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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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pour identifier facilement les cellules grâce à des anticorps spécifiques. Les chercheurs ont donc sélectionné
quelques-unes de ces protéines, principalement en fonction de considérations pratiques (anticorps facilement
disponibles) pour servir de marqueur de la présence de ces cellules. C'est ainsi que la kératine 7, par exemple,
a été choisie comme marqueur (et brevetée en vue de l'éventualité du développement d'un kit de diagnostic).
Où le virus HPV revient en scène
« OK, on avait une nouvelle population de cellules, qui exprimait des gènes spécifiques; on avait des anticorps
spécifiques pour les identifier, maintenant il fallait savoir si cette population de cellules était reliée d'une
manière ou d'une autre à l'infection par le virus HPV responsable du cancer ! » Les chercheurs ont alors
cherché à voir si des cellules cancéreuses infectées par HPV exprimaient les mêmes gènes. Ils ont donc
examiné des biopsies de dysplasies CIN 1, 2 et 3 ainsi que de cancers avérés, tant de type épidermoïde que
glandulaire (adénocarcinome). Résultat : tous les cancers et les dysplasies de grades 2 et 3 exprimaient les
mêmes gènes que les cellules de jonction. Mais seulement 20% des dysplasies de grade 1. Qu'en conclure ?
Plusieurs choses importantes ! D'une part que les cancers et les lésions précancéreuses évaluées présentent
bien un lien de parenté avec les cellules de jonction; c'est donc bien dans ces cellules que les cancers du
col de l'utérus prennent naissance.
D'autre part, les observations sur les dysplasies de grade 1 avaient aussi une grande importance. On
se souvient que la grande majorité de ces dysplasies régressent spontanément. Or 80% d'entre elles
n'exprimaient pas les gènes des cellules de jonction… « Nous en avons déduit l'hypothèse que si HPV infecte
d'autres cellules que les cellules de jonction, la lésion va régresser spontanément après 6 à 12 mois. Si par
contre HPV infecte une cellule de jonction, cette infection sera persistante et évoluera à travers les différentes
étapes des dysplasies et du cancer. » Souvenons-nous que la question de départ, pour Michaël Herfs, était de
trouver un moyen de prédire quelles dysplasies CIN1 allaient régresser et lesquelles deviendraient agressives.
Aurait-il donc résolu cette question et ouvert du même coup la voie vers un marquage tumoral à valeur
pronostique ? C'est fort possible mais notre chercheur reste prudent. « Forcément, l'étude suivante,
maintenant, c'est de vérifier l'intérêt clinique et la valeur pronostique d'un tel marqueur. C'est pourquoi le Prof
Crum a demandé à tous les pathologistes de l'hôpital, à chaque fois qu'ils observent une dysplasie de grade
1, d'effectuer la recherche de notre marqueur (nous avons choisi la kératine 7 pour des raisons pratiques car
nous avions déjà cet anticorps). » Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, ce pronostic s'établit, faute de mieux, sur
trois critères relativement imprécis: un critère histologique (le grade 1,2 ou 3, qui est une cotation relativement
subjective donnée par l'examinateur), un critère viral (l'identification de la souche du virus HPV pour voir s'il
s'agit d'une des souches à risque de cancer ou pas) et un marqueur appelé p16 qui permet juste au pathologiste
de déterminer si le virus est présent ou non, mais qui n'a aucune valeur pronostique. Le p16 est d'ailleurs
positif également dans les infections à HPV du vagin, de la vulve, du rectum ou du pénis.
Encore quelques détails à préciser…
Mais ce n'est pas tout. Car pour pouvoir affirmer sans contradiction possible que les cellules de jonction sont les
seules cellules capables de donner naissance au cancer du col, il fallait également prouver que ce n'est pas le
virus HPV qui déclenche l'expression des marqueurs spécifiques dans les cellules infectées, mais que celles-ci
les expriment déjà à l'avance. En d'autres termes, que d'autres cellules (par ex dans la zone de transformation
TZ) ne se mettent pas à exprimer les mêmes gènes une fois infectées par le HPV. Pour ce faire, Michaël
Herfs et ses collaborateurs ont utilisé des cellules épidermoïdes de prépuce (les circoncisions en fournissent