ou les
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Farcs» . Malgré l’opération décannabisation lancée en 2005 par le gouvernement Marocain,
« le Maroc produit encore environ 47 000 tonnes de Cannabis brut ce qui fait du Royaume
Chérifien le plus gros producteur de résine du monde (3000 tonnes/an). Cette production
rapporte 200 millions de dollars aux paysans marocains et génère 12 milliards de dollars
10
de bénéfices pour les trafiquants ».
En matière de blanchiment d’argent, l’exemple le plus connu est celui des îles
Caïmans : cette île a une population de 36 000 habitants et 60 000 compagnies, 600
banques et trusts qui ont des ressources évaluées à 800 Milliards de dollars. Mais cet
exemple qui peut être considéré comme lointain ne doit pas nous faire oublier que les
paradis fiscaux sont pour la plupart situés en Europe. Andorre, Monaco ou encore le
Lichtenstein sont des hauts lieux du blanchiment d’argent grâce à des règles sur la
protection des données financières personnelles beaucoup plus strictes que dans le reste
de l’Union. La récente affaire des comptes cachés aux Lichtenstein démontre le besoin de
coordination au sein de l’Union. Le Figaro titrait ainsi le 04/03/2008 : Paradis Fiscaux :
l’embarras de l’Europe. Le Journal affirmait : « La législation sur la taxation de l'épargne
dans l'UE est jugée insuffisante à la lumière du récent scandale d'évasion fiscale vers le
Liechtenstein. Le dossier […] sera étudié aujourd'hui à Bruxelles. Sous la pression de Berlin,
le Liechtenstein devrait s'ajouter à la longue liste des États invités à faire preuve de plus
de transparence financière à l'égard de l'UE […], le ministre allemand Peer Steinbrück
pourrait soumettre des propositions visant à resserrer l'emprise sur ce paradis fiscal. »
Mais le blanchiment d’argent ne concerne pas uniquement les paradis offshore : il s’agit
aussi du parasitage des entreprises légales par le crime organisé. Si cette pratique n’est
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Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003
Alexandre Adler, « La drogue et la politique », Le Figaro du 8 Février 2008
Maroc Les chemins du Cannabis, Civique n°164 Aout Septembre 2007, Jacques Prévot
Bargel François - 2008
Introduction
guère connue en France, elle est une des principales sources de revenus de la Mafia de
New York et Sicilienne. Il s’agit pour le crime organisé de remporter les contrats publics en
capturant le projet dès sa conception. C’est ainsi que la Mafia New Yorkaise à obtenu les
contrats de reconstruction de « ground zero » et la mafia sicilienne contrôle le ramassage
des déchets à Naples. Dans certains cas, il y a une véritable collusion entre les pouvoirs
politiques et les organisations mafieuses. En effet, la mafia ne veut pas tant le pouvoir que
le profit qu’elle peut en tirer et cherche à se rendre incontournable dans la société. Cet
aspect est noté par Henri Hope dans sa thèse Le piratage des marchés publics par le crime
11
organisé . L’auteur ce travail académique affirme : « Pour s’enrichir les mafias ont toujours
été des acteurs attentifs de l’économie […] Cependant depuis une vingtaine d’année elles
sont devenues de véritables acteurs économiques. Elles possèdent des entreprises et
12
en contrôlent indirectement d’autres » . Et l’auteur de citer les 16,6 milliards qu’auraient
rapportés le BTP au Crime Organisé italien en 1999.
Les autres fronts de la guerre de la Mondialisation, à commencer par le trafic d’armes,
semblent moins lucratifs mais restent très rentables et profitent des mêmes carences des
Etats pour prospérer. Cela est illustré par un rapport des Nations Unies cité par Moise
Naim qui affirmait que seulement 3% des armes légères en circulation dans le monde était
utilisées par des forces gouvernementales, police ou armée. Le parcours et l’arrestation
du célèbre marchand d’armes Viktor Bout le 7 Mars 2008 démontre à quel point il est
désormais facile de fournir les guérillas du monde entier. Le Figaro décrit ainsi le parcours
de l’homme qui inspira le désormais célèbre film « Lord of War » : « il profite de la grande
liquidation du complexe militaro-industriel de l'ex-URSS pour constituer sa flotte aérienne
pirate. Il se spécialise dans les livraisons clandestines dans des aéroports improbables.
Caméléon linguistique (il parle russe, français, anglais, portugais, espagnol et plusieurs
dialectes africains), il devient le pionnier d'une mondialisation mafieuse. Il apparaît comme
un acteur de premier plan dans l'organisation de trafics d'armes en Afrique ». A tel point
que les autorités américaines s’en inquiètent : en 2005, le département américain aurait
affirmé «Aujourd'hui, Bout est capable de transporter des tanks, des hélicoptères et des
13
armes à n'importe quel endroit du monde ». Mais ce problème ne concerne pas que
les pays du Sud : en effet l’Observatoire National sur la délinquance à constaté une
augmentation de 9,5% de saisies d’armes entre 2005 et 2006 sur le territoire français. Le
Figaro affirmait dans un article daté du 7/12/2007, qu’un missile sol-air avait été découvert
lors d’une perquisition dans le Val de Marne et rappelait que les autorités françaises
constataient une forte augmentation de l’utilisation d’armes de guerre (Fusils automatiques
AK-47) lors de braquages. Les déclarations des prévenus dans ces affaires ne laissent que
peu de doutes quant à la provenance des armes : en effet, deux fusils à longue portée
retrouvés en septembre 2003 dans la Cité de l’Etoile à Bobigny provenaient directement
d’ex-Yougoslavie. Les récentes émeutes à Villiers le Bel ont démontré l’atteinte grave que
ces trafics pouvaient poser à l’ordre public en France et en Europe.
La question des flux illégaux de migrants est plus connue par le grand public
notamment en France suite à la création du ministère de l’intégration et de l’identité
nationale. Mais ce problème n’est pas nouveau et ne concerne pas uniquement la France.
En 2006, Nicolas Sarkozy alors Ministre de l’Intérieur affirmait « Je le dis clairement, la
situation que nous vivons aujourd'hui en Europe est intolérable. Europol a estimé le nombre
11
Henri Hope dans sa thèse « Le piratage des marches publics par le crime organisé, d’une pratique locale à un phénomène
mondial » Juin 2005 Dirigé par François Haut et Xavier Raufert.
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13
Idem, p.12
Le Figaro « Viktor Bout, marchand de mort, sous les verrous » 07/03/2008
Bargel François - 2008
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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
de migrants qui entrent illégalement en Europe à 500 000 personnes. Cette immigration
clandestine est une atteinte à l'ordre public des Etats européens et à la stabilité de leur pacte
14
social » . De fait les Etats sont confrontés à des migrations illégales des plus importantes.
On estime à 12 millions le nombre d’immigrants illégaux aux Etats-Unis. La place de ces
illégaux fait l’objet d’un vif débat aux Etats- Unis même si tout le monde s’accorde à dire qu’ils
sont indispensables à l’activité économique du pays. L’Europe est quant à elle confrontée
à de nombreux défis venus d’Afrique et du Moyen Orient.
Ainsi comme l’affirmait l’ex Ministre de l’Intérieur lors de la même intervention : « Le
potentiel migratoire de l'Afrique est très important. La moitié des 800 millions d'Africains ont
moins de 17 ans. Le différentiel des taux de fécondité entre l'Europe et l'Afrique atteint des
records : 1,4 enfant par femme en Europe contre 5,4 en Afrique sub-saharienne. L'immense
majorité des 540 millions d'hommes qui vivent avec moins d'un dollar par jour, résident sur le
15
continent africain » . Europol estimait dans son rapport 2006 que plus de 3000 personnes
16
avaient trouvées la mort, noyées, en traversant la Méditerranée .
La lutte contre la contrefaçon est la dernière guerre de la mondialisation livrée par les
Etats. Elle est parfois liée aux migrations clandestines, en effet, les vendeurs à la sauvette
à Paris ou à Rome sont le plus souvent des illégaux. Un rapport de l’OCDE de 1998, cité
14
Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire lors de la
conférence Euro-Africaine sur les migrations à RABAT (Maroc) le 10/07/2006
15
16
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Idem
Europol Annual Report 2006, p. 8
Bargel François - 2008
Introduction
par l’Union des Fabricants affirmait que 5 à 7% du commerce Mondial était le fait des
contrefaçons.
Dans son article Moises Naim identifie les facteurs de cette réussite des
trafiquants : premièrement, la nature transnationale des trafics qui limite la capacité
d’intervention des Etats qui sont liés par la notion de souveraineté. Ensuite, les syndicats
du crime jouent sur les forces du marché qui offrent de nombreuses possibilités de
gains en jouant sur les différentes législations et autres coûts de production. Selon les
dires de l’auteur, il faudrait donc une action intergouvernementale ou voire supranationale
pour pouvoir seulement envisager la résolution de ce problème. Mais la coopération
policière est l’une des compétences régaliennes des Etats et c’est parmi celles-ci l’une
des plus jalousement gardées. Ainsi l’Union Européenne, l’un des meilleurs exemples
17
de d’intégration économique, n’a pas de compétences propres explicites en matière de
défense et en matière policière malgré la création de la Politique Européenne de Sécurité
et de défense (PESD).Il est donc difficile d’imaginer une action globale au niveau européen
pour lutter contre le crime organisé.
C’est dans ce contexte que l’Union Européenne, longtemps décriée comme un géant
économique mais un nain politique, à lancé le Partenariat Euro méditerranéen lors du
Processus de Barcelone en 1995. Il s’agissait à l’époque de créer un partenariat entre
les pays membres de l’Union et les pays de la rive sud de la Méditerranée avec pour but
de « faire du bassin méditerranéen une zone de dialogue, d'échanges et de coopération
18
qui garantisse la paix, la stabilité et la prospérité ». Concernant l’application pratique de
partenariat, il s’agissait tout d’abord de créer une zone de libre échange entre le Nord
et le sud de la Méditerranée. Le corollaire de la libre circulation est une coopération
plus développée entre les appareils policiers et judiciaires des pays membres. Ceci a été
démontré par la création de l’Espace Schengen en Europe suite à la création d’un marché
19
unique européen . La coopération policière fait donc partie de cette Politique européenne
de voisinage (PEV) qui se veut toutefois plus globale. La déclaration de Barcelone y fait
explicitement référence dans la partie « Partenariat Politique et de Sécurité ». Les Etats
s’engagent en effet à «renforcer leur coopération pour prévenir et combattre le terrorisme,
notamment par la ratification et l'application d'instruments internationaux auxquels ils ont
souscrit, par l'adhésion à de tels instruments ainsi que par toute autre mesure appropriée ;
et à lutter ensemble contre l'expansion et la diversification de la criminalité organisée et
combattre le fléau de la drogue dans tous ses aspects ». Cette volonté politique à été
réaffirmée lors de la Vème conférence euro méditerranéenne à Valence en 2002. L’intérêt
pour l’Europe de négocier avec les pays du pourtour Méditerranéen était évident : Le
Maghreb et l’Afrique représentent un potentiel migratoire tellement important que les Etats
européens ne peuvent, à eux seuls, l’endiguer. De plus, les récents attentats à Londres
et à Madrid ont démontré que des populations immigrées pouvaient contenir des individus
17
Une compétence propre est une compétence qui revient à un seul acteur (l’UE) celle ci ne serait pas soumises au principe
de subsidiarité qui veut que l’Union soit une force d’appui lorsqu’un Etat ne peut régler seul une question.
18
19
Déclaration de Barcelone, 28 Novembre 1995
« Devant l'impossibilité de trouver un accord au sein de la Communauté européenne, la France, l'Allemagne, la Belgique,
le Luxembourg et les Pays-Bas ont décidé, en 1985, de créer entre eux un territoire sans frontières, l'espace «Schengen», du nom
de la ville luxembourgeoise où furent signés les premiers accords. Cette coopération intergouvernementale s'est développée pour
regrouper treize États membres en 1997, lors de la signature du traité d'Amsterdam. Grâce à ce traité, les décisions adoptées depuis
1985 par les membres de l'espace Schengen ainsi que les structures de travail mises en place ont été intégrées au sein de l'Union
européenne (UE) le 1er mai 1999 ». L'espace et la coopération Schengen, site de l’Union Européenne, http://europa.eu/scadplus/
leg/fr/lvb/l33020.htm
Bargel François - 2008
11
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
potentiellement dangereux. La coopération policière avec les pays d’origine est donc une
des priorités des services de police de l’Union dans l’optique d’avoir une politique de
prévention. Dans leur livre Le Crime organisé, les auteurs Xavier Raufer et Stéphane Quere
réalisent une synthèse de trois rapports d’Europol sur le crime organisé (Organised Crime
Report) et démontrent que l’origine des principaux groupes mafieux sévissant en Europe
est la Méditerranée. La Turquie est mentionnée 8 fois et le Maghreb 4 fois dans une analyse
comprenant quinze Etats membres. L’intérêt est aussi évident en matière de lutte contre le
20
blanchiment d’argent : en effet le GAFI crée en 1989 par le G8 a publié en 2000 une liste
des pays non coopératifs dans cette lutte : l’Egypte, Israël, le Liban et même la Hongrie
en faisaient partie. L’Union européenne a donc intérêt à mettre en place une coopération
renforcée entre ses membres et avec les pays riverains de la Méditerranée pour lutter contre
ces nouvelles menaces.
Par ailleurs, l’Union affirme placer la question des droits de l’homme et de la démocratie
au cœur de ses relations avec les pays tiers. En effet la Stratégie Européenne de Sécurité
publiée en Décembre 2003 affirmait : « La meilleure protection pour notre sécurité est
un monde fait d’États démocratiques bien gouvernés. Propager la bonne gouvernance,
soutenir les réformes sociales et politiques, lutter contre la corruption et l’abus de pouvoir,
instaurer l’État de droit et protéger les droits de l’homme: ce sont là les meilleurs moyens de
renforcer l’ordre international ». La Déclaration de Barcelone y fait explicitement référence,
les Etats « s’y engagent à développer l'Etat de droit et la démocratie dans leur système
politique tout en reconnaissant dans ce cadre le droit de chacun d'entre eux de choisir et de
développer librement son système politique, socioculturel, économique et judiciaire ». Les
gouvernements réaffirmèrent leur volonté de « respecter les droits de l'homme et les libertés
fondamentales, ainsi que garantir l'exercice effectif et légitime de ces droits et libertés, y
compris la liberté d'expression, la liberté d'association à des fins pacifiques et la liberté de
pensée, de conscience et de religion, individuellement ainsi qu'en commun ». La dimension
des droits de l’homme et de l’Etat de droit est donc présente et réaffirmée dans ce projet. Estce que cette exigence a cours dans le cadre de la coopération policière ? L’Union cherche-telle plus globalement à pousser les Etats membres du Partenariat vers une démocratisation
relative de leurs services pour, sur le long terme, faire prévaloir sa vision de la démocratie
dans le champ politique ? Ou l’impératif d’efficacité conduit il à se concentrer sur l’aspect
technique de la coopération ? Peut-on transposer notre modèle européen de Police aux
pays du pourtour Méditerranéen ?
Ce débat, loin d’être une problématique uniquement méditerranéenne ou seulement
philosophique, est au cœur de la controverse qui agite aujourd’hui le Congrès américain et
la Maison Blanche. En effet après la découverte des prisons d’Abou Graïb et des centres
secrets d’interrogatoire en Europe de l’Est, les représentants du Congrès cherchent à
encadrer strictement les méthodes d’interrogatoire de la C.I.A. en obligeant ses membres
à respecter les directives du manuel militaire d’interrogatoire. Le président Bush quant à lui
a posé son véto le 8 mars 2008 contre cette législation qui nuirait, selon lui, à l’efficacité
des services de renseignement américains. On le voit donc il est ici aussi question des
buts et des valeurs que l’Union veut promouvoir sur la scène internationale : l’Europe
20
« Le Groupe d'Action financière (GAFI) fondé en 1989 est un organisme intergouvernemental visant à développer et
promouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme »
Site officiel du GAFI, http://www.fatf-gafi.org/pages/0,3417,fr_32250379_32235720_33631745_1_1_1_1,00.html
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Introduction
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fait-elle de la Realpolitik pour préserver sa population et ses intérêts des affres des 5
guerres de la Mondialisation ? Ou au contraire veut-elle s’inscrire dans une approche
globale sur le long terme visant à promouvoir la stabilité de la région en poussant à
la démocratisation d’Etats qui sont notoirement peu enclins à respecter les droits de
l’homme ? Cette question, quoique cruciale, fait partie d’une problématique plus large
concernant l’action de l’Union européenne. Celle-ci est elle complémentaire de celle des
Etats membres ou celle-ci s’oppose t elle aux actions des Etats qui tentent de préserver leurs
prérogatives et leurs intérêts nationaux? La zone méditerranéenne est des plus importantes
pour la sécurité européenne et les enjeux politiques majeurs de la zone (conflit palestinien,
tensions entre pays du Maghreb) pèsent sur les coopérations techniques indispensables
au projet euro méditerranéen. Il est donc intéressant de savoir quelles sont les modalités
de cette coopération. Permet elle aussi d’améliorer la coopération entre Etats du Sud afin
d’avoir un retour en sécurité intérieure pour tous les Etats participants ? Et quels sont les
liens avec les autres politiques de coopération initiées par les autres acteurs internationaux
(ONU, Interpol) ?
Pour traiter au mieux ce sujet nous verrons tout d’abord les concepts théoriques
et l’expertise encadrant l’action de l’Union Européenne (I). Puis nous analyserons les
modalités de cette coopération Euro méditerranéenne (II) concurrencée par de nombreux
acteurs internationaux. Enfin, nous étudierons les cas de la République de Turquie et du
Liban (III) qui représentent les deux extrêmes dans la région : un Etat fort et centralisé
aux portes de l’Europe d’un côté et de l’autre un Etat confronté aux luttes confessionnelles
internes et aux ingérences des puissances limitrophes.
21
« Le terme de realpolitik (allemand : politique réaliste), désigne une politique qui privilégie uniquement l'efficacité et les
résultats "affichables" : à ce titre, les statistiques et les résultats dits "concrets" ont le primat absolu. C'est également une politique qui
ne se soucie pas des principes éthiques. On pourrait la désigner comme le cynisme politique ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Realpolitik
Bargel François - 2008
13
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur
de la coopération policière dans la
Méditerrannée
L’Union Européenne en tant qu’entité dispose de concepts théoriques justifiant son action
(A). Elle dispose par ailleurs d’une expertise majeure dans le domaine de la coopération
policière (B) du fait de sa participation aux missions de maintien de la paix en Ex Yougoslavie
et du processus d’adhésion et d’intégration des anciens pays du Bloc soviétique à l’Union
Européenne.
A. La Réforme du Secteur de la Sécurité, concept
directeur de l’action de l’Union.
Le concept de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) est encore mal défini et
sujet à débat dans les milieux scientifiques. C’est néanmoins une idée sous jacente des
programmes européens comme en témoigne le document de Stratégie pour le Liban
2007 2013 qui affirme « Le gouvernement libanais a soumis une demande directe d’aide
communautaire dans ce secteur. La formation des forces de sécurité nationales, la formation
de la police, la réforme du secteur de la sécurité, ainsi que des projets de gestion des
frontières pourraient être envisagés en vue d’accroître la coopération dans le secteur de
22
la sécurité ».
Mais quels sont les tenants et les aboutissants de ce concept ? La RSS est une
vision globale des besoins de bonne gouvernance du secteur de la sécurité au sens large
du terme (Police, Justice, Armée compagnies de sécurité privées et organisations non
gouvernementales). Elle est basée sur la notion de « sécurité humaine » en opposition avec
le terme « sécurité de l’Etat » dont les forces de l’ordre des pays non démocratiques usent et
abusent pour justifier leurs exactions et pour protéger l’ordre établi. Selon Timothy Edmunds
« la Réforme des services de sécurité à pour but d’assurer la sécurité au sein de l’Etat de
23
manière effective et efficace dans le cadre d’un contrôle démocratique civil ».
L’objectif de la RSS est donc tout d’abord d’assurer un contrôle effectif des forces
armées par des gouvernements démocratiquement élus. Il s’agit aussi de charger les
forces de l’ordre d’assurer la protection des individus plutôt que celle des institutions.
Les principaux promoteurs de ce concept sont l’Organisation des Nations Unies (ONU)
et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Le texte
international de référence est la résolution de l’assemblée générale de l’ONU n°5596
22
Document de Strategie pour le Liban p.19
23
Libre traduction de Wilhelm N. Germann Timothy Edmunds, Towards Security Sector Reform in Post Cold War Europe A
Framework for Assessment, Bonn International Centre for Conversion (BICC), 2003, p.3-4
14
Bargel François - 2008
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée
titrée « renforcement de l’Etat de droit ». Ce document appelle à s’assurer « qu’un
enseignement des droits de l’homme soit incorporé dans les programmes de formation
destinés aux fonctionnaires, aux forces de l’ordre et aux forces armées » et soutient qu’il
faut « veiller à ce que l’armée demeure comptable de ses actes envers un gouvernement
civil démocratiquement élu ». Il prévoit par ailleurs de « Promouvoir l’indépendance et
l’intégrité du corps judiciaire et, en lui assurant la formation, la sélection, l’appui et les
ressources dont il a besoin, renforcer son aptitude à rendre la justice avec équité et efficacité,
à l’abri d’influences externes indues ou corruptrices » et de prévoir des recours effectifs aux
décisions de l’administration.
L’OSCE est allée plus loin en adoptant en 1994 un Code de conduite sur les aspects
politico militaires de la Sécurité. Ce texte prévoit notamment un contrôle parlementaire sur
les agences de renseignement (Annexe IV). Les éléments de base de la RSS sont donc
d’assurer une séparation effective des pouvoirs dans les textes constitutionnels. Puis dans
un second temps d’assurer un contrôle civil sur les forces armées, un contrôle parlementaire
sur les décisions relatives au secteur de la sécurité (nominations etc..). Il s’agit aussi de
garantir la possibilité d’un recours judicaire à l’encontre des actions de l’administration
(budget des services de sécurité et appels dans les cas de détention). Enfin, une partie
de la RSS consiste à assurer un maximum de débats publics sur les questions de sécurité
afin d’éviter les que les décisions soient prises en catimini. L’action de la RSS pourrait donc
se résumer à un renforcement de l’Etat de droit à l’Européenne dans les pays concernés.
Toutefois, il faut bien garder en tête les mises en garde d’Antoine Basbous, Directeur de
l’observatoire des pays arabes, « Ne nous leurrons pas, le sud et l'est de la Méditerranée ne
ressemblent en rien aux pays de l'Europe de l'Est qui se sont libérés de l'URSS et ont adopté
le modèle de démocratie libérale en appliquant des recettes «clé en main». Malgré le joug
24
communiste, les sociétés civiles de l'Est aspiraient à partager les valeurs de l'Occident ».
Les valeurs de la société civile seraient donc une des pré conditions de la réussite de la
RSS dans cette zone.
L’Union européenne dans l’élaboration de sa stratégie de réforme des services
de sécurité semble d’ailleurs placer une grande confiance dans le rôle de la société
civile dans le processus de contrôle et de démocratisation des Etats. Ainsi dans la
déclaration de Barcelone en 1995, les participants affirmaient «reconnaitre la contribution
essentielle que peut apporter la société civile dans le processus de développement
du partenariat euro méditerranéen [.. .] ils conviennent de renforcer et/ou mettre en
place les instruments nécessaires à une coopération décentralisée pour favoriser les
échanges entre les acteurs du développement dans le cadre des législations nationales :
responsables de la société politique et civile, du monde culturel et religieux, des universités,
de la recherche, des médias, des associations, les syndicats et les entreprises privées
25
et publiques ; ».Cette conception peut paraître paradoxale dans la région où les Etats
autoritaires se sont évertués à empêcher toute contestation politique par le biais de leurs
forces de sécurité. Néanmoins cette conviction est réaffirmée dans le projet Stratégique
par Pays concernant le Liban sur la période 2007-2013. « La société civile jouera un
rôle de catalyseur et de sensibilisation dans ces domaines [renforcement de l’Etat de droit
et respect des droits de l’homme notamment pour les réfugiés palestiniens]. L’objectif de
l’UE consistera à renforcer son rôle dans le processus en cours de dialogue politique et
de prévention des conflits et à poursuivre les échanges interpersonnels. La modernisation
et le développement de la prestation des services publics, notamment l’amélioration
24
25
Antoine Basbous, L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008
Idem
Bargel François - 2008
15
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
de la bonne gouvernance et des mesures de lutte contre la corruption et de promotion
de la transparence, en particulier des finances publiques, sont les principales priorités
26
du Liban ». La définition actuelle de la société civile est l'ensemble des institutions
(famille, entreprise, association...) où les individus poursuivent des intérêts communs sans
interférence de l'Etat. Ces groupes « selon des procédures qui leur sont propres, élaborent
27
des valeurs spécifiques "(Pour une analyse plus complète de la conception de société civile
et son application dans le partenariat euro-méditerranéen voir en annexes le Document
« Quelle place pour la société civile »). Cette idée d’opposition à un ordre considéré comme
injuste est tout a fait présente dans le terme « société civile internationale » englobant les
altermondialistes et les défenseurs des droits de l’homme. Beaucoup d’analystes semblent
penser que le développement d’institutions libérales extérieures à l’Etat (marché et société
civile) favoriserait la démocratisation du pays sans détailler plus les composantes d’un
tel processus. C’est la critique développée dans Les limites d’une démocratisation par la
28
société civile en Afrique du Nord , qui dénonce un phénomène de mode quant au rôle de
la société civile qui éviterait de se poser les bonnes questions.
Jean Ferrié, dans son article, critique les auteurs férus de la « good governance » qui
affirment qu’une démocratisation est possible par le biais de la société civile qui fixerait petit
à petit des règles aux gouvernements. De fait, l’auteur rappelle les limites d’un tel processus
de démocratisation sur les choix des gouvernants. Les ONG constitutives de la société civile
recherchent en effet la collaboration de l’Etat bien plus que le conflit ouvert avec celui-ci.
De même, il va de soi que les entrepreneurs ne sauraient être gagnants lors d’un bras
de fer avec les gouvernement ceux-ci n’étant de fait pas lié au destin des entreprises du
pays tandis que les entrepreneurs dépendent du bon vouloir de l’administration pour la
bonne marche de leurs affaires (réglementation, accréditations, déductions d’impôts). Les
Etats de la région ont abandonné des pans entier de l’économie et se retrouvent incapables
(Socialisme de l’Egypte de Nasser ou en Algérie) ou ne veulent pas (Sud Liban) mener
à bien la production de services aux populations. Les seules réussites politiques de ces
Etats étant leurs politiques sécuritaires les maintenant au pouvoir, la société civile est en
fait la réaction de la société pour survivre face à ce « système de pénurie ». La stabilité
des régimes autoritaires de la région à poussé les opposants à investir la sphère de la
production de service gagnant ainsi la légitimité nécessaire pour parler au nom du peuple
vis-à-vis des gouvernements et ainsi réintégrer la vie politique en tant « qu’association
de plaidoyer » auprès de l’Etat. L’exemple type est les Frères musulmans en Egypte qui
assurent de nombreux services à la population et dont les membres sont élus sous l’étiquette
"indépendant" au Parlement Egyptien (Cet exemple vaut aussi pour le Hezbollah libanais
ou le Hamas Palestinien). De fait, si les activistes politiques s’inscrivent dans la création
d’associations celles-ci ne sont tolérées que si elles ne remettent pas en cause l’ordre
politique établi. De plus, la plupart des associations n’ont de fait qu’un but local et ne sont
pas des organisations politiques il s’agit tout au plus d’une défense d’intérêts sectoriels
qui ne nuît pas à l’autoritarisme libéral mis en place dans la région et permet l’émergence
de nouveaux décideurs technocrates cooptés par le gouvernement. De plus, la présence
d’associations de service est un élément nécessaire à ces Etats pour avoir accès à un
certain nombre de financements qui sont directement versés à ces associations. Il est vrai
que la société civile peut porter les revendications de la population et par ce biais apporter
26
27
28
Document de Stratégie pour le Liban 2007-2013p.18
Y. Cannac, Le débat N° 26, 1983
Jean-Noël Ferrié, Les limites d’une démocratisation par la société civile en Afrique du Nord, Maghreb Machrek, N°175,
Printemps 2003
16
Bargel François - 2008
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée
un vent de démocratisation. L’USAID en Egypte a cherché à associer les élus, les ONG
et les populations dans des actions concrètes avant de les pousser à outrepasser leur
fonction première en devenant des associations de plaidoyer. Mais de fait les associations
de doléance sont utiles aux gouvernements de la région en permettant une remontée
d’information sur l’état de l’opinion et permettant de déterminer les mesures à prendre. De
plus, cela assure une participation non politique de la part des gouvernés. Ainsi on peut
29
affirmer comme l’a démontré Bradford Dilman que la libéralisation économique a certes
permis une ouverture vis-à-vis de la société civile mais à bien plus permis aux Gouvernants
de raffermir leur pouvoir au lieu de faire naître des contre-pouvoirs au sein de la société.
L’objectif de la RSS est d’introduire des procédures de mise en responsabilité des officiels
des appareils de sécurité dans un processus de démocratisation. Mais cet objectif est en
totale contradiction avec les tendances récentes dans la région. Ainsi Antoine Basbous note
« La gouvernance des pays du Sud dresse de multiples obstacles au succès de ce projet.
[…] l'objectif stratégique des régimes «républicains» est de se transformer en «monarchies»
de facto. En Syrie, la dictature héréditaire des Assad a montré la voie. En Égypte, tout est mis
en place pour que Gamal Moubarak succède à son père. En Libye, le colonel Kadhafi, qui a
enterré De Gaulle, Pompidou et Mitterrand, prépare sa succession au profit de l'un de ses
fils. Au pouvoir depuis 1987, le président tunisien s'apprête à faire modifier une fois de plus
la Constitution pour s'offrir une présidence à perpétuité. Sans oublier Bouteflika, qui était
déjà ministre en 1962 et qui souhaite amender la Constitution algérienne pour s'accorder
30
un troisième mandat présidentiel, malgré son état de santé ».
Pour conclure nous pouvons reprendre les propos de Michel Camau « les régimes
sont eux-mêmes à l’origine de changements dont ils maîtrisent l’ampleur, la portée, de telle
manière que la phase initiale de la transition, la libéralisation, peut s’avérer le moyen de
faire obstacle à la démocratisation
31
»
B. L’expertise de l’Union Européenne en matière de
coopération policière
La force de l’Union Européenne en matière de démocratisation s’est illustrée en Europe
de l’Est après la chute du bloc soviétique. Dans son livre « Developments in Central and
East European politics » S. White prend l’exemple de la stabilisation des Balkans et de
l’Europe de l’Est et démontre que l’Union peut imposer une certaine libéralisation tant
politique qu’économique aux pays tiers et a une certaine expérience dans le domaine du
renforcement de l’Etat de droit. Ainsi en 1993, les critères de Copenhague sont définis et
donnent la marche à suivre aux pays voulant adhérer à l’Union ainsi qu’un ensemble de
principes directeurs définissant les relations extérieures des institutions européennes. Les
3 critères ainsi définis sont les suivants :
_Etre une démocratie stable respectant les droits de l’homme
29
30
31
« Facing the market in North Africa », The Middle East Journal volume 55 N°2, 2001 pages 165-181.
Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008
M Camau, « La transitologie à l’épreuve du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord », Annuaire de l’Afrique du Nord 1999,
tome 38, 2002, p.5
Bargel François - 2008
17
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
_Intégrer l’acquis communautaire
_Etre une économie stable et capable de résister à la pression concurrentielle
Ces trois grands principes donnent aussi des orientations générales à la coopération
policière mise en place par l’Union. L’Union dispose d’une certaine expertise dans ce
domaine précis. Deux exemples viennent à l’esprit : la Mission assurée par l’Union
européenne en Albanie (a) et la Mission de Police en Bosnie Herzégovine (b). Enfin nous
verrons que les enseignements tirés de ces deux missions ont permis de lancer des
missions au Proche-Orient (c).
Ces missions de police mises en place par l’Union ont pour cadre la Politique
Européenne de sécurité et de défense (PESD) définie par le Traité de Maastricht en
1992. Si cette politique regroupe les activités militaires que pourrait prendre en charge
l’Union, elle se veut un cadre plus global d’action comprenant la gestion civile des crises.
Ce dernier aspect n’a cessé de prendre de l’importance notamment avec le Conseil
d’Helsinki en 1999 qui y fait explicitement référence. En Juin 2000, le Conseil Européen
de Feira au Portugal lançait la dimension civile de la PESD. Quatre grandes priorités
y furent fixées. La police, le renforcement de l’Etat de droit, de l’administration civile
et la protection civile. Les Etats européens se fixèrent pour objectif d’être capable de
fournir 5000 officiers de police pour les missions internationales. Le but semble avoir été
atteint : en 2004 l’Union disposait de 5 761 officiers dont 1400 pouvaient être déployés
en moins de 30 jours. Comme les efforts de l’Union seraient vains si l’on se concentrait
uniquement sur les forces de police, l’Union a aussi mis en place des structures visant
à assurer l’efficacité des systèmes judiciaires et pénitencier. Ainsi 631 personnels (juges,
procureurs, membres de l’administration pénitentiaire) peuvent être mobilisés conjointement
aux policiers. Concernant l’administration civile et la protection civile, l’Union peut mobiliser
respectivement 565 fonctionnaires et environ 5000 hommes pour les équipes de sauvetage.
Le conseil Européen du 16 et 17 décembre 2004 à cherché à étendre les capacités de
l’Union Européenne en matière de gestion civile des crises. De nouveaux objectifs furent
ainsi fixés pour 2008. Depuis 2003, dix missions civiles ont été lancées. La première mission
fut dans les Balkans et l’objectif fut de créer une force de police nationale respectant les
standards européens.
1. Les prémices de l’action de l’Union : l’administration de la ville de
Mostar et l’Albanie
Le premier théâtre d’opération de la Police européenne fut la ville de Mostar où l’Union
administra la ville en tant « que contribution à la création d’une administration pluriethnique
32
et durable de la ville ». L’Union agissait en soutien à la FORPRONU puis à l’IFOR. L’objectif
fixé était d’aider les militaires à démilitariser totalement la ville, puis de restaurer et maintenir
l’ordre public en instaurant une administration unique composée des différentes parties.
Environ 181 officiers de police furent détachés par le biais de l’Union de l’Europe Occidentale
(UEO). Ils permirent la formation de 209 officiers au sein d’une unité unique comprenant
132 membre de Mostar Est et 77 de Mostar Ouest contrôlé par les croates. Le résultat ne fut
guère probant du fait des ingérences des hommes politiques locaux qui tenaient sous leur
coupe les policiers à cause du processus de décentralisation de la police Fédérale. De plus,
il y avait une trop grande rotation des effectifs envoyés par les gouvernements nationaux
ce qui rendait inutile et inefficace tout investissement en formation.
32
18
Décision 94/790/PESC du 12 décembre 1994 justifiant rétroactivement le dépoiement des forces de police a partir du 23 juillet 1994
Bargel François - 2008
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée
Mais le réel commencement d’une coopération policière efficace fut l’envoi de l’Elément
de Police multinational (EMCP) en Albanie à partir de mai 1997. Suite à la crise politique
sans précédent que rencontrait le pays, le Président Sali Bérisha soutenu par l’assemblée
avait demandé une intervention militaire pour rétablir l’ordre et protéger la Constitution le
13 mars 1997. Le Conseil de sécurité de l’ONU par sa résolution 1101 autorisa un tel
déploiement. Conjointement à l’opération militaire « Alba », l’Union répondit à cet appel en
dépêchant ses forces de Police du 12 Mai au 12 Aout 1997. La structure de commandement
de l’EMCP était la suivante : un chef conseillé par quatre adjoints spécialisé dans un des
domaines suivants : ordre public, police des frontières, logistique et organisation. L’action
des policiers européens se concentra sur la restructuration de la police et du Ministère de
l’Intérieur. Il s’agissait de « former les instructeurs » afin de voir les bonnes pratiques se
répandre dans les rangs des nouveaux policiers. Le 9 Mars 1999, dans sa décision 99/189/
PESC le Conseil Européen fixa comme objectif à l’EMCP de participer « à la création d’une
force de police viable en Albanie ». Environ 160 hommes furent affectés à cette mission, le
but étant de former environ 3000 policiers. La plupart des 41 commissariats et des directions
du ministère de l’intérieur Albanais furent évalués. Des Equipes de Formations et de Conseil
sur le terrain (EFCT) furent mises en place et permirent de connaître les besoins des
policiers au niveau local. Au total plus de 3000 policiers furent formés, principalement les
forces spéciales et la Police des frontières. Concernant la réorganisation des services, la loi
sur la Police d’Etat fut ratifiée par le Parlement Albanais le 25 Novembre 1999. En matière
de financement, le programme PHARE de l’Union alloua 4,8 millions d’écus à l’Albanie et la
Commission européenne rajouta un million supplémentaire. La principale innovation fut que
tout achat devait au final profiter aux forces Albanaises. Tout le matériel acheté au cours de
cette formation est donc revenu à la Police locale à la fin de la mission le 31 mai 2001.
Néanmoins, si des succès ont été rencontré, il faut toutefois ne pas surestimer l’impact
de l’’action de l’Union. Ainsi S. White affirme que l’Union a été réticente à l’idée d’être
l’organisation pionnière en matière de lutte contre la corruption en Albanie, et ce même
ci ce fléau est reconnu comme un des facteurs qui à contribué au déclenchement de la
guerre civile en 2000. Pour confirmer son point de vue l’auteur cite The International Crisis
Group en 2002 qui affirmait que « 7 ans de séminaires, de séances d’entraînement et de
« capacity building » [renforcement des capacités de la police] n’ont pas produit une seule
condamnation d’envergure en matière de corruption quand bien même la communauté
33
internationale avait fourni les preuves nécessaires ».
2. La Mission de Police de l’Union Européenne en Bosnie Herzégovine
La MINUBH (Mission des nations unies en Bosnie Herzégovine) disposait d’une
composante civile le Groupement International de Police (GIP) dont le statut avait été fixé
par l’annexe 11 des accords de Dayton. Les objectifs fixés à cette force étaient d’améliorer
le niveau de la police en Bosnie par un encadrement, des inspections et des formations. Les
33
Macedonia’s public secret:how corruption drags the country down, Brussels ICG , 2002 p.35
Bargel François - 2008
19
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
effectifs prévus pouvaient selon la résolution atteindre 2057 membres mais les effectifs se
stabilisèrent à 1527 policiers venus de différents pays. En pratique il s’agissait de modifier
les priorités des forces de police pour qu’ils s’occupent d’abord avant tout de la sécurité
des citoyens au lieu de la sécurité de l’Etat. Cela passait par l’instauration d’une police
multi ethnique et la réforme du Ministère de l’Intérieur, ainsi que la remise à niveau de
la police des tribunaux et de celle des frontières situées en dehors de la juridiction du
Ministère de l’Intérieur. La principale innovation par rapport aux missions précédentes est
que le GIP installa son personnel au sein des forces locales, assurant ainsi une plus grande
cohésion entre les forces internationales et locales. L’une des difficultés majeures était le
morcellement des forces, divisées en quatorze services différents qui ne coopéraient pas
er
forcément entres eux. Cette force fut remplacée le 1 janvier 2003 par une force de police
européenne ; la MPUE (Mission de Police de l’Union Européenne). La Direction Générale
numéro IX Unité de Police se chargea de la planification de l’opération. Une équipe de
er
30 experts fut envoyée du 1 Avril 2002 jusqu’au 31 décembre pour assurer la continuité
des actions. La MPUE comprenait 500 policiers venus de 34 pays (420 des pays membres
34
de l’UE, 80 de pays candidats et de l’OTAN ) Il est important de noter que la Turquie a
participé a cette action. Environ 20% des effectifs de 2003 sont d’anciens membres du GIP
ce qui a permis une transition en douceur. Aujourd’hui, cette force dispose de 177 membres
venus de 33 pays pour un budget de 14,8 millions d’euros. Le Général Vincenzo Coppola du
corps des Carabiniers Italiens, dirige cette force. Il peut s’enorgueillir de quelques succès
obtenus par l’action des policiers européens. Grâce à l’action de ces 177 policiers européens
et des 220 officiers bosniaques, la police de Bosnie Herzégovine a retrouvé une certaine
efficacité. La formation du SIPA (service de la police locale chargée du combat contre la
criminalité organisée et la drogue) a permis aux forces de l’ordre de regagner l’estime des
citoyens. Soutenu par l’Union en matière de formation mais aussi de renseignement, ce
service a traité en 2006 plus de 23 affaires de blanchiment d’argent, à protégé 82 témoins
et traité 370 affaires de crime de guerre. L’autre service à avoir pleinement profité de l’action
de la force de police européenne est la Police des frontières. L’Union s’est concentrée
sur la formation des officiers de police et la réforme des structures de cette division. Les
résultats furent rapides : en 2006, l’action de ces policiers à permis l’arrestation de 400
personnes recherchées par Interpol ou d’autres organisations internationales, la saisie de
70 kilogrammes d’héroïne et de plusieurs tonnes de cannabis. L’opération peut donc être
qualifiée de succès, toutefois il faut nuancer notre propos. En effet, selon S. White, la
pléthore d’organisations internationales impliquées dans les Balkans avec des cultures
institutionnelles diverses voire incompatibles entre elles et des modèles de management
différents ont rendu et rendent encore difficile la coordination effective des efforts externes
35
de stabilisation .
3. Le développement de missions au Proche Orient
34
35
http://ue.eu.int/eupm/homePage/index.html
Stephen White, Judy Batt, Paul G. Lewis, Developments in Central and East European Politics, Duke University Press,
Durham, 2003, p88
20
Bargel François - 2008
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée
En matière d’intervention dans la zone euro méditerranéenne, l’Union a mené deux
actions dans les territoires palestiniens : il s’agit de l’EUBAM (European Border Assistance
Mission) qui joue le rôle de tierce partie à l’accord sur les mouvements de populations conclu
entre Israël et l’autorité Palestinienne le 15 novembre 2005. La mission européenne, forte
de 71 membres, surveille toutes les opérations aux points de passages entre l’Etat Hébreu
et les territoires. Le mandat prévoit une action du 30 novembre 2005 jusqu'au 13 novembre
2006. Celui-ci fut étendu pour six mois supplémentaires. L’autre mission est EUPOL COPPS
lancée le 14 novembre 2005 par l’action commune 2005/797/PESC du Conseil. Il s’agit
d’une mission de réforme de la police sur le long terme qui fait partie d’un soutien plus large
à l’autorité palestinienne. L’assistance est faite par le biais de dons en matériel de la part des
pays membres. Le chef de la mission, Colin Smith, affirme que cette police, a juste besoin
d’un soutien plus fort en termes d’équipement pour devenir une réelle force de maintien
de l’ordre. Environ 31 officiers de police (26 ressortissants de l’UE et 5 locaux) dont des
experts en formation participent à cette mission. Ils disposent d’un budget de 6,4 millions
er
d’euros pour la période allant du 1 mars au 31 décembre 2008. Il s’agit ici d’aider à la
formation de la police locale notamment par le biais du centre d’entrainement de Jéricho.
Plusieurs centaines de policiers ont été recrutés et entrainés ces dernières années. L’une
des principales missions est d’équiper convenablement cette force. L’Union Européenne
participe aussi à l’évaluation et donne des conseils pour la remise à niveau des installations
pénitentiaires et du système judiciaire.
L’Union a donc une réelle expertise dans la réforme des services de sécurité, forgée
par l’intégration des ex satellites soviétiques et par la gestion des situations de crise dans
les Balkans. Cette expérience est une des clés de la réussite de la coopération policière et a
permis aux européens de commencer des missions de coopération au Proche Orient. Mais
si l’on en croit Steven White « Finalement force est d’admettre que l’Union à été incapable
de fournir un modèle dans les domaines dans lesquels les pays candidats en avaient le
plus besoin. Quant on en vient aux questions les plus sensibles et difficiles de la région
comme le crime organisé, les droits de l’Homme le traitement des minorités l’Union est
agnostique ». De fait, bien que les nouveaux membres et les pays candidats doivent remplir
36
des conditions politiques, l’Union n’a pas « d’acquis communautaire démocratique » sur
lesquels se baser et guider les candidats. Les Etats membres ont eux même des pratiques
très différentes dans leurs politiques sur des questions comme l’éducation bilingue des
enfants ou le contrôle des services de renseignements par le parlement. Pour conclure,
l’auteur affirme que « le désir de rejoindre l’Union à été l’une des incitations majeures pour
37
entreprendre les réformes les plus importantes dans la région ». Si l’on en croit cette
dernière hypothèse, l’action de l’Union dans le pourtour méditerranéen pourrait n’avoir qu’un
impact limité. En effet, l’Union a rejeté la candidature du Maroc en 1987 et n’offre aucune
perspective d’adhésion aux autres Etats de la région excepté la Turquie. Les incitations à
coopérer et à se reformer sont donc moindres même si le Processus de Barcelone prône
la création d’une zone de libre échange dans la région
L’idée de base de la RSS est donc le renforcement de l’Etat de droit au travers du
contrôle démocratique de l’appareil sécuritaire. « Reconstruire l’Etat de droit est devenu
l’un des grands classiques des fins de conflits » selon l’auteur de l’article Transposer l’Etat
36
Stephen White, Judy Batt, Paul G. Lewis, Developments in Central and East European Politics, Duke University Press,
Durham, 2003, p259 260
37
Idem p.262
Bargel François - 2008
21
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
38
de droit dans les Failed States, Réflexions à partir d’une expérience africaine
. Il s’agit
d’œuvrer à la création d’institutions impartiales capables de dire le droit et de le mettre en
application. Cette définition est volontairement différente de celle acceptée dans les pays
occidentaux. En effet, dans ces pays l’Etat de droit se caractérise par un équilibre subtil des
pouvoirs et une séparation effective de ceux-ci. Nous prenons la définition la plus simpliste
car elle est applicable aux zones qui sortent de conflits (où l’Etat s’est désagrégé au profit
des divisions ethniques ou confessionnelles [Liban]) où dans le cadre d’un Etat autoritaire
rentier ([Egypte, Algérie] soumis aux intérêts particuliers). Cette fonction primordiale est
mise en œuvre par un système pénal qui implique un droit pénal, une force publique et un
dispositif de détention. Ces deux derniers étant soumis aux injonctions du pouvoir judiciaire.
L’Etat de droit dont il est question est donc un ensemble de lois (droit pénal local mais aussi
droit international) et de trois organisation (justice, police, prison) dont le fonctionnement
interne et les relations obéissent à des règles clairement définies par des textes et des
procédures impersonnelles.
Néanmoins il est important de reconnaître l’européano-centrisme dont il s’agit quand
on parle de l’Etat de droit notion issue de la philosophie politique européenne. Cet aspect
est très bien décrit par Antoine Basbous « Ne nous leurrons pas, le sud et l'est de la
Méditerranée ne ressemblent en rien aux pays de l'Europe de l'Est qui se sont libérés de
l'URSS et ont adopté le modèle de démocratie libérale en appliquant des recettes «clé en
main». Malgré le joug communiste, les sociétés civiles de l'Est aspiraient à partager les
valeurs de l'Occident. Avec l'UPM, il ne s'agit pas de rééditer cette expérience en intégrant
le sud et l'est de la Méditerranée, mais de créer une association pour relever le défi du
partage de la modernité et du développement. Car les deux rives n'adhèrent pas toujours
aux mêmes valeurs culturelles et religieuses, et leurs dirigeants ne caressent pas les mêmes
39
desseins politiques ».
L’objectif de la RSS est de changer l’objectif des services de sécurité afin qu’ils assurent
la sécurité des populations au lieu de se concentrer sur la sécurité des institutions. Pour
réussir à atteindre cet objectif et rétablir puis maintenir l’ordre il faut d’abord s’assurer de la
neutralité de la force publique que ce soit par rapport au politique, au religieux et au pouvoir
économique. Cette neutralité est sans doute la plus difficile à obtenir. De plus, un pouvoir de
sanction d’un comportement jugé illégal par rapport à une norme suppose l’existence d’un
consensus sur un ensemble de valeurs dans la société. Ce consensus n’est pas présent
dans tous les pays où les divisions religieuses polarisent la société. Comme l’affirmait le
Commissaire Mathieu Clouzeau lors d’une interview, la RSS est trop alambiquée dans des
Etats qui manquent principalement d’une réelle structure étatique disposant monopole de
la violence légitime. Dans ces pays, le problème n’est pas tant le fonctionnement des forces
armées que l’absence de réelle structure étatique. Par exemple, le pouvoir des miliciens du
Hezbollah au Sud Liban provient de fait essentiellement de la faiblesse voire de l’absence
de l’Etat central libanais dans cette zone. Autrement dit, il faut déjà avoir les bases d’un
Etat avant de le reformer. Il faut donc, avant de penser à une quelconque réforme, assurer
la mise en place des structures de base pour le travail policier. De plus, il faut prendre en
compte le problème du « path dependance » que l’on pourrait traduire par la force des
habitudes. En effet plus qu’une formation, il faut convaincre les individus que les nouvelles
méthodes prônées sont plus efficaces que les méthodes traditionnelles. Si l’on n’arrive
pas à convaincre les agents sur le terrain tout l’effort de formation est rendu inutile. Le
38
Transposer l’Etat de droit dans les Failed States, Réflexions à partir d’une expérience africaine, Thierry Vircoulon Les Cahiers
de la Sécurité intérieure, 55, 1er Trimestre 2004, p.205 218
39
22
Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008
Bargel François - 2008
I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée
poids des traditions dans des pays comme le Liban par exemple est un facteur important
lorsqu’il s’agit de comprendre le fonctionnement de la politique confessionnelle qui à cours
au sein même des administrations. Pour finir, comme je l’ai affirmé précédemment l’Union
n’a pas de réelles normes communautaires dans le domaine de la sécurité. La France par
exemple ne dispose d’aucun contrôle parlementaire sur ses services de renseignement,
tandis que les parlementaires britanniques ou allemands ou américains disposent de cette
prérogative. Dans ces conditions, il est difficile de pouvoir parler d’une seule voix ou de se
poser en exemple face aux membres de services de sécurité que l’on souhaiterait pousser
à la réforme.
Bargel François - 2008
23
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
II) Une Action globale aux Acteurs
pluriels
L’Union Européenne, si elle est un acteur majeur, reste segmentée entre les diverses
agences Européenne (A). De plus, d’autres acteurs participent à la coopération policière
dans la région (B) tels que les Etats membres ou les Organisations internationales comme
l’Organisation des Nations Unies ou Interpol. Cette coopération peut donc être l’occasion
d’affrontements et d’incompréhensions entre les différents intervenants comme l’avait
affirmé Steven White dans son livre précédemment cité, « La pléthore d’organisations
internationales impliquées dans les Balkans avec des cultures institutionnelles diverses
voire incompatibles entre elles et des modèles de management différents rend difficile la
40
coordination effective des efforts externes de stabilisation »
A. L’Union Européenne, un acteur Majeur mais
segmenté
Les objectifs de la coopération restent contradictoires entre les ambitions démocratiques de
la Direction Générale des relations extérieures conduite par Javier Solana et les impératifs
d’efficacité de la Direction Générale Justice, Liberté et Sécurité de Franco Frattini (1). De
plus, de nombreuse agences sont responsables des différents aspects de la coopération
policière (2), que ce soit Frontex ou Europol, ce qui fragmente l’action européenne.
1. Deux visions pour un même programme : la dyarchie au sein des
directions de l’Union
La Politique extérieure de Voisinage (PEV) dont fait partie le projet Euro Méditerranéen est
l’objet d’intenses négociations au sein même de l’Union. Cet aspect est souligné par Ruben
Zaiotti : « Nous ne devons néanmoins pas omettre le fait que le Conseil et la Commission
ne sont pas des acteurs unitaires et cohérents. Plusieurs unités au sein de ces institutions
ont participé au processus de formulation et d’élaboration de la PEV (nous pourrions dire
la même chose des initiatives menées par l’UE) – parfois en concurrence les unes avec
les autres. Parmi ces unités, les directions générales Relations extérieures (DG Relex),
41
Elargissement et Justice, Liberté et Sécurité (DG JLS) de la Commission ». Comme nous
l’avons déjà évoqué Javier Solana base sa stratégie sur les principes de la « Democratic
40
Stephen White, Judy Batt, Paul G. Lewis, Developments in Central and East European Politics, Duke University Press, Durham,
2003, p.88
41
Ruben Zaiotti, La propagation de la sécurité : l’Europe et la schengenisation de la Politique de voisinage, Cultures & Conflits, 66,
2007, mis en ligne le 09 juillet 2007. Consulté le 30 avril 2008. http://www.conflits.org/index2471.html
24
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
42
peace theory » selon laquelle les démocraties ne se font pas la guerre entre elles. L’idée
serait donc de pousser à la démocratisation des pays limitrophes et ainsi garantir la sécurité
et la stabilité de l’Union. C’est un des objectifs affichés de l’Union, comme le démontre
le Document de Stratégie européenne de Sécurité de 2003 qui affirme : « La meilleure
protection pour notre sécurité est un monde fait d’États démocratiques bien gouvernés.
Propager la bonne gouvernance, soutenir les réformes sociales et politiques, lutter contre
la corruption et l’abus de pouvoir, instaurer l’État de droit et protéger les droits de l’homme:
ce sont là les meilleurs moyens de renforcer l’ordre international ». Les objectifs affichés
sont donc très ambitieux : la démocratisation des pays voisins de l’Union. Les accords avec
les pays tiers reflètent cette stratégie qui est clamée haut et fort. Ainsi, dans le Document
Stratégique pour le Liban les fonctionnaires européens affirment « La PEV [Politique
Européenne de Voisinage] contribuera aussi à réaliser l’un des objectifs stratégiques que
l’UE s’est fixé dans sa stratégie européenne de sécurité en décembre 2003, à savoir garantir
la sécurité de notre voisinage ». Mais parallèlement à cet objectif louable quoique difficile
à mettre en place, d’autres impératifs ont cours, notamment la sécurisation des frontières
de l’Europe. Cet objectif imprègne toutes les décisions et politiques de l’Union selon Ruben
Zaiotti qui affirme « Lorsque les acquis Schengen furent incorporés à l’UE (avec l’entrée en
vigueur du traité d’Amsterdam en 1999), Schengen est devenu le cadre officiel définissant
le domaine JAI (Justice et Affaires Intérieures) de l’Union. L’adhésion à cette culture est
progressivement passée d’un petit groupe de pays à presque toute l’UE (à l’exception
notable du Royaume-Uni et de l’Irlande), plus certains pays non membres de l’UE comme
la Norvège, l’Islande et la Suisse. De plus, des préoccupations « internes » étroites autour
de la question du contrôle des frontières, les hypothèses et les pratiques de Schengen ont
43
atteint d’autres champs politiques, dont les affaires étrangères ». Selon cet auteur l’aspect
sécuritaire à pris le pas sur la politique de développement mutuel qui était à la base l’objectif
de la Politique Européenne de Voisinage, la question sécuritaire n’étant qu’un corolaire de
44
celle-ci . « La DG JLS (Justice Liberté Sécurité ex JAI) est une des « line DG » invitée
à participer à l’élaboration de la politique grâce à ses compétences et son expertise […].
De par le sujet qu’elle aborde et ses nombreux contacts avec les ministères de l’Intérieur
des Etats-membres, cette DG tend à prôner une orientation plus sécuritaire que les autres
DG et a ouvertement demandé à ce que des sujets tels que le droit d’asile, l’immigration
45
clandestine et le trafic soient placés en priorité dans le programme de la PEV ». Elle a
été aidé par le Conseil qui, inquiet des initiatives de la Commission Européenne a repris les
rênes de la PEV et à cherché à intégrer une approche plus sécuritaire. Ainsi le CEPOL, une
des seules agences à avoir un programme spécifique Euromed, répond au Commissaire
Franco Frattini et non pas à Javier Solana pour son programme de formation des policiers
du Sud de la Méditerranée.
Toujours est il que les objectifs affichés à la base ne sont plus autant poursuivis ce qui
entraine des blocages de la part des pays riverains. « Jusqu’à présent, les pays de l’Europe
de l’Est et du Sud-Méditerranée impliqués dans la politique [Européenne de Voisinage] ont
accepté la schengenisation de la PEV, en suivant – quoiqu’à contrecœur – les exigences
de l’UE, dans l’espoir de pouvoir profiter économiquement de ce rapprochement avec l’UE.
42
43
L’un des principaux représentants de ce courant est le Professeur John Owen IV de l’Université de Virginie (Uva)
Ruben Zaiotti, « La propagation de la sécurité : l’Europe et la schengenisation de la Politique de voisinage », Cultures & Conflits,
66, 2007, [En ligne], mis en ligne le 09 juillet 2007.URL : http://www.conflits.org/index2471.html. Consulté le 30 avril 2008.
44
On reprend ici l’exemple de l’espace Schengen pendant sécuritaire de la mise en place d’un espace sans contrôles aux frontières
au sein de l’Union.
45
Ruben Zaiotti
Bargel François - 2008
25
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Des signes d’irritation peuvent déjà se faire sentir chez certains voisins. A mesure que la
PEV prend forme et que les premiers plans d’action sont appliqués, certains gouvernements
appellent à plus de concessions de la part de l’UE, et résistent aux politiques impopulaires
46
que cette dernière tente de leur faire imposer à leurs populations ». Pour illustrer cet état
de fait, on peut prendre en exemple le problème des visas pour les citoyens Algériens
47
qui est la « pomme de discorde » entre Paris et Alger depuis plusieurs années . Cette
dyarchie pousse les agences Européenne à jouer parallèlement sur deux fronts : « le retour
en sécurité intérieur » et la démocratisation des pays tiers. Faute de moyen et de signal
clair de la part de la Commission le second est souvent sacrifié au premier.
2. Des Actions mises en œuvre par différents services
a. Europol : L’analyse et l’échange d’informations
« Une évaluation commune de la menace constitue la meilleure base d’une action
commune. Cela implique de mieux partager le renseignement entre les États membres
et avec les partenaires » Javier Solana, Stratégie Européenne de Sécurité, 12 Décembre
2003.
source
48
Cette mission d’analyse et de coordination des forces de police est dévolue à une
agence de l’Union Européenne, Europol. L’article K.1 du traité de Maastricht du 7 février
1992 prévoyait la création de cette organisation. Le Point 9 de ce même article identifie les
principaux champs d’action de cet Office Européen de Police. Il s’agit de « la coopération
policière en vue de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de drogue
et d’autres formes graves de criminalité internationale, y compris, si nécessaire, certains
aspects de coopération douanière, en liaison avec l’organisation à l’échelle de l’Union d’un
système d’échanges d’informations au sein d’un Office européen de police (Europol)» Cette
organisation trouve ses racines dans l’action commune du 15 mars 1995 qui institue l’Unité
drogue Europol. L’agence prévue par le Traité de Maastricht fut officiellement créée par la
46
47
Idem
Algérie : UE Visas, harraga et terrorisme Article paru le 12 mars dans le quotidien d'Oran, par Djamel B, site de la Fondation
Méditerranéenne d’Etudes Stratégiques http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=935
48
26
Emblême tiré du site Internet d’Europol
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
er
Convention du 25 juillet 1995 et n’a été opérationnelle que le 1 Juillet 1999. Le quartier
général d’Europol est à la Hague. Son budget pour l’année 2008 est de 66,4 millions
d’euros. L’agence emploie 612 personnes dont 118 officiers de liaisons des différents pays
membres (venus des services de police des douanes etc..). Le Traité d’Amsterdam définit
ses compétences dans l’article 30-2. Celui énonce que le « Conseil … permet à Europol
de faciliter et d’appuyer la préparation, et d’encourager la coordination et la mise en œuvre
d’actions spécifiques d’enquête menées par les autorités compétentes des Etats membres,
y compris des actions opérationnelles d’équipes conjointes comprenant les représentants
49
d’Europol ». Qualifié de « fledgling European FBI » par le New York Times « Europol est
surtout un centre de coordination et d’échange de renseignements criminels ; il informe les
polices des Etats membres, dispense des conseils pour des enquêtes. Mais pour parvenir
à combattre sérieusement le crime organisé et le terrorisme dans l’Union Européenne,
50
Europol devra disposer d’un budget plus substantiel ». Europol dispose de la capacité
de communiquer des informations sous certaines conditions à des Etats tiers en vertu de
l’article 18. L’agence dispose de la capacité légale pour signer des accords avec des Etats
ou des organisations internationales pour garantir la protection des données fournies par
elle selon l’article 26 de la Convention. Cette capacité peut être étendue à la conclusion
d’autres accords dans le respect des règles établies par la Convention. Europol a ainsi
conclu des accords avec le Federal Bureau of Investigation (FBI), la Drug Enforcement
Administration (DEA), et le Service Secret des Etats Unis (USSS chargé de la protection du
Président). Mais concernant la zone méditerranéenne seule la Turquie dispose d’une telle
base pour la coopération depuis le 18 Mai 2004. Il s’agit d’un accord basé sur l’échange
d’information stratégique et technique. Il est important de noter que cette coopération
ne permet pas l’échange d’informations personnelles ce qui est rappelé des le début de
l’accord. L’article 3 de ce document précise les relations entre la République de Turquie et
Europol. Il prévoit notamment des échanges en matière de formation. De fait, il faut toujours
garder à l’esprit qu’Europol est une organisation qui accorde la priorité à l’analyse et non
51
pas à l’aspect opérationnel de la lutte contre la criminalité . A ce titre les deux principales
productions d’Europol sont les rapports annuels sur le terrorisme le “European Terrorism
Situation and trend report” (TE-SAT) et la criminalité organisée ‘European Union Organised
Crime Threat Assessment’ (OCTA). Europol est traditionnellement dirigée par un allemand.
Les pays d’Europe du Nord sont surreprésentés par rapport à la France dans l’organisation.
La Police Nationale dispose d’un directeur adjoint Français mais n’est pas très représentée
dans les effectifs d’Europol. La France n’a pas une tradition d’analyse et se penche plus
sur l’aspect opérationnel des choses. Les Français seraient plus en faveur d’un aspect plus
opérationnel pour Europol si d’aventure ils présentaient un officier au poste de directeur.
Il faut toutefois ne pas oublier les rivalités entre services et entre pays ce qui rend difficile
le partage de l’information au niveau européen notamment en matière antiterroriste. Ainsi, le
Monde affirmait que le recours à Office Européen de Police était « particulièrement modeste,
52
pour ne pas dire inexistant faute de confiance entre pays de l’Union ». Si ces problèmes
sont présents entre pays membres, la capacité de l’agence à coopérer avec les pays tiers
reste sujette à caution. L’action de l’Union ne se limite bien entendu pas à fournir des fonds
et à fournir des analyses aux Institutions Européennes. Les décideurs européens cherchent
49
50
51
52
On peut ici le traduire comme „FBI européen en devenir“
Le Crime organisé, Xavier Raufer et Stéphane Quere, PUF, Que sais-je, 2000 4ème édition refondue.
Interview du contrôleur général Jean Eric Lacour, sous directeur du SCTIP, 08/04/2008
Mais que fait la police?, Le Monde, 1er Avril 2005
Bargel François - 2008
27
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
à coordonner les actions des forces des Etats membres. La décision du Conseil européen
du 12/03/2003 prévoit ainsi une réunion périodique des officiers de liaisons envoyés dans
un même pays tiers. Selon Mr Lacour, cette décision si elle donne une base juridique ne
fait que confirmer ce qui se faisait déjà de manière informelle. Les ASI et les officiers de
liaison des différents pays européens ainsi que leur homologues américains se rencontrent
régulièrement. On imagine mal en effet les officiers de Police des Etats membres s’ignorer
mutuellement dans un pays étranger d’autant plus que l’échange d’information est une part
importante du travail des officiers de liaison chargé de la coopération opérationnelle.
b. Frontex : le contrôle des frontières
source
53
Frontex est une agence de l’Union Européenne pour la gestion de la coopération
opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres. Elle est opérationnelle depuis
le 3 Octobre 2005 et son siège est à Varsovie. Sa mission est d’aider les Etats membres à
mettre en œuvre les textes communautaires en matière de gestion des frontières extérieures
et de coordonner les opérations des Etats membres en ce domaine. Il est important de noter
que les Etats membres restent seuls et uniques responsables de la gestion des frontières
de leurs territoires, Frontex n’a en effet qu’une compétence d’appui. Contacté par courriel,
l’officier des relations publiques de Frontex, Michal Parzyszek, a bien voulu répondre à mes
questions. Cet organisme de coordination des services nationaux des Etats membres à
la capacité juridique de conclure des accords de coopération mais elle n’a pas d’accords
de cette sorte avec les pays du Sud de la Méditerranée. Seules la Russie, l’Ukraine, la
Croatie et la Suisse bénéficient d’un tel accord. Néanmoins l’Algérie, l’Egypte la Lybie
la Mauritanie ont des relations fréquentes avec l’organisation sans toutefois que celles-ci
soient formalisées.
L’agence dispose de plusieurs opérations sur le long terme :
.
-
Héra (le long de la côte mauritanienne et du Sénégal)
-
Nautilus (en Méditerranée)
Poséidon (sur la mer Egée et les frontières terrestres entre la Turquie et la Grèce,
entre la Turquie et la Bulgarie et entre l’Albanie et la Grèce)
53
28
Emblême tiré du site officiel de Frontex
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
Selon les dires de l’officier en charge des relations publiques la politique pour les
relations envers les pays tiers est celle « d’un développement graduel et de l’instauration
d’un partenariat durable ». En des termes plus simples, la coopération commence par
un échange d’information et d’expériences. Puis on passe au niveau suivant qui est la
coopération en matière d’entraînement, de recherche et de développement (R&D), suivis
par un échange de renseignements et des opérations conjointes. Frontex n’a pas pour
mission de former les services des pays tiers qu’elle considère comme ses partenaires.
Néanmoins, « si ceux-ci sont intéressées par les outils de formation que nous avons
développé nous sommes prêts à partager. Un exemple de cette coopération ponctuelle
en matière de formation est la traduction en Ukrainien de notre outil de formation sur les
54
documents falsifiés et sa transmission à nos partenaires ». Cette politique ne comporte
toutefois pas un volet d’assistance technique. En ce qui concerne les droits de l’homme
Frontex est inscrite dans le cadre des relations extérieures de l’Union et respecte toutes
les recommandations de la Commission. De plus, les programmes de formation des gardes
frontières comprennent la dimension des droits de l’homme en accordance avec le droit
international. Toujours selon les dire de Frontex « Pendant les opérations conjointes les
experts sont d’abord briefés sur les droits de l’homme et les règles applicables en la matière.
De plus, pour les opérations maritimes qui se transforment le plus souvent en missions de
55
sauvetage la protection des vies humaines et les droits de l’homme ont la priorité »
Néanmoins, d’après les dires du Colonel Dominique Lapprand du Centre de
Prospective de la Gendarmerie Nationale, Frontex n’a pas encore acquis toute sa stature
car elle est « née » au milieu du mandat de la Commission actuelle et ne dispose donc
pas des ressources suffisantes pour pouvoir répondre de manière efficace aux défis qui lui
sont posés. Cette analyse est confirmée dans un article du Monde paru le 5 Aout 2007,
« L'agence européenne Frontex, dont le rôle est de coordonner la surveillance des frontières
extérieures de l'Union européenne, a décidé de suspendre, faute de moyens, ses patrouilles
en Méditerranée destinées à endiguer les flux d'immigration clandestine vers Malte et l'Italie.
Ces deux pays participaient, avec l'Allemagne, l'Espagne, la France et la Grèce, à l'opération
Nautilus II, lancée le 25 juin et appelée, en principe, à durer jusqu'à l'automne. Friso Roscam
Abbing, porte-parole du commissaire Franco Frattini, chargé notamment du dossier de
l'immigration, a reconnu, jeudi 2 août, que l'agence était contrainte de décider une « pause
56
» dans l'activité de ses patrouilles ». Face à l’afflux des sans papiers notamment aux
Canaries, l’Union essaye de légiférer pour organiser une meilleure coopération. Le Monde
dans un autre article affirmait « A partir du mois de juillet, des gardes-frontières de toute
l'Europe pourraient être envoyés en renfort dans les pays qui le demandent, en cas d'afflux
massif d'immigrants : le Conseil des Ministres de l'Intérieur, le 20 avril, et le Parlement
européen, le 26 avril, devraient adopter dans les mêmes termes un projet de règlement
instituant la création d'« équipes d'intervention rapide aux frontières ». Au conseil, ce texte
s'est heurté aux réticences des pays du Nord, qui ne sont guère enclins à faire preuve de
solidarité sur un problème qui ne les concerne guère. Quant aux pays de l'Est, ils rejetaient
57
une ingérence dans leur mission de contrôle des frontières orientales de l'Europe ». Si on
ne peut mettre en doute le souci des droits de l’homme par les institutions européennes il
faut toutefois garder à l’esprit que ses partenaires la Lybie l’Algérie n’ont pas les mêmes
54
55
56
57
Traduction du courriel envoyé par l’officier des relations publiques Michal Parzyszek Mai 2008
idem
Immigration clandestine : suspension des patrouilles en Méditerranée, le Monde 5 Aout 2007 article de Thomas Ferenczi
L'Union européenne crée une force d'intervention rapide de gardes-frontières Le Monde 19 Avril 2007 article de Rafaële
Rivais
Bargel François - 2008
29
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
exigences en termes de démocratie et de respect des droits de l’homme. Ainsi le New York
Times dans un article du 26 Aout 2007 titré « For African Migrants, Europe Gets Further
Away » (pour les migrants africains l’Europe devient de plus en plus lointaine) affirmait
que le nombre d’immigrés clandestins avait fortement diminué (un tiers ou plus selon le
Journal) de même que le nombre de noyés. Selon l’auteur de l’article « Les chiffres sont
incomplets mais pour le mois de juillet l’ONG Forteresse Europe a annoncé le nombre
d’arrivées en Italie à 5200 personnes, compares aux 9389 à la même période en 2006, soit
une baisse de 45% ». Si les Européens se félicitent du succès rencontrés par Frontex, le
journal affirme les partenaires des européens ont recours à des méthodes musclées pour
empêcher les migrants d’embarquer. Toujours selon la même source, outre les opérations
Frontex, l’Espagne a mis sur pieds les des opérations conjointes avec le Maroc et le Sénégal
après le raz de marée de 2006 où les espagnols avaient vus le nombre d’immigrants
clandestins doubler. Mais le journal faisait justement remarquer que le Maroc est un Etat
relativement soucieux des droits de l’homme tandis que le régime du Colonel Kadhafi reste
un régime autoritaire. Le New York Times rapporte aussi que l’Italie et la Libye on conclu
un accord informel pour attaquer les trafiquants de drogues et les passeurs clandestins. Le
problème est que selon les militants des droits de l’homme interrogés par le journal, la Libye
a eu recours à des déportations arbitraires et autres persécutions pour remplir sa part du
contrat. De plus, les officiers de police libyens se laissent corrompre assez facilement par
58
les passeurs selon les dires de Fulvio Vassallo Paleologo professeur de droit a l’Université
de Naples et expert sur la question de l’immigration.
Néanmoins le rôle de Frontex ne doit pas être sous estimé : en effet dans le cas
du Sénégal par exemple, la dimension européenne de la problématique est importante
selon Jean Charles Lamonica, ASI à Dakar. Selon lui « la coopération, avec les espagnols
notamment, est capitale. En juillet 2006, s’est tenue une réunion plénière à Las Palmas.
Elle portait essentiellement sur deux routes empruntées par les migrants pour rejoindre
l’Espagne et la France. Une grande partie de mes homologues européens étaient présents.
Suite aux conclusions, il a été décidé, en liaison avec la police aux frontières Françaises
d’organiser un comité de coordination des officiers de liaisons européens à Dakar. Nous
nous réunissons environ tous les deux mois entre correspondants portugais, italiens,
espagnols et français avec le chef de la coopération gendarmerie et le premier conseiller
59
de l’ambassade de France ». L’Union Européenne s’est engagée à fournir 310 000
euros dans le cadre de son dispositif RRM (Réaction Rapide aux Migrations) aux autorités
sénégalaises. Ces sommes seront allouées à un bureau contre la Fraude Documentaire et
aux unités qui patrouillent en mer.
c. Le Cepol : la formation des cadres
58
“But problems remain. Human rights advocates say Libya has resorted to harassment, arrest and arbitrary deportation even
for those fleeing war. They also say the country’s work to stop the flow is incomplete at best. “If you pay the police, you can go on with
your trip to Sicily,” said Fulvio Vassallo Paleologo, an immigration expert and professor of law at the University of Palermo in Sicily” ,
For African immigrants Europe gets further away, the
59
30
New York Times ,26 Août 2007 de Ian Fisher.
Sénégal des côtes ouvertes sur l’Europe, Civique n°164 Aout Septembre 2007, Isabelle Bac.
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
source
60
Le CEPOL a été créé sous initiative française en 1999. Il s’agit tout d’abord d’une
action intergouvernementale qui est devenue une agence européenne en 2005 (Décision du
Conseil du 20 Septembre 2005 n° 2005/681/JHA). Le cadre général de l’action du CEPOL
est le processus de Barcelone lancé en 1995. Une réunion des ministres de l’Union euro
méditerranéenne à Valence en 2002 a étendu l’application de ce pacte au JAI dépendant
du Commissaire Frattini (qui est l’interlocuteur du CEPOL). Trois sous-programmes ont été
ensuite mis en œuvre, concernant la justice, la police et l’analyse des migrations. Le Cepol
agit en tant que mandataire de l’Union Européenne pour le programme MEDA. Elle passe
un contrat avec l’Union avec pour cahier des charges la réalisation du projet Euromed II.
En matière d’effectifs, outre Mr Antonmattei le programme MEDA du CEPOL est administré
par 5 personnes dont un Colonel de Gendarmerie Nationale Française, adjoint au directeur
du projet.
Le projet MEDA I avait pour ambition d’organiser des séminaires de quatre jours et
demi ou cinq jours à l’intention des autorités policières des pays membres de la zone
méditerranéenne. Il y avait douze pays au cours de ce projet : Algérie, Chypre, Egypte,
Jordanie, Israël, Liban, Malte, Maroc, Autorité Palestinienne, Syrie, Tunisie, Turquie. Le
Budget était de deux millions d’euros sur la période Avril 2004/Mai 2006. Cette somme s’est
avérée suffisante, puisque le coût final a été voisin de 2 000 000 euros. Quinze séminaires
furent organisés touchant une audience d’environ 300 personnes. Les grands thèmes de
ces séminaires étaient la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le trafic de drogue, la lutte
contre l’immigration clandestine et le crime organisé de manière plus générale. Seuls les
Syriens ne participèrent pas du fait de la participation d’officiers israéliens aux séminaires.
Un séminaire était prévu au Liban mais il a été annulé à la demande des autorités libanaises
suite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri le 14 février 2005 à Beyrouth.
Le projet Euromed II est plus ambitieux et s’est vu allouer 5 millions d’euros sur trois
ans (Juillet 2007/ Juin 2010). Il est axé sur quatre grandes activités. Tout d’abord 21
séminaires vont être organisés, dont trois plus spécialement dévolus aux missions des
groupes d’intervention de type GIGN. Il s’agit de l’action la plus importante de la part du
CEPOL. Le second objectif est d’organiser quatre réunions des directeurs Généraux de la
Police des Etats membres de l’Union Méditerranéenne. Ces réunions auraient une durée
de un à deux jours et seraient suivies par une réunion des officiers de liaison des pays
européens dans la zone. Le troisième objectif est la tenue de stages d’une semaine en
immersion dans les services européens pour les chefs de service des Polices du sud de
la Méditerranée. Enfin, dernier point, un projet de réseau numérisé ouvert uniquement aux
participants des stages et séminaires afin de communiquer et d’échanger sur des sujets
professionnels. Si les objectifs sont plus ambitieux, le nombre d’Etats parties est moins
important : la Turquie fait désormais partie des pays candidats à l’entrée dans l’Union
60
Emblême tiré du site du CEPOL
Bargel François - 2008
31
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Européenne et Chypre et Malte sont désormais des pays membres. Il s’agit d’une perte
aussi bien qualitative que quantitative : la Turquie ayant été très dynamique dans le projet
Euromed I (2 séminaires ont été organisés sur son territoire lors du programme MEDA I et
la Police Turque est « d’assez bon niveau » selon les termes des dirigeants du programme,
même si elle a encore des progrès à faire en termes de déontologie). En effet, Chypre et
Malte ainsi que la Turquie étaient des « zones neutres » où les participants de tous les
pays concernés acceptaient des se rendre (Les officiers israéliens ne peuvent se rendre
dans la plupart des pays arabes, ceux-ci n’ayant pas signés d’accord de paix avec leur
pays). Le seul pays Meda pouvant actuellement accueillir les représentants des différents
pays est la Jordanie. De plus, la Syrie n’accepte toujours pas de participer aux cotés
d’officiers Israéliens (cette participation est aussi impossible pour certains officiers libanais
proches du Hezbollah). De plus, du fait du contexte politique tendu l’Algérie ne participe
actuellement pas aux actions du programme Euromed II. Il est important de noter qu’il ne
s’agit pas de coopération opérationnelle qui reste du ressort des Etats ou d’Europol. En
matière de budget, les sommes allouées correspondent aux besoins du programme selon
Mr. Antonmattei. Chaque séminaire du projet Euromed II doit impliquer dans sa préparation
au moins l’action de trois pays Meda et celle de trois pays de l’Union Européenne. En ce qui
concerne les droits de l’homme, les pays de la zone sont des « démocraties relatives » ou
en voie de démocratisation. C’est pourquoi lors des séminaires les intervenants rappellent
leur conception démocratique de la police basée sur le respect des droits de l’homme, et
la prohibition de la torture. On rappelle aussi les inconvénients de l’emploi de méthodes
« musclées en matière de Police », le principal étant de jeter de nouvelles recrues dans
les bras des terroristes. Néanmoins, l’accent mis sur ce point précis par des actions
transversales et non par des séminaires uniquement dédiés à la question. On aborde la
question de l’Etat de droit mais sans illusions concernant l’impact de cette action.
Le Programme MEDA est une approche de la coopération de type « Nord-Sud », mais
les interventions sont basées sur l’analyse des erreurs et des évènements survenus sur le
territoire des pays participants afin « d’apprendre des erreurs du passé ». Ainsi, la Police
marocaine a fait une analyse détaillée des attentats de Casablanca du 16 Mai 2003. En
matière de relations avec les autres intervenants du monde de la coopération policière,
il n’y a pas de contacts entre la FIEP en tant qu’organisation et le CEPOL. Néanmoins
la Gendarmerie Nationale est partie prenante des missions de formation au même titre
que la Police Nationale lorsque la France accueille les séminaires ou fournit des experts.
Europol et Frontex, deux agences de l’Union Européenne peuvent fournir des experts pour
les séminaires du CEPOL. Europol est vu comme un soutien pour le CEPOL, il n’y aurait
61
pas de concurrence en matière de formation. Les Américains qui sont présents sur la zone
et pourraient fournir à l’occasion des experts de même que l’ONU. Le CEPOL n’a pas
de liens institutionnels avec d’autres organismes de l’Union Européenne ou avec d’autres
organisations internationales telles qu’Interpol.
L’un des problèmes rencontrés, outre les tensions politiques inhérentes à l’actualité de
la région est le vide institutionnel entre les programmes : une fois le programme achevé une
procédure d’évaluation est lancée et un nouveau programme doit être élaboré. Il y a donc
une période d’un an où l’action du CEPOL en direction des pays Meda s’arrête, faute de
budget et de feuille de route.
La coopération policière au niveau Européen soumise à un débat entre les différentes
Directions de l’Union est donc le fait de trois agences : Europol, Cepol, et Frontex. Cette
61
Le FBI a ouvert une antenne à Alger selon un article du 10/04/2008 Le point n°1856
fbi-a-alger/1331/0/237016
32
Bargel François - 2008
http://www.lepoint.fr/actualites/le-
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
dernière semble le plus à même de mener une réelle coopération au jour le jour avec les
forces de police des pays du pourtour méditerranéen malgré un budget qui n’est pas en
adéquation avec ces responsabilités. Pour mémoire, l’Union dispose aussi d’un Office de
lutte anti-fraude (OLAF) chargé d’empêcher les atteintes au budget européen (contrebande,
fraudes fiscales, détournements de fonds européens scandales financiers au sein des
institutions européennes). Cet organisme quoique peu connu dispose de 160 inspecteurs
indépendants sous la tutelle de la Cour Européenne de Justice. Son action peut avoir dans
certains cas avoir une part dans la coopération policière avec les pays tiers. Mais l’Union
Européenne n’est pas la seule à agir dans ce domaine sur la région. D’autres acteurs
disposant de leur propre expertise sont à l’œuvre sur toute la région.
B. La concurrence d’autres acteurs internationaux
1. Les Etats-Nations : le rôle de la France
a. La coopération policière : Le SCTIP
Le SCTIP
Le SCTIP (Service de Coopération Technique et Institutionnelle de la Police) est un
organisme créé « par décret le 14 Décembre 1961, au moment de la mise en œuvre du
processus de décolonisation en Afrique, afin d’apporter l’assistance des cadres de la police
62
française aux Etats nouvellement indépendants» . Cette direction de la Police nationale
gère un réseau de d’officiers de Police Nationale (Attaché de Sécurité Intérieure ou Officiers
de Liaison) en ambassade chargée de la coopération technique ou opérationnelle. La
France dispose d’environ une centaine de délégations placées auprès des ambassadeurs,
qui couvrent 140 pays sur tous les continents. Chaque délégation est sous l’autorité d’un
attaché de sécurité intérieure (policiers [79] ou gendarmes [17]). « Les ASI (Attachés de
sécurité intérieure) sont les conseillers de l’ambassadeur pour les questions de sécurité
et les interlocuteurs techniques des autorités locales de Police. Ils disposent du statut
diplomatique et mettent en œuvre la coopération en matière de sécurité définie par
le ministère de l’intérieur en cohérence avec les orientations générales de la politique
63
extérieure ». Le but étant d’avoir « un retour en sécurité intérieure », c'est-à-dire une
amélioration de la situation sécuritaire en France. L’ASI est en fait chargé d’être une
interface entre les services de police français et les autorités locales. Le cadre juridique
d’Interpol est quasiment indispensable pour tout ce qui est coopération judiciaire. En effet,
les commissions rogatoires internationales sont adressées au bureau Interpol du pays
concerné. Le Rôle de l’A.S.I. est alors de préparer le terrain en amont pour que les actions
soient prises le plus rapidement possible par les autorités nationales. Le réseau français est
de loin le premier réseau européen devant les britanniques.
Le SCTIP dispose par ailleurs d’environ 50 officiers de liaison chargés de la coopération
opérationnelle. La France en matière opérationnelle se focalise sur trois grands domaines :
l’immigration clandestine, le terrorisme et la lutte contre le crime organisé.
62
63
Site du Ministère de l’Intérieur, http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/organisation/sctip/sctip/view
Idem
Bargel François - 2008
33
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Cette direction de la Police nationale mène 1700 actions par an en matière de
formation qu’il s’agisse d’actions sur le terrain ou de formations en France. Quelques
21 millions d’euros ont ainsi été engagé dans des actions de coopération technique en
2006. Le Ministère des affaires étrangères à pour sa part fourni 11 millions d’euros, l’Union
64
Européenne 3 millions, et les pays bénéficiaires ont fourni les 5 millions restant . Les
financements sont donc variés et proviennent principalement du ministère des Affaires
Etrangères (MAE). En effet c’est le Ministère qui finance les projets du SCTIP. Celui ci
n’a pas de fonds propres pour exécuter ses projets. L’ASI prévoit des plans annuels de
formation en fonction des besoins exprimés par les autorités nationales qu’il soumet à
l’attaché culturel de l’ambassade. Celui-ci accepte ce projet en fonction de son propre
budget. Il existe d’autres sources de financement pour les actions de coopération. Tout
d’abord les Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP), qui sont destinés à la formation et
aux investissements structurels et en matériel. « Le Fonds de Solidarité prioritaire, c’est
l’instrument de l’aide projet du Ministère des Affaires Etrangères il a pour but de financer
par des dons uniquement, l’appui apporté par le ministère des affaires étrangères aux
pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) en matière de développement institutionnel,
65
social culturel, et de recherche ». Il s’agit de mettre en œuvre les principes de la
politique française d’aide au développement. La durée de ces fonds est de 12 mois à 3
ans. Les autres financements proviennent soit du pays hôte soit de l’Union Européenne.
L’Union a de nombreux programmes dans la région dans le cadre des divers Accords de
Partenariats avec les pays tiers ou dans programmes régionaux telles que la PEV (politique
européenne de Voisinage) ; Le SCTIP peut proposer des projets à l’Union qui les acceptera
en fonction des ses priorités. La France agit donc dans ce cadre comme un prestataire de
service pour l’Union qui n’a pas de capacité opérationnelle propre dans ce domaine où les
prérogatives étatiques restent prépondérantes. En matière de formation, l’action du CEPOL
est complémentaire de l’action du SCTIP il y a coopération entre les deux organisations
afin d’éviter les « doublons ». De plus, les ASI sont les correspondants/représentants
du programme MEDA. Ils permettent à l’équipe du programme MEDA de contacter les
personnes susceptibles d’être intéressées par les formations prodiguées par le CEPOL. Le
SCTIP peut aussi fournir ponctuellement des experts au CEPOL pour des séminaires.
Concernant la question des droits de l’homme, la réponse fournie par le sous directeur
est sans ambigüités. « Au cours de nos actions de formation nous cherchons à promouvoir
l’Etat de droit. C’est la base de notre action. Nous cherchons à montrer l’exemple d’une
police démocratique agissant dans le cadre de l’Etat de droit .De plus, nos financements
proviennent du Ministère des affaires étrangères qui est particulièrement vigilant sur ces
questions de droits de l’homme. Nous sommes contraints par des dispositions législatives
qui nous empêchent de coopérer et d’échanger des informations avec des pays qui
pourraient utiliser ces informations pour d’autres buts que l’action policière. En pratique, le
SCTIP ne saurait coopérer avec des pays n’ayant pas une législation assurant la protection
des données personnelles. Les pays en question doivent avoir une protection équivalente
de celle assurée par la CNIL en France. Le respect des droits de l’homme est vraiment la
base de notre action. Par exemple il n’y a pas eu de coopération policière avec la Chine
avant une période récente (2000) et notre coopération anti-terroriste à l’heure actuelle est
toujours soumise à la condition de respect des droits de l’homme. Un autre exemple est
celui de la Tunisie ou le SCTIP a cessé de coopérer après le durcissement du régime. La
question lancinante est doit on totalement ignorer un Etat du fait du non respect des droits de
64
65
34
Chiffres issus de l’article le SCTIP sur tous les continents, Civique n°164 Aout Septembre 2007 p. 26-27
Sénégal des côtes ouvertes sur l’Europe, Isabelle Bac, Civique n°164 Aout Septembre 2007
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
l’homme ? La dimension politique de la coopération est une donnée majeure pour pouvoir
comprendre l’organisation de la coopération policière en Méditerranée ».
En ce qui concerne l’ONU, la France et l’Europe sont plus particulièrement en relation
avec cette instance internationale pour la gestion civile des crises. Le Kosovo, Haïti, la
République démocratique du Congo sont autant de théâtres d’opérations ou la France au
travers du SCTIP ou plus généralement l’Union Européenne joue un rôle. Ces actions sont
plus généralement menées par les forces de gendarmerie mieux formées à la gestion de
crises. Au vu de ces informations on peut affirmer que les actions menées par la France
et l’Union sont complémentaires en termes d’objectifs et de financement. Toutefois il est
important de noter qu’il subsiste un certain cloisonnement inhérent à l’action policière : La
remontée d’information ne se fait pas au niveau européen. Les informations récoltées par
le SCTIP sont fournies aux différents services de la Police nationale. Des faits intéressant
la sécurité de l’Europe en Turquie ne sauraient être rapportés par les services Français à
Europol. C’est la Turquie qui, en vertu de son accord de partenariat avec cette agence de
l’Union Européenne, doit s’en charger.
La demande en matière de coopération est extrêmement forte et permet un réel retour
en sécurité intérieure. Ainsi dans un article du Figaro intitulé « La France va former la police
et la gendarmerie algérienne » le journal détaillait les perspectives de la coopération Francoalgérienne. L’Etat Algérien envisage en effet de recruter 130 000 hommes dans ses forces
de sécurité et à besoin de l’expertise Française en matière de formation et d’équipement.
« C'est Paris qui sera privilégié pour aider à la formation de cette force renouvelée. Michèle
Alliot-Marie y voit le signe d'une «relation d'exception». D'ici à 2010, les effectifs de la police
algérienne vont donc passer de 140 000 à 200 000 agents, ceux de la gendarmerie de
80 000 à 120 000 militaires et ceux de la Sécurité civile, de 30 000 à 60 000 hommes.
Quand le plan de recrutement sera réalisé, l'Algérie comptera un agent de sécurité pour 100
habitants, soit trois fois plus qu'en France […].Alger a donc établi sa liste «de courses» : du
matériel, des formations adaptées, notamment sur les techniques d'intervention et la gestion
des foules, des échanges de cadres, des outils performants de police scientifique pour
remonter son taux d'élucidation des affaires, des formateurs de formateurs.MAM [Michèle
Alliot Marie Ministre de l’intérieur] veut aller plus loin encore, en développant des équipes
66
communes d'enquête . Et puis, dit-elle, en termes choisis, «nous sommes, pour notre part,
demandeurs de l'expertise algérienne remarquable dans des domaines tels que la lutte
67
antiterroriste » […]. À l'ambassade de France à Alger, villa des Oliviers, cinq policiers et
gendarmes gèrent les demandes d'entraide judiciaire envoyées depuis Paris. Un travail à
flux tendu sur des centaines de dossiers. MAM l’affirmait : «L'Algérie est devenue pour nous
68
un partenaire stratégique.» L'une des clés de notre propre sécurité ». On le voit ici, la
coopération bilatérale menée par la France est appréciée de part et d’autres et permet un
retour en sécurité intérieure. Il est à noter que la France a réussi à mettre en place cette
66
Il s’agit d’une étape supplémentaire en matière de coopération. Les magistrat français et du pays concernés mettent en place
cette équipe commune d’enquête (ECE)composée d’officiers de police des deux pays qui travaillent côte à côte. Ils effectuent des
actes de procédure indifféremment dans l’un ou l’autre pays au même titre que des policiers locaux. L’exemple type est la coopération
Franco espagnole en matière de lutte anti drogue. Les policiers français dans le cadre de cette ECE se rendre en Espagne pour des
écoutes téléphoniques ou effectuer des auditions. Il est important de noter que même dans le cas du Maroc avec lequel la coopération
est excellente il n’y a pas d’ECE. Les déclarations de MAM peuvent donc être considérées comme un voeux pieux.
67
68
La encore il s’agit d’une formule réthorique: la France selon Mr Antonmattei est à la pointe en matière d’anti terrorisme.
La France va former la Police et la Gendarmerie Algérienne, 12 mai 2008, Le Figaro.fr
Bargel François - 2008
35
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
coopération là où le Cepol n’arrive pas à obtenir le même effort de coopération dans le cadre
69
de son projet Euromed II .
Pour mémoire, en matière de coopération policière opérationnelle, la France dispose
de « la SCCOPOL (Section Centrale de coopération policière). Il s’agit d’une plateforme
commune qui regroupe au sein de la Direction centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) les
points de contact et les informations provenant des services suivants :
Bureau Central National Interpol – monde entier, UNE (unité nationale)
Europol – 27 pays UE
Le Bureau SIRENE (supplément Requis à l'Entrée Nationale) du système SCHENGEN
A l'étranger, les divisions spécialisées de la DCPJ –antiterrorisme stupéfiants etc.
… disposent d'officiers de liaison qui sont désormais placés sous l'autorité de l'ASI du
70
SCTIP ». Pour parvenir à gérer les projets remportés par la France lors d’appels d’offre
de l’ONU ou de l’Union Européenne la France à mis en place une structure atypique le
CIVIPOL.
Le CIVIPOL
Comme le rappelle justement Jean Marie Fiquet membre du service des relations
internationales de l’Ecole Nationale Supérieure de Police « Le CIVIPOL n'est pas un acteur
de la coopération "per se" c'est un outil. Il est utilisé lorsque le service public ne peut pas
intervenir directement (lorsque les conditions d'exercice de la mission dépassent ou sont
situés hors son champ de compétence statutaire ou ses règles budgétaires etc.) CIVIPOL
est une structure qui dispose d'une personnalité juridique et d'une capacité financière dont
ne disposent pas les administrations. Prenons le cas de la modernisation de la police
algérienne. A l'issue d'un appel d'offres européen, le projet présenté par la police nationale
française est retenu. Par contre, la police nationale française, qui est un service public,
ne dispose pas de la capacité juridique pour gérer le budget adossé au projet, rémunérer
les intervenants, facturer etc.… il lui faut donc faire appel à un opérateur financier qui
est CIVIPOL .Les activités de coopération internationale assurées par des établissements
publics à caractère administratif français comme l'ENSP (École Nationale Supérieure de la
Police) ou l'INHES (Institut National des Hautes Études de la Sécurité) et les organisations
internationales (CEPOL, Europol, INTERPOL etc.) disposent de la personnalité légale et
peuvent donc contracter directement. Ainsi, Lorsque l'ENSP ou l'INHES mettent en œuvre
des actions de coopération, ils n'ont pas besoin de CIVIPOL car ils peuvent directement
facturer leurs prestations, ce qui a l'avantage de supprimer la ligne "frais de gestion" qui
71
accompagne tous les dossiers CIVIPOL ».
Alain Rondepierre son Président a défini pour la Magazine Civique (journal officiel du
Ministère de l’intérieur) les responsabilités de cette structure indispensable au ministère
de l’Intérieur dans ses relations internationales. « CIVIPOL a trois vocations : aider le
ministère de l’intérieur dans son action internationale, développer la coopération de la
72
France avec les pays étrangers et aider les entreprises à exporter ».Cette structure est
un opérateur du ministère c'est-à-dire qu’elle est mandatée par celui-ci pour accomplir des
69
70
71
Jean Marie Fiquet,Cdt EF,Adjoint chargé des relations internationales DRE/ENSP St Cyr au Mont d'Or contacté le 30/07/2008
Idem
72
36
Interview de Pierre Antonmattei, Paris, 24/04/2008
CIVIPOL Un bras mandaté, Civique n° 164 Aout Septembre 2007, Jean Philippe Robert.
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
tâches spécifiques. L’organisation est plus souvent « opérateur sur crédits européens ».
La gestion administrative des fonds est plus simple et plus transparente lorsqu’elle passe
par le CIVIPOL. Par exemple, dans le cadre d’une mission de développement de la police
en Europe de l’Est, c’est le CIVIPOL qui est responsable de toutes les composantes
administratives financières et logistique. Le CIVIPOL a dans ce cadre un lien direct avec la
commission européenne car elle rédige le rapport financier qui permet le remboursement
des sommes engagées. Le CIVIPOL répond aussi à des appels d’offre d’institutions
internationales qui ont un budget mais pas forcément les compétences techniques pour
assurer la mise ne place pratique de leurs programmes de développement. Le CIVIPOL
est donc un prestataire de service pour la Commission Européenne, l’ONU ou la Banque
Mondiale. L’exemple type cité par Jean Phillippe Robert dans son article est le suivant : lors
d’un appel d’offre touchant à la modernisation de la Police Algérienne, « CIVIPOL titulaire
du Contrat à œuvré au travers d’un consortium constitué d’une entreprise Luxembourgeoise
et de Thalès. Mise en place d’un contrôleur général à Alger, puis, au travers des budgets
européens fourniture de nombreuses expertises tels ont été les divers aspects de l’action
73
de CIVIPOL dans ce projet ». De plus, cet organisme se charge aussi de réaliser des
études stratégiques sur des domaines sécuritaires tels que l’immigration ou le contrôle
aux frontières dans les pays tiers. Le dernier type d’action entrepris est la coopération
interétatique. La coopération d’Etat à Etat est souvent le fruit du travail de l’attaché de
sécurité intérieur (ASI) membre du SCTIP. Lorsqu’il y a financement de la part de la France
ou de l’Union pour ces programmes bilatéraux, celui passe par le CIVIPOL. L’exemple
type étant la formation des forces spéciales au Qatar assurée par la police Française par
l’intermédiaire du SCTIP et géré par le CIVIPOL. Son président affirme la spécificité de cette
organisation en rappelant qu’étant un partenaire majeur du ministère de l’intérieur pour les
missions de coopération cette structure « est tout autant une entreprise de service public
74
sous contrat commercial ».
b. La coopération menée par le biais des Ecoles Nationales à vocation
Régionale de l’Armée de Terre.
La Coopération policière civile est donc très développée la France disposant des outils
adaptés et du premier réseau européen d’ASI. Mais en Afrique du Nord comme au Moyen
Orient le maintien de l’ordre est principalement assuré par des militaires ne disposant par
forcément des équipements et de la formation nécessaire à ces missions. Pour coopérer
avec ces forces militaires, la France à mis en place le concept des Ecoles Nationales à
Vocation Régionale en 1997.
Le site du ministère de la Défense Français détaille les composantes de cette
coopération militaire. « Avec ses partenaires, la France a créé des centres de formation
où sont enseignés des savoir-faire techniques et opérationnels adaptés aux besoins des
cadres des armées africaines. Les ENVR fournissent un enseignement de qualité égale à
celui dispensé en France, tout en l’adaptant aux réalités et aux moyens locaux. 14 écoles,
réparties sur 8 pays africains (bientôt 9), proposent ainsi des capacités de formation pour les
militaires du pays hôte, et pour ceux des pays voisins. La DCMD (Direction de la coopération
militaire et de défense)participe à la construction de ces écoles, ainsi qu’aux formations
dispensées, par des financements d’infrastructures et l’affectation de coopérants sur place.
Les ENVR forment chaque année plus de 1 500 stagiaires en moyenne, dans des domaines
73
74
Idem
Idem
Bargel François - 2008
37
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
aussi variés que les opérations de maintien de la paix, la sécurité intérieure, la santé, le
déminage ou l’administration. Véritable force d’intégration régionale, elles sont devenues
75
un élément clé de la politique de coopération française ».
Pays
Afrique
Bénin
ENVR
Acronyme
Centre de Perfectionnement aux Techniques de Déminage et de
Dépollution (Ouidah)
Centre de Perfectionnement de la Police Judiciaire(Porto-Novo)
Burkina Faso Ecole Militaire Technique de Ouagadougou
Cameroun
Centre de Perfectionnement aux Techniques de Maintien de
l’Ordre (Awaé)
Pôle Aéronautique National à Vocation Régionale (Garoua)
Gabon
Ecole d’Etat-Major (Libreville)
Mali
Ecole de Maintien de la Paix de Bamako
Ecole Militaire d’Administration (Koulikoro)
Ecole d’Etat-Major (Koulikoro)
Niger
Ecole des Personnels Paramédicaux de Niamey
Togo
Ecole du Service de Santé de Lomé
Sénégal
Ecole d’Application de l’Infanterie (Thiès)
Ecole Nationale des Officiers d’Active (Thiès)
Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale (Ouakam)
Europe
Roumanie
Ecole d’application pour les officiers de la gendarmerie (Rosù)
CPADD
CPPJ
EMTO
CPTMO
PANVR
EEM
EMP
EMA
EEM
EPPAN
ESSAL
EAI
ENOA
EOGN
EAOG
Sur quinze écoles (Voir tableau ci-dessus), quatre établissements sont dévolues aux
forces de police à Statut militaire. Une autre de ces écoles l’EIFORCES (école des forces
de sécurité d’Awaé, destinée à former les unités de police et gendarmerie des Opérations
de Maintien de la Paix) va être créée. « Preuve de son succès, ce concept a été étendu
à l’Europe de l’Est en 2002, avec l’ouverture de l’Ecole d’application des officiers de la
gendarmerie à Rosù en Roumanie. De nouvelles écoles vont d’ailleurs voir le jour dans un
avenir proche en Afrique subsaharienne. Depuis 1997, plus de 10 700 stagiaires africains et
76
européens ont été formés dans les 15 ENVR soutenues par la France ». Il n’y a pas de lien
officiel entre le SCTIP et les militaires chargés de cette coopération selon le Commissaire
Clouzeau, tout est géré par la DCMD mais en pratique sur le terrain les coopérants travaillent
ensemble. Il faut noter toutefois qu’il ne s’agit que d’une coopération technique (formation
77
etc…). La dimension opérationnelle n’est pas faite par le biais de ces militaires .
2. Les Organisations internationales : Interpol et l’ONU DC
a. Interpol une présence internationale
75
Site du Ministère de la défense
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/defense-securite_9035/cooperation-
militaire-defense_9037/les-ecoles-nationales-vocation-regionale_12533/une-force-integration_26394.html
76
77
38
Idem
Interview du Commissaire divisionnaire Clouzeau adjoint au Sous directeur du SCTIP, 8 avril 2008.
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
source
78
Interpol est la seule organisation internationale entièrement dévouée à la coopération
policière. Créée en 1923, elle comporte plus de 177 Etats membres ce qui en fait la
deuxième organisation mondiale par le nombre de ses adhérents derrière l’Organisation
des Nations Unies. Interpol « reçoit et répercute 6000 messages quotidiens et sert de « tour
79
de contrôle » dans 500 000 affaires en cours entre les Polices des Etats membres ». Son
secrétariat général est à Lyon. Interpol centralise et redistribue les statistiques criminelles
provenant des Bureaux Centraux Nationaux (BCN). En matière de coopération policière
notamment pour les enquêtes judiciaires « le cadre juridique d’Interpol est quasiment
indispensable […]. En effet les commissions rogatoires internationales sont adressées
80
au bureau Interpol du pays concerné ». Les principales fonctions de l’organisation
sont l’appui en matière de formation, la fourniture d’une base de données internationale
concernant les personnes recherchées, les dossiers des criminels connus, les objets d’arts
et documents de voyage volés. De plus, Interpol dispose d’un centre de commandement et
de coordination pour aider un pays qui ferait face à une situation de crise. Pour assurer une
réelle communication entre les services de police l’organisation dispose d’un système de
communication sécurisé connu sous le nom de I-24/7 pour la transmission des informations
capitales dans les enquêtes. Le but est de faciliter la coopération policière internationale
81
« même s’il n’existe aucune relations diplomatiques entre les pays concernés ».
Dans la région Méditerranéenne l’organisation est d’une importance cruciale permettant
la coopération officieuse d’Etats ne voulant pas afficher leur entente au grand jour. Ainsi
les relations le Royaume du Maroc et l’Algérie toujours tendues passent par le biais des
BCN assurant un maximum d’efficacité aux actions des polices des deux pays. Le Journal
l’Expression en faisait l’écho : « A en croire des sources très au fait du dossier sécuritaire,
un partenariat algéro-marocain, avec «le concours» de l'Interpol, a permis la localisation de
plusieurs cellules d'Al Qaîda au Maroc et l'élimination d'éléments redoutables en Algérie.
La coopération existe certes, mais loin des projecteurs et des terrains officiels, précisent
les mêmes sources.
En d'autres termes, c'est Interpol qui joue au médiateur, plutôt au coordinateur,
entre les services de sécurité algériens et marocains. Cette coopération, de plus en
plus fructueuse, a commencé vers le mois d'octobre 2002 D'autres sources, citées
antérieurement par des médias du Royaume, ont fait comprendre que Interpol a même
78
79
80
81
Emblême tiré du site officiel d’Interpol
Le Crime Organisé, Xavier Raufer, Stéphane Quere, PUF, Que sais-je, 2000 quatrième Edition refondue page 84.
Interview du Controleur Général Lacour, Nanterre 8 Avril 2008.
Interpol présentation générale, site officiel de l’organisation juillet 2008, www.interpol.int
Bargel François - 2008
39
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
présidé, en France, une réunion de coordination entre agents de sécurité algériens et
marocains, destinée à lutter contre le terrorisme et propulser l'échange de renseignements.
Les Marocains avaient annoncé qu'Interpol a fourni aux services de sécurité du Royaume
quatre dossiers concernant des ressortissants marocains recrutés par «la branche d'Al
82
Qaîda au Maghreb ». D'autres dossiers, remis aux services marocains, concernent aussi
des individus marocains soupçonnés d'avoir voulu rejoindre l'Algérie et d'autres ayant été
tués à la suite des ratissages opérés dans certains maquis de l'Algérie. C'est justement
l'un des résultats importants de cette coordination. Elle a permis aussi la localisation
d'importants fiefs terroristes dans les régions de Fès, Meknès, le nord-ouest de l'Atlas,
Casbah, Beni Mellal et Djebel Bani. « Au début du mois écoulé, cinq terroristes qui étaient
activement recherchés par les autorités sécuritaires marocaines, ont été arrêtés à Kenitra
(Maroc). Leur neutralisation, avaient souligné des sources marocaines, a été possible grâce
à une coordination entre les services de sécurité chargés de la lutte antiterroriste, espagnols,
83
algériens et marocains ». Interpol joue donc un rôle important dans la coordination des
forces de police européenne et du Sud de la Méditerranée et ce d’autant plus qu’Europol
ne dispose pas d’accords avec d’autres Etats de la région autre que la Turquie. Toutefois,
il est important de noter que le Moyen Orient ou le Maghreb ne disposent pas d’un Bureau
Régional tandis que l’Amérique centrale (El Salvador) et l’Afrique disposent d’un tel Bureau
(Cameroun et Niger).Il faut ajouter que l’organisation souffre d’un manque de financement
qui ne lui permet pas de jouer pleinement son rôle. Son budget pour l’année 2008 est de
47,6 millions d’euros (contre 66,4 millions pour Europol). De plus, Interpol est affaibli par la
démission de son Président Jackie Selebi le 14 Janvier 2008 suite à des accusations de
84
corruption et son inculpation par des Juges d’instructions Sud Africains .
b. L’ONU DC, une coopération ciblée
source
82
85
L'Expression (Algérie) « Coopération sécuritaire algéro – marocaine, Ensemble contre Al Qaîda » Ali Titouche Novembre
2007
83
84
85
40
Idem
“Facing Possible Criminal Charges, President of Interpol Steps Down” 14 Janvier 2008, New York Times
Emblême tiré du site des Nations Unies
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
L’Organisation des Nations Unies créée par la Conférence de San Francisco le 26 juin
1945 dispose de divisions spécialisées telle que l’UNICEF ou l’ONU DC. L’Office contre la
Drogue et le Crime se concentre sur plusieurs champs d’action incluant le développement
alternatif, la Lutte anti corruption, la Surveillance des cultures, la lutte contre l’épidémie de
Sida chez les toxicomanes et dans les prisons, la lutte contre le Trafic d’êtres humains et
le trafic de Drogue, la Réforme de la police et de la Justice, la lutte contre le Blanchiment
d’argent et le Crime organisé et la Prévention du terrorisme. La principale activité de cet
office est d’élaborer et de promouvoir des appareils législatifs « clef en mains » concernant
les différents sujets précités. Il s’agit de permettre aux pays en développement de mettre
à niveau leur législation pour s’adapter aux menaces contemporaines. De plus, comme les
autres divisions spécialisées de l’ONU, l’office rédige des traités internationaux et fait leur
promotion afin de coordonner la lutte contre le crime organisé ou le trafic de drogue. Le
meilleur exemple de cette activité est la Convention pour la lutte contre le Crime Organisé
transnational signé à Palerme le 15 décembre 2000. Plusieurs autres conventions ont
été rédigées concernant la lutte contre la Corruption, les Narcotiques, les substances
psychotropes et une autre sur l’anti terrorisme.
L’Office contre la Drogue et le Crime met aussi en place des programmes nationaux
de soutien aux actions anti drogues. En 2003, les autorités marocaines ont décidé de
collaborer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le Crime dans leur lutte contre
la culture du Cannabis. Dans ce cadre, une radiographie satellite du Rif a été faite et a
permis d’identifier les champs de culture de haschisch et d’avoir des actions efficaces contre
les trafiquants. L’une des actions les plus importantes de l’Office est le soutien apporté
à l’Académie Internationale Turque de lutte contre la Drogue et le Crime (TADOC). Cette
institution créée en Juin 2000 à Ankara est un centre d’excellence de lutte anti drogue. La
Turquie, du fait de sa proximité avec l’Iran, l’Irak et la Syrie est un des points de passage les
plus utilisés pour les trafiquants de drogue venus d’Afghanistan, c’est pourquoi les forces
de police turques ont une réelle expertise dans la lutte anti drogue. L’ONU DC soutient
financièrement cette institution et lui fournit des experts pour des séminaires.
Thèmes
Prévention and diminution de l’usage de drogues
Suppression du trafic de drogue
Total
Ressources allouées
10
1060
1160
Budget programmatique de l’ONU DC pour la Turquie 2002-2003 (en milliers de
Dollars américains)
Le programme 2002-2003 avait pour objectif de développer la qualité des cours
prodigués au TADOC notamment par la venue d’experts internationaux comme professeurs
associés et le développement de cours assistés par ordinateurs. Les résultats furent
encourageants et permirent de créer un outil statistique fiable concernant l’usage et la
production de drogue dans le pays. Toutefois comme le souligne Antoine Basbous « Ne
nous leurrons pas, le sud et l'est de la Méditerranée ne ressemblent en rien aux pays de
l'Europe de l'Est qui se sont libérés de l'URSS et ont adopté le modèle de démocratie libérale
en appliquant des recettes «clé en main». Malgré le joug communiste, les sociétés civiles de
86
l'Est aspiraient à partager les valeurs de l'Occident ». L’imposition de normes extérieures
risque donc de n’avoir qu’un effet limité.
86
Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008
Bargel François - 2008
41
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
3. Les initiatives des Forces de police à Statut militaire : la FIEP
La FIEP (pour France-Italie-Espagne-Portugal, les quatre premiers membres « historiques
») est une initiative des forces de police à statut militaire de la région. Il n’y a pour l’instant
aucun lien officiel avec l’Union Européenne. Mais cette organisation cherche à se faire
reconnaître par celle-ci. Les forces Marocaines, Turques, Espagnoles, Française, Italiennes
et Hollandaises sont concernées. Contactée par courriel la Gendarmerie Nationale
Française détaille l’historique de cette organisation : « Fondée en 1994, elle comprenait
alors la gendarmerie nationale française, l'arme des carabiniers italiens et la garde civile
espagnole. Elle fut rapidement rejointe par la garde nationale républicaine portugaise
(1996), puis par la gendarmerie turque (1998), la maréchaussée royale néerlandaise, la
gendarmerie royale marocaine (1999) et la gendarmerie roumaine (2002). La gendarmerie
argentine et les carabiniers du Chili sont membres observateurs depuis octobre 2005. Elle
87
regroupe ainsi aujourd'hui près de 730 000 personnels ». L’adhésion est ouverte aux
forces de police et de gendarmerie à statut militaire des états membres du Conseil de
l’Europe et des Etats riverains de la Méditerranée qui exercent la police judiciaire sous
l’autorité du Ministère de la justice et le maintien de l'ordre sous l’autorité civile (Ministère de
l’intérieur). Il y a donc là aussi une exigence démocratique dans cette organisation. Cette
organisation a pour but l’échange d’expérience et de bonnes pratiques au sein des forces
tout en cherchant à promouvoir le modèle des forces de police à statut militaire au sein
des organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe. Des actions concrètes
sont à mettre à l’actif de la FIEP, en matière de formation « plusieurs partenariats ont
permis à des centres de formation spécialisés (Centre national entraînement des forces
de gendarmerie de St Astier (CNEFG), Centre d’excellence pour les unités de police de
stabilisation (COESPU) de Vicenza-Italie, Centre d'entraînement pour gendarmes d'OchiuriRoumanie) de développer la capacité de déploiement en urgence des forces de police, et
notamment celles à statut militaire, et leur aptitude à gérer une opération de crise quelle
88
que soit son intensité ». Cette action complète ainsi les formations dispensées par les
ENVR Françaises. En matière de lobbying et de promotion de son modèle d’organisation
le concept de la force de gendarmerie européenne (FGE) récemment adopté par l’Union
Européenne à été développé au sein de la FIEP. Il s’agit tout autant d’un forum de discussion
et d’analyse : chaque présidence choisit un thème de réflexion sur lequel les commissions
travailleront durant l’année. « C'est ainsi que dans la continuité de la présidence italienne qui
s'est attachée à réfléchir sur le thème de « la lutte anti-terroriste », la gendarmerie nationale
a retenu comme thème majeur de réflexion au cours de son année de présidence en
2007 celui de « la lutte contre les criminalités issues des flux migratoires irréguliers dans
la zone euro-méditerranéenne ». Ce thème est d'ailleurs débattu dans d'autres instances
89
internationales (G8, OSCE, initiative 5+5 défense ) auxquelles certaines gendarmeries
90
membres de la FIEP participent activement ». Cette organisation permet une socialisation
des officiers des différentes forces ce qui entraîne une coopération fructueuse pour les
87
Aspirant Nicolas DECOTTE, Sous-Direction de la Coopération Internationale, Bureau Coopération Multilatérale de Sécurité et de
Défense
88
89
Idem
Le partenariat 5+5 est divisé en sous comités « sécurité intérieure », « Défense » et « affaires étrangères », circonscrit à la zone
occidentale de la mer Méditerranée impliquant les cinq pays maghrébins (l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, la Tunisie) ainsi
que cinq pays de l'Union (l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et le Portugal).
90
Aspirant Nicolas DECOTTE, Sous-Direction de la Coopération Internationale, Bureau Coopération Multilatérale de Sécurité et
de Défense
42
Bargel François - 2008
II) Une Action globale aux Acteurs pluriels
officiers qui servent en Ambassade ou en matière de renseignement (En matière d’anti
terrorisme cet aspect semble avoir été très profitable aux dires des officiers de Gendarmerie.
Un exemple des bénéfices de cette socialisation est le suivant : « La présence du Chili et
de l'Argentine au sein de la FIEP a permis, en outre, de conforter des liens étroits entre la
France et le continent sud-américain. L'influence que la France a dans ces pays se transmet,
par effet de rebond, à tout le continent. C'est ainsi que les carabiniers chiliens formés par la
gendarmerie française ont, par exemple, à leur tour formé les polices nationales péruvienne
et colombienne ou ont accepté de remplacer une partie du contingent français en Haïti
91
lorsqu'on a souhaité le redéployer au profit du théâtre afghan ».
Cette organisation si elle ne participe pas directement à la coopération opérationnelle
à le potentiel pour devenir un acteur majeur de la coopération euro-méditerranéenne du
fait de son statut : les forces de police à statut militaire de la région ont les mêmes
schémas d’organisation et dans quelques cas ont des histoires communes (Maroc/France).
La prépondérance des forces militaires dans le maintien de l’ordre dans le sud de la
Méditerranée permettrait sans doute à cette organisation d’établir des liens avec les forces
locales plus facilement que des policiers civils. Une des pistes pour le développement de
la coopération dans la zone pourrait donc être le renforcement de ce forum dans la région.
En effet la nature profondément euro-méditerranéenne de la FIEP pourrait en faire le fer de
lance d’une coopération policière officialisée.
91
Idem
Bargel François - 2008
43
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
III) La coopération policière en Turquie et
au Liban
Le Moyen Orient et le Maghreb sont aujourd’hui considérés comme divisés, mal
gouvernés. Mais ces territoires disparates ont longtemps été sous la coupe des pouvoirs
méditerranéens de premier ordre, au rang desquels l’Empire Romain et l’Empire Ottoman
qui étaient à la pointe en matière d’administration et d’avancées technologiques. L’empire
ème
Ottoman débute au 14
siècle, Osman chef des « gazis » gagne plusieurs batailles contre
les Byzantins et de nombreuses tribus et chefs de guerre se placent sous son étendard. En
1326, son fils Ohran capture Bursan et en fait sa capitale. Le 23 Mai 1453, Mehmet II dit « le
conquérant » rentre dans Constantinople qu’il renomme Istanbul. Les Ottomans s’imposent
en Anatolie face aux chrétiens mal équipés. L’armée de l’empire est professionnalisée,
entrainée et suréquipée (ils utilisent des canons à grande échelle à l’heure où les européens
combattent encore avec des épées et des lances) ce qui lui permet de prendre Belgrade
sous Suleyman le magnifique et d’assiéger Vienne en 1529. L’empire dispose d’une flotte de
grande envergure qui lui permet de capturer successivement Alger (1529), Chypre (1570),
Tunis (1574). De plus, Istanbul est la plus grande ville européenne avec 700 000 habitants
ème
à la fin du 16
siècle. La domination Ottomane était basée sur l’efficacité plutôt que
l’uniformité et offrait des possibilités de carrière de très haut niveau que ce soit dans l’armée
avec les Janissaires ou l’administration civile par le biais de la « devshirme» (on séparait
les enfants chrétiens de leurs familles puis ceux-ci étaient convertis a l’islam et formés dans
les plus grandes écoles de l’empire. Esclave du Sultan, ils géraient l’empire de main de
maitre et en retiraient de nombreux bénéfices). Les réussites économiques et militaires de
l’empire dans toute la méditerranée ont crée des liens puissants avec l’Europe occidentale
et le reste du pourtour méditerranéen. L’Union Euro Méditerranéenne n’est donc dans une
perspective historique que le renouvellement de liens historiques. Pour étudier ce processus
de coopération au niveau policier à l’heure actuelle, nous allons prendre deux exemples qui
représentent les deux extrêmes dans la région. D’un côté la Turquie présentée comme un
Etat fort et possible futur membre de l’Union Européenne (A), et de l’autre le Liban pays
ravagé par la confessionnalisation de sa politique et de son administration (B).
A. La Turquie : un Etat aux portes de l’Union ?
La Turquie est l’un des pays candidats à l’Union européenne depuis 1995 tout en étant un
membre originel du partenariat euro méditerranéen. Les relations entre l'UE et la Turquie ont
une longue histoire comme le rappelle le site Europa.fr : « Dès 1963, un accord d'association
est conclu entre la Communauté économique européenne et la Turquie, dans lequel il est fait
référence à une perspective d'adhésion. Puis en 1995, une union douanière est constituée
et, en décembre 1999 à Helsinki, le Conseil européen décide d'accorder à la Turquie le statut
officiel de pays candidat à l'adhésion. Il estime alors que ce pays possède les fondements
d'un système démocratique, mais présente des lacunes graves en termes de droits de
44
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
92
l'homme et de protection des minorités ».La perspective à plus ou moins long terme
d’une adhésion à l’Union européenne a été un facteur déterminant dans le processus de
réforme voulu par les gouvernements successifs notamment en matière de relations politico
militaires. La Commission européenne à de ce fait rendu plusieurs rapports sur les progrès
faits par ce pays dans l’intégration de l’acquis communautaire et notamment le respect des
droits de l’homme et le renforcement de l’Etat de droit. Nous allons tout d’abord faire un
rapide historique de l’histoire de la Turquie moderne et nous intéressant principalement aux
relations politico militaires (1). Puis nous ferons un Etat des lieux des forces de sécurité
Turques et de leurs agissements (2) Puis dans un second temps nous verrons les réformes
entreprises sous l’égide de l’UE (3) et leur impact sur les forces de sécurité.
1. La République de Turquie : l’ombre des généraux
92
Site de l’Union Européenne section élargissement http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/e50015.htm
Bargel François - 2008
45
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
La Turquie sous l’Empire Ottoman était déjà un ensemble euro- méditerranéen : à son
ème
apogée celui-ci s’étendait des portes de Vienne jusqu'à Alger conquise au 16
siècle. La
première guerre mondiale et l’engagement du Califat aux cotés des troupes allemandes et
prussiennes allaient totalement bouleverser cet ensemble géopolitique. Après la défaite de
1918, l’Empire Ottoman se retrouve démembré par les puissances victorieuses. Ce n’est
que le 24 juillet 1923 que l’actuel Etat de Turquie est reconnu par le traité de Lausanne. Le
Parti Républicain du Peuple est le seul parti autorisé dans le nouvel Etat. Son Président,
Mustafa Kemal dit « Atatürk », est élu parmi les membres de l’assemblée. Celle-ci vote une
loi de 1924 qui requière que tout militaire souhaitant se présenter pour un poste public doive
démissionner de l’armée. Cette même année, les parlementaires déposent le Calife Abdul
al Mejid. Le Kémalisme fondé sur six grands principes, le réformisme, le républicanisme, la
laïcité, le nationalisme, l’étatisme et le populisme allait chercher à arrimer le nouvel Etat à
l’ordre occidental. C’est chose faite en 1952, lorsque la Turquie devint un membre à part
entière de l’OTAN.
En matière de politique interne Inönü, le successeur de Mustafa Kemal, a permis une
plus grande liberté d’expression politique dans les années quarante. En 1946, le parti
démocrate est créé et remporte aux élections parlementaires 65 sièges sur les 465 que
compte l’assemblée nationale. Aux élections suivantes en 1950, le parti remporte 408 sièges
mettant fin démocratiquement à l’hégémonie du parti Kémaliste. Au début des années 1960,
le gouvernement fait face à de nombreux défis. Tout d’abord l’opposition politique dont
elle censure les journaux puis une vague de sécheresse qui provoque de nombreuses
manifestations dans les campagnes au printemps 1960. Le président Menderes appelle
l’armée à la rescousse mais celle-ci refuse de se retourner contre la population. Le 27
mai 1960, constatant l’incurie du gouvernement, les forces armées sous le commandement
du Général Gürsel prennent le contrôle d’Ankara et d’Istanbul arrêtant les membres du
gouvernement et le Président de la République. Un « conseil d’unité nationale » est créé
composé de 38 officiers et présidé par Gürsel qui cumule les fonctions de Président de
la République et de premier ministre. Les militaires rendirent le pouvoir en Octobre 1961
après avoir fait rédiger une proposition de réforme de la constitution par des professeurs
de droit d’Istanbul. Celle-ci fut par la suite approuvée en Juillet 1961. Le nouveau texte
constitutionnel prévoit la mise en place d’un bicamérisme (Assemblée et Sénat) et contient
des clauses protégeant les droits de l’homme et la laïcité. Pour justifier leur intervention les
militaires jugèrent 600 membres du Parti démocratique, 450 d’entre eux furent condamnés
à des peines allant de un an à la perpétuité. Menderes et deux ministres furent quant à eux
condamnés à mort et pendus en Septembre 1961. Les interventions des militaires dans la
vie politique se succédèrent par la suite. Le Parti de la Justice gagne les élections en 1965
mais est écarté du pouvoir par l’armée en 1971 c’est le « coup du mémorandum » (l’armée
n’a pas fait descendre les militaires dans les rues pour prendre le pouvoir). Les généraux
rendent le pouvoir deux ans après et une coalition du Parti Républicain du Peuple et
d’autres petits partis prennent les affaires du pays en main. Ils sont rapidement confrontés
à un retour des extrémistes religieux du Parti du Salut National. Une nouvelle ingérence
eut lieu le 12 Septembre 1980, les militaires utilisent le Conseil de Sécurité Nationale qui
prend en charge toutes les fonctions administratives et législatives. Les leaders du Parti du
Salut National sont condamnés à quatre ans de prison. Une nouvelle Constitution est alors
rédigée et donne beaucoup plus de pouvoir au Président. Celui-ci peut en effet dissoudre
l’assemblée et nomme le premier ministre. De plus, une nouvelle loi électorale est votée
avec un seuil de 10% sur le territoire national pour pouvoir entrer à l’assemblée. Le but était
clairement d’empêcher les petits partis et les partis ethno nationalistes (Kurdes) de rentrer à
l’assemblée et ainsi garantir une majorité stable à l’assemblée. Ce projet constitutionnel est
46
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
adopté par référendum en 1982 et le Général Evren est nommé par le conseil de sécurité
nationale pour un mandat de 7 ans. La Turquie connaît alors une relative stabilité politique et
voit Tansu Ciller du Doğru Yol Partisi ou DYP (« parti de la juste voie ») devenir la première
femme Premier Ministre. Néanmoins dans la Turquie de l’époque le droit de grève n’existe
pas et le poids des partis islamistes tels que le Parti du Bien être de Erbakan voient leur poids
électoral augmenter. De plus, le conflit Kurde fait rage depuis 1984, et l’Etat d’urgence est
instauré tout au long des années 1990 dans l’Est du pays. Les victimes de ce conflit sont très
nombreuses : 2300 villages furent détruits et deux millions de personnes durent fuir. Le parti
d’Erbakan reçoit 21% des suffrages en 1995. En 1997, l’armée pousse celui à démissionner
et la Cour Constitutionnelle interdit le parti du Bien Etre elle condamne 7 membres clefs à
une privation des droits civiques d’une durée de 5 ans. Le conflit Kurde prend une dimension
plus internationale en 1999 lorsqu’un commando Turc capture le Leader Kurde Ocalan au
Kenya. Celui-ci est condamné à mort mais la peine capitale ayant été abolie en 2002 la
sentence fut commuée en en prison à vie. Le Parti de la Justice et du développement qui
se veut « musulman démocrate » comme l’on est « chrétien démocrate » en Europe gagne
les élections en 2002. Son leader, Erdogan dont le programme est basé sur une adhésion à
l’Union Européenne pleine et entière avait été arrêté et condamné en 1997 pour « sédition
islamiste ». L’année 2006 2007 fut marquée par de nombreux évènements politiques les
partis républicains séculaires soutenus par l’armée et la haute administration s’opposant
à l’élection de l’ancien ministre des affaires étrangères d’Erdogan, Abdullah Gul, au poste
de Président de la République. Cette nomination, proposée en Avril 2007, était considérée
comme une atteinte à la laïcité par certains analystes car la femme du candidat était voilée.
Les militaires, par la voix de leur commandant en chef Yasar Buyukanit, avaient désavoué le
gouvernement et critiqué le choix de ce candidat. Plus de 700 000 turcs défilèrent à Istanbul
pour protester contre cette possible élection mais ne semblaient pas non plus soutenir les
93
« faucons » de l’armée . La crise entraina des élections anticipées et l’AKP fut reconduit
par la population. Les partis laïcs étaient notoirement divisés et trop nombreux pour passer
le seuil des 10% requis. L’année 2008 ne commença pas sous de meilleurs auspices, le
Parti au pouvoir cherchant à défendre « le droit de porter le voile » à l’Université par une loi
qui fut par la suite annulée par la Cour Constitutionnelle. De plus, les milieux laïcs influents
parmi les magistrats ont lancé une procédure d’interdiction du Parti au pouvoir soutenant
que les statuts du partis et les objectifs poursuivis par celui-ci étaient anti constitutionnels. En
réponse le gouvernement à lancé des actions coup de poing dans les milieux nationalistes.
Le 2 juillet 2008 une quarantaine de personnes (dont d’anciens officiers de haut rang des
avocats er des journalistes) furent arrêtés pour leur présumés liens avec l’organisation
ultra nationaliste Ergenekon. Accusés publiquement de préparer un coup d’Etat contre le
gouvernement en place, les personnes arrêtées n’ont pas été inculpées ce qui laisse penser
94
à un coup de force de la part du gouvernement pour intimider les milieux laïcs .
2. Etat des lieux des forces de sécurité Turques
a. L’armée Turque : un acteur politique à part entière.
Comme nous l’avons démontré dans notre précédente partie, l’armée a joué un grand rôle
dans la vie politique économique et sociale du pays et ce, depuis sa création. Bien qu’étant
93
94
“Gul defiant as secular Turks rally” CNN website, 29 Avril 2007
„21 detainees in Turkish Coup Case“, The New York Times, 2 juillet 2008“ “The lack of an indictment and formal charges led
some journalists and others to suggest that the detentions were aimed at intimidating groups that challenged the AKP”.
Bargel François - 2008
47
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
une institution normalement soumise au gouvernement, l’armée jouit d’une très grande
liberté d’action voire d’une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir central qu’elle cherche
à influencer. Ainsi, les chefs d’Etat major cherchent à influencer la politique nationale par
le biais de déclarations publiques couvrant des aspects n’ayant pas de liens avec les
préoccupations militaires. Yasar Buyakanit actuel chef d’Etat Major est coutumier du fait.
Ainsi, le 29 Avril 2007, alors que des élections pour le Présidence de la République allaient
avoir lieu il affirma que l’armée devrait intervenir si le résultat de ce vote remettait en cause
95
les principes laïcs de la République . Cet état de fait est permis par la Constitution. En effet,
le chef d’Etat Major n’est pas responsable devant le ministre de la défense mais devant le
Premier ministre selon l’article 117 de la loi fondamentale. Il s’agit du seul pays de l’OTAN
qui dispose d’une telle disposition.
De plus, l’Article 20 du MGK définit le concept de sécurité nationale très largement
comme étant « la protection de l’ordre constitutionnel de l’intégrité nationale de tous ses
intérêts politiques économiques et sociaux dans l’ordre international ». Cette définition très
large permet de justifier à priori les actions prises par les militaires
L’un des principaux leviers du pouvoir des militaires est le Conseil de Sécurité Nationale
(MGK). Ce conseil, qui a assumé des fonctions gouvernementales lors du coup d’état
de 1982, conservait une grande influence sur le cours des évènements en Turquie. La
République de Turquie a obtenu le statut de pays candidat à L’Union en décembre 1999
lors du conseil d’Helsinki. Le Conseil Européen réaffirmait ainsi la destinée européenne
de cet Etat même s’il estime alors qu’il « présente des lacunes graves en termes de
96
droits de l'homme et de protection des minorités ». Pour répondre à ces critiques la
Grande assemblée nationale (Türkiye Büyük Millet Meclisi, TBMM) a mis en place un
processus d’harmonisation des pratiques des services de sécurité et notamment du Conseil
de Sécurité nationale, le MGK. L’assemblée a voté un amendement radical à la loi n°2945
sur le MGK ainsi qu’a l’article 118 de la Constitution qui donnait des pouvoirs exécutifs
à ce conseil. Le 3 Octobre 2001 un amendement à la Constitution donne le statut de
recommandations aux décisions du MGK qui autrefois faisaient force de loi. Ce même texte
permis l’augmentation du nombre de civils au sein du Conseil qui passa à 7 membres pour
5 militaires. Le 7 aout 2003 un amendement réduisit le budget de cet organe diminuant
grandement son influence. En Aout 2005, un civil est élu pour la première fois à la tête de
cet organe Enfin, la pratique qui consistait à nommer des militaires au Conseil supérieur de
l’Education ainsi qu’à la Radio et télévision Turque fut abandonnée. Néanmoins le Conseil
rédige toujours le Document sur la politique de Sécurité Nationale qui définit et analyse
les différentes menaces internes et externes. Il fixe aussi les contre mesures à prendre
à leur encontre. De ce fait, l’armée à la haute main dans son élaboration. Ce document
défini la doctrine de défense mise en place par les forces turques et sert de base aux
programmes d’armements lancés par les différents État-major. Il n’est pas du tout contrôlé
par le gouvernement ou par les parlementaires. Conscient qu’il ne pourra s’imposer face
aux généraux s’il ne définit pas lui-même la doctrine de l’armée, le gouvernement cherche à
supplanter ce document par la publication du Concept de Sécurité Nationale censé donner
les grandes orientations définies par le gouvernement.
Une autre institution démontrant le pouvoir des militaires est le Conseil Militaire
suprême établi par la loi n°1612 pour gérer les affaires militaires en temps de paix. Il
est composé du premier ministre du ministre de la défense du Chef d’Etat major et
des commandants de chaque arme (Air, Terre, Mer, Gendarmerie et Gardes côtes). Se
95
Gul defiant as secular Turks rally, CNN website, 29 Avril 2007
96
48
Site de l’Union Européenne section élargissement http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/e50015.htm
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
réunissant deux fois par an il prend ses décisions à la majorité simple et ne donne pas de
poids spécial au vote du premier ministre. Il est donc courant que le Conseil prenne des
décisions à l’encontre de la volonté du Premier Ministre. De plus, ses décisions ne peuvent
faire l’objet d’un appel devant le pouvoir judiciaire ce qui est une claire entorse à la règle de
droit à la base de la Constitution selon le Président du Conseil d’Etat.
La Turquie dispose de 820 000 soldats contre 248 305 en Allemagne pour une même
population (environ 67 millions). 115 000 soldats sont des professionnels et 685 000 sont
des conscrits. Le service militaire obligatoire existe toujours (Article 72 de la Constitution)
et, suite à la réforme du 22 juin 2003, est d’une durée de 15 mois pour les simples soldats
et de 12 mois pour les officiers (disposant d’un diplôme universitaire). En 2002, le Général
Hilmi Ôzkök devint Chef d’Etat Major et promeut de nombreuses réformes. En Mai 2004,
ème
l’armée de terre a dissolu la 4
Brigade et le 20 avril 2005, le Général Ozkok annonce
que les forces armées turques pour se moderniser doivent réduire leurs effectifs. Mais ses
réformes furent finalement repoussées car jugées trop ambitieuses.
Fonctions
Budget annuel 2004 Part dans
le Budget
global
Services de 5.575.698.810,25
6,7%
Défense
Euros
Ordre public 4.057.810.495,43
4,9%
et services Euros
de sécurité
Total
9.633.509.411,18
11,6%
Euros
Budget annuel 2005
6.126.021.035,50
Euros
4.715.388.573,03
Euros
10.907.967.064,96
Euros
Budget de l’armée et des services de sécurité 2004 et 2005
Part dans
le Budget
global
7,1%
Variation
+10%
5,5%
+16%
12,6%
+26%
97
L’une des forces de l’armée est que l’exécution de son budget n’était pas soumis au
contrôle des parlementaire et que le vote du budget se fait quasiment sans débats. En 2004,
pour la première fois de l’histoire de la république le budget de l’éducation dépassa celui de
l’armée. La loi N°4963 datée du 30 juillet 2003 a réformé le contrôle des approvisionnements
militaires. Ce texte supprime les dispositions de l’article 160 de la constitution et la loi n
°5170 qui prévoyaient que les dépenses militaires soient exemptées d’un contrôle extérieur.
La Cour suprême des comptes, au nom de la Grande assemblée Nationale (TBMM), assure
désormais la supervision du budget de l’armée. L’article 160 de la constitution et la loi n°832
(Articles 1 et 28) prévoient ce pouvoir de contrôle pour toutes les administrations centrales
et de sécurité sociale, l’armée redevient donc sous cet aspect une partie intégrante de
l’administration. En 2003, la grande assemblée nationale Turque à même lancé un comité
d’investigation sur l’achat des AEW&c (Matériel de détection aérienne) estimant qu’environ
180 millions dollars perdus sur un budget de 1,5 milliard de dollars américains. Cette
enquête fut rapidement conclue les parlementaires ne pouvant accéder aux documents
militaires.
Il faut donc admettre que l’autorité budgétaire de l’Assemblée reste minime : le budget,
présenté sous forme de paquet, est adopté quasiment sans débats, les parlementaires ne
disposant pas de l’expertise nécessaire et le ministre de la défense ne fournissant aucune
97
Government Zühtü Arslan ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.26,
September 2006
Bargel François - 2008
49
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
explication supplémentaire. L’assemblée dispose pourtant d’un comité défense crée le 27
avril 1920 mais il ne dispose pas de l’autorité pour examiner le budget des forces armées
ou du ministère de la défense. La politique de défense est en effet déterminée par le MGK,
le ministre de la défense et l’Etat major. L’assemblée ne dispose pas non plus de pouvoirs
dans le domaine du choix des armes ou des projets d’armement, ni même d’un pouvoir
de nomination des dirigeants du secteur de la sécurité (membres de l’Etat Major, chefs de
police ou des services de renseignement). Le rôle du comite de défense se borne donc à
refuser ou accepter les projets du gouvernement.
Dépenses liées à la Sécurité (2005/2006)
Néanmoins ces réformes, bien que votées, mettent du temps à s’appliquer. Ainsi le
contrôle des Budgets militaires par la Cour Suprême des comptes n’est pas encore une
réalité de nos jours. Cet état de fait à contribué à maintenir une forte corruption au sein de
l’administration et de l’armée. Le chef d’Etat major Ôzkök a cherché a réduire le sentiment
d’impunité qui avait cours parmi les hauts gradés de l’armée en soutenant activement
l’organisation du procès de Ilkani Erdil, ancien Commandant en chef des forces navales
accusé de corruption. Le 7 février 2006 celui-ci fut condamné à 3 ans et un mois de prison
pour abus de pouvoir et appropriation illégale de biens publics. Il fut rayé des cadres de
l’armée.
En matière de maintien de l’ordre, l’armée peut aussi jouer un rôle central car la
gendarmerie est une force de police à statut militaire. De plus, le gouverneur peut faire
appel à l’armée si les gendarmes et les policiers ne peuvent venir à bout des menaces
auquel l’ordre public est confronté en vertu l’article 11 de la loi n°5442. Cette législation
a permis aux militaires de justifier leurs agissements lors du « scandale des fiches » en
ème
2004. Le 10 mars 2004, le journal Hurryet révèle que le commandement de la 4
brigade
blindée a demandé aux régiments sous son autorité de collecter des informations sur les
personnes et institutions impliquées dans des « activités subversives ». Etaient nommément
ciblés les partisans des Etats-Unis, de l’Union Européenne, les francs maçons et même
assez bizarrement des membres du Klu Klux Klan (on découvrit plus tard que les directives
étaient basés sur un manuel militaire américain). Le premier ministre interpellé sur cette
affaire réaffirma que le renseignement n’était pas une des compétences de l’armée et que le
fichage était un crime. Pour toute réponse, le haut commandement rappela que pour pouvoir
intervenir à la demande du gouverneur dans le cadre de la loi n°5442, un travail préparatoire
était nécessaire et que cette « politique de renseignements » devait être analysée dans ce
contexte. Une autre preuve de l’indépendance des forces armées vis-à-vis du gouvernement
est la création des équipes de sécurité et d’assistance à l’Ordre public les EMASYA. Ces
groupes ont obtenu une autorité supérieure à celle des gouverneurs qui de par la loi sont
censés superviser l’organisation des forces de l’ordre dans les provinces. Les militaires
ont pris les postes clefs à partir du 28 février 1997 (voir notre première partie « A l’ombre
des généraux »). Ils voulaient disposer d’un contrôle total sur les affaires internes dans le
cadre de la lutte contre l’islamisme et n’accordaient qu’une confiance limitée à la police.
Un accord entre le ministère de l’intérieur et le chef de l’Etat major autorise ces unités à
intervenir sans contrôle extérieur de la part du gouvernement et agit comme une agence
de renseignement interne analysant les menaces à l’intérieur des services publics. De plus,
l’armée dispose d’un service de renseignement au sein de la gendarmerie. Il s’agit de
l’Organisation de Renseignement et de Lutte Antiterroriste de la Gendarmerie connue sous
le nom de JITEM a une réputation sulfureuse et n’avait aucune existence légale avant la
loi n°5397 de Décembre 2005. Celle-ci fait référence à l’organisation de renseignement
50
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
de la Gendarmerie (JIT). Cette loi accorde a cette division de la gendarmerie le droit de
mettre sous écoute les téléphones dans sa zone de juridiction et d’utiliser des écoutes sur
les autres moyens de communication dans les affaires de crime organisé sous le contrôle
d’un juge et par le biais de la haute autorité des télécoms tout comme pour les services de
renseignement de la police.
b. Le maintien de l’ordre en Turquie, une responsabilité confiée à différents
acteurs.
Une des plus anciennes institutions en Turquie est la Police. Elle fut crée en 1845 sur le
modèle des forces françaises de sécurité, divisée entre Gendarmerie (zones non urbaines)
et forces de Police (zones urbaines). La police agit sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur
et dans les provinces les policiers sont soumis aux gouverneurs (les « valis ») et les chefs
de districts (Kaymakam). Les Gendarmes sont des militaires qui agissent sous les ordres
du gouverneur civil en tant de paix. Les policiers sont au nombre de 175 058 tandis que
les gendarmes représentent une force de 280 000 hommes sans compter les 2200 gardes
côtes. Ce qui nous donne un ratio de un officier pour 146 citoyens en moyenne. Si l’on
regarde en détail cette répartition il y a environ 1 officier pour 251 citoyens en zone urbaine
tandis qu’il y a un gendarme pour 81 citoyens en zone rurale.
Police
Gendarmerie
Garde-côtes
Total
Population totale en Turquie
Nombre de citoyens par membre des
forces de maintien de l’ordre
175, 000
280, 000
2,200
457,000
67,000,000
146 pour 1 (membres de la Police Nationale
et Militaires)
Nombre total d’officiers des forces spécialisées dans le maintien de l’ordre et son
98
rapport à la population
La Police Nationale Turque.
source
98
99
Police, Ibrahim Cerrah in ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.86,
September 2006
99
Emblême tiré du site de la police nationale Turque
Bargel François - 2008
51
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Les 175 000 policiers turcs sont soumis au Ministère de l’intérieur. La formation est
dispensée par l’académie de police qui est divisée en trois établissements complémentaires.
Tout d’abord l’école d’application de la police nationale (comparable à l’école des gardiens
de la paix) forme sur deux ans des officiers de police recruté après l’obtention de
leur diplôme de fin d’études secondaires. 130 000 élèves répartis dans 24 écoles sont
actuellement en formation. La Faculté des Sciences de Sécurité forme sur quatre les cadres
et leur fournit un diplôme de premier cycle. Tandis que l’Institut des sciences de sécurité
créée en 2001 délivre des diplômes de deuxième et troisième cycle.
L’académie de police Turque décerne des titres universitaires de niveau licence et
master et des étudiants venus de 20 pays suivent ce cursus. Environ 132 étudiants
ème
des forces de Police de 2
cycle partent à l’étranger, notamment aux Etats-Unis
afin d’améliorer leur compréhension des méthodes de police étrangère. Preuve de ce
dynamisme à l’international, l’Institut Turque des Etudes de Police (TIPS) est basé depuis 5
ans à l’Université of North Texas. De plus, les forces nationales de Géorgie, d’Ouzbékistan
d’Azerbaïdjan et du Turkménistan sont formées par la Police Turque.
La Police nationale Turque dispose par ailleurs d’une division de renseignement. En
matière de formation spécialisée les équipes spéciales de Police (Polis Özel Harekât Timleri,
PÖHT) sont l’équivalent français du RAID. Ces unités font partie d’une direction spécifique
de la Police nationale et disposent d’une académie de police pour les opérations spéciales
depuis le 12 Août 1993. Ce centre forme aussi les unités spéciales de Macédoine, du
100
Turkménistan et des territoires Palestiniens en matière de lutte contre les prises d’otage .
Ces forces sont principalement utilisées contre le PKK et disposent d’équipements très
modernes. Si le niveau général de la Police Turque est bon leur attachement aux droits de
l’homme fait toujours question. Ainsi les Officiers des opérations Spéciales sont très critiqués
car ils auraient des liens avec les loups gris (mouvement d’extrême droite) et les gangs
mafieux. Ils seraient de plus impliqués dans plusieurs cas d’exécutions sommaires. L’autre
101
problème outre la corruption endémique est le recours excessif à l’usage de la force par
les autorités turques. Ainsi, le 6 mars 2005 la répression très violente d’une manifestation de
femmes commémorant la journée de la Femme a ému l’opinion publique internationale. Les
officiers impliqués furent punis disciplinairement et un procès est en cours. Ces indications
ont été corroborées par mes entretiens avec Mr Antonmattei responsable du programme
Euromed au CEPOL. La Police Turque est « d’assez bon niveau » selon lui, même si elle
a encore des progrès à faire en termes de déontologie. Il n’y a en effet pas de Commission
Nationale de Déontologie comme celle créée en France à partir de 2000 qui contrôle les
forces de police et au besoin sanctionne les responsables des infractions. On peut affirmer
qu’il n’y a pas de contrôle effectif fait par le gouvernement ou les parlementaires car ceux-ci
ne disposent pas d’un droit de regard sur les nominations dans le secteur de la Sécurité. De
plus, selon le Rapport 2005 de la Commission Européenne sur les Progrès de la Turquie,
environ 1239 plaintes furent déposées à l’encontre d’officiers de police pour des cas de
torture au premier trimestre 2005. Sur l’ensemble de ces affaires seulement 447 furent
instruites. Les rapporteurs mettent en avant que les procureurs rechignent à instruire ces
affaires dans les temps et de manière effective. En 2004 sur 1831 affaires seulement 99
donnèrent lieu a des emprisonnements, 85 à des amendes et les 1631 autres furent des
100
Office of Special Opérations, Ertan Bese ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC
OVERSIGHT, p. 119, Septembre 2006
101
Turkey Progress Report European Commission 2006 “Overall, there has been some limited progress in the fight against
corruption, notably on increasing transparency in the public administration. However, corruption remains widespread and anticorruption authorities and policies are still weak.”
52
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
non lieu. Enfin les officiers mis en examen ne sont souvent pas démis de leurs fonctions
durant les procès ou sont renvoyés sur les lieux de leurs exactions présumées. Il y a de
même plusieurs cas ou les officiers mis en accusation reçurent une promotion durant leur
102
procès .
Au niveau international le TIPS (Institut Turc pour les Etudes de Police) participe au
rayonnement international de la police turque en collaborant avec les services de police
américains. La Police nationale Turque participe aux missions de l’ONU notamment au
Kosovo 80 officiers de police y ont été dépêchés ainsi que 53 officiers de l’administration
pénitentiaire pour permettre à ce nouvel Etat de créer des infrastructures viables. Au total
217 officiers de police turcs participent aux forces de maintien de la paix. La Turquie faisait
partie du projet Euromed I organisé par le CEPOL mais elle fait désormais partie des pays
candidats à l’entrée dans l’Union Européenne ce qui ne lui permet plus d’y participer. Il s’agit
d’une perte aussi bien qualitative que quantitative : la Turquie ayant été très dynamique
dans le premier projet (2 séminaires ont été organisés sur son territoire lors du programme).
De plus, la Turquie était une des « zones neutres » où les participants de tous les pays
concernés acceptaient des se rendre.
La Gendarmerie Turque
source
103
La Gendarmerie a une double allégeance tout d’abord envers le ministère de la défense
auquel elle est soumise institutionnellement. L’armée lui fournit son budget, son matériel,
ses officiers, des conscrits et gère administrativement cette force de Police à Statut Militaire.
Le ministère de l’intérieur est quant à lui censé diriger la Gendarmerie en temps de paix.
Comme l’Armée, la Gendarmerie repose principalement sur le Service militaire
obligatoire : 80% des 280 000 gendarmes sont des conscrits. Ils reçoivent une formation d’un
mois et demi avant d’être équipé d’armes de guerre ce qui semble insuffisant pour acquérir
102
Turkey 2005 Progress Report, European Commission page 23, « According to official statistics, of the 1 239 cases that
were filed against law enforcement officials in the first quarter of 2005, only 447 prosecutions were pursued. Moreover, there
are concerns that when cases are pursued, prosecutors still do not conduct timely and effective investigations against those accused of
torture.[…] Convictions are rare and the courts appear to be unable or unwilling to impose appropriate sanctions on those committing
these crimes. In 2004, of the 1 831 cases concluded, 99 led to imprisonment, 85 to fines and 1 631 to acquittals. […] Police officers
facing trial for such crimes are frequently not removed from duty pending the outcome of the trial”
103
Emblême tiré du site de la Gendarmerie Nationale Turque
Bargel François - 2008
53
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
les compétences de maintien de l’ordre ou de combat contre les techniques de guérilla du
PKK. L’auteur de l’article posait notamment la question de l’opportunité de donner des armes
104
automatiques à des jeunes gens sans autres entrainement plus poussé . La gendarmerie
contrôle 91% du territoire turc et 27 millions de personnes vivent sous leur protection soit un
tiers de la population. La loi du 3 Octobre 1983 n°2803 définit les prérogatives et les devoirs
de cette force. La police militaire est chargée de la lutte contre tous les trafics, la détection
des criminels, de leur arrestation et de leur remise à la justice criminelle. La Gendarmerie
participe également au contrôle des frontières conjointement avec les forces armées et
les gardes côtes. Pour accomplir ces missions, cette force dispose d’une unité d’aviation
chargée de la lutte contre le trafic de drogue et des missions de secours. De manière
générale le Haut Commandement de la Gendarmerie dispose de 5 régiments divisés en
9 bataillons eux-mêmes divisés en 39 divisions. Environ 5000 hommes sont chargés des
opérations spéciales de protection des nœuds de communication et autres infrastructures.
De plus, 11773 gendarmes dont 10 000 sont des conscrits sont chargés d’assurer
la sécurité d’une partie des frontières avec la Syrie l’Irak et l’Iran. Le reste des frontières
dépend des forces armées selon la loi n°3497 de 1988. Ceci pose un problème vis-à-vis
de l’Union Européenne qui veut que le contrôle des frontières dans l’espace Schengen
soit aux mains d’une administration civile. En 2004, la JGK (Initiale de la Gendarmerie
Turque) accepte de coopérer avec le Royaume Uni à la création d’une force de police pour
le contrôle des frontières conformément aux exigences de Schengen. Mais bien vite le
Haut commandement de la Gendarmerie retira son accord pour ne pas interférer avec les
réformes engagées par son autorité de tutelle le TSK (armée turque).La France par le biais
de la gendarmerie nationale coopèrent activement avec les forces turques sur ce projet.
Mais la loi n°3497 doit être amendée pour permettre une telle réforme. En Janvier 2005, le
ministère de l’intérieur dévoile une loi qui renforce la coopération et la coordination entre
policiers garde-côtes et gendarmes. De plus, ce ministère prévoit le recrutement de 10 000
nouveaux officiers pour le nouveau service de contrôle des frontières.
Selon la loi n°2803, la Gendarmerie est sous l’autorité des gouverneurs mais l’armée
sur son site officiel affirme que les forces sur le terrain sont sous l’autorité de l’Etat major
de la Gendarmerie. Celui ci répond aux injonctions du chef d’Etat major lorsqu’il s’agit de
105
maintenir l’ordre public . Un député autrefois gouverneur rapporte qu’un Commandant de
Gendarmerie avait refusé dans un premier temps d’obéir a ses ordres l’officier déclarant « Je
106
n’ai pas d’ordre à recevoir de vous » .Un autre problème est le manque d’adaptation des
juridictions au fil du temps. L’industrialisation a changé la carte de la Turquie et des zones
autrefois rurales sont devenues urbaines tout en restant sous l’autorité de la gendarmerie.
De fait, le gouverneur à la responsabilité d’établir les juridictions dépendant de la police
et de la gendarmerie. Mais pour qu’une évolution de la zone d’action de la gendarmerie
soit entérinée, le commandement général de la Gendarmerie doit l’avaliser, ce qui n’arrive
quasiment jamais. La réforme est donc bloquée. La loi n°2803 du 10 mars 1983 dans son
article 100 défini les devoirs et la juridiction de la gendarmerie. Mais cette juridiction n’est
pas respectée : ainsi dans le cas des évènements de Semdinli et de Hakkari les gouverneurs
légalement responsables des actions de la gendarmerie n’étaient pas au courant des
agissements de la gendarmerie dans des zones urbaines normalement sous juridiction
policière. Lorsque les parlementaires usent de leurs prérogatives pour interroger les forces
104
Gendarmery, Lale Sar›ibrahimolu, ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.
112, Septembre 2006
105
106
54
Idem
Idem, p. 107
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
de sécurité par des demandes écrites (alors qu’elles peuvent établir des débats publics et
autres), les militaires ne répondent généralement pas aux questions sur les abus de la part
de la gendarmerie. Le rapport du 9 novembre 2005 sur les progrès de la Turquie annonce
qu’un programme en 2007 soutenu par l’Union et le Ministère de l’intérieur sur la mise en
place d’un contrôle effectif des forces de l’ordre par les gouverneurs et les procureurs.
Les évènements du 9 novembre 2005 démontrent l’autonomie des forces de sécurité
par rapport au gouvernement central et les atteintes à l’ordre public qui peuvent en
résulter. Un attentat à la bombe fut perpétré contre une librairie appartenant à un ancien
membre du PKK (parti séparatiste du Kurdistan) faisant deux morts. Rapidement, deux
gradés de l’Unité anti terroriste de la Gendarmerie (JITEM) furent suspectés. De violentes
manifestations eurent lieu en réaction le 15 novembre entrainant la mort de 3 personnes.
La gendarmerie dispose du droit de placer des écoutes si elle dispose d’un mandat. La
police et la gendarmerie n’ont le droit d’utiliser ces écoutes qu’en cas de lutte contre le crime
organisé tandis que cette limitation ne s’applique pas à l’organisation de renseignement
nationale (MIT). Les demandes de la gendarmerie d’avoir la capacité d’intercepter les
appels téléphoniques dans tout le pays fut rejetée par le Comité des affaires intérieures. Le
renseignement politique dépend de la Gendarmerie en vertu de l’article 2 de la loi n°5397.
Preuve de la volonté de changement au sein de cette force, le 27 Avril 2003 le Centre
d’évaluation des Droits de l’homme de la Gendarmerie (JIHIDEM) à été créé. En 2005
plaintes avaient été déposées concernant des abus donnant lieu a seulement trois sanctions
disciplinaires (et aucunes sanctions pénales)
c. Le rôle des acteurs non gouvernementaux
En Turquie, entre 14 et 15% des forces de police est assignée à la protection des individus
ou des compagnies. Ce nombre est clairement insuffisant notamment dans les zones
107
urbaines selon Ibrahim Cerrah professeur associé à l’institut des Etudes de Sécurité . La
loi n°5188 en Juin 2004 sur les compagnies de Sécurité privée vise à résoudre en partie ce
problème en garantissant le droit d’exercer pour ce secteur d’activité. Dans les campagnes
le système des gardiens de village issu d’une loi de 1924 à été réactivé en 1985 pour lutter
contre le PKK avec des supplétifs paramilitaires.
Les Compagnies de Sécurité Privées
Leur rôle est définit par la loi n°5188 de Juin 2004 qui modifiait la loi n°2495 du 22
juillet 1981. Le 31 Octobre 2005, 572 compagnies de sécurité privées avaient posées leur
candidature pour obtenir un permis d’exercer cette profession très réglementée. Chaque
employé doit passer des tests et ne pas avoir de casier judiciaire. Environ 464 d’entre elles
obtinrent ce certificat. La loi prévoit que les employés de ces compagnies privées suivent
un entraînement spécifique dans un centre agréé par le gouvernement. Environ 312 de
ces centres existaient au 31 décembre 2005. Leur entrainement doit être au minimum de
120h dont 30 dévolues à l’usage d’armes à feu. Les cadres et les employés doivent par
ailleurs prendre des cours de mise à niveau (60 heures) tous les cinq ans afin de voir leurs
licences renouvelées. Le nombre d’officiers de sécurité privée à atteint 106 741 en 2005
soit l’équivalent de plus de la moitié du nombre de policiers en activité. Ces hommes ont la
possibilité de fouiller et d’arrêter des individus dans leur juridiction à des fins de prévention.
107
Police, Ibrahim Cerrah in ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.88, September
2006
Bargel François - 2008
55
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Il est important de noter qu’ils peuvent exercer cette autorité sans qu’aucun crime n’ait eu
lieu. Le taux de croissance de ce secteur était estimé à 15% pour l’année 2006.
Le Système des gardiens de village
L’article 68 de la loi n°442 sur les villages datée de 1924 fait mention pour la première fois
de ces forces paramilitaires. Celles-ci sont actuellement régulées par la loi n°3175 datée
de Mars 1985 et le règlement des gardiens de village du premier Juillet 2000 jamais rendu
public. En 1985 face à la recrudescence des actes terroristes des militants du PKK ce
système de milice fut mis en place. Les forces recrutées parmi les villageois, armées et
payées par le gouvernement sont soumises à l’autorité du commandant de Gendarmerie
de la région. L’armée leur fournit un entrainement au combat.
Ce système s’appuie sur la structure clanique propre au Kurdistan afin que les clans
loyalistes assurent leur propre protection et empêchent les militants du PKK de s’implanter
dans leurs territoires. De plus, du fait de leur grande connaissance du terrain ils participent
aux actions de la Gendarmerie et de l’armée contre les militants Kurdes. Cette organisation
compte actuellement 58 000 membres ou 66 000 si l’on compte les réservistes. Les armes
sont fournies par l’Etat qui rétribue les clans assurant la protection des villages. Il faut aussi
compter les 25 000 volontaires dont les armes sont fournies par l’Etat mais dont le rôle se
limite à la défense passive. Parmi les nombreuses critiques adressées à ce système outre
l’appauvrissement de ces gardes qui vivent exclusivement des petites pensions versées
par l’Etat il y à la question de l’Etat de droit. Ce système renforce le clanisme de la société
kurde et facilite ainsi les cas de corruption, de décisions arbitraires ou encore d’exécutions
sommaires. Ces gardes qui ont connu de lourdes pertes (1400 hommes depuis 1985) ont
connu une saignée presque aussi importante du fait des procédures judicaires lancées
contre eux. Ainsi depuis 1985, 4972 personnes faisant partie de cette milice ont commis
des crimes soit environ 8,5% d’entre eux. Dans beaucoup de cas (2384) ces gardes avaient
commis des actes de terrorisme (ralliés au PKK). Pour le reste il s’agit de contrebande de
mise en coupe réglées du territoires ainsi que des expropriations arbitraires des villageois
108
censés être sous leur protection. Seulement 868 furent arrêtés . Le recrutement de ces
gardiens fut officiellement arrêté mais de nombreux exemples démontrent que des villageois
continuent à être recrutés.
3. L’action de l’Union dans le cadre de la Réforme du Secteur de la
Sécurité en Turquie
Face aux problèmes rencontrés par l’Etat central pour imposer son autorité face aux
militaires, l’Union s’est tout d’abord concentrée sur la réforme du Conseil de Sécurité
109
nationale . L’Assemblée Nationale a donc passé de nombreuses réformes pour mettre
sa législation en conformité avec les standards européens. Comme nous l’avons démontré
précédemment le MGK ne dispose plus du budget ni de son autorité d’antan même s’il
conserve le monopole de la rédaction du document de sécurité nationale qui crée la doctrine
militaire sans contrôle de la part du gouvernement et de l’assemblée.
108
109
Country Information Report 12 March 2007, Turkey, British Home Office p.29
Promoting Security Sector Reform in the EU’s neighbourhood, Heiner Hänggi and Fred Tanner, Institute for Security Studies,
Chaillot papers n°80, Juillet 2005
56
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
Un projet pour renforcer l’efficacité et la productivité des forces de police à été lancé
par l’Union Européenne. Ce programme d’une durée de 24 mois est dirigé par l’Espagne,
il vise à une amélioration des structures policières turques afin de les rapprocher des
standards européens. L’objectif est de généraliser l’Utilisation des moyens de management
moderne et de développer la notion de service à la population et de coopération avec
le public. Pour ce faire, on donne l’exemple de la police britannique et espagnole dans
lesquelles la satisfaction des citoyens est une priorité. A ces fins, L’autre aspect de cette
réforme serait de réduire le temps de travail des policiers. En effet, d’après Ibrahim Cerrah
directeur de l’Institut d’Etudes de Sécurité, la moyenne d’heures travaillées par semaine
par les policiers européens est de 37,5 heures par semaines contre 12 à 16 h par jours
110
en Turquie . Ce surmenage est aussi vu comme une des raisons des excès des forces
turques. Pour démontrer le fossé entre la police et ceux qu’elle est censée protéger le
Professeur Cerrah affirme dans le même article que le soutien aux forces de police est de 80
à 90% dans les pays démocratiques tandis qu’il est de 15 à 20% en Turquie. Comme nous
l’avons affirmé auparavant lorsque les parlementaires interrogent les forces de sécurité,
celles-ci ne répondent généralement pas aux questions relatives à des abus de la part de
la gendarmerie. Le rapport du 9 novembre 2005 sur les progrès de la Turquie annonce
qu’un programme soutenu par l’Union et le Ministère de l’intérieur sur la mise en place d’un
111
contrôle effectif des forces de l’ordre par les gouverneurs et les procureurs sera lancé en
2007. Un programme pour la gestion civile des frontières est aussi mis en place avec l’aide
112
de la France et du Royaume Uni . Le ministère de l’intérieur turc prévoit le recrutement de
10 000 policiers pour cette nouvelle agence.
a. Indépendance de la Justice
La justice en Turquie est soumise à de nombreuses pressions comme le démontre l’exemple
de la Conférence sur le sort des Ottomans arméniens lors de la chute de l’Empire prévue
du 25 au 27 mai 2005. Le Ministre de la Justice Cemil çiçek connu pour ses positions
nationalistes, qualifia de « coup de poignard dans le dos de la Turquie » cette conférence le
24 mai 2004. L’Université du Bosphore reporta immédiatement cette conférence au mois de
Septembre. Mais alors que l’incident semblait clos et qu’aucune plainte officielle n’avait été
portée devant les tribunaux, la cour administrative d’appel n°4 d’Istanbul, déclara illégale
la tenue de cette conférence. Cette décision fut fortement critiquée par le gouvernement
Erdogan. La conférence eut finalement lieu à l’Université de Bilgi le 24et 25 Septembre.
113
Un autre exemple de cette pression est la déclaration publique du chef d’Etat major
actuel Yasar Buyakanit dans laquelle il a soutenu publiquement Ali Kaya (avec Ozcan Ildeny)
officier de gendarmerie accusé d’avoir fait exploser la librairie d’un ex membre du PKK
causant la mort de deux hommes. « Je le connais bien, il est un bon soldat ». Une autre
manière d’influencer le pouvoir judiciaire est la mise en place de juridictions militaires. La
Constitution de 1961 dans son article 168 prévoit la mise ne place de ce type de courts.
110
Article “Police” in Security Sector and Democratic Oversight Almanach Turkey 2005, TESEV and Geneva Centre for
democratic Control of armed forces p 86-99. September 2006
111
Police accountability in Turkey, Site de l’Union Européenne,
http://ec.europa.eu/enlargement/fiche_projet/document/TR
%200301.01%20Strengthening%20accountability%20of%20police.pdf
112
Boader Management in Turkey, Site de l’Union Européenne;
http://ec.europa.eu/enlargement/fiche_projet/
document/2002-002-555-04.01%20integrated%20border%20management%20strategy.pdf
113
The Turkish armed forces, Almanach Turkey 2005, TESEV and Geneva Centre for democratic Control of armed forces
p 59. September 2006
Bargel François - 2008
57
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Ce même texte dispose que la majorité des membres des courts militaires doivent avoir les
qualifications de juge. L’article 2 de la loi n°353 prévoit quant à elle que les cours militaires
soient composés de deux juges militaires et d’un officier supérieur. Cette norme ne fut
jamais respectée. L’article 9 de cette même loi sur l’établissement des courts militaires et
les procédures de jugements définit la portée de l’autorité des courts militaires. Celles-ci
peuvent juger des civils car la définition du crime militaire dans le code pénal militaire est
très large voire non définie.
Néanmoins des progrès ont été faits dans le domaine judiciaire. Ainsi, en 2004, les
cours de Sécurité de l’Etat ont été abolis.Prévues par l’article 143 de la Constitution (Modifié
par la loi n°4446 du 13.8.1999) « Les tribunaux de sûreté d'Etat sont créés avec pour
mission de statuer sur les infractions portant atteinte à l'unité indivisible de l'Etat, du point
de vue du territoire et de la nation, à l'ordre démocratique libre ou à la République, dont
les caractéristiques sont définies dans la Constitution, ainsi que sur celles qui concernent
114
directement la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat ».Ces cours avaient été très
critiquée car elles ne respectaient pas les standards pour un procès équitable. Il n’y avait
notamment pas de possibilité de faire appel du jugement.
Une autre réforme fut initiée par les forces armées turques (TSK). En effet au deuxième
semestre 2005 le haut commandement demanda une révision de la loi anti terroriste sur le
modèle britannique. Le premier projet fut préparé par le ministère de la justice en Septembre
2005. Il ne fut pas présenté au public. Son article 8 prévoit des peines allant de un à trois ans
pour des déclarations manifestations ou rassemblements ayant pour but de porter atteinte
à l’intégrité de la république de Turquie. Néanmoins, l’assemblée a joué un rôle dans la
mise en place d’un cadre légal pour les mises sur écoute. Un amendement daté du 23
juillet 2005 a été introduit pour modifier le nouveau code pénal qui n’autorisait pas la mise
sur écoute des nouveaux moyens de communication électronique. Le parlement a autorisé
de telles opérations sous la supervision de l’autorité des télécommunications. Plusieurs
services de renseignements officient en Turquie : au côté des forces de police se trouve
le Service de renseignement et de lutte contre le terrorisme de la Gendarmerie(Jandarma
Istihbarat ve Terörle Mücadele Teflkilati, JITEM) suspectée d’être à l’origine de nombreuses
actions illégales. Il existe aussi de l’organisation de renseignement nationale (Milli Istihbarat
Teflkilati, MIT)
b. Les réformes en faveur de la liberté d’expression soutenues par l’Union
Européenne
L’Union Européenne dans son Rapport sur les Progrès de la Turquie en 2004 a noté des
améliorations positives dans le traitement des minorités sur la réforme de la Justice et les
115
droits de l’homme .
L’adoption d’un nouveau code pénal en 2005 a permis d’établir avec fermeté les
droits fondamentaux des minorités et des citoyens (liberté d’expression et de conscience).
Néanmoins il y a de nombreuses atteintes aux droits exercés par les forces de sécurité
notamment à l’Est du pays. Les libertés fondamentales sont très encadrées. La justice
116
turque n’apparaît pas capable d’appliquer la règle de droit vis-à-vis des officiers de Police .
114
115
Article 143 de la Constitution Turque
Turkey 2005 Progress Report, p.9 European Commission
116
Idem, page 23, « According to official statistics, of the 1 239 cases that were filed against law enforcement officials
in the first quarter of 2005, only 447 prosecutions were pursued. Moreover, there are concerns that when cases are pursued,
prosecutors still do not conduct timely and effective investigations against those accused of torture.[…] Convictions are rare and the
58
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
L’article 301 du nouveau code pénal punit très sévèrement « les insultes vis-à-vis de l’Etat
ou de ses institutions ». Sa définition très large a permis de condamner et d’emprisonner
Hrant Dink en Octobre 2005 pour des propos tenus sur le génocide arménien. La nouvelle loi
sur les associations de 2004 établit de sévères restrictions sur les activités supposées nuire
117
à l’intérêt de la Turquie au mépris de l’article 11 de la CEDH (Intégrité de l’Etat, Laïcité de
la société turque). Les financements étrangers doivent être autorisés par le gouvernement
et les vexations sont multiples. Néanmoins certaines associations Kurdes et arméniennes
ont pu voir le jour après de multiples rebondissements judiciaires et peuvent exercer leurs
activités sous un sévère contrôle. Toutefois la liberté d’expression à un champ plus large
118
avec les réformes prônées par l’Union Européenne . En 2005 la nouvelle loi anti terroriste
modifie la loi n°3713 mise en place en 1991. Le premier article de la nouvelle loi affirme
que pour être qualifiée d’organisation terroriste celle-ci doit avoir l’usage de la force et de
la violence dans son agenda. L’idée est de permettre une plus grande liberté d’expression.
L’article 8 à été modifié : la notion de « propagande contre l’unité de l’Etat » a été enlevée
seule la propagande faisant l’apologie de la violence est désormais considérée comme un
crime.
Le nouveau code de procédure pénale introduit en Juin 2005 donne au parquet une
partie de l’autorité autrefois dévolue aux forces de sécurité. Ce mouvement fait partie d’une
réforme plus large pour harmoniser les pratiques turques avec les pratiques européennes.
Mais cela entraîne de nombreux blocages parmi les forces de sécurité. Le Ministre de
l’Intérieur et la Direction de la Sécurité (qui dirige les forces de Police) critiquèrent cette
réforme affirmant que cela ferait de la Turquie un paradis pour criminels. Le Ministre de la
justice rétorqua sèchement que les forces de police devraient cesser de commenter les lois
et de commencer par les mettre en pratique pour améliorer leurs résultats.
En conclusion, la coopération policière avec la Turquie se fait plus au niveau
institutionnel que technique, les forces turques notamment la police étant bien équipées et
entrainées. L’action se fait plus en matière de contrôle démocratique des forces armées
objectif principal de la RSS. L’Union a déjà obtenu plusieurs avancées notamment au niveau
du Conseil de sécurité nationale (MGK) qui a perdu beaucoup de ses prérogatives et est
maintenant dominé par les civils. La Turquie forme elle-même des forces de police issues du
pourtour méditerranéen (territoires palestiniens) et les réformes mises en place en Turquie
pourraient se répandre au sein des forces étrangères qu’elle forme (notamment par le
biais du TADOC). La participation de la Gendarmerie turque à la FIEP permet une mise à
niveau des pratiques turques et un échange d’expertise des plus intéressants. La FIEP et
le programme de L’Union visant à la création d’une agence civile de contrôle des frontières
permettront à la gendarmerie turque de se réformer en douceur. Le processus est déjà
enclenché avec la création de l’observation des droits de l’homme de la gendarmerie qui
pratique des contrôles inopinées au sein des diverses unités et vérifie les allégations d’abus
de pouvoir de la part des gendarmes. De plus, le programme axé sur la satisfaction du
public et l’amélioration des conditions de travail des policiers turcs permettra de remettre
à niveau les forces de police dont les cadres sont désormais formés à l’international dans
les Universités américaines. Concernant le projet d’Union pour la Méditerranée la Turquie
était très réticente à l’idée de participer à ce projet qui à autrefois été présentée comme
courts appear to be unable or unwilling to impose appropriate sanctions on those committing these crimes. In 2004, of the 1 831
cases concluded, 99 led to imprisonment, 85 to fines and 1 631 to acquittals. […] Police officers facing trial for such crimes are
frequently not removed from duty pending the outcome of the trial”
117
118
Idem, page 27
Ankara assouplit la liberté d'expression, Le Figaro.fr, Laure Marchand, à Istanbul 01/05/2008
Bargel François - 2008
59
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
119
une alternative à l’adhésion . Mais ils ont obtenu des garanties solides : leur pays est
mentionné comme candidat à l'UE dans la déclaration qui devait être approuvée par les
43 leaders nationaux de l’Union pour la Méditerranée. De plus, comme me l’a appris mes
différentes interviews et recherche la Turquie est considérée comme un pays candidat et
tous les programmes sont faits au titre de l’adhésion et non pas au titre du Processus
de Barcelone ou de l’Union pour la Méditerranée. Ainsi, la Turquie occupe une place
prépondérante et atypique dans le nouvel ensemble à mi chemin entre l’Union Européenne
et les membres du Sud de la Méditerranée ils représentent un poids important dans les
120
négociations diplomatiques de la région .
B. Le Liban : un Etat face à la confessionnalisation de
son administration
Le Liban, pays côtier entouré par la Syrie au Nord et à l’Est et Israël au Sud, est un des
partenaires clef de l’Union dans le processus de coopération méditerranéenne. Le document
de Stratégie pour la République Libanaise mis au point par l’UE affirmait ainsi : « Le Liban
est l’un des bénéficiaires méditerranéens de l’aide communautaire octroyée au titre de
MEDA (programmes bilatéraux et régionaux). L’UE (Communauté, États membres, Banque
européenne d’investissement) est le principal donateur du Liban. Le montant total des fonds
engagés au titre de MEDA I (1995-1999) pour l’aide bilatérale s’est élevé à 182 millions
d’euros, tandis que le montant total attribué dans le cadre de MEDA II (2000-2006) atteint
121
130 millions d’euros ».
La situation politique actuelle du Liban est le fruit d’un passé tumultueux indissociable
de la situation politique en Syrie son puissant voisin. Il est donc nécessaire de faire un rappel
historique partant de la naissance du Liban aux périodes troublées que « le pays du cèdre »
traverse actuellement (1) Puis nous évaluerons l’Etat du système pénal et pénitentiaire
(2) pour enfin nous intéresser aux Forces de sécurité (3). Dans une dernière partie nous
étudierons l’action de l’Union et l’interdépendance de celle-ci avec les actions françaises
sur le terrain (4).
119
120
Sans enthousiasme, la Turquie tire son épingle du jeu, Istanbul Laure Marchand 13/07/2008, le figaro.fr
Idem, „l'implication de son gouvernement dans la reprise des négociations en-tre Israël et la Syrie a été largement saluée.
[...], à Paris, une discussion indirecte entre Ehoud Olmert et Bachar el-Assad a pu avoir lieu grâce aux bons offices du premier ministre
turc“.
121
Instrument Européen de voisinage et de partenariat de l’Union Européenne. Document de Stratégie 2007-2013 pour la République
Libanaise p. 13
60
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
1. Le Liban et la Syrie : « deux Etats un seul peuple » ?
a. La Grande Syrie, un rêve brisé.
La Première Guerre Mondiale toucha durement la « Grande Syrie » (qui comprend les Etats
d’Israël de Jordanie du Liban et de la Syrie actuels) alors partie intégrante de l’Empire
Ottoman. Les pertes humaines furent terribles : 600 000 morts soit 18% de la population. La
France, au prix de négociations intenses avec la Grande Bretagne, imposa sa domination
sur cette partie du Moyen Orient. Le Général Gouraud, à la tête de l’armée Française, évinça
le roi Faysal qui avait pris les rênes du pouvoir à Damas. Grâce aux mandats obtenus lors
du traité de Seves, la France put imposer un système colonial sans participation actives des
élites locales à la gestion des affaires publiques. Pour éviter toute tentation nationaliste en
faveur d’une « grande Syrie » l’administration française à tout de suite joué sur les divisions
ethniques et religieuses du territoire. En 1920, le Général Gouraud crée le « Grand Liban »
qui regroupe le Mont Liban (traditionnellement protégé par les Français), Tripoli, Tyr, Saïda,
Bargel François - 2008
61
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Beyrouth et la vallée de la Beqaa. Le but affiché était d’assurer aux Maronites (chrétiens) du
Mont Liban un territoire dans lesquels ils seraient les seuls maîtres. Le problème est que les
nouveaux territoires étaient principalement peuplés de sunnites et chiites. Les prétentions
territoriales des syriens sur ces territoires furent donc rejetées. la France divisa la Syrie en
quatre entités administratives indépendantes : Damas et Alep et deux districts Alawite et
Druze, sans compter que les Turcs annexèrent Alexandretta et Antioche en 1939. Il n’y a
donc pas d’unité nationale et les propriétaires terriens sunnites dominent à l’époque la vie
politique locale. En 1924, un nouvel ordre politique est créé : Damas et Alep furent intégrés
à un même Etat. Si les français gardèrent le contrôle des affaires locales, ils développèrent
très tôt une armée à l’occidentale. Ainsi, dès 1920, une académie militaire fut créée. La
carrière militaire fut choisie par de nombreux membres des minorités ethniques, les sunnites
considérant la carrière militaire avec dédain. Cette composition ethnique unique joue un rôle
important dans la vie politique de la Syrie. En effet avec l’indépendance en 1946, l’armée
devint un acteur majeur de la vie publique et le modèle basé sur la domination des élites
sunnites fut renversé.
b. Le Grand Liban un Etat « schizophrène »
Le Liban est « né schizophrène » selon les termes de Michael C. Hudson dans son
livre The precarious republic : the political modernization in Lebanon. Lorsque le Liban
est créé en 1920, les Maronites représentent environ 30% de la population. Les points
de vue sur la destinée du Liban divergent dès la création de cet Etat. Les chrétiens
étaient orientés vers l’occident tandis que les musulmans voulaient être intégrés à la nation
Arabe. La cristallisation des différends entre les communautés a fait que la politique est
« confessionnelle par nature »dans ce territoire. De plus, contrairement à la Syrie, les élites
ne sont pas issues d’une même communauté. Il s’agit d’une mosaïque ethnique dont la
politique est basée sur le clientélisme des différents notables issus de grandes familles
féodales.
En 1926, une Constitution est approuvée et crée la République Libanaise. Ce texte
prévoit la mise en place d’une chambre parlementaire unique basée sur la représentation
religieuse. Le Pacte national de 1943 précise les règles concernant ce scrutin. La norme
constitutionnelle donne de nombreux pouvoirs au Président de la République élu par
la chambre. Mais la France conserve la haute main sur les relations extérieures et
l’armée. De plus, le haut commissaire peut dissoudre l’assemblée. Ainsi, la proclamation
de la constitution n’entraina pas l’indépendance. Pendant l’entre deux guerres « Le Bloc
Constitutionnel » de Bishara al Khuri cherche à sceller une alliance entre les musulmans
et les chrétiens basée sur le refus de la tutelle française. Emile Eddé (Maronite) quant à lui
cherche à arrimer le Liban à l’occident et notamment à la France. Un traité Franco Libanais
est signé en 1936, celui-ci est basé sur le traité Anglo-iraquien qui prévoit l’indépendance
tout en préservant la mainmise du Commonwealth. Une annexe au traité de 1936 prévoyait
justement une juste représentation de toutes les religions dans le gouvernement et la haute
administration. Mais là encore, comme pour le Pacte Franco Syrien prévoyant les mêmes
modalités, le parlement Français refusa de ratifier ce traité en 1938. Eddé est élu Président
en 1937 et choisi Khayr al Ahdab (Sunnite) comme premier ministre. Cette nomination est
le fondement de la coutume selon laquelle le Président est Maronite et que le Premier
ministre est sunnite. Par la suite la réforme du statut international du Liban fut au point
mort d’autant plus que le Haut commissaire du Liban suspend la Constitution et dissout
l’assemblée au début de la Seconde Guerre Mondiale. Durant la guerre le Liban et la Syrie
connaissent des périodes de disette car les britanniques mettent en place un blocus de
62
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
ces territoires contrôlés par le régime de Vichy. En 1941, des « émeutes de la faim » ont
lieu ainsi que des manifestations en faveur de l’application de la constitution et la reprise
du processus politique. En juillet 1941, une opération Franco-anglaise est lancée au Liban
pour sécuriser les routes d’approvisionnement britannique au Moyen Orient. La France
Libre avait approuvé le principe de l’indépendance de la Syrie et du Liban mais, une fois
le succès de l’opération acquis, cherche à réinstaurer le régime du Mandat. La pression
des britanniques et le mécontentement des populations locales contraignent la France à
restaurer la Constitution et à organiser des élections en 1943. Les forces anti françaises
remportent une victoire importante. En Syrie c’est le Bloc national qui s’empare du pouvoir
tandis qu’au Liban c’est Bishara al Khui qui est élu Président avec Riyadh al Suhl comme
premier ministre. Il s’agit des artisans du Pacte National qui régula la vie politique et les
rapports de force intercommunautaire jusqu’en 1975. Ce texte, basé sur le recensement de
1932, établit un rapport de 6 pour 5 à l’assemblée en faveur des catholiques maronites. Les
chiites qui représentent environ 20% de la population ont toujours été sous représentés. Le
17 mai 1945, la France renforce son contingent mais celui-ci se heurte à des nombreuses
violences anti françaises. Finalement le Liban acquiert son indépendance en 1946. Durant
les années 1950 le Liban et principalement Beyrouth sont « les joyaux du Levant ». Les
investisseurs affluent, attirés par la stabilité politique et le secret bancaire qui font du Pays
du Cèdre « la Suisse du Moyen Orient ». Le pays accueille alors les exilés politiques de la
région et la libre expression est la norme dans le pays.
L’impossible nation libanaise :
La Constitution de 1926 le recensement de 1932 et le Pacte National de 1943 ont été à la
base de la politique confessionnelle et par la même occasion ont identifié le Liban comme
un pays arabe quoiqu’indépendant de tout autre Etat. De fait, la politique Libanaise est un
équilibre entre les diverses religions. Les différends intercommunautaires ne sont jamais
résolus mais plutôt neutralisés en empêchant qu’un des factions ne s’impose. Les liens
familiaux et religieux s’imposent par rapport à un encore hypothétique lien national. Cette
affirmation est démontrée par la persistance du système traditionnel des « Za’im ». Il s’agit
d’une structure du pouvoir de type féodal. Il n’y a pas de partis idéologiques mais plutôt une
coalition d’intérêts basés sur la confession. Les communautés religieuses sont loyales à un
seul individu ou une famille (Voir la Carte un Pays communautarisé ci-dessous). On peut
citer ici la famille Gemayel pour les maronites ou la famille Joumblatt pour les Druzes. Ainsi,
le slogan « Le Liban par-dessus tout » scandé par les membres de Kataib aussi connue sous
le nom de Phalange, (mouvement paramilitaire lancé par Pierre Gemayel en 1936) ne fait
référence qu’à la vision maronite du Liban. La seule exception notable à cet état de fait est le
petit Parti Socialiste Progressiste créé en 1949 du Druze Kamal Joumblatt. Ce mouvement
reste influent malgré sa taille et qui rassemble au-delà des lignes communautaires.
Bargel François - 2008
63
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Figure 4 Carte Confessionnelle du Liban (Documentation Française)
L’année 1958 est de première importance tant pour le Liban que pour son ancienne
puissance tutélaire la France. En effet, le Liban se retrouve confronté à sa première guerre
civile. Le Président de l’époque Chamoun dispose selon la Constitution d’un mandat non
renouvelable de 6 ans. Il cherche cependant à modifier la constitution pour pouvoir rester
en place, ce qui pousse l’opposition à descendre dans les rues. De plus, il refuse de céder
face à la mobilisation de l’opposition qui voulait rompre les relations avec le Royaume Uni
et la France qui avaient attaqué l’Egypte en 1956 lors de la Crise de Suez. Les tensions
s’accentuèrent avec la création de la République Arabe Unie (Syrie plus Egypte) qu’une
frange de la population voulait rejoindre. La déstabilisation interne du pays est renforcée
par le coup d’Etat qui touche l’Irak, premier partenaire commercial du pays (ces fortes
relations commerciales perdurent encore de nos jours). Face à ces menaces, le Président
demande l’aide des Etats-Unis qui envoient 15 000 hommes le 15 juillet 1958 à Beyrouth,
c’est l’opération « Blue Bat ».
64
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
Chamoun, partiellement discrédité, est remplacé par un ancien général Fouad Chéhab
à la présidence de la république. Celui-ci lance un ambitieux programme de réforme
politique et économique pour moderniser la société libanaise. Sa présidence (de 1958 à
1964) se traduit par une expansion du pouvoir central et ce, au détriment des autorités
traditionnelles. Tout au long de son mandat, ce Président respecté pour son intégrité et son
honnêteté s’assura que plus de musulmans reçoivent des postes de hauts niveaux afin de
rééquilibrer la balance confessionnelle au sein de l’administration et du gouvernement. Le
« Chehabisme », reconnu comme une période des plus prospères du Liban, coïncide avec
la création d’infrastructures routières électriques et de grands efforts en matière d’irrigation
et en approvisionnement en eau. Après la présidence Chéhab le Liban vit un retour de la
politique confessionnelle malgré les efforts de son dauphin Elias Sarkis. Ce retour à une
approche plus traditionnelle de la politique couplée à des nombreux facteurs internes et
externes allait plonger le Liban dans une guerre civile de 1975 à 1990.
La guerre civile 1975-1990
Dans les années 1960 les commandos palestiniens de l’Organisation de Libération de
la Palestine (OLP) s’installent dans les camps de réfugiés palestiniens principalement
localisés au Sud-Liban. Pour mémoire, environ 300 000 palestiniens se réfugièrent au Liban
suite à la création d’Israël. La situation des commandos palestiniens est basée sur un accord
secret du 3 Novembre 1969 signé au Caire entre Yasser Arafat et l’armée Libanaise. Celuici stipule que l OLP assure l’ordre public dans les camps (exterritorialité de ceux-ci). Tandis
que l’OLP assure respecter la souveraineté du gouvernement, l’organisation a carte blanche
pour les incursions militaires contre Israël. De fait, les palestiniens organisent un véritable
Etat dans l’Etat et utilisèrent le Liban comme base arrière contre Israël. Tsahal lança en
122
retour de nombreuses expéditions punitives sur le territoire libanais . La population Shiite
libanaise, principalement situées au Sud a souffert terriblement des ces escarmouches.
Les combats et l’incapacité ou le refus du gouvernement central à subvenir aux besoins
en infrastructures du sud du pays (Notamment sous la présidence de Suleyman Frangieh
(de 1970 à 1976) poussa à une émigration massive des ces population. Ces populations
s’installèrent dans la banlieue sud de Beyrouth (qui de ce fait devint un bastion du Hezbollah
à partir de sa création en 1982). Ces mouvements de populations changèrent la donne dans
le jeu de pouvoir confessionnel libanais. Les Shiites étaient à l’époque peu représentés
dans le partage du pouvoir alors qu’ils représentaient une grande part de la population.
Suite à ces attaques, la question des commandos palestiniens cristallise les tensions et
les divergences d’opinion entre les populations maronites et musulmanes. Kamal Joumblatt
forme à l’époque une coalition appelé le « mouvement national libanais ». Ce mouvement
veut la fin de la représentation confessionnelle en politique et demande une totale liberté
d’action pour les commandos palestiniens. Les chrétiens maronites ne l’entendent pas
de cette oreille et cherchent à défendre leur vision d’un Liban pro occidental. Camille
Chamoun et sa milice « les tigres » (en arabe, Numūr)alliée à la Phalange décident de
résoudre le problème palestinien par la manière forte. En Avril 1975, la Phalange passe
à l’action et attaque un bus rempli de palestiniens. Les combats entre milices chrétiennes
et musulmanes polarisent la société libanaise et l’armée, multi confessionnelle comme le
reste de l’administration libanaise, se désintègre. L’OLP, après avoir observé une certaine
retenue, participe activement aux combats. En mai 1976, le Président Syrien Al Asad envoie
l’armée pour faire cesser les combats et matérialiser l’influence syrienne dans le pays
122
« Selon des sources officielles libanaises, entre 1949 et 1964, Israël a conduit environ 140 opérations militaires au Liban ; ce
chiffre a atteint les 3000 entre 1968 et 1974. Mahmoud Soueid, Le Liban Sud face à Israël, 50 ans de résistance et de résilience
(Beyrouth, 1998), pp. 5, 8 ». in « Hizbollah and the lebanese Crisis », ICG
Bargel François - 2008
65
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
accomplissant ainsi les vœux des nationalistes syriens formulés des les années 1920. Les
syriens obtinrent un cessez le feu précaire en 1976. Les combats avaient fait de 30 à
40 000 morts selon les estimations. Les président Elias Sarkis (1976-1982) cherche alors à
reconstruire une armée solide et prône la réconciliation nationale mais il est affaibli car les
forces de sécurité libanaise sont soit hors de contrôle soit trop faibles pour s’imposer face
aux milices qui continuent le combat de manière larvée. L’assassinat de Kamal Joumblatt
en 1977 occasionne une nouvelle explosion de violence et le pays sombre de nouveau dans
la guerre civile. Les alliances varient tout au long du conflit : les chrétiens s’allient d’abord
à la Syrie pour lutter contrer les palestiniens puis s’allient à Israël contre les Musulmans
soutenus par Damas.
En juin 1982, Israël lance l’Opération « Paix en Galilée » : 25 000 hommes franchissent
la frontière jusqu'à la rivière Litani. L’objectif affiché est de détruire les infrastructures de
l’OLP tout en soutenant en sous main les milices chrétiennes de Bashir Gemayel afin que
celui-ci soit élu Président de la République. Israël semble tout d’abord réussir son pari : l’OLP
est poussée à la retraite et établi à Tunis son nouveau Quartier Général. De plus, Bashir
Gemayel est élu Président de la République Libanaise. Mais celui-ci est assassiné quelques
jours après son élection. Israël commence son retrait partiel en 1983 qui s’achèvera en
1986. Tsahal conserve une zone tampon au sud Liban qui représente environ 10% du
territoire du Pays du Cèdre. Israël retirera se troupes en 2000 conservant le territoire des
fermes de Chebaa où se produisent toujours de violentes escarmouches avec le Hezbollah,
l’armée libanaise n’ayant pas eu l’autorisation des syriens de se déployer au Sud Liban.
Amin Gemayel le frère de Bashir demande l’aide des Syriens pour se maintenir au pouvoir.
L’invasion israélienne, loin d’atteindre tous ses objectifs, à entrainé la mise sous tutelle du
Liban par le voisin syrien ennemi juré de l’Etat Hébreu. De plus, l’opération paix en Galilée
a entraîné la création du Hezbollah organisation qui lancera des opérations de guérilla très
couteuses pour Israël au sud Liban. Les combats continuèrent entre milices chrétiennes
face à Amal (parti chiite) et le Hezbollah (chiite). L’OLP quoiqu’affaiblie cherche à reprendre
pieds sur le territoire libanais par le biais des camps palestiniens. La Syrie dépêche 40 000
hommes pour finalement s’imposer. En 1989, l’accord de Taif en Arabie Saoudite permet
de mettre fin au conflit. Ce document qui sera intégré à la Constitution libanaise, prévoit le
transfert d’une partie des pouvoirs du Président au premier ministre et à son cabinet. De
plus, les chrétiens et les musulmans seraient à égalité en nombre de députés à l’assemblée.
Les maronites s’opposent à un tel accord qui officialise la tutelle syrienne. Ainsi dans son
titre IV baptisé des relations Libano Syriennes les parlementaires libanais affirment: « […] il
faut éviter à tout prix que le Liban devienne une source de menace à la sécurité de la Syrie,
ou la Syrie une source de menace à la sécurité du Liban. En vertu de quoi, le Liban ne
permettra pas qu'il soit un passage ou un foyer pour toute formation, Etat ou organisation
qui aurait pour but de remettre en question sa sécurité ou celle de la Syrie. De même que
la Syrie, soucieuse de la sécurité du Liban, de son indépendance et de son unité ainsi
que l'entente de ses fils, ne permettra aucune action susceptible de menacer la sécurité
du Liban, son indépendance et sa souveraineté ». A la fin du mandat d’Amin Gemayel en
1988, les parlementaires ne parviennent pas à s’accorder sur le nom du nouveau Président.
Amin nomme le Général Michel Aoun comme premier ministre par intérim mais le premier
ministre de l’époque Salim al Huss crie à la trahison. Les forces d’Aoun se battent en plein
Beyrouth contre les Syriens et les musulmans, puis les autres forces maronites se retournent
contre lui et le poussent à l’exil en Octobre 1990. La Syrie impose son pouvoir à partir de
1990, et les milices rendent leurs armes à l’armée. Le Traité de fraternité, de coopération
et de coordination du 22 mai 1991 officialisa la mise sous tutelle de l’Etat libanais, donnant
corps à la rhétorique de « deux Etats mais un seul peuple » cher aux partisans de la
66
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
« Grande Syrie ». Seuls le Hezbollah et Amal (chiites) refusent de rendre leurs armes car
ils affirment vouloir combattre l’invasion israélienne au Sud Liban. Le Hezbollah, dont nous
analyserons la force dans les paragraphes suivants, deviendra la force principale du bloc
chiite, établissant un véritable état dans l’Etat au sud Liban, fournissant une aide sociale aux
habitants du Sud oublié par le gouvernement central. La branche militaire de ce mouvement,
devenue une véritable armée, harcèle l’occupant israélien.
Pour une meilleure compréhension de cette période trouble, veuillez vous référer à la
chronologie en Annexes « le Liban l’incessant jeu des alliances ».
L’armée du Sud Liban (Pro israélienne) étant en pleine débandade, le reste des troupes
israéliennes furent retirées du Sud Liban en Mai 2000 soit plus de 6 semaines avant la date
limite du 7 juillet que l’Etat Hébreu s’était fixé. L’ingérence Israélienne finie, la Syrie gardait
la haute main au Liban. La Résolution 1559 du Conseil de Sécurité du 2 Septembre 2004
appelait « au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et l’indépendance
politique du Liban sous la seule et exclusive autorité du gouvernement libanais » afin de
remédier à ce problème. La résolution précitée réaffirmait la nécessité d’un retrait de toutes
les troupes étrangères (Syriens et Israéliens dans les fermes de Chébaa) et réitérait l’appel
au démantèlement des milices libanaises et non libanaises. Cette résolution resta sans suite
jusqu'à l’assassinat de Rafiq Hariri, ancien premier ministre libanais, le 14 Février 2005. Dès
l’annonce de l’attentat, la plupart des observateurs y virent la main des Syriens et de leurs
123
alliés libanais au gouvernement . Le meurtre de Hariri entraina de vastes manifestations
anti syriennes suivies de manifestation pro syriennes à l’appel du Hezbollah tout au long
du mois de février et mars. Les 28 Février, face à la montée des protestations et la grève
générale qui paralysait le pays, le gouvernement pro syrien démissionne. Après d’intenses
négociations, le Président Lahoud nomme Najib Mikati en tant que premier ministre. Celuici s’engage à organiser des élections conformément à la constitution et à coopérer avec
la commission d’enquête internationale de l’ONU. Face à la pression internationale et la
défaite du camp pro syrien aux élections législatives de 2005, Bashar Al Assad retire
progressivement ses troupes du Liban. Les 23 Mai 2005, une équipe d’observateurs de
l’ONU rend un rapport selon lequel toutes les troupes syriennes s’étaient retirées du Liban
tout en ajoutant qu’il n’était pas certain que les agents des services secrets l’aient fait. Une
période trouble s’ouvre alors pour le Liban, marqué par les attentats orchestrés par Damas
et ses opposants. Des journalistes anti syriens tels que Samir Qasir ou le Politicien George
Hawi en Juin 2005 en furent victimes. Le Leader du courant patriotique Libre, Michel Aoun,
retourne au Pays du Cèdre après 14 années passées en France. La libération de son ancien
allié Samir Geagea entraine des escarmouches en plein Beyrouth le long de la ligne verte qui
séparait les quartiers chrétiens et musulmans pendant la guerre civile. Detlev Mehlis, chef de
la Commission d’enquête de l’ONU, présente par la suite deux rapports sur l’assassinat de
Rafiq Hariri le 21 octobre 2005 puis le 16 décembre de la même année. Ceux ci accusent les
dirigeants syriens d’avoir instigué l’attentat. Dans le même temps, des combats sporadiques
opposent les forces libanaises et les milices palestiniennes pro-syriennes téléguidées par
Damas. Cinq officiers supérieurs Libanais et Syriens furent arrêtés pour complicité dans
l’assassinat. Ils étaient tous à la tête d’un des nombreux services de sécurité libanais :
Mustafa Hamdane (chef de la garde présidentielle), Jamil al Sayed (chef de la Sûreté
Générale), Ali al Haj (ex directeur des FSI) et Raymond Azar chef du deuxième Bureau
(renseignement militaire).
123
Naharnet, 27 septembre 2007. À la question de savoir si son gouvernement avait des preuves de l’implication de la Syrie,
un diplomate français répondit : « Aucune preuve. Aucun doute ». Entretien de Crisis Group, New York, 26 septembre 2007.
Bargel François - 2008
67
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Le Hezbollah quant à lui refuse de se plier à la Résolution 1559 arguant du fait que la
résolution appelle les milices à désarmer alors que l’organisation islamiste affirme être un
mouvement de résistance.
2. Etat des lieux des pouvoir judiciaires policiers et de
l’administration pénitentiaire libanaise.
Le pouvoir judiciaire est une des pierres angulaires de l’Etat de droit. Quelle est sa situation
dans l’Etat libanais ?
L’Etat libanais dispose de 56 juges de première instance, onze cours d’appel, quatre
cours de cassation. L’instance administrative suprême est le conseil d’Etat. La cour de
justice est quant à elle compétente pour les affaires relevant de la sécurité de l’Etat. Il existe
une myriade de cours religieuses correspondant à chaque religion pour les questions de
la vie quotidienne (mariage, héritage). Sous la période de domination syrienne le pouvoir
judiciaire était fortement influencé par Damas. Le pouvoir syrien nommait directement les
procureurs et les juges d’instruction. Les procès de dissidents sont soumis à une forte
pression politique et les violences perpétrées par les groupes pro-syriens font rarement
l’objet d’enquête. Les standards internationaux en matière de procédure criminelle n’étaient
que rarement observés dans les cours militaires, où officiaient des gradés sans formation
judiciaire. Les procès sont généralement jugés en quelques minutes. Les cours militaires
contrairement à la législation libanaise ont reçu large juridiction pour pouvoir juger les civils.
Le Rapport USSD 2005 (qui rapportait des faits de 2004) affirmait que « bien que la loi
requière des mandats avant les arrestations : les forces de sécurité ont continué à procédé
à des arrestations et détentions arbitraires notamment pour des raisons de « sécurité
nationale » ». La loi prévoit le droit à un avocat, un examen médical et la présentation
devant un juge d’instruction dans les 48h suivant l’arrestation. Si aucun acte d’accusation
formel n’est présenté la détention est considérée comme arbitraire et les auteurs de ces
actes peuvent être poursuivis conformément à la loi. Mais le rapport pointait que beaucoup
des dispositions prévues par la loi n’étaient pas respectées (le rapport a été publié avant
le départ des syriens). De plus, la situation des réfugiés palestiniens qui, sans statut officiel
au Liban, sont harcelés par les forces de sécurité libanaises reste précaire. Ce document
annonçait une coopération réelle du gouvernement avec l’Office des Nations Unies contre
la drogue et la prévention du crime. Cette coopération a notamment donné lieu à la création
d’un centre pour les victimes juvéniles d’abus physiques. Il est à noter que la peine de mort
a repris en 2004 après un moratoire de fait d’une durée de cinq ans.
En matière pénitentiaire l’administration des lieux d’emprisonnement est confiée à la
« Darak » (Division pénitentiaire de la Gendarmerie Libanaise). Le gouvernement libanais
coopère avec l’ONG « Réforme Pénale Internationale » pour l’inspection de ses prisons.
Le taux d’occupation des prisons est de 115% (En France le taux d’occupation est entre
124
200% pour 16 établissements et 150% pour 53 autres établissements ) il y aurait 5 375
prisonniers au Liban dont un tiers n’aurait pas été condamné. Après le retrait syrien de
2005, le gouvernement à accepté de laisser une antenne de la croix rouge internationale
visiter ses prisons. Il faut toutefois noter que de nombreux palestiniens et libanais ont été
où sont encore enfermés en Syrie. Environ 17 000 personnes ont disparu au cours de la
124
68
63 838 détenus dans les prisons françaises au 1er juin, 13/06/2008, le Monde.fr
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
guerre civile, et ses disparitions ont le plus souvent été attribuées aux services Syriens qui
125
agissaient en totale impunité jusqu’en 2005 .
3. Etat des lieux des Forces de sécurité libanaises:
L’un des principaux défis auxquels la République libanaise est confrontée est la faiblesse
de son armée plongée dans un Etat végétatif par la tutelle Syrienne (a). L’autre problème
est la confessionnalisation des ses services de renseignement et l’inefficacité des forces de
sécurité intérieures (b) qui dépendent de l’aide internationale pour pouvoir se développer.
Ainsi l’Union Européenne et les pays membres peuvent jouer un rôle crucial dans le
processus de réforme lancé depuis le départ des Syriens
a. L’armée Libanaise “ Honneur, Sacrifice, Fidélité ”
source
126
L’armée libanaise n’a pas eu une importance cruciale dans la vie politique du pays
quand on la compare à son homologue syrien ou irakien. Selon les chiffres fournis par
Edouard Belloncle, durant les trente premières années l’armée compta seulement 18 000
soldats et son budget ne représentait pas plus de 4% du PNB. Après la dislocation des
forces armées durant la guerre civile, la reconstruction d’une armée nationale était l’une
des priorités du gouvernement libanais. Un service national fut ainsi créé pour à la fois
avoir assez de soldats pour imposer l’autorité de l’Etat libanais ainsi que pour assurer un
réel équilibre confessionnel alors que les chrétiens désireux d’avoir une carrière militaire se
faisaient rares. Le nombre de personnels de l’armée quadrupla en dix ans pour atteindre
50 000 soldats et 3200 officiers en 1996. En 2005, les dépenses d’équipement s’élevaient
à 5,8 millions de dollars pour un budget global de 850 millions. Ainsi selon l’article Les
événements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban « 99,5% des dépenses
militaires sont des dépenses de fonctionnement. L’armée libanaise à la fin des années 1990
employait environ un dixième de la main d’œuvre libanaise faisant vivre un demi million de
personnes auxquelles elle fournissait divers services sociaux et médicaux ». Cette structure
des dépenses laisse donc peu de place au renforcement des capacités de projection et de
125
126
Country of origin information report the Lebanon juillet 2006, p. 32
Emblême tiré du site de l’armée libanaise, section wallpapers
Bargel François - 2008
69
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
combat. L’aide internationale peut donc avoir un impact majeur sur l’armée en aidant aux
investissements en matériel. En 2004, le coût financier de la conscription étant trop élevé
(un soldat coute à l’Etat 1000 dollars par mois), le service obligatoire fut arrêté. Cela eut pour
conséquence de réduire les effectifs de 65 000 soldats à 43 000 soldats en 2007. Le maintien
de l’ordre dans ces conditions est donc rendu plus difficile car la baisse quantitative n’a pas
été compensée qualitativement par un investissement dans la formation et l’équipement des
forces. Le besoin d’investissement est d’autant plus criant avec le déploiement de 15 000
militaires au Sud Liban au lendemain de la guerre de juillet.
Les missions des Forces armées libanaises sont définies par la Partie II de l’accord de
Taëf. Dans la section III de celle-ci les parlementaires ont affirmé que « La tâche essentielle
des forces armées est la défense de la patrie, et le cas échéant, la défense de l'ordre public
lorsque le péril est hors de mesure avec les moyens des Forces de Sécurité Intérieure. »
L’armée sous la tutelle du ministre de la défense joue donc un rôle de maintien de l’ordre
public en accord avec la Constitution. Celle-ci peut arrêter et détenir des suspects pour des
raisons de sécurité nationale. Suite à la désintégration des forces armées dans les violences
de la guerre civile, le haut commandement répugne à s’impliquer dans les querelles inter
libanaises. L’armée Libanaise est considérée comme l’une des seules institutions viables
du Liban et les différents partis considèrent qu’elle est le seul garant de l’unité libanaise.
C’est pourquoi un large consensus à soutenu l’intervention dans le camp palestinien de
Nahr el-Bared du 20 mai au deux septembre 2007 pour combattre le Fatah al Islam.
Ce mouvement palestinien avait assassiné des soldats libanais. Ces affrontements ont
démontré la faiblesse de l’armée libanaise qui, si elle s’est révélée victorieuse, reste sous
perfusion de la part des occidentaux. Les libanais ont principalement dus leur victoire aux
hélicoptères français fournis par les Emirats arabes unis. De plus, le Général François Al
Hajj, qui avait pris la tête des opérations et était pressenti pour remplacer le Général Michel
Sleimane à la tête de l’Etat Major, a été assassiné le 12 décembre 2007. L’armée, incapable
de protéger ses plus hauts dignitaires est elle capable d’assurer le maintien de l’ordre
en cas de crise ? Comme toutes les institutions libanaises c’est une mosaïque ethnique
comprenant notamment 35% de chiites. Ces divisions communautaires l’empêchent d’être
décisive sur le terrain. Comme l’affirmait le Figaro dans un article du 10 mai 2008 à propos
des affrontements entre le Hezbollah et le gouvernement Siniora « L'armée libanaise,
impuissante, n'a pu intervenir pour arrêter les affrontements. Elle redoute de se scinder
127
suivant les clivages ethniques
». L’accord de Taif prévoit par ailleurs que « Lorsque
les F.S.I. seront aptes à assumer leurs responsabilités de sécurité, les Forces armées
128
regagneront leurs casernes » .
b. Les Forces de Sécurité Intérieure : un nouvel acteur dans l’échiquier
politique Libanais.
127
128
Le coup d’Etat du Hezbollah, le 09/05/2008 le figaro.fr
Accord de Taef, 05/11/1989, Partie II « de la souveraineté de l’Etat Libanais sur l’ensemble de son territoire », sous partie
3 « du renforcement des forces armées », alinéa d
70
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
source
129
Les Forces de Sécurité Intérieures FSI sont notoirement trop faibles pour assurer
l’ordre. L’accord de Taef cherche cependant à assurer un renouvellement de celles-ci. Le
texte prévoit le renforcement des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) au moyen d’ « une
conscription ouverte à tous les libanais sans exception, pour leur donner une formation
centralisée avant de les répartir dans les unités des régions, tout en les soumettant à
des sessions de formation constantes et régulières. Et le renforcement des organismes
de sécurité susceptibles de contrôler l'entrée et la sortie des personnes aux frontières
terrestres, maritimes et aériennes du pays ». Les FSI sont sous le patronage du Ministère
de l’Intérieur. Elles appliquent les lois, conduisent les perquisitions et les arrestations et
envoient les dossiers aux juges. La police à un rôle d’instruction plus développé que dans les
pays occidentaux du fait de la faiblesse de l’appareil judiciaire. Edouard Belloncle dans son
article Les événements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban affirmait que
les FSI « moins nombreuses, mal entraînées et équipées sont traditionnellement perçues
comme des forces auxiliaires de l’armée.[…] Les officiers de police de haut rang sont
souvent des militaires de carrière, la structure de commandement est proche de l’armée,
la formation des policiers se tient souvent dans les écoles militaires ; enfin les patrouilles
de police se font en treillis militaire avec kalachnikov ». Selon cet auteur, les accords de
Taif prévoyaient que les effectifs des FSI devaient atteindre 29 000 membres, mais la tutelle
syrienne aidant, les forces ne dépassèrent pas les 8000 membres pendant les années
1990. Néanmoins, le nouveau gouvernement a cherché à développer celles-ci en faisant
passer leur nombre à 21 000 à l’heure actuelle. L’objectif étant d’atteindre le chiffre de
29 000 policiers en 2009. Il faut toutefois noter que vu la faiblesse de sa dotation (3,3% du
budget national contre 21,5% à l’armée) un gros effort reste à faire et l’auteur d’affirmer que
l’aide des pays donateurs (Union Européenne, France, Etats-Unis) peut faire la différence
et donner une réelle visibilité à cette force. La faiblesse des FSI en matière d’anti terrorisme,
d’enquête judiciaire et de maintien de l’ordre pourrait être ainsi résolue. En matière de
lutte contre le terrorisme, les FSI ont créé en 2005 leur propre service de renseignement
le Département de l’information. Cette unité qui regroupe actuellement 1000 personnes
devrait voir ses effectifs atteindre les 1200 membres dans les prochaines années. Cette
structure reçoit l’appui des saoudiens et se « spécialise dans la formation et l’acquisition
130
d’équipements spécialisés dans le contre terrorisme et la délinquance organisée ». Cette
129
130
Emblême tiré du site des FSI
Edouard Belloncle, Les évènements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban, Maghreb Machrek n°193
Automne 2007 Les nouvelles guerres du monde arabe.
Bargel François - 2008
71
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
nouvelle unité suscite quelques craintes dans les autres agences qui veulent plus de
représentativité confessionnelle en son sein. Les FSI, tout comme l’armée sont soumises au
contrôle des milices qui scrutent et accompagnent chacun de leurs mouvements : ainsi lors
des affrontements du mois de Mai, les soldats et les policiers n’ont fait prendre en charge
131
les prisonniers faits par les milices et ont assuré conjointement avec celles-ci le contrôle
des points stratégiques. Le Figaro dans son édition du 9 Mai décrivait très bien la situation
« Dans le quartier Clemenceau, une voie barrée mène à la résidence de Walid Joumblatt,
dénoncé par Nasrallah comme le principal instigateur de l'offensive anti-Hezbollah. De
jeunes miliciens druzes à bandeau rouge se tiennent aux côtés des soldats. Mais leur chef
n'est plus chez lui. Walid Joumblatt a été évacué ce matin par l'armée, qui jugeait l'ouest
trop dangereux pour lui. À l'approche du quartier d'Aïn el-Tiné, ce sont les miliciens d'Amal
132
qui contrôlent les carrefours, aux côtés de policiers en treillis bleu camouflés ».
L’International Crisis Group (Organisation non gouvernementale qui étudie les conflits
de par le monde) dans son rapport 2005 affirmait que depuis le départ des troupes syriennes
et les élections de 2005 « incertains des ordres à suivre, privés de leur commandants et
attendant de voir qui s’imposerait les membres de l’appareil policier et de renseignement
133
ont souvent choisi le chemin le plus sûr, qui est de ne rien faire ». Cette inaction reflète
d’une part le vide institutionnel reflétant l’impact des quinze années de guerre civile suive
de quinze autres années d’hégémonie syrienne. Les ordres émanaient effet de Damas ou
des ses agents où alliés libanais. Même les équipements de base manquaient, comme
les outils de police scientifique pour faire les tests ADN. Un diplomate arabe sous le
couvert de l’anonymat rapporte cette anecdote à l’ICG : « quand nous avons demandé
aux services secrets militaires ce qu’ils faisaient ils nous ont répondu qu’ils ne pouvaient
rien faire parce que la Syrie avait pour habitude de tout faire pour eux ». Atif Madjalani
(parlementaire, membre du bloc du futur de Saad Hariri) se plaignait que les indicateurs et
la Mukhabarat (Services secrets Syriens) étaient toujours présents mais ne travaillaient plus
pour le gouvernement. Malgré le retrait des troupes syriennes les ingérences continuent,
ainsi Marwan Hamadeh ministre des télécoms évoquait les résistances aux initiatives du
gouvernement. Il affirmait ainsi, « beaucoup de ministères sont toujours sous le contrôle
direct des syriens, la situation n’évoluera pas tant que le président Lahoud sera au pouvoir ».
Dans ce contexte particulièrement volatile il est important de comprendre que les forces
de sécurité et particulièrement les services de renseignements sont confessionnalisés et
de ce fait n’ont ni la confiance de la population ni celle de l’Etat. Néanmoins l’accord de
Taef de 1989 inclus dans la Constitution Libanaise affirmait vouloir montrer la souveraineté
Libanaise en œuvrant au « renforcement des organismes de sécurité susceptibles de
contrôler l'entrée et la sortie des personnes aux frontières terrestres, maritimes et aériennes
du pays ».Ces organismes sont bien entendus les services de renseignement dont nous
allons procéder à une rapide évaluation. Ces 7 services sont dévoués à la sécurité de l’Etat
mais aussi et surtout à la sécurité de la communauté à laquelle ils sont rattachés.
131
«Les soldats jouent un rôle d'arbitre, réceptionnant les vaincus et les mettant en sécurité. Après avoir pris les bureaux du
Parti du futur, les miliciens chiites ont remis leurs prisonniers aux soldats ». L’ouest de Beyrouth aux mains du Hezbollah, le Figaro
9 mai 2008 Pierre Prier
132
133
Idem
In the words of a Western diplomat, “the work of the security forces was frozen after Jamil al-Sayiyd and Ali al-Hajj resigned.
Officials are waiting for orders, as they were wholly dependent on them”. Crisis Group interview, Beirut, 8 October 2005. Michel
Samaha, a former information minister, added: “Some members of the security forces might side with the pro-Syrian political wing out
of fear that if the others prevail, they will be next to go”. Crisis Group interview, Beirut, 10 October 2005
72
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
Le deuxième bureau attaché aux forces militaires, est le principal service de
renseignement libanais. Il fut crée en 1961 suite à une tentative de coup d’Etat. Le président
de l’époque, confronté à un déficit de sécurité et d’information, décida de renforcer les
capacités de l’armée en matière de renseignement et notamment sur la vie politique
nationale. Selon Edouard Belloncle, « durant les années 1990, le deuxième bureau avait
35 000 membres alors que ses missions principales se concentraient avant tout sur la
134
surveillance de l’opposition et des groupes palestiniens ». Il développerait actuellement
ses missions anti terroristes notamment après l’attaque dont les forces armées avaient été
victimes et qui avait marqué le début des affrontements avec le Fatah al Islam. Ce service
était totalement contrôlé par les syriens jusqu’en 2005 et est, au dire du chercheur du CNRS,
le plus efficace des services libanais.
La direction Générale de la Sûreté de l’Etat est un service qui compte environ 3000
membres. Ces services prennent leurs ordres auprès du premier ministre et la Sureté
générale reste sous l’autorité du ministre de l’intérieur qui collecte des infos sur les groupes
qui semblent être une menace pour la sécurité de l’Etat. « Sa mission est la surveillance
de la vie politique libanaise et du contrôle de l’immigration. Néanmoins lorsque les Syriens
en prirent le contrôle elle devint l’instrument principal de censure des médias et des partis
politiques. Traditionnellement dirigé par un chrétien, l’organisation est devenue shiite le jour
135
où Jamil al Sayed grand allié du régime syrien accéda à sa direction ».
L’organisme suivant est la direction Générale de la Sécurité de l’Etat à ne pas confondre
avec son quasi homonyme de la sûreté de l’Etat citée précédemment et créée en 1945.
Cette organisation fut quant à elle créée en 1990 pour des raisons politiques. Selon Edouard
Belloncle ce fut Nabih Berri leader d’Amal qui avant de devenir Président du Parlement
voulut un service de renseignement shiite. Ses principales missions sont la protection des
magistrats et des politiciens et ses effectifs ont diminué depuis 2005 passant de 2000 à
1600 personnes. Ce service « n’a jamais trouvé sa place dans l’appareil de renseignement
136
libanais du fait des circonstances de sa création ».
Le quatrième élément de cette structure est le département de l’Information (DI)
rattaché aux FSI que nous avons évoqué plus haut. Les autres structures sont de moindre
importance : il s’agit de la garde présidentielle ou républicaine, de la garde gouvernementale
et du service de sécurité de l’aéroport. Ce dernier à fait l’objet de vives controverses car il
est à l’origine des combats qui eurent lieu en Mai 2008. En effet, son chef Wafiq Choucair,
proche du Hezbollah, a été limogé par le gouvernement qui l’a accusé d'avoir laissé les
hommes de Nasrallah (chef du Hezbollah) implanter des caméras sur les pistes. Cette
décision fut annulée au soir du règlement du conflit le 21 mai 2008. Edouard Belloncle
affirme que le processus de réforme engagé et soutenu par les occidentaux doit « outre
éliminer l’influence syrienne […] prendre en compte les relations entre les services de
renseignement et le politique. En effet si les services ont été habitué à interférer ans la vie
137
politique le politique lui aussi s’ingère aussi souvent dans le travail de renseignement ».
Et l’auteur de rappeler les bénéfices que tireraient les libanais d’une réforme inspirées par
les principes théoriques de la réforme des services de sécurité
134
Edouard Belloncle, Les évènements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban, Maghreb Machrek n°193
Automne 2007 Les nouvelles guerres du monde arabe.
135
136
137
idem
idem
idem
Bargel François - 2008
73
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Souveraineté du territoire libanais et rôle du Hezbollah:
Le Rapport USSD Human Rights Report 2005 affirme qu’en dépit de la fin de l’occupation
du Liban par la Syrie, les ingérences de ce pays dans les affaires du Pays du Cèdre
continuent. Les milices palestiniennes et le Hezbollah contrôlent des parties significatives
du territoire et agissent comme des supplétifs du pouvoir syrien. Le Hezbollah, tout comme
les services de sécurité libanais hors de contrôle, sont les principaux obstacles à la sécurité
des citoyens. La question des armes du Parti de dieu et du contrôle des services de
renseignements par le gouvernement est une des priorités pour la réforme des services de
sécurité. Mais le Hezbollah, en plus d’être la seule milice à ne pas avoir désarmé, est un
parti de gouvernement contrôlant le sud du pays et certains départements des services de
sécurité. Il s’agit donc d’un réel challenge pour la réforme du secteur de la sécurité au Liban.
En effet, les forces de sécurité intérieures ne peuvent pour l’instant pas tenir la comparaison
face à une milice qui a tout d’une armée régulière. La question du Hezbollah déterminera
138
donc si oui ou non l’Etat dispose du monopole de « la violence légitime » au sein du
pays ce qui est la clef de son autorité. Pour mieux comprendre le danger que représente
le Hezbollah pour le processus de réforme des services de sécurité (RSS) il faut remonter
aux origines de ce mouvement.
Le Hezbollah (Parti de dieu) à été crée suite à l’invasion Israélienne de juin 1982. Des
religieux shiites libanais se trouvaient alors à la conférence islamique annuelle à Téhéran.
Le Sheikh Subhi Tufeili et le Sheikh Ragheb Harb acceptèrent l’aide proposée par l’Iran qui
envoya ses Gardiens de la Révolution à Baalbek dans la vallée de la Bekaa. Beaucoup de
ses premiers leaders venaient du parti Amal et étaient déçus du tournant laïc qu’il avait pris
sous l’égide de son leader Nahib Beiri. Celui-ci était en effet pris entre deux feux : il accepta
l’accord du 17 mai 1983 et refusa de rejoindre le Font de Salut Public soutenu par la Syrie.
Le leader actuel du Hezbollah Hassan Nasrallah, présent dès la création du mouvement,
a quitté Amal pour le parti de dieu. Dès sa genèse, ce parti est soutenu financièrement et
militairement par l’Iran qui forme ses membres dans sa base de Baalbek. Malgré diverses
attaques menées par les Etats-Unis et Israël pour détruire sa chaine de commandement, le
Hezbollah a survécu et s’est imposé comme un acteur politique majeur au sein de la société
libanaise. Comme l’affirmait Bryan R Early dans son article “Hezbollah larger than a Party yet
139
smaller than a State” (Hezbollah plus qu’un parti mais pas encore un Etat). Après le retrait
Israélien jusqu'à la rivière Awali en 1983, les militants du Hezbollah cherchent à prendre
pieds dans la banlieue Sud de Beyrouth considéré comme un bastion d’Amal. Fin 1984, le
Hezbollah a supplanté ce parti comme « organisation de tête » pour les shiites. Une fois
la position de l’organisation consolidée, la Shoura (conseil qui dirige le Hezbollah) décide
de publier le Manifeste du Parti le 16 Février 1985. Le texte affirme que le Hezbollah n’est
pas un parti mais une partie de la nation islamique toute entière. Le seul lien qui unit ses
membres idéologiquement et politiquement est l’Islam. Le texte continue en affirmant que
Chaque membre est un soldat prêt à mourir pour la cause. Plus tard le parti affirme chercher
à résister culturellement et politiquement à l’occident et aux régimes alliés des Etats-Unis
tels que l’Arabie Saoudite. La première guerre du Golf (1991) entraîne une augmentation
de sa popularité et du nombre de ses adhérents.
138
Max Weber, Le Savant et le politique ( 1919), trad. J. Freund, E. Fleischmann et É. de Dampierre, Éd. Plon, coll. 10/18, p.
124. « Max Weber définit l’État moderne par le monopole de la violence physique légitime. Cela signifie qu’en interdisant l’usage
privé de la violence, l’État se réserve l’exclusivité du recours à la violence, ou à la contrainte jusitifiée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
de ses frontières » http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/le-monopole-de-la-violence-legitime-max-weber/
139
74
Bryan R. Early « Hezbollah larger than a Party yet smaller than a State » World affairs Volume 168 n°3 Winter 2006.p 115
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
L’organisation interne du Hezbollah est de plus en plus connue : la Shoura comprend
7 membres avec un secrétaire général. Toutes les décisions sont prises en commun le
secrétaire général n’a qu’un rôle de coordination. Les membres de ce conseil sont élus
tous les deux ans. Un autre organisme est le bureau politique composé de douze membres
tous élus au Parlement. Le « chef spirituel » de l’organisation est l’Ayatollah Sayyed
Mohammed Hussein Fadlallah qui n’a pas de lien officiel avec le Parti de Dieu mais qui
est respecté par celui-ci. En 1992, le Parti rentre au Parlement et gagne 8 sièges plus 4
sièges à des alliés politiques. En 2006, l’organisation shiite livre une guerre sans merci à
Israël après avoir provoqué l’intervention de l’Etat Hébreu en kidnappant un des soldats de
140
Tsahal. Livrant une guerre asymétrique (« Quand l’adversaire choisit volontairement de
contourner cette lutte inégale, en usant de moyen asymétrique, la supériorité technique ne
141
permet plus d’assurer un avantage décisif » ) qui empêcha l’armée Israélienne d’exploiter
sa supériorité technologique, le Hezbollah parvint à encaisser le premier choc et fit subir une
guérilla terrible à son adversaire. Les Israéliens, qui avaient anticipé un conflit court, furent
rapidement démoralisés et désorganisés. Après le retrait israélien, le Hezbollah, par la voix
de son chef Hassan Nasrallah accusa le gouvernement de Fouad Siniora de duplicité et
d’œuvrer à la perte du parti de dieu ouvrant ainsi une crise qui ne s’est refermée qu’a la fin
du mois de Mai 2008. Le Figaro, dans son édition du 10 mai 2008, détaillait ainsi les étapes
successives de la crise : « C'est une guerre civile larvée qui a commencé en novembre 2006,
lorsque six ministres, dont les cinq représentants de la communauté chiite, ont démissionné,
ouvrant une crise politique qui n'a cessé de s'aggraver depuis. L'opposition prosyrienne,
conduite par le Hezbollah, refuse de reconnaître la légitimité du gouvernement Siniora et
exige le droit de bloquer toute décision de l'exécutif. La désignation du président de la
République, prévue à l'automne dernier, n'a toujours pas pu avoir lieu, alors qu'un consensus
s'est dégagé sur le nom du général Michel Sleimane, chef d'état-major de l'armée. Pour
permettre l'élection du chef de l'État, l'opposition veut que soit entériné son pouvoir de veto et
qu'une révision de la loi électorale soit mise en route. L'impasse est totale. Le pays est divisé
en deux. L'affrontement vient de dégénérer en guerre ouverte lorsque le gouvernement a
voulu s'en prendre à l'État dans l'État que s'est constitué le Hezbollah. Sont en cause le
système de sécurité de l'aéroport de Beyrouth, passé sous le contrôle de la milice chiite, et
le réseau de télécommunication qu'elle a mis en place pour son propre compte à travers le
pays.Le parti chiite pro-iranien a réagi en bloquant l'aéroport de la capitale et en prenant le
contrôle de quartiers sunnites de Beyrouth-Ouest. Les médias appartenant à la famille Hariri,
142
principal soutien du gouvernement Siniora, ont dû fermer » . Cet épisode a démontré
une fois de plus la faiblesse du gouvernement Libanais incapable de s’imposer face aux
milices. Pendant les affrontements le Ministre des Télécommunications (Marwan Hamadé)
contacté par le Figaro « a pris un profil bas. «Je ne peux pas vous voir maintenant. On
est planqués», aurait dit au téléphone cet homme politique respecté, numéro deux du Parti
143
socialiste populaire (PSP) du Druze Walid Joumblatt » . La crise se termina le 21 Mai 2008
par la conclusion d’un accord à Doha (Qatar) sous l’égide de la ligue Arabe. L’accord divisé
en trois parties prévoit tout d’abord l’élection immédiate à la présidence de la République
du chef d’Etat Major Michel Sleimane. Puis dans sa seconde partie il détaille la mise en
140
La démocratie Israélienne face à la guerre asymétrique de l’été 2006 : les enjeux d’une défaite militaire, Sami Makki
Maghreb Machrek n°193 Automne 2007 Les nouvelles guerres du monde arabe.
141
Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar, les guerres asymétriques : conflits d’hier et d’aujourd’hui, terrorisme et
nouvelle menace, IRIS – PUF, Paris 2002 , p. 30
142
143
Le coup d’Etat du Hezbollah éditorial de Pierre Rousselin 10 mai 2008, le figaro.fr
L’ouest de Beyrouth aux mains du Hezbollah, le Figaro 9 mai 2008 Pierre Prier
Bargel François - 2008
75
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
place d’un gouvernement d’Union Nationale composé de 30 membres, 16 appartenant à
la majorité, 11 à l’opposition et 3 devant être nommé par le nouveau Président. Comme le
faisait justement remarquer le Journal le Monde « Cette composition revient à accorder aux
loyalistes une majorité et à l'opposition une minorité de blocage qu'elle réclamait depuis dix144
huit mois ». La dernière partie de l’accord renvoi à la création d’une nouvelle loi électorale
pour les élections de 2009. L’accord évoque aussi le "renforcement de l'autorité de l'Etat sur
la totalité du territoire et sa relation avec les différentes organisations, de manière à garantir
la sécurité de l'Etat et de ses citoyens " qui est une référence implicite à la question de
l’armement du Hezbollah Le Monde soulignait par ailleurs « l'engagement de tous à ne pas
recourir à la violence verbale et politique, mais surtout militaire, pour régler les problèmes
145
intérieurs » et citait le premier ministre qatari, cheikh Hamad ben Jassem Al-Thani, qui
« a précisé mercredi que l'accord comporte une clause interdisant tout recours aux armes à
des fins politiques. Quant au président du Parlement libanais, Nabih Berri, l'un des leaders
de l'opposition, il a annoncé la levée mercredi du sit-in observé par l'opposition depuis fin
146
2006 dans le centre-ville de Beyrouth ».
4. Que fait l’Union au Liban ?
L’Union européenne à mis en place une stratégie par pays pour le Liban qui répondent
aux objectifs fixés par la Stratégie Européenne de sécurité publiée en 2003 qui vise à
147
garantir la sécurité de l’Union en assurant la stabilité de ses voisins . Cet instrument
de la Politique de voisinage et de partenariat détaille les ambitions et les programmes
de l’Union sur la période 2007-2013. Le document affirme que « le Liban a été invité
à intensifier ses relations politiques, sécuritaires, sociales, économiques et culturelles et
à assumer une responsabilité commune en matière de prévention et de résolution des
conflits ». Pour ce faire, la République Libanaise a pris part à des négociations avec l’Union
européenne concernant l’élaboration d’un plan d’action commun qui se sont achevées en
mai 2006. Le document de stratégie par pays vise à soutenir le programme de réformes
démocratiques du Liban et à favoriser les perspectives économiques du pays, notamment
par l’opportunité d’accéder au marché unique européen. L’Union rappelle par ailleurs
que « dans une déclaration ministérielle de juillet 2005, le gouvernement a exposé un
vaste programme de réformes politiques et économiques essentielles et l’a présenté à
la communauté internationale en septembre 2005. Bien que tous ces efforts aient été
interrompus le 12 juillet 2006 [début du conflit opposant Israël au Hezbollah], ils restent
d’actualité et sont à présent encore plus essentiels au rétablissement de la stabilité et de
148
la paix dans la région ». Le document détaille les priorités de son action en matière
de droit de l’homme et de la sécurité. Tout d’abord l’Union souligne le besoin de réforme
du système judiciaire afin qu’il soit plus transparent et respecte les droits de l’homme
notamment en réduisant l’usage de la détention préventive (Un tiers des détenus au Liban
n’a pas été jugé). L’Union a soutenu la commission parlementaire mise en place en 2006
qui a rédigé un plan d’action nationale pour le respect des droits de l’homme. Le deuxième
144
145
146
147
« L'accord de Doha ouvre la voie à l'élection de Michel Sleimane à la présidence du Liban », Le Monde 21/05/2008
Idem
Idem
« La PEV contribuera aussi à réaliser l’un des objectifs stratégiques que l’UE s’est fixé dans la stratégie européenne de sécurité
en décembre 2003, à savoir garantir la sécurité de notre voisinage » Document de Stratégie par pays Liban 2007-2013 p 5
148
76
Idem p.6
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
chantier est celui de la lutte contre la corruption que le gouvernement prend très au sérieux.
Une loi anti corruption a été rédigée en 2002 mais elle n’a toujours pas été adoptée. En
matière de sécurité à proprement parler le document affirme que « À plusieurs reprises, le
gouvernement s’est dit préoccupé par la situation fragile de la sécurité intérieure et a appelé
l’UE à soutenir la réforme du secteur de la sécurité. Une priorité des réformes réside
dans le développement de la capacité administrative des principaux acteurs de la sécurité,
notamment les autorités chargées de faire appliquer la loi, les organes de gestion et de
surveillance de la sécurité et les institutions judiciaires. Le Liban doit garantir la cohérence
de la gestion et du fonctionnement du système de sécurité avec le respect des droits
149
de l’homme et des normes démocratiques ». On retrouve ici les concepts théoriques
développés dans notre première partie et les limites qu’ils sous entendent. Enfin l’Union
rappelle le problème des refugiés palestiniens. Sans statuts propres, ceux ci sont dans une
misère noire et qui, en plus d’être harcelés par les différentes factions libanaises, peuvent
être une menace pour la sécurité comme l’a démontré l’attaque du Fatah al Islam contre
l’armée. « l’Union européenne a régulièrement attiré l’attention sur le sort des réfugiés
palestiniens, pressant le gouvernement libanais de prendre des mesures pour améliorer
leurs droits, ainsi que la situation humanitaire des réfugiés hébergés dans les camps et
soulignant que de mauvaises conditions sociales, économiques et de vie ont pour corollaire
150
le désespoir et l’extrémisme ». L’Union cherche donc à accompagner le Liban et son
processus de réforme. Néanmoins les auteurs de ce document admettent que « Bien que
la nécessité des réformes soit largement reconnue au Liban, la vraie difficulté pour le pays
151
consiste à parvenir à un consensus national autour d’un programme de réforme ». Peu
importe la bonne volonté des donateurs internationaux, seul un consensus entre les factions
libanaises (Comme le dialogue national initié après le départ des syriens) peut permettre
aux réformes d’avoir un réel impact.
Le rapport affirme que « La garantie de la sécurité et le respect de l’état de droit
figurent parmi les principales priorités du gouvernement libanais. La mise en œuvre des
réformes requiert un environnement paisible en matière de sécurité. Le gouvernement
libanais a soumis une demande directe d’aide communautaire dans ce secteur. La formation
des forces de sécurité nationales, la formation de la police, la réforme du secteur de la
sécurité, ainsi que des projets de gestion des frontières pourraient être envisagés en vue
152
d’accroître la coopération dans le secteur de la sécurité
». Cet aspect de formation
est aussi l’apanage des Etats membres et le rapport envisage une division technique du
travail entre les Etats membres qui ont une action bilatérale et les programmes régionaux
de l’Union Européenne. « La coopération en matière de justice et de sécurité est une
priorité commune de l’UE et de plusieurs partenaires du voisinage avec le Sud. Les actions
régionales prévoient une coopération judiciaire relative aux questions transfrontalières, aux
réseaux de la criminalité organisée et à la traite d’êtres humains et aux migrations, ainsi
que des échanges de bonnes pratiques. Elles complèteront les actions menées au niveau
bilatéral avec le Liban, qui porteront sur le renforcement des institutions et la mise en œuvre
153
de stratégies nationales ».
149
150
151
Idem p.6
Idem p.7
Idem p.12
152
153
Idem p.19
Idem p.17
Bargel François - 2008
77
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
« Le projet «Sécurité et état de droit» constitue un exemple récent de coordination
locale particulièrement régulier et fructueux. Un groupe restreint d’États membres (France,
Royaume-Uni, Allemagne et présidence finlandaise) a suivi chaque étape de l'élaboration du
projet et devrait rester opérationnel au cours de sa mise en œuvre. D’autres États membres
sont régulièrement informés de l’évolution des travaux. La coordination avec les principaux
154
donateurs hors UE (États-Unis, Canada et Australie) a également été organisée ». Cette
dernière analyse à été confirmée par mes diverses interviews, le sous directeur du SCTIP
à affirmé travailler avec les services américains de manière très satisfaisante dans les
territoires méditerranéens. De plus, les ASI des différents pays européens et les américains
se réunissent de manière régulière afin d’échanger des informations et mutualiser leurs
efforts.
Figure 5 Budget indicatif de la Stratégie Européenne pour le Liban
Comme on peut le constater dans ce tableau, l’aspect « soutien aux réformes
politiques » s’il est important, reste mineur comparé aux deux autres chantiers entrepris par
l’Union dans le Pays du Cèdre. Néanmoins, il faut toutefois souligner que l’Union reconnaît
explicitement l’importance de la réforme du Secteur de la Sécurité et le renforcement de la
chaîne judiciaire en affirmant qu’il n’y aurait pas de développement économique sans un
système judiciaire fiable. Le soutien aux réformes politiques se divisera en deux parties elle
mêmes échelonnées dans le temps.
Figure 6 Détail du Budget indicatif pour le soutien aux réformes politiques (2007 2010)
Le soutien à l’efficacité et à l’indépendance du système judiciaire se veut principalement
un soutien institutionnel se concentrant sur les aspects qualitatifs du système : rapidité des
procédures, formation adéquate des membres des corps judiciaires. L’accord de Taef en
son temps avait identifié la réforme du système judiciaire comme l’une de ses priorités : les
parlementaires avaient ainsi affirmé « En vue de renforcer l'indépendance de la justice, un
nombre déterminé de membres de la Cour suprême sera élu par le corps des magistrats ».
L’accent principal reste mis sur la lutte contre la corruption « « La lutte contre la corruption
figure parmi les priorités du programme de travail du gouvernement présenté en juillet 2005.
154
78
Idem p.22
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
Une loi anticorruption a été élaborée en 2002. L’aide octroyée par la CE au Liban doit
renforcer les mesures de lutte contre la corruption par le biais de la mise en œuvre effective
d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption, en ce compris le cadre institutionnel
et sa capacité de mise en œuvre et une campagne publique de sensibilisation et de
155
promotion » En matière de coopération policière, il est intéressant de noter qu’Europol,
bien qu’ayant la capacité juridique de conclure des accords internationaux, n’a pas mis en
place de coopération spécifique dans ce domaine avec la police Libanaise.Le CEPOL dans
le cadre de son programme Euromed I à offert des formations aux Chefs de service Libanais.
Les thèmes principaux de ces séminaires étaient les suivants: la lutte contre le terrorisme, la
lutte contre le trafic de drogue, la lutte contre l’immigration clandestine et le crime organisé
de manière plus générale. Un séminaire était prévu au Liban mais il a été annulé à la
demande des autorités libanaises suite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq
Hariri le 14 février 2005 à Beyrouth. Les officiers Libanais sont partis prenantes dans MEDA
II même si la présence d’officiers israéliens entraine de nombreuses tensions notamment
pour les officiers des FSI ou les membres des forces armées proches du Hezbollah.
5. Le rôle de la France au Liban
La France par le biais de son ASI a quat à elle menée une action conjointe avec celle
de l’Union Européenne. Lors de l’Interview de l’adjoint au sous directeur du SCTIP le
Commissaire Matthieu Clouzeau j’ai pu en savoir plus sur la coopération Franco libanaise et
l’importance de l’Union dans le financement des projets préparés par les ASI. Les résultats
des différents projets sont très encourageants : une école pour la formation à la gestion
des scènes de crime (Police scientifique) et notamment des attentats à été créée. La
police scientifique est donc moins dépourvue que semblait l’affirmer les Britanniques dans
156
le rapport du Home office . D’autres actions sont à l’étude : un projet pour améliorer la
sécurité aéroportuaire à Beyrouth sur FSP et l’on prévoit la création d’une école Libanaise
de Police (avec une formation de la gestion des foules par les FSI car les militaires sont
actuellement chargés de gérer les foules).Un projet plus global de renforcement de la
chaîne pénale est à l’étude (Police judiciaire et pouvoir judiciaire) sur financement de l’Union
Européenne .La coopération avec les forces libanaises (FSI) se passe bien, l’action de
la France est d’autant plus appréciée qu’elle est vue comme une alternative à l’action
des américains très mal vus par une partie de la population. En matière de coopération
militaire la France n’est pas en reste, « l’objectif est double : offrir une formation de qualité
aux personnels de l’armée libanaise et participer au maintien du niveau opérationnel de
ses équipements pour lui permettre d’assurer ses missions. C’est une question d’actualité
puisque l’armée libanaise est engagée sur le terrain, à la fois dans des opérations de
maintien de l’ordre et de recouvrement de l’autorité sur l’ensemble du territoire mais aussi
dans des combats actifs comme récemment dans le nord, à Nahr el Bared, contre des
157
mouvements terroristes ». La France est le deuxième partenaire militaire du Liban en
matière de coopération. « Depuis le printemps 2005, nous aidons l’armée libanaise à
remettre en état les matériels pour lesquels nous disposons de compétences techniques
au sein de l’armée française. Nous avons multiplié les missions d’expertise et d’évaluation
155
156
Document de Stratégie par Pays Liban 2007-20013 p.24
Country of Origin Information Report (British Home Office), The Lebanon, July 2006 Internal Security Section “Even the most
basic equipment, such as forensic tools required to perform DNA tests, were lacking”
157
Interview de Monsieur Bernard Emié, ambassadeur de France au Liban (2004-2007) paru dans le magazine Frères d’armes
spécial Liban n° 255
Bargel François - 2008
79
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
et nous avons augmenté les dons de matériels indispensables à la reconstruction de cette
armée. De plus, des experts militaires français viennent régulièrement au Liban pour former
leurs homologues. […] nous avons pris le parti important de rééquiper une armée qui en
avait bien besoin compte tenu des conditions qui prévalaient dans la dernière décennie.
Un effort considérable a été effectué avec la cession gratuite de nombreux matériels,
158
équipements et munitions ». « Les 6 et 7 novembre 2006, la première Commission mixte
de coopération militaire bilatérale franco-libanaise a confirmé le souhait libanais de voir
s’accroître la coopération avec les forces françaises. Un plan de coopération conséquent a
été validé à cette occasion. L’objectif général de la coopération bilatérale franco-libanaise
159
est de contribuer à la montée en puissance de l’armée libanaise ».Une partie des officiers
libanais est formée en France dans les domaines de la marine du déminage et des troupes
de montagne. De plus, un logiciel de simulation tactique (Janus) à été fourni aux Ecoles
d’officiers Libanaise. Comme nous l’avons expliqué dans la partie précédente la majeure
partie des officiers des FSI sont des militaires de carrière c’est pourquoi « La formation des
personnels des Forces de Sécurité Intérieure est menée en partie par la Gendarmerie. Elle
concerne les techniques du maintien de l’ordre ainsi que celles liées au travail de police
160
judiciaire ». La France mène donc des actions auprès des FSI mais aussi de l’armée
touchant ainsi les différents acteurs de la sécurité intérieure.
« La coopération militaire française au Liban en 2007 en chiffres
Personnels
Budget
Cessions diverses
Stages en France
Enseignement du Français
Missions de courte durée
161
»:
3 coopérants militaires français depuis le 1er Aout
1 253 795 EUROS (doublé par rapport à 2003).
8 600 000 euros
70 places offertes
600 personnes formées.
12 (Total cumulé de 865 jours au 26 Octobre 2007)
De fait, la France à coordonné son action avec les Etats-Unis et la Grande Bretagne.
Tandis que la France s’occupe de la réforme du secteur de la sécurité en faisant un
inventaire et des audits des Forces de Sécurité civiles (FSI notamment), le Royaume Uni lui
se charge de proposer une réorganisation des nombreux services de sécurité sous l’autorité
du Ministère de la défense dont les attributions se chevauchent. Les Etats-Unis quant à
eux auraient reçu une demande d’assistance du gouvernement Libanais pour sécuriser la
Frontière Libano-syrienne. Cette sécurisation se ferait par le biais d’installation de matériel
162
de surveillance et de contre mesures automatiques en cas d’intrusion . De plus, du fait de
la multiplication des attentats et autres voitures piégées, des équipes d’enquêtes (3) du FBI
ont été envoyées depuis juin 2005 pour faire la lumière sur les attentats qui coutèrent la vie
au journaliste Samir Kassir, et qui manquèrent de peu May Chidiac pilier de la Lebanese
158
159
160
idem
Point de situation sur la coopération militaire franco-libanaise, Frères d’armes spécial Liban n° 255
Idem
161
162
Idem
“The U.S., France and UK are helping overhaul the security sector. France is compiling an inventory and audit of security
forces, and a blueprint for reconstruction of the security sector of security services; and the UK is helping to streamline multiple and
overlapping security agencies under the defence ministry. The U.S. reportedly was asked by the government to assist in securing the
mountainous frontier with Syria with physical barriers, lethal platforms and sensors”. Crisis Group interviews with Western diplomats,
Beirut, October 2005 in LEBANON: MANAGING THE GATHERING STORM, Middle East Report N°48 – 5 December 2005 p.9
80
Bargel François - 2008
III) La coopération policière en Turquie et au Liban
Broadcasting Corporation (LBC), et le ministre de la Défense Elias. La France à elle aussi
163
envoyé une équipe d’enquêteurs sur l’affaire Kassir à la requête de la femme du défunt .
Pour conclure, l’accent mis sur l’action de la société civile dans le programme de l’Union
est très important malgré les réserves émises sur leur réelle efficacité dans notre première
partie. Ainsi le document stratégique pour le Liban affirmait « La mise au point d’une stratégie
pour les droits de l’homme au Liban doit être durablement soutenue par la CE afin de garantir
la promotion des droits de l’homme, la consolidation de la liberté des médias et de la liberté
d’expression, ainsi que des droits des femmes et des enfants. Ce travail doit être mené à
tous les niveaux par le biais d’une coopération étroite avec la société civile d’une part, et
avec le gouvernement libanais d’autre part. Dans le cadre de la politique européenne de
voisinage et du plan d’action, les organisations de la société civile se sont déjà montrées
très intéressées à l’idée de suivre le processus et de jouer leur rôle de vigile dans tous
les domaines. Elles souhaitent être étroitement associées au travail des sous-comités et
164
être consultées régulièrement. Ce programme vise précisément à soutenir ces efforts ».
Toujours est-il que la corruption n’est que l’un des nombreux maux qui touchent le Liban.
Ainsi, le Journal israélien Haaretz affirmait récemment qu’à chacune des trop nombreuses
crises que connait le Liban les producteurs de cannabis avaient eu une récolte record.
L’armée est trop débordée par sa tâche de maintien de l’ordre pour se préoccuper de la
lutte anti drogue (la plus grosse récolte en date fut en juillet 2006 lors de « l’agression
israélienne »). L’auteur de l’article anticipait donc une grosse récolte cette année au vu des
évènements de Mai 2008. Le journal rapporte que même en temps de paix les forces de
police hésitent à intervenir contre les plantations de cannabis car les producteurs et leurs
165
hommes de main sont lourdement armés . Le journal arabe Al Hayat basé à Londres
estime que plus de 10 117,14 hectares de cannabis sont cultivés au Liban cette année ce
qui selon tout vraisemblance permettra une grosse production de Haschisch à destination
du marché Israélien et Européen
163
164
165
Idem
Document de Stratégie par Pays Liban 2007-20013 p.24
As fighting flares up, Lebanese cannabis growers expect a bumper crop, Zvi Bar'el , Haaretz 14/05/2008
Bargel François - 2008
81
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Conclusion
L’Union Européenne est donc confrontée à de nouvelles menaces auxquelles « aucun pays
166
n'est […] en mesure de faire face, seul ». Les Etats membres comme la France cherchent
à réagir en réformant leur doctrine militaire et en adaptant leurs forces de sécurité aux
dangers du monde actuel. L’Union cherche de son côté a renforcer la coopération avec
les pays tiers en affirmant que « La meilleure protection pour notre sécurité est un monde
fait d’États démocratiques bien gouvernés. Propager la bonne gouvernance, soutenir les
réformes sociales et politiques, lutter contre la corruption et l’abus de pouvoir, instaurer l’État
de droit et protéger les droits de l’homme: ce sont là les meilleurs moyens de renforcer l’ordre
167
international ». L’idée sous jacente du discours européen est de pousser à la Réforme
des Services de Sécurité dans les pays limitrophes en assurant un contrôle effectif du
gouvernement sur les forces armées (Police et Armée). Il s’agit aussi de modifier les objectifs
de l’appareil sécuritaire afin qu’il protège les populations avant de protéger les institutions.
Mais ces objectifs se heurtent aux besoins d’efficacité de la coopération policière. L’Europe
cherche à obtenir un « retour en sécurité intérieure » et essaye de renforcer les capacités
d’intervention des polices locales afin qu’elles puissent coopérer sur les domaines clefs
tels que la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et l’immigration clandestine. Si les
polices européennes cherchent à montrer l’exemple d’une police démocratique dans un
Etat de droit, ils savent que les gouvernements autoritaires du Sud de la Méditerranée ne
sont pas prêts à faire des concessions en termes de droits de l’homme. La situation est
très bien résumée par Antoine Basbous (Le directeur de l'Observatoire des pays arabes)
« En réalité, la principale préoccupation de ces dirigeants n'est pas d'intégrer un club de
démocraties méditerranéennes, mais de sanctuariser leurs régimes et de maintenir leurs
clans au pouvoir. Tout projet de modernisation menace leur souveraineté, leur pérennité
politique. Donner la liberté à leur peuple, instaurer un État de droit ou offrir à leur jeunesse
une véritable perspective, cela n'est pas à l'ordre du jour.[…] Au fond, la plupart des
régimes concernés voudraient «cueillir» la contribution financière européenne sans avoir à
bouleverser le quotidien de leur population, ni réformer leur gouvernance.[…] Certains pays
du sud et de l'est de la Méditerranée redoutent surtout que des libertés accordées à leurs
citoyens ne débouchent sur leur renversement et que le courant d'air toléré ne se transforme
168
en tempête qui les emporterait comme la perestroïka avait achevé l'URSS »..
De plus, la RSS reste difficile à mettre en place lorsque l’Etat n’a pas les structures
nécessaires pour s’imposer face aux différentes milices. Toutefois, le statut quo n’est pas
une solution car « In fine, [il] ne profite qu'à la mouvance islamiste, adossée aux mosquées,
dont les régimes ne peuvent empêcher la fréquentation. La Mosquée devient l'alternative
169
au Palais ». C’est pourquoi les actions de l’Union et des Etats membres qui sont le plus
souvent bien coordonnées ont un rôle important à jouer dans la région. Les projets de la
166
167
168
Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003, p.1
Idem
Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008
169
82
Idem
Bargel François - 2008
Conclusion
présidence Française de l’Union peuvent permettre une avancée majeure dans le cadre de
170
la coopération policière sujet peu abordé par les projets institutionnels européens .
D’après le Commissaire Divisionnaire Clouzeau, plusieurs programmes sont à l’étude
dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée et notamment un projet de coordination des
moyens en matière de Sécurité Civile. Ce projet de Centre Méditerranéen de Protection
Civile recueille un large consensus et permettrait une meilleure formation des équipes de
sécurité civile au sud de la Méditerranée et serait aussi basé sur des échanges d’experts.
Cette proposition est née du besoin de coordination ressenti lors des grands feux de forêt
l’été dernier. Un autre projet est celui d’un Centre Européen de Coopération et de Lutte
Anti-drogue (CECLAD), qui serait en charge de la surveillance maritime en méditerranée.
Basé à Toulon, il coordonnerait les actions à l’encontre des trafiquants. La France semble
déterminée à être pionnière dans ce dossier quitte à créer le centre pour être après rejointe
par les autres pays membres. Il s’agirait du pendant méditerranéen du MAOC-N (The
Maritime Analysis and Operations Centre – Narcotics) , un centre de lutte anti-drogue de
l’Union Européenne qui a ouvert ses portes le 25 juillet 2007 à Lisbonne. Un autre pendant
serait la sureté maritime (lutte contre le crime organisé et l’immigration clandestine par la
création d’unités de surveillance communes). Lors de la Conférence du 13 Juillet, les chefs
d’Etat ont par ailleurs fait de la lutte contre le terrorisme une priorité : « Les chefs d'Etat ou de
gouvernement réaffirment leur condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et dans
toutes ses manifestations, ainsi que leur détermination à l'éradiquer et à lutter contre ceux
qui le soutiennent ». Mais cette lutte doit être en conformité avec les standards européens
de protection des droits de l’homme. La Déclaration finale de l’Union pour la Méditerranée
y fait explicitement référence car les Etats s’engagent « a mettre intégralement en œuvre
le Code de conduite en matière de lutte contre le terrorisme afin d'améliorer la sécurité de
tous les citoyens dans un cadre qui assure le respect de l'Etat de droit et des droits de
l'homme, en particulier au moyen de politiques de lutte contre le terrorisme plus efficaces et
d'une coopération plus étroite pour faire cesser toutes les activités terroristes, protéger les
171
cibles potentielles et gérer les conséquences des attentats ». Avec de telles exigences,
la question de Platon dans La République «Sed quis custodiet ipsos custodes
pose toujours avec autant d’acuité.
170
172
» se
A ce sujet voir, Sophie Garcia Jourdan,L’Union Européenne face à la criminalité transnationale organisée, Cahiers de la
Sécurité intérieure, n°54, quatrième trimestre 2003, p.155-171
171
172
Déclaration finale de l’Union pour la Méditérannée, 13 juillet 2008
"Mais qui garde les gardes eux-mêmes ?", Juvenal, Omnia Romae, vi, 347
Bargel François - 2008
83
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
Annexes
Adaptation d'une chronologie parue sur le Monde.fr et
titrée « Le Liban l’incessant jeu des alliances »
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!
\
Situation politique du Liban, 2006 (Le Monde.fr)
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!
\
Interviews
■Compte-rendu de l’Interview de Mr Pierre Antonmattei le 22/05/2008,
à Paris
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!
\
■ Interview du Contrôleur Général de la Police Nationale Jean
Eric Lacour, Sous Directeur de la Coopération Technique et
Institutionnelle, le mardi 8 Avril 2008, à Nanterre.
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!
\
■ Compte-rendu de l’interview du Commissaire Divisionnaire Matthieu
Clouzeau, Adjoint au Sous Directeur de la Coopération Technique et
Institutionnelle, le mardi 8 Avril 2008, à Nanterre.
84
Bargel François - 2008
Annexes
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!
\
Le projet euro-méditerranéen quelle place pour la
société civile ?
● Article 12 de la déclaration des droits de l’homme est du citoyen (1789) : « le but
de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptible de
l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
Suivant cette définition le projet d’Union Euro méditerranéenne dont les buts affichés
sont aussi bien politiques qu’économiques se doit d’assurer ces droits. Pour ce faire l’Union
cherche à assurer le développement de la « société civile », vue par de nombreux auteurs
et analystes comme « le » remède pour imposer petit à petit un « espace de sécurité et de
stabilité » aux Etats de la région qui, de fait, ont une tradition de régime autoritaire. Quelles
sont les applications pratiques de ce principe dans l’Union et qu’entend t on par société
civile ?
La société civile est un concept de philosophie politique dont le sens à particulièrement
évolué au fil du temps. Sa relation par rapport à l’Etat est l’aspect le plus important de ce
concept : la société civile est-elle un rempart contre l’envahissement de la sphère privée
par l’Etat ou au contraire fait elle partie de l’organisation politique et donc de l’Etat ? La
conception de la « societas civilis » chez les romains est redondante : civitas signifie en effet
173
« la cité, le groupe politiquement organisé et la société des citoyens qu’elle rassemble » .
Pour Cicéron qui emploie quelque fois ce terme de société civile « la loi est le lien de la
174
société civile » . Il n’y a donc pas au début de différence entre l’Etat et la société civile
pour les penseurs antiques. Cette notion évoluera au fil du temps avec Hegel et Marx ;
Les penseurs marxistes développeront l’idée que l’Etat est une superstructure aux ordres
de la classe dominante détenant les moyens de production et la société civile doit s’en
émanciper pour parvenir à l’organisation d’une société sans classes sociales. Ainsi au fil
du temps la société civile longtemps indissociable de l’Etat a vu sa signification changer
pour apparaître comme un contre pouvoir aux régimes autoritaires (En Amérique du Sud
et dans les satellites soviétiques). La définition actuelle de la société civile étant l'ensemble
des institutions (famille, entreprise, association...) où les individus poursuivent des intérêts
communs sans interférence de I'Etat et, « selon des procédures qui leur sont propres,
175
élaborent des valeurs spécifiques » . Cette idée d’opposition à un ordre considéré comme
injuste est tout a fait présente dans le terme société civile internationale englobant les
altermondialistes les défenseurs des droits de l’homme. Beaucoup d’analystes semblent
penser que le développement d’institutions libérales extérieures à l’Etat (marché et société
civile) favoriserait la démocratisation du pays sans détailler plus les composantes d’un
tel processus. C’est la critique développée dans Les limites d’une démocratisation par la
société civile en Afrique du Nord de Jean-Noël Ferrié qui dénonce un phénomène de mode
173
174
175
Société civile : histoire d’un mot par François Rangeon Maître de conférence à l’Université d’Amiens
De Republica, I, 32 Cicéron
Y. Cannac, Le débat N° 26, 1983
Bargel François - 2008
85
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
quant au rôle de la société civile qui éviterait de se poser les bonnes questions. Qu’en estil des programmes de l’Union Européenne dans la région ? Sont-ils basés sur la même
idée et quels sont les résultats accomplis ? Dans une première partie nous aborderons les
programmes lancés par l’U.E. dans le cadre du projet Euromed (I) puis nous étudierons de
manière plus globale l’évolution de la société civile dans la Région (II).
Le Partenariat Euro méditerranéen : une volonté d’associer la société civile.
Orientations générales
Le lancement du Partenariat Euro- Méditerranéen en 1995 a été marqué par l’inclusion
de clause des droits de l’homme dans les accords d’association. De plus, pour montrer
l’engagement des Etats à inclure la société civile dans les négociations, un Forum Civil a
été organisé en parallèle de la conférence intergouvernementale.
La déclaration de Barcelone affirmait dans sa Première Partie :
« Dans cet esprit, ils s'engagent, par la déclaration de principes suivants, à :
Développer l'Etat de droit et la démocratie dans leur système politique tout en
reconnaissant dans ce cadre le droit de chacun d'entre eux de choisir et de développer
librement son système politique, socioculturel, économique et judiciaire ;
respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, ainsi que garantir
l'exercice effectif et légitime de ces droits et libertés, y compris la liberté d'expression, la
liberté d'association à des fins pacifiques et la liberté de pensée, de conscience et de
religion, individuellement ainsi qu'en commun avec d'autres membres du même groupe,
sans aucune discrimination exercée en raison de la race, la nationalité, la langue, la religion
176
et le sexe ; »
Puis dans la Troisième Partie :
« Ils reconnaissent la contribution essentielle que peut apporter la société civile
dans le processus de développement du partenariat euro méditerranéen et en tant que
facteur essentiel d'une meilleure compréhension et d'un rapprochement entre les peuples ;
En conséquence, ils conviennent de renforcer et/ou mettre en place les instruments
nécessaires à une coopération décentralisée pour favoriser les échanges entre les acteurs
du développement dans le cadre des législations nationales : responsables de la société
politique et civile, du monde culturel et religieux, des universités, de la recherche, des
177
médias, des associations, les syndicats et les entreprises privées et publiques ; »
De fait, la société civile s’est mobilisée dès le début de ce partenariat. Ainsi le REMDH
(Réseau Euro Méditerranéen des Droits de l’Homme) à été crée entre la conférence
intergouvernementale de Malte et de Stuttgart. Il s’agit d’une organisation issue de la
176
177
86
Déclaration de Barcelone, 27 et 28 Novembre 1995 http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=120
Idem
Bargel François - 2008
Annexes
coopération entre ONG nationales de défense des droits de l’homme. Elle comprend plus
de cinquante membres en provenance de 9 pays de l’union et de 10 pays méditerranéens.
Son action passe par le Lobbying auprès de la commission européenne (qui exécute
le budget) et le Parlement Européen (qui vote le budget et exerce une activité de contrôle)
Le Forum des Citoyens de la Méditerranée (FCM) a participé au Forum Civil de 1995 à
Barcelone il s’agissait de fonder un lien entre les peuples des deux rives de la méditerranée
il est présent à chaque moments importants du Partenariat sans être partie intégrante de
l’organisation institutionnelle de l’Union Euromed. La commission facilite les rencontres des
représentants de ce forum avec les institutions européennes.
La mise en pratique : les cas Algériens, Marocains et le statut des accords
d’association.
« L’accent est également mis sur le secteur social et la société civile avec un projet
de développement socio-économique dans le Nord-est algérien, une aide aux associations
algériennes de développement, la réhabilitation de projets dans des zones affectées par
le terrorisme dans six wilayas du Nord-est algérien, l’appui à l’enseignement supérieur par
le biais du programme «Tempus» de l’Union européenne et des subventions aux ONG
algériennes dans le cadre de l’Initiative européenne pour la Démocratie et les Droits de
l’Homme (IEDDH).
Quelques 230 millions d’euros ont été engagés, depuis 2000, au titre de MEDA.
Quatre nouveaux programmes ont été initiés: appui à la réforme des télécommunications
et de la poste (17 millions d’euros), assistance aux journalistes et médias (5 millions
d’euros), modernisation des forces de police (8 millions d’euros) et réforme de la formation
professionnelle (60 millions d’euros).Le programme pour la période 2002-2004 a couvert
quatre grands domaines: appui aux réformes économiques et aux institutions visant à
renforcer l’économie de marché, développement des infrastructures, développement des
ressources humaines et activités de soutien à l’Etat de droit et la bonne gouvernance.
La stratégie des partenaires insiste également sur les priorités sociales à respecter
parallèlement aux réformes économiques: renforcement des institutions algériennes;
promotion de l’Etat de droit (police, ONG, etc.); développement des ressources humaines
et de l’éducation, amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau.
Quelques 106 millions d’euros additionnels ont été prévus dans le cadre du partenariat
euro méditerranéen pour la période 2005-2006. Au total, l’Algérie a bénéficié, depuis 1995,
178
d’un financement de 397 millions d’euros engagés au titre du programme MEDA »
Ainsi le programme MEDA a cherché à favoriser l’Etat de droit et l’émergence d’une
réelle société civile, des leaders d’opinion par le biais de la formation des forces de sécurité
et des civiles (universitaires) et de la subvention aux associations non gouvernementales.
Il est à noter que cet engagement en faveur de la société civile et de la protection
des droits fondamentaux ne date pas du processus de Barcelone. Déjà en 1992 l’Union
Européenne avait suspendu son aide économique au Maroc pour la violation répétée des
droits de l’homme dans ce pays.
Les accords d’association qui ont suivi le Processus de Barcelone devaient
expressément permettre la mise œuvre de système de protections des droits ainsi que
l’émergence de la société civile. De fait ces clauses n’ont pas été remplies pour les accords
178
Brochure célébrant les 10 ans du partenariat Euro méditerranéen, p. 8 (2005)
Bargel François - 2008
87
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
d’association avec la Turquie et Israël. La Tunisie ne respecte pas ce principe pourtant cité
à l’article 2 de son accord d’association.
La société civile dans la région entre impuissance et développement
Le thème de la société civile est l’un des plus porteurs dans le domaine politique actuel.
Ainsi nombre d’Etats de la région ont cherché à mettre en place une libéralisation à la fois
politique et économique pour satisfaire les bailleurs de fonds ainsi que pour diminuer le
179
coût d’une répression dont l’utilité marginale était nulle . Nous verrons après une brève
approche théorique (A) le cas de la République de Turquie et du régime Marocain (B) qui
semblent au premier abord être des réussites de la libéralisation et du développement de
la société civile.
La démocratisation par la société civile : quels processus, quels partenaires ?
Jean Ferrié dans son article Les limites d’une démocratisation par la société civile en
Afrique du Nord (2003) critique les auteurs férus de la « good governance » qui affirment
qu’une démocratisation est possible par le biais de la société civile qui imposerait petit à petit
des règles aux gouvernements. S’il est vrai qu’un processus de libéralisation ne saurait être
totalement remis en cause par la volonté de l’Etat il n’en est pas moins que le développement
de la société civile est le fruit de la bonne volonté de l’Etat et non pas quelque chose qui
s’imposerait aux Etats. Ainsi la Libye a tenté un processus de réforme économique important
en 1988 qui fût vite balayé mais qui n’a pas ramené la société Libyenne au stade où elle
en était avant les réformes.
De fait, l’auteur rappelle les limites d’un tel processus sur les choix des gouvernants
les ONG constitutives de la société civile recherchent en effet la collaboration de l’Etat
bien plus que le conflit ouvert avec celui-ci. De même il va de soi que les entrepreneurs
ne sauraient être gagnants lors d’un bras de fer avec les gouvernement ceux-ci n’étant
de fait pas lié au destin des entreprises du pays tandis que les entrepreneurs dépendent
du bon vouloir de l’administration pour la bonne marche de leurs affaires (réglementation
accréditations déductions d’impôts). Les Etats de la région ont abandonné des pans entier
de l’économie et se retrouvent incapables (Socialisme de l’Egypte de Nasser ou en Algérie)
ou ne veulent pas (Sud Liban) mener à bien la production de services aux populations. Les
seules réussites politiques de ces Etats étant leurs politiques sécuritaires les maintenant au
pouvoir, la société civile est en fait la réaction de la société pour survivre face à ce « système
de pénurie ».
La stabilité des régimes autoritaires de la région à poussé les opposants à investir
la sphère de la production de service gagnant ainsi la légitimité nécessaire pour parler
au nom du peuple vis-à-vis des gouvernements et ainsi réintégrer la vie politique en tant
« qu’association de plaidoyer » auprès de l’Etat. L’exemple type est les Frères musulmans
en Egypte qui assure de nombreux services à la population et dont les membres sont
élus sous l’étiquette indépendant au Parlement Egyptien (Cet exemple vaut aussi pour le
Hezbollah libanais ou le Hamas Palestinien). De fait si les activistes politiques s’inscrivent
dans la création d’associations celles-ci ne sont tolérées que si elles ne remettent pas en
cause l’ordre politique établi. De plus la plupart des associations n’ont de fait qu’un but local
et ne sont pas des organisations politiques il s’agit tout au plus d’une défense d’intérêts
179
Les limites d’une démocratisation par la société civile en Afrique du Nord de Jean-Noël Ferrié Maghreb Machrek N°175
Printemps 2003
88
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Annexes
sectoriels qui ne nuît pas à l’autoritarisme libéral mis en place dans la région et permet
l’émergence de nouveaux décideurs technocrates co optés par le gouvernement.
De plus, la présence d’associations de service est un élément nécessaire à ces Etats
pour avoir accès à un certain nombre de financements qui sont directement versés à ces
associations. Il est vrai que la société civile peut porter les revendications de la population et
par ce biais apporter un vent de démocratisation. L’USAID en Egypte a cherché à associer
les élus, les ONG et les populations dans des actions concrètes avant de les pousser à
outrepasser leur fonction première en devenant des associations de plaidoyer. Mais de fait
les associations de doléance sont utiles aux gouvernements de la région en permettant une
remontée d’information sur l’état de l’opinion et permettant de déterminer les mesures à
prendre. De plus, cela assure une participation non politique de la part des gouvernés.
180
Ainsi on peut affirmer comme l’a démontré Bradford Dilman
que la libéralisation
économique a certes permis une ouverture vis-à-vis de la société civile mais à bien plus
permis aux Gouvernants de raffermir leur pouvoir au lieu de faire naître des contre-pouvoirs
au sein de la société.
La Turquie et le Maroc : une réussite à nuancer
Turquie : La Nouvelle étoile Européenne ?
La Turquie et le Maroc sont aujourd’hui considérés comme les régimes les plus stables
de la région : la Turquie est reconnue comme un candidat officiel à l’entrée dans l’Union
Européenne et le Maroc est salué pour les réformes mises en place par le jeune roi après
la mort de son père Hassan II. Mais il faut toutefois nuancer cette « success story » moyen
orientale : la démocratisation observée n’est que parcellaire et la société civile y est muselée
ou laisse place a des mouvements extrémistes qui rejettent cette vision d’une démocratie
modérée obtenue par une transition sans violence
L’Union Européenne dans son Rapport sur les Progrès de la Turquie en 2004 a noté
des améliorations positives dans le traitement des minorités sur la réforme de la Justice et
181
les droits de l’homme .
L’adoption d’un nouveau code pénal en 2005 a permis d’établir avec fermeté les
droits fondamentaux des minorités et des citoyens (liberté d’expression et de conscience).
Néanmoins il y a de nombreuses atteintes aux droits exercés par les forces de sécurité
notamment à l’Est du pays. Les libertés fondamentales sont très encadrées. La justice
turque n’apparaît pas capable d’appliquer la règle de droit vis-à-vis des officiers de
182
Police .L’article 301 du nouveau code pénal punit très sévèrement « les insultes vis-àvis de l’Etat ou de ses institutions ». Sa définition très large a permis de condamner et
d’emprisonner Hrant Dink en Octobre 2005 pour des propos tenus sur le génocide arménien.
180
181
182
« Facing the market in North Africa », The Middle East Journal volume 55 N°2, 2001 pages 165-181.
Turkey 2005 Progress Report, p.9 European Commission
Idem, page 23, « According to official statistics, of the 1 239 cases that were filed against law enforcement officials
in the first quarter of 2005, only 447 prosecutions were pursued. Moreover, there are concerns that when cases are pursued,
prosecutors still do not conduct timely and effective investigations against those accused of torture.[…] Convictions are rare and the
courts appear to be unable or unwilling to impose appropriate sanctions on those committing these crimes. In 2004, of the 1 831
cases concluded, 99 led to imprisonment, 85 to fines and 1 631 to acquittals. […] Police officers facing trial for such crimes are
frequently not removed from duty pending the outcome of the trial”
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89
La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne
La nouvelle loi sur les associations de 2004 établit de sévères restrictions sur les
183
activités supposées nuire à l’intérêt de la Turquie au mépris de l’au mépris de l’article 11
de la CEDH (Intégrité de l’Etat, Laïcité de la société turque). Les financements étrangers
doivent être autorisés par le gouvernement et les vexations sont multiples. Néanmoins
certaines associations Kurdes et arméniennes ont pu voir le jour après de multiples
rebondissements judiciaires et peuvent exercer leurs activités sous un sévère contrôle.
Le Maroc : « Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre »
184
Le Maroc fait quant à lui figure d’élève modèle du bassin méditerranéen : les réformes
libérales lancées par le Roi font l’unanimité parmi les observateurs et on loue la relative
liberté dont jouissent les sujets du royaume chérifien. Mais qu’en est-il de la société
civile ? S’est elle épanouie sous le règne du nouveau Roi et si oui en a-t-il résulté une
démocratisation de l’Etat Marocain comme le laisserait penser la théorie ?
L’histoire de la libéralisation du régime Marocain remonte à la fin du règne d’Hassan
II disparu en 1999: mais ce mouvement avait déjà été amorcé en 1998 par la nomination en
Février 1998 de A Yassoufi leader historique de l’opposition au poste de premier ministre.
Dans les faits un nouveau dialogue social et politique s’est crée au Maroc sous l’égide
du Palais : Elections en 1997, négociations puis signature d’un accord entre la CGEM
(confédération générale des entreprises du Maroc soutenu par le régime) et les principaux
syndicats en Août 1996 et un consensus politique rassemblant tous les courants politiques
autour des reformes institutionnelles ratifiées par un référendum en septembre 1996. Les
libérations successives de prisonniers politiques dans les années 1990 et la création d’une
rhétorique des droits de l’homme au sein même de l’Etat (création d’un ministère des
droits de l’homme en 1993) avaient lancé ce processus de libéralisation. Les années 1990
ont vu l’émergence de nombreuses nouvelles structures associatives qui flirtent avec le
monde politique ou restent dans leur statut d’associations pour le développement local.
Les élections législatives de 2002 ont permis de légitimiser cette idée de démocratisation
même si ces élections restent biaisées et n’influent pas sur le choix des gouvernants qui
reste la prérogative du Roi. La société civile est elle indépendante ? La CGEM cherche à
s’autonomiser du Ministère de l’intérieur à qui elle reste liée, d’autres associations telles
que le Forum Vérité Justice (FVJ) est un flagrant exemple de la libéralisation du régime au
niveau politique. Cette association créée pour empêcher la mise au placard des dossiers
de violation des droits de l’homme pendant le régime d’Hassan II. Il y a un changement
des pratiques de la monarchie qui réintègre les anciens prisonniers politiques et cherche à
préserver la paix sociale tout en conservant une réelle emprise sur la société. L’Etat crée
des structures mi-privées mi-publiques pour conserver le contrôle des associations mais
aussi pour satisfaire les doléances émises par les individus par le biais des associations.
L’Agence de Développement Social en est un réel exemple et cherche à placer le pouvoir
dans les mains d’un supposé technocrate pour mettre en place des partenariats avec les
associations.
La libéralisation du régime est donc réelle mais très contrôlée par le régime qui voit
se glisser parmi les associations des mouvements islamiques violemment opposés à la
monarchie et aux réformes.
Pour conclure nous pouvons reprendre les propos de Michel Camau « les régimes
sont eux-mêmes à l’origine de changements dont ils maîtrisent l’ampleur, la portée, de telle
183
184
90
Idem, page 27
Métamorphose et continuité du régime marocain, Maghreb Machrek n°175 Printemps 2003
Bargel François - 2008
Annexes
manière que la phase initiale de la transition, la libéralisation, peut s’avérer le moyen de
faire obstacle à la démocratisation
185
185
»
M Camau, « La transitologie à l’épreuve du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord », Annuaire de l’Afrique du Nord 1999,
tome 38, 2002, p.5
Bargel François - 2008
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